La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2013 | FRANCE | N°11/10383

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 04 juillet 2013, 11/10383


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 04 Juillet 2013

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/10383 et 12/00740 - MAC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mai 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section activités diverses RG n° 10/03271



APPELANTE

SAS ETABLISSEMENTS CAMBOUR FABRICANT JOAILLER BIJOUTIER

[Adresse 2]

[Adresse 2]
>représentée par Me Corinne BEAUCHENAT, avocat au barreau de PARIS, toque : R.0257



INTIME

Monsieur [P] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 04 Juillet 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/10383 et 12/00740 - MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mai 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section activités diverses RG n° 10/03271

APPELANTE

SAS ETABLISSEMENTS CAMBOUR FABRICANT JOAILLER BIJOUTIER

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Corinne BEAUCHENAT, avocat au barreau de PARIS, toque : R.0257

INTIME

Monsieur [P] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Florence LAUSSUCQ-CASTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E2034 substitué par Me Vincent DE CHASTELLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E2034

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [F] a été engagé, le 9 octobre 2003, suivant un contrat de travail à durée indéterminée par la SAS Cambour, en qualité de joailler graveur.

Un avenant a été signé entre les parties le 2 novembre 2007, la SARL Cambour s'engageant à régler 10 heures supplémentaires par mois.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie.

Par une lettre du 20 janvier 2010, M. [F] a été convoqué pour le 27 janvier 2010 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, lequel licenciement lui a été notifié pour faute grave par lettre recommandée du 1er février 2006.

Estimant ne pas être rempli de l'ensemble de ses droits et contestant la mesure de licenciement prise à son encontre, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins d'obtenir outre des rappels de salaires, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages-intérêts pour le préjudice moral distinct ainsi qu'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Par un jugement du 25 mai 2011, le conseil de prud'hommes de Paris a condamné la SARL Cambour à verser à M. [F] les sommes suivantes :

- 1904 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées,

- 190,40 euros au titre des congés payés afférents,

- 7349,12 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 734,91 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 4819,20 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 22 047,36 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle sérieuse,

- 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a débouté M. [F] du surplus de ses prétentions.

Appelante de ce jugement, la SAS Cambour en sollicite l'infirmation.

Elle demande le remboursement des sommes versées au salarié au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré et réclame 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F] a relevé appel partiel du jugement déféré.

S'il sollicite sa confirmation en ce que le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la SAS Cambour à lui verser un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, les congés payés afférents, les indemnités de rupture et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, il conclut à sa réformation pour le surplus.

Il demande à la cour de condamner la SAS Cambour à lui verser les sommes suivantes :

- 8050 euros à titre de rappel de salaire pour le ¿ d'heure d'équivalence illicite,

- 805 euros au titre des congés payés afférents,

- 3674,56 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

- 44 094,72 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 11 023,68 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral,

- 22 047,36 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS :

Il convient pour une bonne administration de la justice de prononcer la jonction des procédures 11/10383 et 12/00740.

Sur les heures supplémentaires :

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Il incombe au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande..

Au soutien de sa demande au titre des heures supplémentaires, M. [F] fait valoir que par un avenant du 2 novembre 2007, les parties étaient convenues que la durée de travail serait allongée de 10 heures mensuelles, qu'à sa rémunération mensuelle de 3300 euros s'ajouterait la rémunération de 10 heures supplémentaires à hauteur de 272 euros et ce, à compter du 1er novembre 2007, qu'à compter du mois de juillet 2009, cette somme n'a plus été versée alors qu'il effectuait les dites heures.

Pour s'opposer au paiement des heures supplémentaires réclamées à compter du mois de juillet 2009, la société soutient que M. [F] n'a plus effectué d'heures supplémentaires qu'il revendique, en dépit de ce qu'il prétend.

C'est avec pertinence que les premiers juges ont relevé que la SAS Cambour avait pris l'engagement contractuel aux termes de l'avenant signé le 2 novembre 2007 tout à la fois de fournir au salarié du travail pour 10 heures supplémentaires chaque mois et par suite, de les rémunérer.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Cambour à verser à M. [F] la somme de 1904 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires contractuellement prévues outre les congés payés afférents.

Sur la demande de rappel de salaire en raison du caractère illicite du régime d'équivalence :

Se fondant sur les dispositions de l'article L. 3121-9 du code du travail selon lesquelles « une durée du travail équivalent à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction, soit par décret, pris après conclusion d'une convention de d'accord de branche, soit par décret en conseil d'État, ces périodes sont rémunérées conformément aux usages ou conventions ou accords collectifs de travail, », M. [F] soutient que le fait d'assimiler 7 heures 45 de présence à 7 heures 30 de travail effectif est illicite.

Il estime que ce quart d'heure supplémentaire a été travaillé au-delà de la durée hebdomadaire légale et entre dans le champ de la législation applicable en matière d'heures supplémentaires, que ce ¿ d'heure doit être majoré de 25 % et réclame, dans la limite de la prescription quinquennale, la somme de 8050 euros à ce titre.

La SAS Cambour rétorque avoir expliqué à l'inspection du travail que le ¿ d'heure litigieux ne résulte pas d'un régime d'équivalence mais constitue un temps de pause instauré à la demande des délégués du personnel lors de la mise en place des 35 heures en 2001, que ces derniers avaient en effet souhaité que les salariés puissent disposer, à leur gré, d'un temps de pause pendant lequel ils pourraient vaquer librement à leurs occupations personnelles, sans être à la disposition de l'employeur.

Toutefois, la SAS Cambour n'apporte aucun élément pour justifier la demande des délégués du personnel à cet égard et l'accord alors pris.

Par ailleurs M. [F] communique lui même trois documents pour justifier le bien-fondé de sa prétention.

M. [M] [L], joaillier dans la société atteste que « la société déduisait un quart d'heure quotidiennement sur le temps de travail alors que nous les salariés n'avions pas le droit de prendre des pauses en réalité, hors déjeuner».

M. [U] [J] confirme ces propos en indiquant « la société nous faisait travailler chaque jour 15 minutes qui n'étaient pas rémunérées alors même que nous ne pouvions pas prendre de pauses équivalentes sur notre journée de travail hors pause déjeuner qui elle, était décomptée de notre temps de travail».

Enfin, M. [C] [V] contrôleur du travail a, dans un courrier du 9 janvier 2012 confirmé « être intervenu au sein de la société dans le courant de l'année précédente et ne pas être autorisé à communiquer les courriers adressés à l'entreprise mais précise pouvoir apporter les éléments suivants :

le fait d'assimiler 7heures45 de présence à 7heures30 de travail effectif, alors que le système d'enregistrement des horaires ne fait apparaître aucune pause, constitue un régime d'équivalence. Les régimes d'équivalence ont été institués en 1936 dans le cadre de la loi sur les 40 heures. Il a alors été considéré qu'en raison de la nature de certaines activités comportant nécessairement des périodes d'inaction, on assimilerait à la durée légale du travail une durée de présence plus longue. L'article L. 3121-9 du code du travail dispose que les régimes d'équivalence peuvent être institués, soit par décret pris après conclusion d'une convention d'un accord de branche, soit par décret en conseil d'État. Or, aucun décret n'a été pris dans ce sens pour la branche des bijouteries, joailleries et orfèvreries. L'entreprise ne peut donc en aucun cas appliquer un régime d'équivalence et doit rémunérer l'ensemble des heures de présence exigées par l'employeur. Cette règle a été rappelée à votre ancien employeur et nous lui avons demandé de procéder à des rappels de salaires».

À défaut pour la SARL Cambour de justifier de l'accord pris avec les délégués du personnel, le régime d'équivalence imposé par la société était illicite.

M. [F] est donc fondé en sa demande à laquelle il sera fait droit.

La SAS Cambour sera donc condamnée au paiement de la somme de 8050 euros ainsi qu'aux congés payés afférents.

Sur le licenciement :

En application des dispositions de l'article L.1235 -1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties...si un doute subsiste, il profite au salarié.

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

La lettre de licenciement du 1er Février 2010, qui circonscrit le litige est ainsi rédigée :

«Nous faisons suite à l'entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement qui s'est tenu le mercredi 27 janvier 2010, auquel vous avez été convoqué par courrier recommandé en date du 20 janvier 2010 et remis en main propre le même jour.

Lors de cet entretien, pour lequel vous vous êtes fait assister d'un de vos collègues, M. [J] [U], vous avez pu discuter le grief retenu contre vous, lequel était décrit dans la lettre de convocation.

Les objections que vous avez formulées, outre qu'elles s'appuient sur des informations non vérifiables n'ôtent absolument rien à la gravité des faits qui vous sont reprochés.

Il est par ailleurs parfaitement inexact que l'entreprise ait fait preuve de laxisme, ainsi qu'en témoigne au contraire le fait qu'un avertissement ait été décidé à l'encontre d'une collaboratrice qui avait gravé une alliance sans autorisation préalable avec le matériel de l'entreprise, et que vous ayez connaissance de cette sanction.

Par comparaison, la faute qui vous est reprochée est d'une tout autre nature : en effet, vous avez créé ou copié puis reproduit en volume tridimensionnel (et non pas seulement gravé) un produit sans autorisation préalable, pendant une période de forte charge pour votre service.

Du fait de la spécificité des équipements dont vous avez la responsabilité qui sont destinés à la multi-reproduction, de la volonté évidente de dissimuler, de votre déclaration à M. [X] que la bague en résine/cire était destinée à un tiers, lequel, vous ne l'ignorez pas pouvait lui-même reproduire à partir de cette résine/cire cette bague en de nombreux exemplaires, votre acte fautif est un acte de concurrence particulièrement déloyal.

En outre, la liberté dont vous jouissez dans l'entreprise et la position que vous occupez conduisent à engager totalement votre responsabilité.

Aussi, nous avons décidé de mettre fin à votre contrat de travail pour faute grave, avec effet ce jour.

Votre attestation Pôle Emploi, votre certificat de travail et votre solde de tout compte seront mis à votre disposition au siège de la société, [Adresse 2]. Vous voudrez bien vous rapprocher du comptable, M. [G] pour prendre rendez vous à l'effet de retirer ces documents [...].

La SAS Cambour explique que le licenciement de M. [F] est fondé sur l'existence d'une faute grave, caractérisée par le fait d'avoir tenté de dissimuler la création ou la copie d'une bague en volume tridimensionnel, sans autorisation préalable, laquelle bague était destinée à un tiers et pouvait être reproduite, ce qui constituait un acte de concurrence déloyale.

Elle précise que les salariés pouvaient utiliser l'outillage et les machines de fabrication en dehors des heures de travail, sur autorisation préalable à la condition d'établir une fiche d'utilisation et de rembourser le prix du métal et de la main-d'oeuvre utilisés, que M. [F] avait connaissance de cette possibilité mais qu'il s'est sciemment affranchi de respecter la procédure.

Pour justifier la faute grave commise par le salarié, l'employeur communique aux débats le règlement intérieur ainsi que la charte de bon usage des TIC (technologies de l'information et de la communication) constituant une annexe au règlement intérieur, et rappelant que l'utilisation du matériel de l'entreprise à des fins personnelles ou à d'autres fins que celles auxquelles il était destiné est interdit.

Tout en faisant remarquer que la société n'a pas réagi immédiatement puisqu'un délai d'un mois s'est écoulé entre les faits fautifs invoqués et la notification du licenciement, sans mise à pied, ce qui est incompatible avec l'allégation d'une faute grave, M. [F] soutient que l'utilisation du matériel à des fins personnelles sans autorisation préalable ne peut justifier le licenciement prononcé alors que de tels faits commis, par une autre salariée, a conduit l'employeur à notifier un simple avertissement.

M. [F] explique avoir créé informatiquement en trois dimensions une bague, en dehors de ses heures de travail, que la résine périmée a ensuite été placée sur un emplacement vide d'une machine de l'entreprise qui fonctionnait pour les besoins de l'employeur afin de fabriquer la bague conçue informatiquement, et créer cet objet pour son usage personnel sans aucune dissimulation puisque la bague se trouvait sur sa table lorsque son supérieur hiérarchique l'a trouvée. Il conteste avoir jamais reconnu avoir eu pour projet de reproduire cette bague, en série.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments et des écritures mêmes de M. [F] que celui-ci admet avoir créé informatiquement en trois dimensions une bague, utilisé de la résine périmée puis placé cette bague sur un emplacement vide d'une machine afin de fabriquer la bague conçue.

Plusieurs salariés de l'entreprise, M. [A] [Y], Mme [D] [Q], M. [O] [Z] attestent, dans des termes concordants, que « la fabrication et la réparation de bijoux ou d'objets, par l'utilisation des outils, consommables, machines de l'entreprise à l'exception du métal et des pierres étaient tolérées au sein de la société »

Par ailleurs, l'employeur n'apporte aucun élément pour établir que le salarié a tenté de dissimuler la fabrication de cette bague dès lors qu'elle précise elle-même que le supérieur hiérarchique M. [K] [X] l'a remarquée sur la table de travail du salarié.

Au surplus, alors que l'employeur a évoqué dans la lettre convoquant le salarié à l'entretien préalable qu'à l'occasion d'un entretien informel du 14 janvier 2010, M. [F] avait reconnu avoir réalisé un objet en cire/résine destinée à la reproduction en série dans un atelier extérieur d'un modèle de bague pour son compte personnel en utilisant les équipement et main-d'oeuvre de l'entreprise sans autorisation, la SAS Cambour n'apporte aucun élément pour justifier de cette prétendue reconnaissance que conteste fermement le salarié.

Le grief relatif à un acte de concurrence déloyale n'est donc absolument pas établi.

Dans ces conditions, le fait pour le salarié d'avoir conçu informatiquement une bague, utilisé de la résine périmée, certes, sans autorisation expresse de son supérieur mais au vu et au su de celui-ci qui l'a remarquée sur la table de travail, constitue un motif réel mais insuffisamment sérieux de licenciement, cette sanction étant en présence d'un salarié ayant plus de six années d'ancienneté et en l'absence de tout avertissement préalable pour un incident similaire, disproportionnée.

Le jugement déféré ayant retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse sera donc confirmé.

De même, ce jugement sera confirmé en ce qu'il a accordé à M. [F] les indemnités de rupture, étant observé que la SAS Cambour ne formule aucune objection particulière sur le montant des sommes réclamées à ces titres.

Par ailleurs, compte tenu de l'effectif de l'entreprise occupant plus de onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (3 674,56 euros) , de son âge, de son ancienneté( six années et près de sept mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à M. [F], en application de l'article L.1235-3 du Code du travail, une somme de 30000 euros.

M. [F] est mal fondé en sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure, les dispositions de l'article L. 1235-2 du code du travail n'ayant vocation à recevoir application qu'en cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse, étant observé que l'entreprise occupe plus de 11 salariés, qu'il avait une ancienneté supérieure à deux ans, qu'il n'a donc pas été fait application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail.

M. [F] ne peut voir davantage sa demande de dommages-intérêts à raison des conditions brutales du licenciement prospérer, à défaut pour lui de justifier d'un préjudice moral distinct de celui qui résulte des circonstances mêmes de la rupture, déjà prises en compte dans l'évaluation du préjudice précédemment indemnisé.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé :

En application de l'article L. 8221'5 du code du travail est réputé travail dissimulé,par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l'embauche, de se soustraire à la délivrance de bulletins de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Encore faut il que soit établi le caractère intentionnel de l'abstention en cause.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention de supplémentaires sur les bulletins de paie.

M. [F] soutient que sa hiérarchie n'ignorait pas les horaires réalisés dans la mesure où elle pouvait en prendre connaissance lors des échanges de mails qu'ils communiquent aux débats.

D'après les éléments communiqués, il est avéré que la SAS Cambour a sciemment refusé de mentionner et de régler des heures supplémentaires alors pourtant qu'elle s'y était engagée contractuellement.

Le caractère intentionnel de la SAS Cambour de dissimuler des heures effectuées est établi, dans le cas d'espèce.

La SAS Cambour sera condamnée à payer à M. [F] l'indemnité forfaitaire de six mois légalement prévue, soit la somme de 22 047,36 euros.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [F] du chef de cette demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235 -4 du code du travail :

L'article L. 1235- 4 du code du travail dispose que dans les cas prévus aux articles L. 1235 - 3 et L. 1235-11 le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Les dispositions sus évoquées ont vocation à recevoir application, dans la présente espèce.

La société sera condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [F] dans la limite de six mois.

Sur la demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à M. [F] une indemnité de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 2000 euros sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d'appel.

La SAS Cambour, qui succombe dans la présente instance, sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Prononce la jonction des procédures RG n°11/10383 et 12/00740

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui a trait au montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

L'infirme sur ces points,

Statuant à nouveau et y ajoutant:

Condamne la SAS Cambour à verser à M. [F] les sommes suivantes :

- 8050 euros à titre de rappel de salaire pour le quart d'heure d'équivalence illicite,

- 805 euros au titre des congés payés afférents,

- 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 22 047,36 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne la remise par la SAS Cambour d'un bulletin de paie récapitulatif, d'une attestation Pôle emploi conformes aux termes du présent arrêt;

Ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

Déboute la SAS Cambour de sa demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Cambour aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/10383
Date de la décision : 04/07/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°11/10383 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-07-04;11.10383 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award