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11/09/2013 | FRANCE | N°12/16442

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 11 septembre 2013, 12/16442


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2013



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/16442



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Mars 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/05566







APPELANTE





Madame [DY] [P] épouse [A]

née le [Date naissance 6] 1953 à [Locali

té 7]

[Adresse 6]

75016 Paris



Représentée et assistée de Me Alexandre DAZIN de la SEP LACHAUD LEPANY & ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS, toque : W06







INTIMÉS





1°) Monsieur [U] [J] [P]
...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2013

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/16442

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Mars 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/05566

APPELANTE

Madame [DY] [P] épouse [A]

née le [Date naissance 6] 1953 à [Localité 7]

[Adresse 6]

75016 Paris

Représentée et assistée de Me Alexandre DAZIN de la SEP LACHAUD LEPANY & ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS, toque : W06

INTIMÉS

1°) Monsieur [U] [J] [P]

né le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 4] (78)

[Adresse 10]

75009 PARIS

2°) Madame [H] [P] épouse [Y]

née le [Date naissance 7] 1942 à [Localité 6]

[Adresse 2]

75015 PARIS

3°) Madame [F] [P] épouse [N]

née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 6]

[Adresse 5]

75017 PARIS

4°) Madame [K] [P] épouse [X]

née le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 7]

[Adresse 4]

75008 PARIS

Représentés et assistés de Me Xavier AUTAIN de la SCP LUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0077

5°) Madame [B] [P] épouse [T]

née le [Date naissance 4] 1947 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée et assistée de Me Alexis TOMBOIS de la AARPI HOHL & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : R102

6°) Monsieur [S] [E] [P]

né le [Date naissance 5] 1955 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté et assisté de Me Ghislaine BOUARD, avocat au barreau de PARIS,

toque : E0754

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 02 juillet 2013, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Pascal CHAUVIN, président,

Madame Nathalie AUROY, conseiller

Madame Monique MAUMUS, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

[Q] [P] et [L] [R] se sont mariés le [Date mariage 1] 1939 sous le régime légal de la communauté de meubles et acquêts.

De leur union, sont nés sept enfants, [U], [H], [F], [B], [K], [DY] et [S].

[Q] [P] est décédé le [Date décès 1] 1997, en laissant pour lui succéder son épouse, bénéficiaire d'une donation au dernier vivant, et ses sept enfants.

Par acte reçu le 25 juin 2001 par Me [C], notaire à Paris, [L] [R] a consenti à ses enfants une donation, à titre de partage anticipé et par parts égales, portant sur la nue-propriété de ses biens immobiliers.

[L] [R] est décédée le [Date décès 2] 2006, en laissant pour lui succéder ses sept enfants.

Par ordonnance en la forme des référés du 10 juin 2010, le président du tribunal de grande instance de Paris a désigné Mme [V] [G] en qualité d'administratrice provisoire des successions.

Par acte du 13 mars 2008, les tentatives de partage amiable ayant échoué, seule une partie des meubles ayant été partagée, M. [S] [P], Mme [DY] [P] épouse [A] et Mme [B] [P] épouse [T] ont assigné M. [U] [P], Mme [H] [P] épouse [Y], Mme [F] [P] épouse [N] et Mme [K] [P] épouse [X] devant le tribunal de grande instance de Paris en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions.

Par jugement du 8 mars 2012, le tribunal a, pour l'essentiel :

- ordonné le partage judiciaire des successions confondues,

- désigné, afin d'y procéder, Me [GO] [W], notaire à [Adresse 8],

- commis tout juge de la chambre afin de surveiller les opérations de comptes, liquidation et partage,

- préalablement à ces opérations et afin d'y parvenir, ordonné une mesure d'expertise immobilière et désigné Mme [D] [I],

- désigné Me [M] [O], commissaire priseur, avec mission d'établir la prisée des meubles meublants et des bijoux,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage et dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision.

Par déclaration du 7 septembre 2012, Mme [DY] [A] a interjeté appel de cette décision.

Dans des conclusions remises au greffe le 4 avril 2013, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré 'en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a' ordonné le partage judiciaire des successions confondues, désigné, afin d'y procéder, Me [GO] [W], notaire à [Adresse 8], préalablement à ces opérations et afin d'y parvenir, ordonné une mesure d'expertise immobilière et désigné Mme [D] [I],

- statuant à nouveau,

- juger que les occupations gratuites des appartements situés [Adresse 10] dont ont profité les héritiers ne constituent pas des libéralités rapportables,

- débouter Mme [H] [P], Mme [F] [P], Mme [K] [P] et M. [U] [P] de toutes leurs demandes,

- à titre subsidiaire,

- juger que l'occupation gratuite dont a bénéficié M. [Z] [A] n'est pas rapportable à la succession puisque celui-ci n'est pas sujet au rapport,

- ou, à défaut,

- juger que l'occupation gratuite reprochée aux époux [A] était compensée par l'aide quotidienne apportée aux parents [P],

- à titre infiniment subsidiaire,

- ordonner le rapport aux successions de tous les avantages dont ont bénéficié les héritiers : occupations gratuites, dons d'argent, dons lors d'achats immobiliers, dons de biens mobiliers,

- juger que l'avantage lié à l'occupation gratuite d'un logement par elle ne sera rapportable qu'à compter de l'année 1980,

- en tout état de cause,

- condamner solidairement Mme [H] [P], Mme [F] [P], Mme [K] [P] et M. [U] [P] à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 11 juin 2013, Mme [B] [T] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a qualifié les avantages dont ont bénéficié les héritiers des époux [P] de libéralités rapportables,

- juger qu'il ne s'agit pas là de libéralités rapportables, tout au plus de présents d'usage non rapportables,

- constater l'absence d'intention libérale,

- en tout état de cause, constater qu'elle justifie du paiement par elle et son mari des deux appartements situés [Adresse 1],

- rejeter toute condamnation pour cause de recel successoral à son encontre,

- constater l'absence de tout document laissant penser à une libéralité des époux [P],

- en conséquence, infirmer la mission de l'expert désigné en ce qu'il doit visiter les appartements de la rue Lepic,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné le partage judiciaire de ces deux successions et la désignation des experts,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a désigné un commissaire priseur pour le partage des biens meubles,

- à titre infiniment subsidiaire et, si par extraordinaire la cour confirmait les demandes de rapport, il conviendrait d'ordonner également la visite et l'expertise de l'appartement du 2ème étage de la [Adresse 10], acheté par M. [U] [P] avec la donation dont il a bénéficié,

- en tout état de cause, condamner M. [U] [P], Mme [H] [Y], Mme [F] [N] et Mme [K] [X] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de l'article 699 du même code.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 10 juin 2013, M. [S] [P] demande à la cour :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné le partage judiciaire des successions confondues, désigné, afin d'y procéder, Me [GO] [W], notaire à [Adresse 8], commis tout juge de la chambre afin de surveiller les opérations de comptes, liquidation et partage, préalablement à ces opérations et afin d'y parvenir, ordonné une mesure d'expertise immobilière et désigné Mme [D] [I], désigné Me [M] [O], commissaire priseur, avec mission d'établir la prisée des meubles meublants et des bijoux,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les occupations à titre gratuit constituaient un avantage indirect devant être rapporté à la succession
1: Cette disposition ne figure pas dans le dispositif du jugement déféré (note de la cour).

,

- statuant de nouveau,

- juger qu'il n'y a pas lieu à rapport, les époux [P] ayant entendu dispenser leurs héritiers de tous rapports,

- constater que son occupation à titre gratuit de 1979 à 1982 n'est pas rapportable car elle correspond à l'obligation alimentaire d'éducation et d'entretien de ses parents à son égard,

- constater que lui et sa famille n'occupaient plus le pavillon à partir de février 1982,

- constater que son occupation de 2005 à février 2007 n'a jamais été gratuite et n'est donc pas soumise à rapport,

- constater que les dons en numéraire réalisés à son profit constituent des présents d'usage non soumis à rapport,

- constater qu'il n'a bénéficié d'aucune aide de ses parents pour l'acquisition en 1991 de sa maison à [Localité 8],

- juger que l'occupation par ses enfants ne peut donner lieu à rapport par application de l'article 847 du code civil,

- juger en conséquence qu'il n'y pas lieu à rapport par lui,

- à titre subsidiaire, en cas de confirmation du jugement entrepris sur les rapports,

- ordonner que les rapports portent sur toutes les donations, avantages directs et indirects reçus par chacun des héritiers et pas seulement sur ceux mentionnés dans le jugement entrepris,

- 'constater' que Mme [F] [N] devra 'rapporter' pour son occupation gratuite de l'appartement situé [Adresse 9] et de la maison sise à [Adresse 7] de 1968 à 1972 (sic),

- constater que Mme [H] [Y] a bénéficié d'une occupation d'une partie (sic) de 1968 à 1969,

- constater que M. [U] [P] a bénéficié d'une occupation gratuite du garage de 30 m² pendant 30 ans,

- mettre les dépens à la charge des appelants.

Dans leurs dernières conclusions remises au greffe le 18 juin 2013, M. [U] [P], Mme [H] [Y], Mme [F] [N] et Mme [K] [X] (les consorts [P]) demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* ordonné le partage judiciaire des successions confondues,

* désigné, afin d'y procéder, Me [GO] [W], notaire à [Adresse 8],

* commis tout juge de la chambre afin de surveiller les opérations de comptes, liquidation et partage,

* préalablement à ces opérations et afin d'y parvenir, ordonné une mesure d'expertise immobilière et désigné Mme [D] [I],

[* après la formation de lots, le notaire établira et communiquera aux héritiers un état liquidatif décrivant les différents lots,

* en l'absence de procès-verbal d'accord valant partage amiable définitif sur l'état liquidatif, il appartiendra au tribunal de prononcer l'homologation, saisi à la requête de l'un quelconque des ayants droit,

* ordonné que soit prononcé le rapport à succession des différentes donations et avantages exorbitants intervenus au bénéfice de Mme [B] [T], Mme [DY] [A], M. [U] [P] et M. [S] [P],

* dit que les dons en argent ayant fait l'objet d'un remploi pour l'achat de biens immobiliers donneront lieu à réévaluation au jour du partage conformément à la loi]
2: Ces dispositions ne figurent pas dans le dispositif du jugement déféré (note de la cour).

,

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a :

* rejeté les demandes de reconnaissance de recel successoral contre Mme [DY] [A] et Mme [B] [T],

* retenu le rapport en valeur d'une harpe achetée à Mme [K] [X] lorsqu'elle était étudiante pour 25 000 euros
3: Cette disposition ne figure pas dans le dispositif du jugement déféré (note de la cour).

,

* ordonné le rapport d'une somme de 100 000 francs reçue en donation par M. [U] [P] en 1968
4: Cette disposition ne figure pas dans le dispositif du jugement déféré (note de la cour).

,

* désigné un commissaire priseur pour l'évaluation et le partage des biens meubles. En effet, un partage égalitaire des biens meubles est déjà intervenu entre les 'associés', rendant cette mission inutile (sic),

- la cour prononcera le recel des biens et avantages dissimulés par Mme [DY] [P] épouse [A] et Mme [B] [P] épouse [T] et dira que les suites prévues par la loi et notamment l'article 778 du code civil devront être appliquées sur les biens concernés (sic),

- et dira n'y avoir lieu sur les autres demandes (sic).

- subsidiairement, dans l'hypothèse d'un rapport d'une ou plusieurs harpes données à Mme [K] [X],

* dire que la valorisation sera fixée au jour du don,

* ordonner le rapport des instruments de musique reçus par Mme [DY] [A], Mme [B] [T] et M. [U] [P],

- condamner Mme [DY] [A] à payer solidairement aux 'défendeurs' (sic) la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, avec bénéfice de l'article 699 du même code.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2013.

Dans des conclusions remises au greffe le 28 juin 2013, Mme [DY] [A] reprend ses précédentes prétentions et demande en outre à la cour de rejeter les conclusions signifiées et les pièces communiquées le 18 juin 2013 par les consorts [P] pour non-respect du principe de la contradiction.

Dans des conclusions d'incident remises au greffe le 1er juillet 2013, Mme [B] [T] demande en outre à la cour, au visa de l'article 16 du code de procédure civile, de rejeter purement et simplement les conclusions signifiées et les pièces communiquées le 18 juin 2013 par les consorts [P].

A l'audience du 2 juillet 2013, l'incident a été joint au fond.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, selon l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

- sur la procédure

Considérant que Mme [DY] [A] a conclu le 4 avril 2013; que les consorts [P] ont conclu le 5 avril 2013 ; que M. [S] [P] a conclu le 10 juin 2013 ; que Mme [B] [T] a conclu le 11 juin 2013 ; que les consorts [P] ont conclu le 18 juin 2013, jour du prononcé de l'ordonnance de clôture, en communiquant sept nouvelles pièces dont deux attestations datées respectivement des 2 et 6 juin 2013 ;

Considérant toutefois que les dernières conclusions des consorts [P] ne contiennent ni prétentions nouvelles ni moyens nouveaux et se bornent à répliquer aux précédentes conclusions des autres parties ; que leurs nouvelles pièces viennent au soutien de ces conclusions ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter des débats les conclusions signifiées et les pièces communiquées le 18 juin 2013 par les consorts [P] ;

Considérant qu'il y a lieu de déclarer d'office irrecevables, en ce qu'elles portent sur le fond, les conclusions remises au greffe par Mme [DY] [A] le 28 juin 2013, donc postérieurement au prononcé de l'ordonnance de clôture ;

- sur le fond

Considérant que, selon l'article 843, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 et applicable en la cause, 'Tout héritier, même bénéficiaire, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément par préciput et hors part, ou avec dispense de rapport' ;

Considérant que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession ;

Considérant en l'espèce qu'il y a lieu d'examiner les demandes formées à l'encontre de chacun des enfants de [Q] et [L] [P] ;

* sur les demandes de rapport et de recel concernant Mme [DY] [A]

Considérant qu'il est acquis aux débats que Mme [DY] [A] a occupé successivement :

- de 1977 à juillet 1981, un pavillon de 36 m² situé dans un immeuble sis [Adresse 10],

- d'août 1981 à 1982, un appartement de 70 m² situé au rez-de-chaussée du même immeuble,

- de 1982 à juin 2005, un appartement de 165 m² situé au 3ème étage du même immeuble ;

Que, de 1997 à 2005, elle a versé partiellement un loyer d'un montant de 3 500 francs, puis de 530 euros ;

Considérant qu'en mettant ces logements à la disposition de Mme [DY] [A], d'abord à titre gratuit, puis moyennant le paiement d'un loyer sans commune mesure avec celui qu'ils auraient pu obtenir d'un locataire extérieur à la famille, [Q] et [L] [P] se sont incontestablement appauvris et ont manifestement agi dans une intention libérale envers leur fille ;

Considérant que Mme [DY] [A] prétend que [Q] et [L] [P], qui étaient parfaitement libres de disposer de leur patrimoine comme ils l'entendaient, ont voulu aider leur famille et non se procurer des revenus fonciers, qu'ils ont ainsi fait bénéficier leurs sept enfants d'avantages similaires aux siens, qu'ils ne souhaitaient pas louer leurs biens mais les conserver de sorte que, si leurs biens n'avaient pas été occupés par leurs enfants, ils seraient demeurés libres d'occupation, que, si des biens ont été loués à des tiers, les conditions en ont été avantageuses, que c'est son époux et non elle qui a bénéficié de l'occupation gratuite, enfin que l'occupation a eu pour contrepartie une présence quotidienne auprès de son père, gravement malade ;

Considérant toutefois qu'il n'est nullement établi que tous les enfants de [Q] et [L] [P] ont bénéficié d'avantages similaires ; qu'il n'est pas démontré que [Q] et [L] [P] ne souhaitaient pas louer leurs biens, Mme [DY] [A] évoquant elle-même divers contrats de location ; que, si [Q] et [L] [P] ont pu disposer librement de leur patrimoine, il n'en demeure pas moins que leurs héritiers sont soumis aux règles du rapport des donations qui ont pour but d'assurer l'égalité du partage entre eux ; que Mme [DY] [A], qui habitait les lieux avec son époux, ne peut sérieusement soutenir que c'est celui-ci qui a bénéficié de l'occupation gratuite ; qu'il n'est pas plus démontré que Mme [DY] [A] a assisté son père malade davantage que ses frères et soeurs ;

Considérant en conséquence qu'il y a lieu d'ordonner le rapport aux successions par Mme [DY] [A] de l'avantage indirect dont elle a bénéficié par la mise à disposition, d'abord à titre gratuit puis à faible loyer, des biens précités ;

Qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise et donné mission à l'expert de proposer une évaluation pour les occupations précitées ;

Considérant que, si, dans le dispositif de leurs conclusions, les consorts [P] demandent à la cour de juger que Mme [DY] [A] s'est rendue l'auteur d'un recel, ils ne développent aucune argumentation dans les motifs de leurs écritures, de sorte qu'il y a lieu de les débouter de leur demande à ce titre ;

* sur les demandes de rapport et de recel concernant Mme [B] [T]

Considérant que, par acte reçu le 20 décembre 1976, Mme [B] [T] a acquis avec son époux un appartement situé au 2ème étage d'un immeuble sis [Adresse 1], moyennant un prix de 320 000 francs ; que, par acte reçu le 16 décembre 1980, elle a acquis avec son époux un autre appartement situé au même étage, moyennant un prix de 400 000 francs ;

Considérant que les consorts [P] prétendent que Mme [B] [T] a été gratifiée par ses parents d'une somme d'au moins 123 000 francs lors de la première acquisition et d'une somme de 120 000 francs lors de la seconde acquisition ;

Considérant que les consorts [P], sur lesquels repose la charge de la preuve de l'existence de la libéralité, ne démontrent pas, par les pièces qu'ils produisent, pour l'essentiel des talons de chèques à partir desquels ils se sont livrés eux-mêmes à des supputations, que Mme [B] [T] a été gratifiée d'une somme d'au moins 123 000 francs ;

Considérant que Mme [B] [T] reconnaît avoir reçu de ses parents la somme totale de 120 000 francs en 1980 ; qu'elle ne peut valablement invoquer la qualification de présents d'usage, dès lors que, le caractère de présent d'usage s'appréciant à la date où il a été consenti et compte tenu de la fortune du disposant, elle se borne à fournir quelques éléments sur la fortune de ses parents, sans indiquer à quelle occasion et dans quelles circonstances elle a été gratifiée de la somme de 120 000 francs ;

Que les consorts [P] ne démontrent par aucune pièce probante que la somme de 120 000 francs a été employée dans la seconde acquisition, dès lors qu'ils se bornent à énoncer que 'ces sommes reçues par [B] devront faire l'objet d'une analyse circonstanciée' et, en méconnaissance des règles sur la charge de la preuve, à demander à Mme [B] [T] 'de produire tous documents attestant des fonds qu'elle a reçus de ses parents et justifiant de l'origine des fonds lui ayant permis d'acquérir ces deux appartements' ;

Considérant en conséquence qu'il y a lieu d'ordonner le rapport aux successions par Mme [B] [T] de la somme de 120 000 francs, soit 18 293,88 euros, et d'infirmer le jugement en ce qu'il fait porter la mesure d'expertise sur les deux appartements situés [Adresse 1] ;

Considérant que, si, dans le dispositif de leurs conclusions, les consorts [P] demandent à la cour de juger que Mme [B] [T] s'est rendue l'auteur d'un recel, ils ne développent aucune argumentation dans les motifs de leurs écritures, de sorte qu'il y a lieu, confirmant le jugement de ce chef, de les débouter de leur demande à ce titre ;

* sur les demandes de rapport et d'indemnité d'occupation concernant M. [S] [P]

Considérant qu'il est acquis aux débats que M. [S] [P] a occupé successivement :

- de 1978 à juin 1981, l'appartement de 70 m² situé au rez-de-chaussée de l'immeuble sis [Adresse 10],

- de juillet 1981 à 1982, puis de juillet 2005 à février 2007, l'appartement de 165 m² situé au 3ème étage du même immeuble ;

Considérant que, si la donation-partage reçue le 25 juin 2001 comporte une clause pénale, la demande de rapport et d'indemnité d'occupation formée par les consorts [P] ne peut aucunement s'analyser en une action visant à 'attaquer' la donation-partage au sens de l'acte ;

Considérant qu'il résulte des pièces qu'il verse aux débats que, de 1978 à juin 1982, M. [S] [P] était encore étudiant ; que, même s'il a bénéficié d'une allocation de recherche en février 1980, son occupation de l'appartement de 70 m² puis de l'appartement de 165 m² entre 1978 et 1982 doit être considéré comme une dépense d'entretien de ses parents, non soumise à rapport en application de l'article 852 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 et applicable en la cause ;

Considérant qu'il résulte encore des pièces produites, en particulier, de factures, que, de juillet 2005 à juillet 2006, M. [S] [P] a réalisé des travaux dans l'appartement de 165 m² en franchise de loyer avec l'accord de sa mère et que, de juillet 2006 à février 2007, après le décès de celle-ci, il a réglé une somme mensuelle d'un montant de 900 euros à l'indivision, sans que ce versement ait donné lieu à contestation de la part de ses coïndivisaires ;

Considérant que, dans ces conditions, il n'y a lieu ni à rapport d'un avantage indirect ni à indemnité d'occupation de la part de M. [S] [P] ;

Qu'en conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il fait porter la mesure d'expertise sur les deux appartements situés [Adresse 10] au cours des périodes de 1978 à juin 1981 pour l'appartement de 70 m² et de juillet 1981 à 1982, puis de juillet 2005 à février 2007, pour l'appartement de 165 m² ;

Considérant que la cour constate qu'aucune demande n'est formulée en ce qui concerne des dons manuels qui auraient été consentis à M. [S] [P] par ses parents et dont certains lui auraient permis d'acquérir une maison à [Localité 8] ou encore en ce qui concerne l'occupation de biens successoraux par les enfants de M. [S] [P] ;

* sur les demandes de rapports et d'indemnités d'occupation concernant les consorts [P]

Considérant que Mme [DY] [A] demande à la cour, à titre subsidiaire, d'ordonner le rapport aux successions 'de tous les avantages dont ont bénéficié les héritiers : occupations gratuites, dons d'argent, dons lors d'achats immobiliers, dons de biens mobiliers', en faisant figurer des tableaux dans ses écritures ; que, de même, M. [S] [P] demande à la cour, à titre subsidiaire, 'en cas de confirmation du jugement entrepris sur les rapports', d'ordonner que les rapports portent 'sur toutes les donations, avantages directs et indirects reçus par chacun des héritiers et pas seulement sur ceux mentionnés dans le jugement entrepris', de 'constater' que Mme [F] [N] devra 'rapporter' pour son occupation gratuite de l'appartement situé [Adresse 9] et de la maison sise à [Adresse 7] de 1968 à 1972, de constater que Mme [H] [Y] a bénéficié d'une occupation d'une partie (sic) de 1968 à 1969 et de constater que M. [U] [P] a bénéficié d'une occupation gratuite d'un garage de 30 m² pendant 30 ans ;

Considérant qu'il convient de nouveau de rappeler qu'il incombe à Mme [DY] [A] et à M. [S] [P], qui sollicitent le rapport de libéralités, de prouver l'existence de celles-ci ;

Qu'à cet égard, les prétentions dépourvues de pièces invoquées à leur appui ne peuvent qu'être rejetées, de sorte qu'il n'y a lieu d'examiner que celles pour lesquelles des pièces sont invoquées et produites et celles pour lesquelles le rapport est admis par le bénéficiaire de la libéralité ;

$gt; s'agissant de M. [U] [P]

Considérant qu'il résulte des pièces produites que, par acte reçu le 28 mars 1968, [Q] et [L] [P] ont consenti à leur fils [U] une donation préciputaire portant sur une chambre de service située dans l'immeuble sis [Adresse 10] ; qu'il n'y a donc pas lieu à rapport de cette donation, dont il sera tenu compte dans la masse de calcul prévue à l'article 922 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 et applicable en la cause ;

Que, par acte reçu le 21 décembre 1979, [Q] et [L] [P] ont consenti à leur fils [U] une donation en avancement d'hoirie portant sur une somme de 100 000 francs afin de l'aider à acquérir un appartement situé au 2ème étage de l'immeuble sis [Adresse 10] ; que, par ailleurs, M. [U] [P] n'a pas critiqué le jugement en ce qu'il a retenu qu'il avait bénéficié d'un don manuel d'un montant de 63 000 francs de la part de ses parents afin de payer les frais notariés de l'acte d'acquisition ;

Qu'il en résulte que, conformément à l'article 869 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 et applicable en la cause, M. [U] [P] doit rapporter la valeur du bien acquis à proportion de la somme donnée, d'un montant de 163 000 francs, soit 24 849,18 euros ; que la mesure d'expertise doit par conséquent porter sur ce bien ;

Considérant qu'il n'est pas démontré que M. [U] [P] a été gratifié par ses parents d'un don de 10 000 francs qui lui aurait servi à acquérir un appartement situé à [Localité 3], alors que celui-ci soutient que la somme de 10 000 francs qui lui a été versée correspond au remboursement d'une avance qu'il avait consentie à son père ;

Considérant qu'il est acquis aux débats que M. [U] [P] a occupé :

- de 1965 à 1981, un appartement situé au 3ème étage dans l'immeuble sis [Adresse 10],

- de 1981 à 2006, un garage de 30 m² situé dans le même immeuble ;

Que celui-ci, qui a prétendu d'abord à une occupation gratuite, soutient avoir réglé partiellement un loyer pour l'appartement et pour le garage et avoir réalisé des travaux de remise en état de l'appartement ;

Qu'il n'en justifie pas suffisamment par les pièces qu'il produit, de sorte qu'il y a lieu de considérer que ses parents se sont appauvris dans l'intention de gratifier leur fils, qui doit par conséquent rapporter cet avantage indirect à leurs successions ;

Que la mesure d'expertise doit par conséquent porter sur ces biens ;

Considérant que, s'agissant d'une maison située à [Localité 5] et dépendant de l'indivision successorale, si M. [U] [P] admet s'y rendre régulièrement, il n'est aucunement justifié de sa jouissance exclusive de ce bien, de sorte qu'il n'y a pas lieu à indemnité d'occupation ;

$gt; s'agissant de Mme [H] [Y] et de Mme [F] [N]

Considérant que les donations alléguées ne sont étayées par aucune pièce, excepté une note manuscrite attribuée à [Q] [P] et faisant prétendument état d'une somme d'un montant de 20 000 francs donnée à Mme [H] [Y] en vue de l'acquisition d'un appartement à [Localité 3] et d'une somme d'un montant de 30 000 francs donnée à Mme [F] [N] ;

Que, cependant, une telle note est manifestement insuffisante, en l'absence notamment de documents bancaires, à rapporter la preuve d'une donation effectivement consentie à Mme [H] [Y] et à Mme [F] [N] ;

Qu'il n'y a donc pas lieu à rapport de la part de Mme [H] [Y] et de Mme [F] [N] ;

$gt; s'agissant de Mme [K] [X]

Considérant que les donations invoquées sont dépourvues de la moindre preuve, Mme [K] [X] reconnaissant toutefois avoir reçu trois harpes de ses parents ;

Que, toutefois, s'agissant d'instruments de musique achetés par [Q] et [L] [P] à leur fille alors qu'elle était adolescente pour les deux premiers et étudiante au conservatoire national supérieur de musique pour la troisième, ces donations s'analysent en des dépenses d'éducation, d'entretien et ordinaires d'équipement, non soumises à rapport en application de l'article 852 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 et applicable en la cause ;

Considérant que les parties ne saisiront pas le commissaire priseur si le partage des meubles a déjà eu lieu, comme le prétendent les consorts [P] ;

Considérant que les autres dispositions du jugement ne sont pas critiquées ;

PAR CES MOTIFS :

Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les conclusions signifiées et les pièces communiquées le 18 juin 2013 par les consorts [P],

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a fait porter la mesure d'expertise confiée à Mme [I] sur les deux appartements situé [Adresse 1], ainsi que sur l'évaluation de l'occupation de l'appartement de 70 m² situé au rez-de-chaussée de l'immeuble sis [Adresse 10] de 1978 à juin 1981 et sur l'évaluation de l'occupation de l'appartement de 165 m² situé au 3ème étage du même immeuble de juillet 1981 à 1982 et de février 2005 à février 2007,

Y ajoutant et statuant à nouveau,

Ordonne le rapport aux successions par Mme [DY] [A] de l'avantage indirect dont elle a bénéficié par la mise à disposition, d'abord à titre gratuit puis à faible loyer :

- de 1977 à juillet 1981, du pavillon de 36 m² situé dans l'immeuble sis [Adresse 10],

- d'août 1981 à 1982, de l'appartement de 70 m² situé au rez-de-chaussée du même immeuble,

- de 1982 à juin 2005, de l'appartement de 165 m² situé au 3ème étage du même immeuble,

Ordonne le rapport aux successions par Mme [B] [T] de la somme de 18 293,88 euros au titre du don manuel reçu de ses parents en 1980,

Ordonne le rapport aux successions par M. [U] [P] de la valeur de l'appartement situé au 2ème étage de l'immeuble sis [Adresse 10], à proportion de la somme de 163 000 francs, soit 24 849,18 euros, donnée par ses parents,

Ordonne le rapport aux successions par M. [U] [P] de l'avantage indirect dont il a bénéficié par la mise à disposition :

- de 1965 à 1981, de l'appartement situé au 3ème étage dans l'immeuble sis [Adresse 10],

- de 1981 à 2006, du garage de 30 m² situé dans le même immeuble,

Dit que la mesure d'expertise confiée à Mme [I] portera également :

- sur l'appartement situé au 2ème étage de l'immeuble sis [Adresse 10] et appartenant à M. [U] [P], avec mission de donner un avis sur la valeur vénale actuelle de ce bien d'après son état à l'époque de l'acquisition,

- sur l'appartement situé au 3ème étage dans l'immeuble sis [Adresse 10], avec mission de donner un avis sur le montant de l'indemnité due pour l'occupation du bien de 1965 à 1981 par M. [U] [P],

- sur le garage de 30 m² situé dans l'immeuble sis [Adresse 10], avec mission de donner un avis sur le montant de l'indemnité due pour l'occupation du bien de 1981 à 2006 par M. [U] [P],

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,

Rejette toute autre demande,

Ordonne l'emploi des dépens en frais de partage,

Rappelle que l'emploi des dépens en frais de partage exclut le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 12/16442
Date de la décision : 11/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°12/16442 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-11;12.16442 ?
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