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02/07/2013 | FRANCE | N°12/10226

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 02 juillet 2013, 12/10226


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 02 JUILLET 2013



(n° 260 , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 12/10226



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2012 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 10/10211







APPELANTS



Monsieur [Y] [L] [M]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Re

présenté et assisté par la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHEL (Me Maryline LUGOSI) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0073) et par Me Louis GAYON de la ASS GUILLOTEAU & ASSOCIE (avocat au bar...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 02 JUILLET 2013

(n° 260 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/10226

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2012 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 10/10211

APPELANTS

Monsieur [Y] [L] [M]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté et assisté par la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHEL (Me Maryline LUGOSI) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0073) et par Me Louis GAYON de la ASS GUILLOTEAU & ASSOCIE (avocat au barreau de PARIS, toque : R249)

Madame [E] [P] [J] épouse [M]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté et assisté par la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHEL (Me Maryline LUGOSI) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0073) et par Me Louis GAYON de la ASS GUILLOTEAU & ASSOCIE (avocat au barreau de PARIS, toque : R249)

SARL ORION FIDUCIAIRE inscrite au RCS de Créteil sous le N° 409.297.009 agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté et assisté par la SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034)

SARL [M] PATRIMOINE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté et assisté par la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHEL (Me Maryline LUGOSI) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0073), et par Me Louis GAYON de la ASS GUILLOTEAU & ASSOCIE (avocat au barreau de PARIS, toque : R249)

SARL [M] 02 PATRIMOINE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté et assisté par la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHEL (Me Maryline LUGOSI) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0073), et par Me Louis GAYON de la ASS GUILLOTEAU & ASSOCIE (avocat au barreau de PARIS, toque : R249)

INTIMES

Monsieur [Y] [L] [M]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté et assisté par la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHEL (Me Maryline LUGOSI) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0073), et par Me Louis GAYON de la ASS GUILLOTEAU & ASSOCIE (avocat au barreau de PARIS, toque : R249)

Madame [E] [P] [J] épouse [M]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté et assisté par la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHEL (Me Maryline LUGOSI) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0073), et par Me Louis GAYON de la ASS GUILLOTEAU & ASSOCIE (avocat au barreau de PARIS, toque : R249)

SARL [M] PATRIMOINE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté et assisté par la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHEL (Me Maryline LUGOSI) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0073), et par Me Louis GAYON de la ASS GUILLOTEAU & ASSOCIE (avocat au barreau de PARIS, toque : R249)

SARL [M] 02 PATRIMOINE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté et assisté par a SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI MICHE L (Me Maryline LUGOSI) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0073), et par Me Louis GAYON de la ASS GUILLOTEAU & ASSOCIE (avocat au barreau de PARIS, toque : R249)

SCP [B] SCP notariale

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté et assisté par la SCP KUHN (Me Herve-bernard KUHN) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0090), et par Me Gérard SALLABERRY (avocat au barreau de PARIS, toque : E379)

SCP [D]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté et assisté par la SCP KUHN (Me Herve-bernard KUHN) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0090), et par Me Gérard SALLABERRY (avocat au barreau de PARIS, toque : E379).

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Catherine CURT

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, président et par Mme Catherine CURT, greffier présent lors du prononcé.

En 2000 et 2002, les époux [M] ont constitué les sociétés [M] Patrimoine et [M] 02 Patrimoine pour investir dans des projets immobiliers de défiscalisation par l'acquisition de lots de copropriété de résidences hôtelières dont les revenus locatifs relevaient du régime fiscal de la location meublée professionnelle.

Ce projet de défiscalisation leur avait était proposé 'clés en main' par M. [N] [G], l'offre de services couvrant à la fois la simulation financière, la constitution de sociétés transparentes, l'obtention du financement, la rédaction des actes de vente par des notaires partenaires, l'exploitation des résidences hôtelières par des sociétés intermédiaires et le suivi comptable et fiscal par un expert du chiffre.

La société [M] Patrimoine a acquis par actes notariés reçus par Maître [B]:

- le 31 octobre 2000, plusieurs lots dans une résidence située au [Localité 6] pour un prix de 6 210 844 francs ( 946 837, 06 euros),

- le 29 décembre 2000, deux lots d'une résidence située à [Adresse 5] pour un prix de 863 292 francs (131 608 euros),

- le 29 décembre 2000, plusieurs lots d'une résidence à [Localité 5] pour un prix de 1 530 840 francs (233 375 euros).

Par acte notarié reçu par Maître [D], la société [M] 02 Patrimoine a, quant à elle, acquis le 25 juillet 2002 deux lots d'une résidence située à Celles pour un prix de 576 674 euros.

Les sociétés [M] Patrimoine et [M] 02 Patrimoine ont confié au cabinet d'expertise comptable Orion Fiduciaire une mission de tenue et de présentation des comptes ainsi que d'établissement des déclarations fiscales.

Les deux sociétés ont fait l'objet d'un contrôle fiscal à la fin 2003 pour la première, au début 2004 pour la seconde, au cours duquel le cabinet Orion Fiduciaire a été mandaté par leur gérant pour les représenter.

L'administration fiscale a notifié un redressement, le 23 décembre 2003, à la société [M] Patrimoine pour un montant total de 67 372 euros et le 6 février 2004 à la société [M] 02 Patrimoine pour un montant de 22 467 euros.

Ces redressements ont été opérés au motif de déductions de l'assiette imposable du montant de TVA se rapportant à des facturations de frais et d'honoraires de commercialisation non justifiés, ces derniers qui avaient été déduits au titre des amortissements des immobilisations incorporelles ayant, par ailleurs, été portés en résultat.

Les sociétés [M] Patrimoine et [M] 02 Patrimoine ayant opté pour le régime d'imposition à personne, les pertes des deux sociétés qui avaient été déduites par les époux [M] de l'assiette de leur impôt sur le revenu, ont été en conséquence rectifiées, et un rappel d'impôt sur le revenu leur a été notifié pour les années 2000, 2001 et 2002 à hauteur de 351 528 euros, incluant les intérêts et pénalités de retard pour 54 067 euros le 13 décembre 2005.

Après discussions avec les intéressés, l'administration fiscale a ramené, le 16 février 2010, les redressements aux sommes de 45 529 euros au titre de la TVA et 32 712 euros au titre de l'impôt sur le revenu.

C'est dans ces circonstances que, par actes des 24, 27 et 28 juillet 2010, M. [Y] [M], Mme [E] [M], son épouse, et les sociétés [M] Patrimoine et [M] 02 Patrimoine ont fait assigner en responsabilité la société Orion Fiducaire, les deux SCP de notaires associés devant le tribunal de commerce de Créteil.

Par jugement du 26 mars 2012, le tribunal a débouté les époux [M] et les deux sociétés [M] Patrimoine et [M] 02 Patrimoine de leurs demandes à l'égard des sociétés civiles de notaires, a dit que la société Orion Fiduciaire a commis une faute engageant sa responsabilité, l'a condamnée à payer aux sociétés [M] Patrimoine et [M] 02 Patrimoine la somme de 45 529 euros et à M. et Mme [M] la somme de 32 712 euros à titre de dommages et intérêts, a débouté M. et Mme [M] de leurs autres demandes, a condamné la société Orion Fiduciaire à payer aux demandeurs la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a condamné les demandeurs à payer la somme de 1 500 euros aux sociétés civiles de notaires, a ordonné l'exécution provisoire et a condamné la société Orion Fiduciaire aux dépens.

La société Orion Fiduciaire a relevé appel de cette décision par déclaration du 5 juin 2012.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 22 mars 2013, elle demande à la cour de réformer le jugement déféré, de constater que l'action des consorts [M] est prescrite, de les dire et juger par conséquent irrecevables en leur action, subsidiairement, de constater que le montant de l'impôt normalement dû dont se sont acquittés les consorts [M] ne constitue pas un préjudice indemnisable, de constater qu'elle n'a commis aucune faute, de constater en tout état de cause que les consorts [M] ont, eux-même, participé à la réalisation du préjudice allégué en acceptant les chefs de redressements proposés par l'administration, fondés sur la prétendue non-déductibilité des frais d'établissement inscrits dans les actes notariés d'acquisition, de les débouter et de les condamner à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 4 avril 2013, M. et Mme [M] et les deux sociétés [M] Patrimoine et [M] 02 Patrimoine demandent à la cour de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Créteil en ce qu'il a condamné la société Orion Fiduciaire à leur payer, respectivement les sommes de 32 712 et 45 529 euros à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de l'infirmer pour le surplus, de condamner solidairement la société Orion Fiduciaire, la [B] et la SCP [D] à payer aux deux sociétés [M] les sommes de 45.529 euros et aux époux [M] celle de 32.712 euros à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires, ainsi qu'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 18 janvier 2013, la SCP [T], anciennement [A] et Associés, et la SCP [B] demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [M] et leurs sociétés de toutes leurs demandes et de les condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

SUR CE

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société Orion Fiduciaire

La société Orion oppose aux consorts [M] et à leurs sociétés la clause abréviative de prescription figurant dans les deux lettres de mission à elle confiée par les sociétés [M] Patrimoine et [M] 02 Patrimoine.

Cette clause est ainsi rédigée :

'Tout appel ou responsabilité ne pourra être introduit que pendant une période de cinq années commençant à courir le premier jour de l'exercice suivant celui au cours duquel est né le sinistre correspondant à la demande. Celle-ci devra être présentée dans les trois mois suivant la date à laquelle vous aurez connaissance du sinistre éventuel'.

Les consorts [M] et leurs sociétés font valoir que cette clause ne saurait leur être opposée aux motifs qu'une des deux lettres de mission n'est pas signée par M. [M], seul représentant légal de la société [M] Patrimoine, mais par son épouse et que l'autre n'est pas datée, que de telles clauses abréviatives de prescription ne sont valables qu'entre professionnels, qu'en tout état de cause la connaissance certaine et définitive du dommage ne résulte que de l'accord amiable conclu avec l'administration fiscale le 4 mars 2010, de sorte que le délai de cinq ans, à le supposer applicable ne courrait qu'à compter de cette date, qu'enfin l'avis de mise en recouvrement de leur impôt sur le revenu n'est que du 21 septembre 2005, de sorte que M. et Mme [M] ne se trouvaient pas prescrits à la date de délivrance de l'assignation le 24 juillet 2010.

Mais celui qui se prévaut d'une lettre de mission confiée à un expert-comptable pour rechercher la responsabilité de ce dernier n'est pas recevable à invoquer l'absence de signature ou de date du contrat pour échapper à une de ses clauses, étant de surcroît observé que les deux lettres de mission sont rédigées en des termes identiques, signées au nom et pour le compte de chacune des deux sociétés, M. [M] ne déniant ni le paraphe ni la signature qui figurent sur la lettre de mission émanant de la société [M] 02 Patrimoine, de sorte que le moyen sera rejeté.

Sauf dispositions d'ordre public contraires, en l'espèce non invoquées, les aménagements conventionnels de prescription, désormais consacrés par l'article 2254 du code civil, sont réguliers, notamment dans les rapports entre professionnels, qualité revendiquée par la société [M] Patrimoine et [M] 02 Patrimoine au titre du régime fiscal dont elles se prévalent en qualité de bailleur de meublés à titre professionnel.

En l'espèce, les aménagements conventionnels de prescription auxquels ont souscrits les deux sociétés ne se bornaient pas à en réduire le délai, de dix à cinq ans, mais précisaient également le point de départ de celui-ci, qui n'était pas la connaissance certaine et définitive du dommage comme elles le soutiennent de manière inopérante, mais le premier jour de l'exercice suivant celui au cours duquel est né le sinistre.

En l'espèce le sinistre est né au jour de la notification des redressements.

Le premier redressement notifié à la société [M] Patrimoine est en date du 22 décembre 2003, de sorte que la prescription a commencé à courir le 1er janvier 2004. La société [M] Patrimoine était dès lors prescrite à la date d'engagement de son action, le 24 juillet 2010.

Le second redressement a été notifié à la société [M] 02 Patrimoine le 6 février 2004, faisant courir le délai de prescription à compter du 1Er janvier 2005, de sorte qu'elle était également prescrite au 24 juillet 2010.

Il sera dès lors fait droit à la fin de non-recevoir qui est opposée de ce chef aux sociétés [M] Partimoine et [M] 02 Patrimoine.

S'agissant du rappel d'impôt sur le revenu des époux [M], ces derniers invoquent un avis de mise en recouvrement du 21 septembre 2005, qui fait seul courir la prescription de leur action en responsabilité à l'égard de la société Orion Fiduciaire, les lettres de mission qui ont été délivrées à cette dernière par les deux sociétés ne visant pas l'intervention de l'expert-comptable au titre de l'établissement des déclarations d'impôt sur le revenu des personnes physiques qui les dirigent.

Il en résulte que l'action de M. et de Mme [M], qui n'étaient pas parties au contrat à titre personnel, est nécessairement de nature délictuelle, le préjudice invoqué (32 712 euros) résultant d'un éventuel manquement de la société Orion Fiduciaire aux obligations contractuelles qu'elle avait souscrites à l'égard des sociétés [M] Patrimoine et [M] 02 Patrimoine, de sorte qu'à la date d'engagement de l'instance, cette action, à laquelle la clause abréviative de prescription n'est pas opposable, n'était pas prescrite.

La fin de non-recevoir qui est opposée de ce chef à M. et Mme [M] sera, par conséquent, rejetée

Sur la faute de la société Orion Fiduciaire

Les demandeurs expliquent que l'inspecteur des impôts a relevé que la majorité des frais figurant dans les divers actes authentiques et les livres de comptes n'était pas justifiée par des factures permettant d'apprécier la matérialité et l'intérêt des prestations fournies et que leur règlement effectif n'était pas démontré, que de surcroît le cabinet Orion Fiduciaire a présenté à l'administration fiscale des factures émises par des sociétés qui n'étaient pas parties aux ventes immobilières, de sorte que sa responsabilité se trouve nécessairement engagée pour avoir passé en comptes sans justificatifs ou sur la base de justificatifs qu'elle savait fictifs ou erronés des frais et opérations dont le montant, déduit à tort, a finalement été retraité en chiffre d'affaires, ce qui a augmenté d'autant l'assiette de leur impôt sur le revenu.

La société Orion Fiduciaire affirme avoir exécuté sa mission dans des conditions exemptes de toute critique, rappelant que la mission d'expert-comptable s'effectue sur la base des

informations communiquées par le client qui a la responsabilité de conserver les pièces justificatives de sa comptabilité et qu'en l'espèce les actes authentiques qui mentionnaient ses frais et provisions suffisent à faire foi de la réalité des prestations passées en compte, ce dont l'administration fiscale aurait dû convenir.

Mais il sera relevé, après les premiers juges, que la société Orion Fiduciaire était chargée de la tenue de la comptabilité des sociétés [M], qu'elle a établi les déclarations fiscales et a opéré les déductions litigieuses ayant donné lieu aux redressements fiscaux et qu'il lui appartenait à ce titre de s'assurer que cette déclaration était conforme aux exigences légales.

L'administration fiscale a en particulier relevé :

- qu'avait été déduite, pour chaque acquisition, la TVA correspondant à des factures d'une société International Sponsoring Finance et Consultance France, le montant hors taxe des factures, à hauteur d'une somme de 2 26 6557 francs, ayant été inscrits au titre des amortissements d'immobilisations incorporelles, alors que les actes notariés ne mentionnaient pas l'intervention de ce prestataire de service,

- que des factures présentées lors du contrôle fiscal ne correspondaient pas au montant porté en comptabilité, la différence étant du simple au double (121 944 francs facturé pour un montant déduit de 229 905 francs),

- qu'ont été comptabilisées sur l'exercice 2000 des cotisations d'assurances appelées sur l'exercice suivant,

- qu'ont été à tort déduites des primes d'assurance- vie, à hauteur de 519 176 francs, devant être comptabilisées en actif immobilisé.

Il résulte de ces seules constatations que la société Orion Fiduciaire en procédant à diverses déductions du bénéfice imposable des sociétés [M] irrégulières ou d'un montant dont elle ne s'était pas au préalable assurée de la justification, puis en présentant à l'administration fiscale auprès de laquelle elle était mandatée lors du contrôle fiscal des factures impropres à convaincre cette dernière de la réalité des écritures comptables passées, a commis plusieurs fautes engageant sa responsabilité professionnelle.

Compte tenu des fautes reprochées, c'est de manière inopérante que l'appelante invoque une décision isolée, et dont le caractère définitif n'est pas même allégué, de la juridiction administrative ayant considéré que la réalité de prestations mentionnées et chiffrées dans un acte notarié faisaient foi des dépenses engagées, alors que les manquements relevés à sa charge excédent largement ce seul point.

Sur le préjudice résultant de ces fautes

M. et Mme [M] ont fait en définitive l'objet d'un rappel d'impôt sur le revenu de 32 712 euros.

La société Orion Fiduciaire fait valoir pour l'essentiel que le montant de l'impôt normalement dû ne constitue pas un préjudice indemnisable.

Mais il résulte des faits de l'espèce, qu'une partie des fautes reprochées, et notamment la présentation lors de la vérification fiscale de factures non corrélées aux charges déduites, est le fait exclusif du cabinet d'expertise comptable, de sorte qu'il se trouve par sa seule négligence directement à l'origine du préjudice allégué, lequel n'est plus le montant du rappel d'impôt initialement notifié aux époux [M] (soit la somme de 297 461 euros), mais la somme de 32 712 euros effectivement rappelée.

Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il a condamné la société Orion Fiducaire à payer cette somme à titre de dommages et intérêts aux époux [M].

Ces derniers seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts supplémentaires au titre des tracasseries administratives, de l'atteinte à l'honorabilité et de la perte des loyers résultant de l'absence de rentabilité de leur investissement, faute de lien de causalité entre ces postes de préjudice et les fautes retenues à la charge de la société Orion Fiduciaire.

Il sera souligné, en effet, que tout contribuable peut être appelé à faire l'objet d'un contrôle fiscal sans qu'il en résulte d'atteinte à son honorabilité, qu'en l'espèce le contrôle fiscal n'a concerné que les sociétés [M], qui se trouvent prescrites en leur action, et non M. et Mme [M] à titre personnel, et que la moindre rentabilité d'opérations de défiscalisation de cette nature ne procède pas de l'expert comptable mais du professionnel de la défiscalisation qui se trouve à l'origine de l'opération.

Sur la responsabilité des notaires

Les demandeurs exposent que les notaires auraient dû les alerter sur le montant des honoraires et provisions particulièrement élevés (près de 30 % du prix de vente) et les informer que ces frais devaient faire l'objet de factures et être justifiés et qu'en s'en étant abstenus ils ont engagé leur responsabilité professionnelles à leur égard.

Mais il sera relevé, après les premiers juges, que les notaires n'étaient pas les concepteurs de l'opération de défiscalisation et n'ont pas participé à la signature des engagements souscrits par les investisseurs, lesquels étaient assistés d'un cabinet d'expertise comptable qualifié pour les conseiller sur le plan fiscal, que la ventilation du prix de vente telle qu'elle figure dans les actes notariés résulte des accords passés entre les époux [M] et le cabinet [G] lors du contrat de réservation, soit bien antérieurement à leur intervention, et n'avait d'autre objet que d'établir l'assiette de leurs émoluments calculés sur le seul le prix du foncier et non sur la totalité du prix de l'opération qui incluait les coût du service vendeur ('package'), de sorte que ces derniers en établissant, après la signature des engagements sous seing-privé, les actes translatifs de propriété ne se trouvent nullement à l'origine, ni directement ni indirectement, des déductions fiscales auxquelles a procédé le cabinet Orion Fiduciaire durant les trois exercices qui ont suivi la vente.

Les sociétés [M] Patrimoine, [M] 02 Patrimoine et les époux [M] seront par conséquent déboutés de leurs demandes à leur égard.

Sur les autres demandes

L'équité conduira à allouer:

- à la SCP [T] et à la SCP [B], prises ensemble, une somme de 2 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel, à la charge des consorts [M].

- aux époux [M] une somme de 5 000 euros du même chef à la charge de la société Orion Fiduciaire.

Compte tenu de l'issue de la présente instance, les dépens d'appel seront partagés par moitié entre la société Orion Fiducaire et les consorts [M].

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société Orion Fiducaire à payer aux sociétés [M] Patrimoine et [M] 02 Patrimoine la somme de 45 529 euros à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare les sociétés [M] Patrimoine et [M] 02 Patrimoine irrecevables en leurs demandes formées contre la société Orion Fiduciaire,

Y ajoutant en cause d'appel,

Condamne in solidum les sociétés [M] Patrimoine et [M] 02 Patrimoine ainsi que M. et Mme [M] à payer à la SCP [T] et à la SCP [B], prises ensemble, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Orion Fiduciaire à payer à M. et Mme [M], pris ensemble, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront supportés par moitié par la société Orion Fiduciaire, d'une part, les sociétés [M] Patrimoine, [M] 02 Patrimoine et M. et Mme [M], pris ensemble d'autre part, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 12/10226
Date de la décision : 02/07/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°12/10226 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-07-02;12.10226 ?
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