Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 16 OCTOBRE 2013
(no 303, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 09728
Décision déférée à la Cour : sentence arbitrale rendue le 24 mai 2012- Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS-no
DEMANDERESSE AU RECOURS
Mademoiselle Joëlle X...... PARIS 75008 présente à l'audience, qui a présentée ses observations
DÉFENDERESSE AU RECOURS
SELARL Y..., Z..., A...... 75008 PARIS
représentée par Me Alexis de JEAN de la BÂTIE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 juin 2013, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de : Monsieur Jacques BICHARD, Président Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, Président-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile-signé par Monsieur Jacques BICHARD, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Selarl d'avocats Y...- Z...- A..., titulaire d'un bail professionnel portant sur des locaux sis... à Paris, a signé avec Mme Joëlle X..., avocat, le 10 février 2009 une convention de cabinet groupé, portant sur la jouissance par cette dernière, à compter du 23 février 2009 et pour un loyer global mensuel de 4600 ¿ HT, des bureaux 1 et 9 sis dans ses locaux, avec mise à disposition de services communs accessoires à l'usage desdits locaux.
Il était prévu le versement d'un dépôt de garantie équivalent à trois mois de loyer HT, réglé par Mme X... le 6 mars 2009 et ladite convention, conclue pour une durée indéterminée, pouvait être à tout moment résiliée, sous réserve d'un délai de prévenance de 6 mois.
Le 11 mars 2011, Mme X... a informé la Selarl de son intention de résilier son bail à compter du 31 mai 2011, soit après un préavis de trois mois seulement : par un courriel du 14 mars 2011, M. Z... a subordonné l'abrégement du délai de prévenance à la reprise des bureaux jusqu'alors occupés par Mme X... et sa collaboratrice par un nouveau locataire, mais les bureaux n'étant pas reloués au 31 mai 2011, la Selarl a exigé le paiement des loyers jusqu'au 11 septembre 2011.
Mme X..., s'estimant libérée de son obligation de respecter le délai de prévenance, a refusé le 13 juillet 2011 de procéder au paiement des loyers pour la période du 1er juin au 11 septembre 2011 et, du fait de ce différend à l'occasion de l'exercice professionnel, c'est dans ces circonstances, à défaut de conciliation après une audition, à l'initiative de la Selarl, par la commission de règlement des difficultés d'exercice en groupe, que la Selarl a demandé l'arbitrage du Bâtonnier le 20 février 2012, lequel, aux termes d'une sentence rendue en date du 24 mai 2012 par son délégataire, a :- dit que les redevances devant être payées pendant la période du préavis s'entendent tant du montant du loyer que des charges,- dit que la durée du préavis auquel Mme X... était tenue est de 6 mois,- dit que le délai de préavis a expiré le 15 juin 2011 pour le bureau No 1 et le 11 septembre 2011 pour le bureau No 9,- en conséquence, condamne Mme X... à payer à la Selarl Y...- Z...- A... la somme de 6886 ¿ HT outre la TVA, à titre de solde de redevance de sous-location et charges,- dit qu'il n'y a pas lieu de condamner Mme X... au versement d'intérêts moratoires à compter de la saisine du Bâtonnier,- débouté Mme X... de sa demande de dommages intérêts en réparation du trouble de jouissance allégué,- dit que les frais irrépétibles seront laissés à la charge des parties,- déboute les parties du surplus de leurs demandes et laisse à la charge de chacune d'elles ses dépens éventuels.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 29 mai 2012 par Mme Joëlle X...,
Vu les conclusions déposées le 10 août 2012 par l'appelante qui demande de :- infirmer la décision déférée, statuant à nouveau,- débouter la Selarl Y...- Z...- A... de toutes ses demandes,- condamner la Selarl Y...- Z...- A... à lui payer la somme de 3856, 53 ¿, à titre subsidiaire,- ordonner la compensation de cette somme avec le préavis de trois mois de loyers et condamner la Selarl Y...- Z...- A... à lui payer la somme de 2044, 30 ¿,- dire que les frais irrépétibles seront laissés à la charge des parties,- condamner la Selarl Y...- Z...- A... aux dépens d'appel,
Vu les conclusions déposées le 13 juin 2013 par la Selarl Y...- Z...- A... qui demande de confirmer la décision en ce qu'elle a :- dit que les redevances devant être payées pendant la période du préavis s'entendent tant du montant du loyer que des charges,- dit que la durée du préavis auquel Mme X... était tenue est de 6 mois,- dit que le délai de préavis a expiré le 15 juin 2011 pour le bureau No 1 et le 11 septembre 2011 pour le bureau No 9,- débouté Mme X... de sa demande de dommages intérêts en réparation du trouble de jouissance allégué, la réformer pour le surplus et :- condamner Mme X... à lui payer la somme de 10941, 25 ¿ à titre de solde de redevances de sous-location et charges,- condamner Mme X... au " renversement " d'intérêts moratoires à compter de la saisine du bâtonnier,- condamner Mme X... à lui payer la somme de 3000 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE :
Considérant que les circonstances de la signature de la convention ont été exactement rappelées dans la décision déférée, à laquelle il sera en conséquence expressément renvoyé, étant seulement précisé ci-après les points de désaccord des parties ;
Considérant que Mme X... estime que la Selarl lui a imposé un délai de prévenance de six mois, anormalement long, sans possibilité de discussion, mais avec toutefois l'assurance formelle que ce délai n'aurait pas à s'appliquer dès lors que ses confrères avaient toujours reloué sans difficultés leurs locaux en moins de 3 mois ; que contrainte de déménager rapidement, elle a accepté cette clause et un loyer avec charges représentant 4 fois ce qu'elle payait précédemment ; que les parties sont convenues, lorsqu'elle a annoncé son départ, que les 3 mois de préavis à venir seraient imputés sur le dépôt de garantie par elle versé lors de l'entrée dans les lieux, représentant 3 mois de loyers et de charges ; qu'elle s'est aperçue que la Selarl ne faisait aucune diligence pour relouer les locaux, composés de 3 bureaux pour un loyer mensuel de 6800 ¿, à l'exception d'une unique annonce sur le site de l'Ordre, restée sans effet et qui ne sera modifiée que le 20 mai 2011, annonce demandant selon elle un loyer trop élevé pour des locaux qui pouvaient être loués séparément et dont elle avait constaté qu'ils ne présentaient pas de commodités et des services communs téléphoniques et informatiques sans efficacité ;
Considérant que la Selarl intimée indique pour sa part que les diverses clauses de la convention, qu'il s'agisse du montant du loyer ou du délai de préavis, n'ont pas fait l'objet de la moindre contestation de la part de Mme X..., qui s'est acquittée de la redevance jusqu'à ce qu'elle annonce avoir fait l'acquisition de bureaux et souhaiter quitter les lieux, donnant congé verbalement ; qu'elle a pour sa part aussitôt précisé très clairement dans un courriel du 14 mars 2011 puis dans un autre du 4 mai 2011 à Mme X... qu'elle ne renonçait pas au préavis contractuel de 6 mois, sauf, mais uniquement dans le cas d'une relocation rapide des lieux, à s'engager à autoriser sa cocontractante à bénéficier d'une durée abrégée de préavis ;
Sur la durée du préavis :
Considérant que l'appelante qui demande l'infirmation de la sentence de ce premier chef soutient que la convention de cabinet groupé a été amendée par un accord des parties, confirmé par les échanges de courriels des 14 mars et 4 mai 2011, selon lesquels le délai de 6 mois devait être écourté, dès lors que les lieux étaient reloués ; qu'à défaut par la Selarl d'avoir exécuté de bonne foi les accords passés, puisqu'elle ne justifie pas de ses diligences pour relouer les locaux à des conditions normales, la Selarl n'est pas fondée, ayant bénéficié d'un délai de prévenance de 3 mois, à lui réclamer le paiement de trois mois supplémentaires ;
Considérant que la Selarl invoque l'application de l'article 9 de la convention signée librement par Mme X... et qui protégeait les intérêts des deux parties, c'est à dire un délai de prévenance de 6 mois prenant fin le 11 septembre 2011 ; qu'elle conteste avoir donné son accord pour réduire ledit préavis, sauf dans le cas où des confrères prendraient la succession de Mme X... avant l'expiration de ce dernier ; qu'elle a, dès l'annonce par Mme X... de son départ, mis une annonce sur le site de l'Ordre des avocats, précisant bien que chaque bureau était louable séparément, moyen qui lui avait permis jusqu'alors de trouver des cocontractants dont d'ailleurs Mme X... elle-même ;
Considérant que par des motifs pertinents que la cour fait siens, la sentence, se référant à la convention signée librement et sans aucune réserve par les partie, prévoyant au surplus un délai de prévenance de 6 mois qui est conforme aux usages, a débouté Mme X... de son argumentation tendant à être déliée de son engagement ; que les termes dénués de toute ambiguïté employés dans les courriels échangés confirment pleinement les dires de la Selarl ; que l'appelante ne saurait reprocher à la Selarl une relocation des bureaux qui a été plus tardive que ce qu'elle espérait pour pouvoir abréger la durée du délai de prévenance à laquelle elle restait tenue ;
Sur le point de départ du délai de préavis :
Considérant que l'appelante fait valoir que la convention signée ne prévoit pas de forme particulière pour la délivrance du congé, lequel peut être donné oralement ; que la preuve de la date à laquelle elle soutient avoir donné congé, soit le 1er mars 2011, résulte tant des propres écrits de la Selarl, laquelle, dans sa lettre de saisine de l'Ordre le 14 juillet 2011 et dans sa requête du 20 février 2012, a elle-même indiqué que " le préavis prend, dès lors, fin le 31 août 2011 " et a sollicité le paiement des loyers de Juin, Juillet et Août 2011, que de l'attestation émanant de Mme Caroline B..., collaboratrice de Mme X... ; qu'elle demande l'infirmation de la sentence de ce chef, le bâtonnier ayant considéré à tort qu'elle n'apporte pas la preuve d'avoir donné effectivement congé le 1er Mars 2011 ;
Considérant que la Selarl qui se réfère à son courriel du 14 mars 2011, lequel mentionne " Nous avons pris bonne note vendredi de la confirmation de ton départ... " admet en conséquence avoir été avisée le vendredi 11 mars 2011 du congé donné par Mme X... ;
Considérant que l'attestation de Mme B... dont se prévaut l'appelante indique textuellement " lorsque Joëlle X... a annoncé notre départ des locaux, elle m'a fait part de l'accord que lui avait consenti Alexis Z..., en présence de Joëlle A..., pour lui appliquer un préavis de trois mois (...) C'est donc avec surprise qu'elle m'a indiqué que celui-ci était totalement revenu sur son accord au mois de mars 2011 et avait (...) " ;
Considérant que si ce témoignage, bien qu'il retrace de manière exacte et d'ailleurs nullement contestée par l'intimée, que la Selarl, en la personne de M. Z..., ne s'est jamais opposée au principe d'un préavis abrégé à trois mois en ne donnant son accord que sous la condition d'une relocation, est insuffisant à établir que Mme X... a donné son congé, oralement, à la date précise du 1er Mars 2011, en revanche, il est conforté par la lettre de la Selarl en date du 14 juillet 2011 par laquelle cette dernière saisit l'Ordre du litige l'opposant à sa consoeur et indique que " son préavis prend dès lors fin le 31 août 2011 ", établissant au surplus le décompte des loyers en cohérence avec cette date, ce qui correspond bien à un congé qui lui a été donné dès le 1er Mars 2011 ; qu'en conséquence la sentence est critiquable mais du seul chef de sa motivation, étant observé en effet que l'appelante, à partir de cette différence de date, n'en tire aucune conséquence chiffrée sur le montant des sommes qu'elle reste devoir ;
Sur l'étendue des redevances dues pendant la période du préavis :
Considérant que l'appelante soutient qu'elle ne doit, durant cette période, que le montant du loyer mais qu'elle n'est pas tenue au règlement des charges, la convention ne précisant pas l'étendue de l'indemnité à verser et notamment si elle devrait couvrir aussi les charges de fonctionnement, d'autant qu'elle même, non présente dans les lieux, ne pouvait bénéficier des prestations facturées par ses confrères au titre de l'accueil, du ménage, de l'expédition des plis, de la photocopieuse et du standard, etc... ;
Considérant que la Selarl conteste cette argumentation contraire à l'accord des parties et manquant de pertinence au plan économique et au plan pratique ;
Considérant que par des motifs pertinents que la cour fait siens, la sentence a écarté ce chef de demande, manifestement contraire aux accords des parties, la convention prévoyant en son article 2 les " Prestations fournies au titre du forfait et charges y afférentes " et utilisant l'expression " loyer forfaitaire mensuel " avant de lister de manière plus précise les charges de fonctionnement incluses, puis à l'article 3 " les charges exclues du forfait " ;
Sur l'indemnité pour troubles de jouissance :
Considérant que l'appelante fait état des dysfonctionnements subis de Mai 2010 à mai 2011, correspondant à deux jours de coupure du standard téléphonique, du réseau internet ou des deux photocopieurs, c'est à dire supportés et évalués sur 36 jours ouvrables, préjudice qu'elle chiffre à la somme de 3856, 53 ¿, à compenser avec le préavis de 3 mois de loyers d'où un solde en sa faveur de 2044, 30 ¿ ;
Considérant que les pannes, lorsqu'elles restent occasionnelles et d'une durée limitée, des défaillances étant toujours susceptibles d'affecter le réseau internet ou les appareils de photocopie, néanmoins modérées par le recours à des solutions de dépannage, ne sauraient constituer de manière systématique des troubles de jouissance ; qu'aucun préjudice réel et sérieux dans l'exercice de son activité professionnelle n'est démontré par l'appelante et que c'est pertinemment que la sentence a écarté la demande de dommages et intérêts formée de ce chef ;
Sur les sommes dues par Mme X... :
Considérant que la Selarl fait état d'une erreur de calcul affectant la sentence déférée du fait notamment de l'imputation inexacte de la TVA, selon que les montants sont HT ou TTC ; qu'elle explicite sa demande chiffrée en page 14 et 15 de ses écritures ;
Que l'appelante ne formule aucune observation sur ce décompte qui est très précis et qui sera en conséquence retenu dans les termes du dispositif ci-après ; que le bâtonnier a refusé à juste titre d'accorder des intérêts moratoires sur les sommes dues ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que la Selarl présente une demande à ce titre ; qu'il s'infère de la motivation sus-retenue, que l'équité commande de faire application en appel de ces dispositions au profit de l'intimée dans les termes du dispositif ci-après ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme la sentence déférée en toutes ses dispositions à l'exception du quantum chiffré des sommes dues par Mme Joëlle X...,
Statuant à nouveau de ce seul chef,
Condamne Mme Joëlle X... à payer à la Selarl d'avocats Y...- Z...- A... la somme de 10 941, 25 ¿ à titre de solde de redevances de sous-location et charges,
Y ajoutant,
Condamne Mme Joëlle X... à payer à la Selarl d'avocats Y...- Z...- A... la somme de 2000 ¿ en application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme Joëlle X... aux dépens d'appel.