Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 15 OCTOBRE 2013
(n° 271, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/05835
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/16134
APPELANTE
S.A CAISSE NATIONALE DE PREVOYANCE - ASSURANCES agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration
[Adresse 2]
[Adresse 2].
Représentée par Me Pascale BETTINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0140
Assistée de Me Thierry LACAMP, avocat au barreau de PARIS, toque : D0845.
INTIMES
Madame [C] [N]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée de Me Svetlana KIROUA, avocat au barreau de BORDEAUX, substituant Me Gérard BOULANGER, avocat au barreau de BORDEAUX.
Madame [A] [D] née [H] ès qualité d'hérière de Mme [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Catherine BELFAYOL BROQUET de la SCP IFL Avocats, au barreau de PARIS, toque : P0042
Monsieur [I] [N] ès qualité d'héritier de Mme [W]
'[Adresse 5]'
[Adresse 5]
Madame [M] [O] épouse [N] ès qualité d'hérière de Mme [W]
'[Adresse 5]'
[Adresse 5]
Madame [B] [H] épouse [J] ès qualité d'héritère de Mme [W]
'[Adresse 4]'
[Adresse 4]
PARTIES INTERVENANTES FORCEES DEFAILLANTES.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 septembre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire et Monsieur Christian BYK, conseiller.
Ces magitrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Madame Annick HECQ-CAUQUIL, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Joëlle BOREL
ARRET :
- réputé contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Joëlle BOREL, greffière présente lors du prononcé.
Le 4 octobre 1994, Madame [K] [W] a souscrit un contrat d'assurance -vie intitulé 'Poste Avenir' auprès de la société CNP ASSURANCES, en désignant comme bénéficiaires Mesdames [J] et [D].
Le 26 mars 2004, elle a retiré, par courrier dactylographié, toute clause bénéficiaire nominative sur ce contrat.
Le 29 mars 2004, elle a été placée sous sauvegarde de justice .
Le 27 septembre 2004, elle a été placée sous le régime de la curatelle simple, et Madame [C] [N], sa filleule, a été désignée en qualité de curatrice.
Le 15 janvier 2005, par courrier dactylographié , elle a écrit à la CNP dans les termes suivants:
'En mars 2004, j'avais souhaité changé le bénéficiaire de mon contrat POSTE AVENIR référence 343 694654 19. J'avais envoyé un courrier dans ce sens , mais je voudrais m'assurer que le bénéficiaire est bien, maintenant , ma filleule, c'est à dire Mme [E] [C] , née [N].
Si tel n'était pas le cas, je vous prie de bien vouloir faire le nécessaire , pour régulariser cette situation.'
Le 7 février 2005, la CAISSE NATIONALE DE PREVOYANCE ASSURANCES lui répondait de la manière suivante :
'Je vous informe que dans votre courrier du 26 mars 2004, vous m'indiquiez vouloir 'retirer toute clause bénéficiaire nominative de votre contrat'. A ce jour aucun bénéficiaire n'est désigné sur ce dernier.
Aussi, je vous invite à m'adresser un courrier daté et signé par vous-même et par votre curateur précisant le libellé exact de votre nouvelle clause bénéficiaire.'
Madame [W] a été placée sous tutelle le 21 juin 2005, Madame [C] [N] a été désignée en qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire.
Madame [W] est décédée le [Date décès 1] 2006.
Madame [C] [N] a demandé le versement du capital décès à la CNP qui s'y est opposée, estimant que le capital décès devait revenir à la succession de Madame [W] .
Madame [C] [N] a assigné la CNP ASSURANCES aux fins d'obtenir le déblocage des fonds à son profit devant le tribunal de grande instance de PARIS lequel a ,par jugement en date du 09 janvier 2009 :
- ordonné à la société CNP ASSURANCES de débloquer les fonds sur le contrat d'assurance-vie Poste Avenir n° 343 69465419 au profit de Madame [C] [N], sur présentation du certificat visé à l'article 806-III du code général des impôts ;
- condamné la société CNP ASSURANCES à payer à Madame [N] la somme de
2000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société CNP ASSURANCES aux entiers dépens.
La CAISSE NATIONALE DE PREVOYANCE a interjeté appel de cette décision le 3 mars 2009.
Par actes d'huissier en date des 31 octobre 2012 et 05 novembre 2012, la CAISSE NATIONALE DE PREVOYANCE ASSURANCES a assigné Monsieur [I] [N], Madame [M] [O] épouse [N], Madame [A] [H] épouse [D], Madame [B] [H] épouse [J], en qualité d'héritiers de Madame [W], en intervention forcée.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 15 mars 2013,la CAISSE NATIONALE DE PREVOYANCE ASSURANCES sollicite l'infirmation du jugement entrepris, demandant à la Cour de débouter Madame [N] de l'ensemble de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts pour réticence abusive. Elle sollicite également sa condamnation à restituer aux héritiers de Madame [W] les sommes reçues par la CNP ASSURANCES ,d'ordonner le transfert direct des fonds perçus par Madame [C] [N] entre les mains des héritiers de Madame [W] et la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées le 10 septembre 2012, Madame [C] [N] demande la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts alloués , sollicitant la condamnation de la CNP à lui payer à ce titre la somme de 10 951,42 € à titre de dommages et intérêts , outre la somme de 3000 € à titre d'amende civile pour procédure abusive et celle de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [A] [D] née [H] demande à la Cour , aux termes de ses dernières écritures signifiées le 20 février 2013, de constater que la clause bénéficiaire du contrat d'assurance -vie Poste Avenir , modifiée le 26 mars 2004 pour annuler toute désignation nominative, n'a plus ensuite connu de modification , Madame [W] n'ayant jamais donné suite à la demande de la poste en date du 7 février 2005, de constater en toute hypothèse que la démarche de Madame [W] engagée le 15 janvier 2005 n'aurait pu valablement se poursuivre qu'avec l'assistance de son curateur et à la condition qu'un curateur ad hoc soit préalablement désigné, d'infirmer le jugement entrepris , de dire que les fonds issus du contrat d'assurance -vie doivent revenir à la succession de Madame [K] [W] , de débouter Madame [C] [N] de l'intégralité de ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour se réfère expressément à ces conclusions pour l'exposé des prétentions, moyens et arguments des parties.
Monsieur [I] [N], Madame [M] [O] épouse [N] et Madame [B] [H] épouse [J], assignés à leur domicile, ne constituaient pas avocat .
MOTIFS DE LA DECISION
Considérant que nonobstant le fait que Madame [W] n'ait pas répondu à la lettre de la CNP ASSURANCES du 7 février 2005, la lettre dactylographiée du 15 janvier 2005 contenait une manifestation de volonté de désigner Madame [E] [C] née [N] en tant que bénéficiaire du contrat d'assurance-vie Poste Avenir ;
Considérant qu'en application de l'article 510 du code civil, en sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 applicable en l'espèce, la modification du bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie, qui est un acte de disposition, par un majeur en curatelle nécessite l'assistance du curateur , que de plus la désignation du curateur en qualité de bénéficiaire ne pouvait être faite qu'avec l'assistance d'un curateur ad hoc , du fait de l'opposition d'intérêts ;
Considérant qu'assignée le 31 octobre 2012, en qualité d'héritière de Madame [W], Madame [A] [D] conteste la validité de la lettre du 15 janvier 2005 , qu'il ne peut être soutenu que l'action serait prescrite dès lors qu'elle oppose une exception de nullité à la demande de déblocage des fonds de Madame [N] et qu'elle n'a , en toute hypothèse, pu valablement agir qu'à compter du jour où elle a connu l'existence de la modification litigieuse par l'assignation délivrée par la CNP ;
Considérant que du fait de l'opposition d'intérêts , Madame [N] ne peut éteindre l'action en nullité en approuvant l'acte a posteriori ;
Considérant que l'article 510-1 du code civil n'édicte certes pas une nullité de droit , qu'il convient toutefois en l'espèce de considérer qu'alors que l'état psychique de Madame [W], tel qu'il résulte des pièces médicales produites aux débats, rendait celle-ci nécessairement influençable , il n'est pas établi que la lettre dactylographiée du 15 janvier 2005 correspondait à la volonté réelle et personnelle de celle-ci ;
Considérant qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris, et du fait de la nullité de l'acte du 15 janvier 2005 effectué sans l'assistance d'un curateur ad hoc, de débouter Madame [N] de l'ensemble de ses demandes , de dire que les fonds issus du contrat d'assurance-vie Poste Avenir n° 43 694654 19 doivent revenir à la succession de Madame [K] [W] et de condamner Madame [N] à restituer directement aux héritiers de Madame [W] les sommes qu'elle a reçues de la CNP ASSURANCES ;
Considérant qu'il n'est pas démontré que le droit pour Madame [N] d'agir en justice ait dégénéré en abus , que la CNP ASSURANCES sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Considérant qu'il y a lieu d'allouer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile , à la CNP ASURANCES la somme de
3000 € et à Madame [A] [H] épouse [D] la somme de 1500 € ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris,
Dit que les fonds issus du contrat d'assurance-vie Poste Avenir n° 343 694654 19 doivent revenir à la succession de Madame [K] [W] ;
Condamne Madame [C] [N] à restituer directement aux héritiers de Madame [W] les sommes qu'elle a reçues de la CNP ASSURANCES ;
Déboute Madame [C] [N] de l'ensemble de ses demandes ;
Déboute la CNP ASSURANCES de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne Madame [C] [N] à payer , sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
- à la CNP ASSURANCES : la somme de 3000 €,
- à Madame [A] [H] épouse [D] la somme de 1500 €,
Condamne Madame [C] [N] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .
LE GREFFIERE LA PRÉSIDENTE