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18/06/2013 | FRANCE | N°11/20493

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 18 juin 2013, 11/20493


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 18 JUIN 2013



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/20493



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Octobre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/02825





APPELANT



Monsieur [L] [B]

[Adresse 1]

[Localité 1]



représenté et assisté par l

a SCP LAGOURGUE - OLIVIER (Me Charles-Hubert OLIVIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0029)

et par Me Jean-Yves LE BORGNE (avocat au barreau de PARIS, toque : R264) et Me Pierre-Edouard GONDRAN DE ROBE...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 18 JUIN 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/20493

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Octobre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/02825

APPELANT

Monsieur [L] [B]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté et assisté par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER (Me Charles-Hubert OLIVIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0029)

et par Me Jean-Yves LE BORGNE (avocat au barreau de PARIS, toque : R264) et Me Pierre-Edouard GONDRAN DE ROBERT (avocat au barreau de PARIS, toque : G0210)

INTIMES

Monsieur [U] [O]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté et assisté par Me Jean-loup PEYTAVI (avocat au barreau de PARIS, toque : B1106)

et par Me Olivier SCHNERB (avocat au barreau de PARIS, toque : C1049)

Madame [X] [A]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée et assistée par Me Edmond FROMANTIN (avocat au barreau de PARIS, toque : J151)

et par la AARPI DARTEVELLE & DUBEST (Me Bernard DARTEVELLE) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0015) et la AARPI VATIER & ASSOCIES Association d'Avocats à Respons abilité Professionnelle Individuelle (Me Bernard VATIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0082)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, président et par Mme Catherine CURT, greffier présent lors du prononcé.

Au mois de mars 1990, M. [B] et Mme [A]-[W], qui avait été sa collaboratrice, se sont associés au sein de la Scp [L] [B]- [X] [A]-[W], étude d'administrateurs judiciaires des Hauts-de-Seine, le capital social de la société étant réparti à 67% pour [L] [B] et 33 % pour [X] [A]-[W].

Une convention occulte établie en janvier 1990 était jointe aux statuts garantissant à Mme [A]-[W] la perception de 33% des bénéfices de la Scp, avec un minimum mensuel de 50 000 francs, la part de bénéfices de l'intéressée devant s'établir à 50% au-delà de trois millions de francs de bénéfices.

Une clause de non-concurrence était par ailleurs stipulée par laquelle Mme [A]-[W] s'engageait à ne recevoir aucune affaire du tribunal de commerce des Hauts-de-Seine ou du tribunal de grande instance de Nanterre pendant une durée de quatre ans à compter de la constitution de la société si elle n'était plus associée dans ce délai, cet engagement étant garanti par le dépôt sur un compte séquestre durant quatre ans, en Sicav nanties au profit de Maître [B], d'une somme de 2 000 000 de francs, exigible au départ de Mme [A]-[W].

Par avenant du 12 septembre 1991, Mme [A]-[W] a accepté que son intéressement aux bénéfices de la Scp, en cas de dépassement du seuil de trois millions de francs, soit ramené à 33%.

A la suite d'une mésentente entre associés et faute de dissolution amiable, alors refusée par Mme [A]-[W], cette dernière a, le 2 juillet 1992, saisi de la difficulté la Commission nationale d'inscription et de discipline des administrateurs judiciaires (CNIDAJ), laquelle a décidé, au vu de l'existence et des stipulations de la convention occulte, d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'encontre des deux intéressés.

La CNIDJA a ordonné le 17 juillet 1992 la suspension provisoire de la société civile professionnelle et a désigné dans le cadre de l'instance disciplinaire deux rapporteurs en la personne de MM. [U] [O], inspecteur général des finances, et [T] [C], administrateur judiciaire, qui se sont rendus le 4 septembre suivant dans les locaux de la Scp pour y rencontrer les associés.

Le 11 septembre 1992, la CNIDAJ a pris acte du protocole d'accord et de compromis d'arbitrage signé par Maître [B] et Maître [A]-[W], aux termes duquel la Scp serait dissoute à la date du 31 décembre 1992, la convention occulte regardée comme caduque, Mme [A]-[W] s'engageant à verser telle somme à M. [B] pour solde de tous comptes, ce dernier supportant seul tout éventuel redressement fiscal.

La Commission a prononcé la radiation de la Scp à la date du 31 décembre 1992, et, par une décision distincte, à titre disciplinaire, un blâme à l'encontre de Maître [B] et un avertissement à l'encontre de Maître [A]-[W].

Un liquidateur amiable de la Scp a été désigné pour mener à bon terme les opérations de liquidation.

Une relation intime s'est nouée entre M. [O] et Mme [A].

Les 18 janvier et 11 juin 1993, M. [O] a appelé l'attention des services fiscaux sur la situation de Maître [B], demandant à être informé des résultats de l'enquête ou du contrôle.

Le 13 juillet 1993, un avis de vérification de comptabilité a été adressé à la Scp, en la personne de son liquidateur, pour la période allant de sa création jusqu'à sa radiation. Des redressements fiscaux seront ultérieurement notifiés à chacun des deux associés, à hauteur d'une somme de 123 000 euros s'agissant de Mme [A]-[W] et de 179 000 euros pour M. et Mme [B].

Le 17 février 1994, M. [O] a transmis à M. [H] [Y], chef du Service Central de Prévention de la Corruption, une note anonyme dénonçant les agissements de M. [B], en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Housse-Avia, qui aurait exigé et obtenu des dirigeants de celle-ci, par l'intermédiaire de l'avocat de la société sous procédure collective, Maître [S], le versement d'une somme de 500 000 euros afin de prolonger la période d'observation, laquelle somme aurait été payée sous le couvert de fausses factures. Sur la foi de cette note, M. [Y], ès qualités, saisira le parquet de Nanterre d'un signalement, lequel provoquera ensuite d'une enquête préliminaire l'ouverture d'une information judiciaire.

Le 31 mai 1994, M. [O] a adressé à la Direction des services fiscaux du Haut-Rhin une note dénonçant les agissements de Maître [B] à l'occasion de la reprise des activités d'une société Arbois Macobois dont ce dernier avait été un temps l'administrateur ad hoc avant de devenir, une fois la procédure de redressement ouverte, le conseil d'un candidat repreneur, M. [G], duquel il aurait exigé le versement d'une somme de 1 millions de francs, payée en Suisse par chèque libellé au nom de son épouse, somme sur laquelle il aurait prélevé 300 000 francs en espèces à verser à l'administrateur judiciaire de la société Arbois Macobois, Maître [Z] [R], afin de s'assurer des faveurs de ce dernier.

Le 30 juin 1994 une note anonyme de contenu identique à celle du 31 mai précédent parviendra au 4ème cabinet de délégations judiciaires de la police judiciaire.

Mis en examen le 6 décembre 1994 dans le cadre d'une information judiciaire ouverte des chefs de corruption active et passive, escroquerie, faux et usage de faux, M. [B] sera placé et maintenu en détention provisoire jusqu'au 31 mai 1995, soit durant cinq mois et vingt cinq jours, date à compter de laquelle il sera placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer.

Par jugement du 26 février 1997 du tribunal de grande instance de Nanterre, M. [B] a été relaxé des chefs de corruption active et passive dans l'affaire Housse-Avia, mais déclaré coupable des délits de complicité de faux et usage de faux, d'escroquerie et de corruption active dans l'affaire [G]/ Arbois Macobois.

Par arrêt du 19 mars 1998, la cour d'appel de Versailles a confirmé la relaxe partielle prononcée par les premiers juges, a renvoyé M. [B] des fins de la poursuite s'agissant des chefs de corruption active et passive dans l'affaire [G]/Arbois Macobois ainsi que des chefs de faux et d'usage de faux mais l'a retenu dans les liens de la prévention s'agissant du délit d'escroquerie à raison des manoeuvres destinées à convaincre M. [G], le candidat repreneur de la société Arbois Macobois, de lui remettre une somme de 1 400 000 euros pour prix de son intervention en faveur de son offre.

Par arrêt du 30 juin 1999, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé sans renvoi l'arrêt de condamnation de M. [B] au motif de la prescription du délit d'escroquerie.

Par trois décisions des 25 octobre 1999, 13 décembre 1999 et 7 février 2000, la Commission nationale d'inscription et de discipline des administrateurs judiciaires a dit que la preuve des manoeuvres frauduleuses reprochées à M. [B] n'était pas rapportée, a rouvert les débats sur la régularité, au regard des règles disciplinaires régissant la profession de conseil, de l'honoraire de résultat convenu dans l'affaire [G]/Arbois Macobois, puis, sur réquisitions conformes de son commissaire du gouvernement, a mis fins aux poursuites disciplinaires.

Par décision du 8 décembre 2000, la Commission d'indemnisation de la Cour de cassation a indemnisé le préjudice subi par M. [B] à raison de sa détention provisoire à hauteur de 230 000 euros.

M. [B] sera débouté, par arrêt confirmatif de la cour d'appel de Paris du 20 février 2007, de son action en responsabilité pour faute lourde de l'Etat à raison du fonctionnement défectueux du service public de la justice.

M. [B] avait parallèlement déposé plainte, le 8 octobre 2007, en se constituant partie civile devant le doyen des juges d'instruction de Nanterre, du chef de faux témoignage à l'encontre de Mme [A]-[W], visant alors la déclaration de cette dernière, recueillie le 1er octobre 1994 dans le cadre de l'affaire [G]/Arbois Macobois, qui l'accusait d'avoir prélevé une somme de 300 000 francs sur le compte de l'étude 'pour faire des cadeaux'.

La saisine du magistrat instructeur sera ensuite étendue à des faits de faux et usage de faux dénoncés par M. [B] visant la remise par son associée à l'occasion d'une confrontation du 6 février 1995 d'un cahier supportant des notes manuscrites qu'elle disait avoir consignées en 1991, alors que ces notes auraient été rédigées en réalité en 1994 et 1995.

La même information judiciaire visera ultérieurement des faits de prise illégale d'intérêts et de dénonciation calomnieuse reprochés à M. [U] [O], et la complicité ou le recel de ces délits, s'agissant de Mme [A]-[W].

Par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 2 décembre 2004, M. [U] [O] sera reconnu coupable des délits de prise illégale d'intérêts et de dénonciations calomnieuses et Mme [X] [A]-[W] de complicité et de recel de prise illégale d'intérêt, de complicité de dénonciations calomnieuses, de faux témoignage, de faux et usage de faux, chacun étant condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis outre la peine complémentaire d'interdiction des droits civils et politiques pour une durée de trois ans. Ce même jugement allouera à M. [B] une somme de 1 800 447 euros à titre de dommages et intérêts à la charge solidaire de M. [O] et de Mme [A]- [W].

Par arrêt infirmatif de la cour d'appel de Versailles du 5 octobre 2005, Mme [A]-[W] et M. [O] ont été relaxés, chacun pour ce qui le concerne, des délits de faux témoignage, faux et usage de faux, dénonciations calomnieuses, complicité et M. [O] condamné du seul chef de prise illégale d'intérêt à raison des faits commis du 9 mars 1993 (date retenue par la cour de la première rencontre informelle entre M. [O] et Mme [A]- [W]) au 6 mars 1995 et condamné à une peine d'emprisonnement de dix mois avec sursis. M. [B] a été débouté de ses demandes de dommages et intérêts.

Par arrêt du 17 janvier 2007, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé cet arrêt, en ses seules dispositions ayant condamné M. [O] des chefs de prise illégale d'intérêts et renvoyé la cause devant la cour d'appel de Paris qui, par arrêt définitif du 18 février 2009, a relaxé M. [O] des derniers faits reprochés.

Par acte des 5 et 10 février 2009, M. [B] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris M. [U] [O] et Mme [A]- [W] , au visa des articles 1382 et 1383 du code civil, en réparation du préjudice, estimé à la somme de 1 800 447 euros, résultant des fautes suivantes :

- l'organisation en juillet 1992 par Mme [A]- [W] d'un déjeuner destiné à faire la connaissance de M. [O] alors que ce dernier était appelé à siéger à la CNIDAJ saisie de l'affaire qui l'opposait à son associé,

- l'acceptation par M. [O] de sa désignation, le 17 juillet 1992, comme rapporteur par la Commission nationale alors qu'il était déjà l'amant de Mme [A]-[W], la partialité de son rapport et sa participation au délibéré du 11 septembre 1992 à l'issue duquel une sanction disciplinaire a été prononcée contre lui,

- les dénonciations mensongères de M. [O] les 17 février 1994 à M. [H] [Y], alors chef du Service de la prévention et de la corruption (affaire Housse/Avia), le 31 mai 1994 au directeur des services fiscaux du Haut-Rhin (affaire [G]/Macobois), le 30 juin 1994 au 4ème cabinet de délégations judiciaires (affaire [G]/Macobois),

- la déposition sous serment de Mme [A]-[W] du 11 octobre 1994 (affaire [G]/Macobois),

- la production par Mme [A]-[W] lors d'une confrontation avec M. [B] devant le juge d'instruction le 6 février 1995 d'un 'cahier de notes manuscrites fallacieux par son contenu',

- la 'manipulation' par M. [O] et Mme [A]-[W] de magistrats et des fonctionnaires des services fiscaux, le premier à la faveur de sa qualité d'inspecteur général de l'Inspection des finances et à raison de son insistance, la seconde pour s'être prévalue de ses liens familiaux avec tel haut-magistrat.

Les défendeurs, qui ont sollicité reconventionnellement des dommages et intérêts pour procédure abusive, ont alors opposé à ces demandes :

- la prescription des faits dont M. [B] a eu connaissance plus de dix ans avant l'engagement de l'action,

- l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions de relaxe prononcées par la cour d'appel de Versailles le 5 octobre 2005 et la cour d'appel de Paris le 18 février 209, qui interdit au demandeur d'exposer les mêmes moyens au visa de l'article 1382 du code civil,

- la dénaturation des faits exposés et des décisions invoquées par M. [B] au soutien de ses prétentions.

Statuant sur l'exception d'incompétence au profit des juridictions administratives soulevée par M. [O], la cour d'appel a, par arrêt confirmatif du 8 février 2011, considéré que les fautes reprochées étaient détachables du service et a rejeté l'exception soulevée. M. [O] a formé un pourvoi contre cet arrêt.

Par jugement du 4 octobre 2011, le tribunal a débouté les parties de leurs demandes, a dit n'y avoir lieu de prononcer contre aucune une condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [B] aux dépens.

Ce dernier a relevé appel de la décision par déclaration du 16 novembre 2011.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 15 juin 2012, il demande à la cour de condamner solidairement Mme [A]- [W] et M. [O] à lui payer la somme de 1 800 447 euros en application des articles 1382 et 1383 du code civil, avec intérêts légaux et capitalisation des intérêts, outre une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de les débouter de leurs demandes et de les condamner aux dépens.

M. [B] fait valoir pour l'essentiel au soutien de ses demandes :

- que l'autorité de la chose jugée au pénal ne lui est pas opposable dès lors que les relaxes intervenues au bénéfice de M. [O] et de Mme [A]-[W] ont été prononcées pour défaut d'intention frauduleuse et qu'il invoque, dans le cadre de la présente instance, des fautes distinctes de celles visées par la loi pénale,

- que la prescription n'est pas acquise aux motifs (1) qu'il se trouvait dans l'impossibilité d'agir avant d'avoir connaissance des faits reprochés à M. [O] et Mme [A]-[W], lesquels ne lui ont été révélés que dans le cours de l'information judiciaire ouverte sur sa plainte avec constitution de partie civile du chef, notamment, de dénonciation calomnieuse, (2) que la prescription ne court qu'à compter de la manifestation du dommage, laquelle ne se trouvait établie qu'à la suite des décisions lui ayant entièrement rendu justice, soit l'arrêt de la Cour de cassation du 30 juin 1999 ayant cassé sans renvoi l'arrêt de la cour d'appel de Versailles qui avait encore retenu contre lui le délit d'escroquerie ainsi que la décision du 7 février 2000 de la Commission nationale d'inscription et de discipline des administrateurs judiciaires, (3) qu'il convenait en tout état de cause d'attendre la fin de l'instance pénale en dénonciation calomnieuse, laquelle ne s'est achevée que par l'arrêt de cassation du 17 janvier 2007 et la décision rendue dans l'instance civile l'ayant débouté de ses demandes au titre de la faute lourde de l'Etat, d'où il résultait qu'il ne serait pas dédommagé des préjudices considérables causés par la machination ourdie contre lui, (4) que toute citation en justice interrompt la prescription,

- que la faute de l'article 1382 du code civil, fut-elle non intentionnelle, comme la faute d'imprudence ou de légèreté, visée par l'article 1383 du même code, justifient réparation,

- que le lien de causalité entre les fautes reprochées et son préjudice est patent,

- qu'outre son préjudice moral, d'une exceptionnelle gravité, il n'a pu exercer son activité du fait du contrôle judiciaire auquel il était soumis et n'a été totalement blanchi par la CNIDAJ que le 7 février 2000 de sorte que, se trouvant alors à un an de la date limite d'exercice de sa profession, il n'a pu la reprendre, ayant ainsi perdu des revenus et des points de retraite durant six ans, n'ayant en définitive et jusqu'alors été indemnisé qu'au titre de sa période de détention provisoire.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 avril 2012, Mme [A]-[W] demande à la cour de constater la prescription pour l'ensemble des faits qui lui sont reprochés, l'irrecevabilité des demandes au titre de l'autorité de la chose jugée, en tout état de cause de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [B] de ses demandes, de la recevoir en son appel incident, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, de condamner M. [B] à lui payer la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice de ce chef, de lui réserver l'action en diffamation prévue par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 à raison du caractère diffamatoire de trois paragraphes figurant aux pages 29 et 45 des dernières conclusions récapitulatives de M. [B] signifiées devant le tribunal, à défaut et subsidiairement, d'ordonner la suppression desdits passages, de condamner M. [B] à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation de ce chef, outre une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de le condamner aux dépens.

Mme [A]-[W] soutient pour l'essentiel :

- que si compte tenu de la date de l'engagement de l'instance, le 9 février 2009, M. [B] bénéficie au titre des dispositions transitoires de la loi du 17 juillet 20008 de l'ancien délai de 10 ans de prescription des actions extra-contractuelles, le point de départ de celle-ci est désormais la date à laquelle l'intéressé a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'agir, que tous les faits reprochés qui datent de 19 ans étaient connus par M. [B] antérieurement au 9 février 1999, date à laquelle l'information judiciaire diligentée des chefs de dénonciation calomnieuse et de prise illégale d'intérêts était ouverte, laquelle ne visant que des faits intentionnels n'a pu interrompre la prescription en ce qui concerne des faits d'imprudence reprochés sur le fondement de l'article 1383 du code civil,

- que l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache aux faits constatés par le juge pénal qui servent de support aux décisions de relaxe prononcées rend irrecevables les demandes présentées dans le cadre de la présente instance à raison de faits qui ne se distinguent en rien de ceux examinés par le juge pénal,

- qu'elle ne se trouve ni engagée ni compromise par les dénonciations faites par M. [O] à diverses autorités dont elle a, au demeurant, elle-même subi les conséquences puisqu'elle a fait l'objet d'un redressement fiscal de près de 811 000 francs dont elle n'a pu, ensuite d'une contestation, obtenir remboursement partiel qu'à hauteur de 390 000 francs,

- que le préjudice subi par M. [B] résulte en définitive tant de son propre fait, compte tenu de ses pratiques qui alimentaient le soupçon, et de l'absence de vérifications préalables des autorités saisies des dénonciations.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 avril 2012, M. [O] demande à la cour de lui donner acte du pourvoi actuellement pendant devant la Cour de cassation sur la question de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, de déclarer irrecevables les demandes de M. [B] pour cause de prescription et, subsidiairement, par application du principe de l'autorité de la chose jugée, plus subsidiairement encore, de rejeter les arguments et pièces de M. [B], de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et de condamner M. [B] à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de réparation pour appel abusif et dilatoire et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Les moyens développés par M. [O] sont semblables à ceux de Mme [A]-[W].

SUR CE

Sur la demande de donné acte

La demande de M. [O] de donné acte du pourvoi actuellement pendant devant la Cour de cassation, ensuite de l'arrêt de cette cour en date du 8 février 2011 qui a rejeté l'exception d'incompétence au profit des juridictions administratives, dont il ne tire aucune conséquence juridique, est sans objet.

Sur la prescription

M. [L] [B] a introduit l'instance en réparation des préjudices subis du fait des fautes alléguées de Mme [A]-[W] et de M. [O] par actes des 5 et 10 février 2009.

En application des dispositions transitoires de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour d'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, seules les instances introduites avant l'entrée en vigueur de la loi étant poursuivies et jugées en tous points conformément à la loi ancienne.

La loi du 17 juin 2008 a modifié le régime de prescription des actions personnelles, d'une part, en réduisant le délai de prescription de 10 à 5 ans, d'autre part, en faisant courir ce délai non plus de la manifestation du dommage ou de son aggravation (article 2270-1 ancien du code civil) mais du jour où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (article 2224 nouveau).

Il en résulte que M. [B] bénéficiait pour agir de l'ancien délai de dix ans.

Mais l'action ayant été introduite après l'entrée en vigueur de la loi, c'est le point de départ de prescription de la loi nouvelle qui s'applique et non plus celui de la loi ancienne.

Aussi, les moyens tirés de la date de manifestation du dommage de l'ancien article 2270-1 du code civil seront-ils rejetés et les premiers juges approuvés sur ce point.

Les premiers faits reprochés (organisation d'un déjeuner entre Mme [A]-[W] et M. [O], acceptation par M. [O] de se faire désigner comme rapporteur par la Commission nationale alors qu'il était déjà l'amant de Mme [A]- [W], partialité de son rapport en sanctions, participation au délibéré de la CNIDAJ) datent de juillet 1992.

M. [B] soutient ne les avoir connus qu'à l'issue de l'information judiciaire ouverte des chefs de dénonciation calomnieuse et prise illégale d'intérêts qui a révélé à la fois la nature des liens unissant Mme [A]-[W] et M. [O] et les multiples entreprises de ce dernier pour lui nuire, en sorte que le point de départ du délai devrait être reporté au 8 octobre 2003, date de l'ordonnance de renvoi, ou au 2 décembre 2004, date du jugement de condamnation du tribunal correctionnel de Nanterre.

S'il est vrai qu'à la date de sa constitution de partie civile, le 7 octobre 2007, M. [B] n'a visé que la seule Mme [A]-[W] et ce, à raison de sa seule déposition devant un officier de police judiciaire, il résulte des pièces produites qu'il a adressé un courrier au magistrat instructeur dénonçant la relation intime entre les deux intéressés le 29 avril 1998 et a été entendu sur ce point le 4 mai suivant, les faits ainsi dénoncés ayant justifié un réquisitoire supplétif pour recel de prise illégale d'intérêt le 30 juin 1998, de sorte que les faits visés à ce titre étaient nécessairement connus de lui à ces dates, soit plus de dix ans avant l'introduction de la présente instance.

Il en est de même s'agissant des deux faits reprochés à Mme [A]-[W], le premier visant l'audition de cette dernière dans le cadre de l'information judiciaire diligentée à son encontre des chefs de corruption, laquelle est en date du 11 octobre 1994, le second la remise par l'intéressée d'un carnet de notes manuscrites au magistrat instructeur lors d'une confrontation en sa présence, le 6 février 1995, de sorte que les deux faits ont été connus de l'appelant plus de dix ans, en réalité près de quinze ans, avant l'engagement de la présente instance.

S'agissant des dénonciations de M. [O], elles sont en date des 17 février 1994 (dénonciation à M. [H] [Y], chef du Service de la prévention et de la corruption), 31 mai 1994 (dénonciation au directeur des services fiscaux du Haut-Rhin) et 30 juin 1994 ( au 4ème cabinet de délégations judiciaires).

Il est incontestable que ces faits n'étaient pas connus de M. [B] à la date à laquelle il a été mis en examen ni à celle à laquelle il a porté plainte en se constituant partie civile, alors contre la seule Mme [A]-[W], lesdits faits n'ayant été révélés qu'au cours de l'information judiciaire.

M. [O] invoque, au soutien de la prescription qu'il oppose à M. [B], un réquisitoire supplétif le visant en date du 30 juin 1998 d'où il s'évince que ce dernier était à cette date nécessairement informé de l'existence des dénonciations dont il se prévaut dans le cadre de la présente instance.

Mais il résulte de l'ordonnance de renvoi et de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 5 octobre 2005 que le réquisitoire supplétif du 30 juin 1998 ne visait que les faits d'ingérence et de prise illégale d'intérêts, sans référence aux dénonciations calomnieuses, lesquelles n'ont fait l'objet d'un réquisitoire supplétif que le 6 octobre 2009, M. [O] n'ayant été mis en examen de ces divers chefs que le 8 décembre 2009.

En l'état de ces éléments, l'intimé ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que celui auquel il oppose la prescription aurait eu connaissance des faits reprochés, à savoir des contacts occultes avec des autorités de surveillance ou de poursuites en matière de corruption ou en matière fiscale, avant le 6 octobre 1999, de sorte que la fin de non-recevoir tirée de la prescription à raison de ces faits sera rejetée.

Enfin, la manipulation des magistrats et l'insistance des intéressés auprès des services fiscaux (appel téléphonique de M [O] aux services fiscaux le 18 janvier 1993, nouvel appel à ces mêmes services le 11 juin 1993 à propos de la surévaluation d'un logiciel, courrier adressé aux services fiscaux des Hauts-de-Seine le 6 mars 1995 leur reprochant leur manque de pugnacité et le caractère sommaire de leur vérification), encore visées par M. [B] au titre des fautes qu'il allègue, ne se distinguent pas, sur le plan de la prescription, des autres fautes reprochées.

En définitive seules les fautes reprochées à M. [O] au titre de ses contacts avec les autorités judiciaires ou fiscales échappent à la prescription de dix ans.

Pour écarter, s'agissant des autres faits, la fin de non-recevoir qui lui est opposée de ce chef, M. [B] se prévaut encore de l'adage 'contra non valentem' et soutient qu'il se serait trouvé empêché d'agir du fait de sa constitution de partie civile qui lui interdisait d'engager une action civile séparément de l'action publique.

Mais ce moyen sera écarté, la mise en mouvement de l'action publique devant la juridiction pénale ne privant pas l'intéressé de la possibilité d'engager séparément une action en réparation du dommage causé devant la juridiction civile, sauf pour cette dernière à surseoir à statuer conformément à l'article 4 du code de procédure pénale.

Enfin, c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé que M. [B] ne pouvait tout à la fois et sans se contredire soutenir, pour échapper à l'autorité de la chose jugée, que les fautes civiles invoquées dans le cadre de la présente instance sont distinctes de celles examinées par la juridiction pénale, et que la prescription civile des fautes à ce jour invoquées aurait néanmoins été suspendue par sa plainte avec constitution de partie civile.

En définitive sur ce point, il sera fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription qui est opposée par Mme [A]-[W] aux demandes dirigées contre elle, lesquelles seront, par conséquent, déclarées irrecevables.

Il en sera de même s'agissant des demandes dirigées contre M. [O] à l'exception de celles qui se rapportent aux contacts entre ce dernier et les autorités judiciaires ou fiscales, dont il n'est pas établi que M.[B] ait eu connaissance antérieurement au 9 février 1999.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée

M. [O] oppose l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 5 octobre 2005 de la cour d'appel de Versailles qui l'a relaxé des délits de dénonciation calomnieuse et de prise illégale d'intérêts s'agissant des faits antérieurs au 9 mars 1993 et de l'arrêt de renvoi de la cour d'appel de Paris du 18 février 2009 qui l'a relaxé du délit de prise illégale d'intérêts pour les faits postérieurs à cette date, pour voir déclarer M. [B] irrecevable en son action.

M. [B] fait valoir qu'il invoque des fautes distinctes des délits qui étaient reprochés à M. [O] et que ce dernier n'ayant été renvoyé des fins de la poursuite, s'agissant des dénonciations calomnieuses, qu'au motif de l'absence d'élément intentionnel, il lui est loisible de rechercher sa responsabilité sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, au titre de fautes, seraient-elles non intentionnelles, caractérisant un manquement à un devoir général de prudence ou de vigilance.

Il souligne que tel est le cas en l'espèce, les agissements de M. [O], dont la matérialité a été établie par les décisions pénales, s'étant trouvés à l'origine de sa mise en examen, de son placement en détention provisoire, des contrôles fiscaux dont il été l'objet et en définitive de sa ruine durant quinze ans.

Lorsque la décision de relaxe prononcée par le juge pénal a été motivée par l'absence d'élément intentionnel, la victime d'un dommage peut saisir la juridiction civile d'une demande fondée sur une faute distincte de celle visée par la loi pénale.

Il est en particulier admis que la seule témérité d'une plainte ou d'une dénonciation, dont les éléments constitutifs sont distincts du délit de dénonciation calomnieuse prévu par l'article 226-10 du code pénal, est à elle seule susceptible d'engager la responsabilité de son auteur.

Aussi, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée sera-t-elle rejetée.

Sur les fautes

Par application de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil, ce dernier étant lié tant par le dispositif de la décision que par les motifs qui en constituent le support nécessaire.

S'agissant de la dénonciation que M. [O] a adressée le 17 février 1994 à M. [Y], chef du Service central de la prévention de la corruption, à propos du comportement de M. [B] dans l'affaire Housse Avia, il était affirmé que Maître [B] aurait demandé par l'intermédiaire de Maître [S] un versement occulte de 500 000 euros pour que 'le dossier se passe bien', que 'le versement a bien eu lieu' et que 'les dirigeants ont été en mesure de sortir cette somme par le moyen de fausses factures', faits à raison desquels M. [B], mis en examen du chef de corruption, a été relaxé par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 26 février 1997, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 19 mars 1998.

La même cour a jugé, dans son arrêt du 5 octobre 2005, que les éléments matériels du délit de dénonciation calomnieuse étaient établis mais a relevé que M. [O] avait pu croire de bonne foi que les faits dénoncés étaient exacts, de nombreux protagonistes de l'affaire, parmi lesquels Mme [A]-[W], ayant indiqué que Maître [S], avocat de la

société sous procédure collective, avait à plusieurs reprises exigé de son dirigeant ainsi que d'un candidat repreneur le paiement d'une telle somme destinée à être versée à Maître [B].

Ces énonciations sont revêtues de l'autorité de la chose jugée.

Il sera cependant souligné qu'en matière de dénonciation calomnieuse, la bonne foi est acquise dès lors que la preuve de la connaissance par le dénonciateur de la fausseté du fait dénoncé n'est pas rapportée.

Cette circonstance, à elle seule, n'exonère pas de toute faute M. [O], qui s'est fait l'écho de propos rapportés, de surcroît prêtés à un tiers, en l'espèce Maître [S] seul à mettre en cause M.[B], relativement à des faits dont il n'avait pas été le témoin et sans qu'à aucun moment avant sa dénonciation ni dans le cours de l'information judiciaire qui a suivi, il n'ait été établi que les fonds ainsi versés fussent destinés à un autre qu'au seul Maître [S], lequel a été en définitive seul condamné pour corruption.

En outre, en ayant directement saisi le Service central de la prévention contre la corruption, qu'il savait dépourvu de tout moyen d'investigation, d'une note anonyme, pratique contraire à la déontologie du service de l'Inspection générale des finances, après avoir pris personnellement attache avec M. [Y], ce qui ne pouvait que conférer du crédit à sa démarche et convaincre son interlocuteur du bien fondé d'une rapide transmission du signalement au parquet, sans avoir au préalable pris conseil auprès des membres de la CNIDJA dont il était encore membre sur la conduite à tenir en une telle espèce, M. [O], a incontestablement fait preuve de légèreté blâmable et d'imprudence.

Et c'est sans rien décider d'inconciliable avec ce qui a nécessairement été jugé au pénal que la faute civile ainsi caractérisée sera retenue à la charge de M. [O].

S'agissant de la dénonciation du 31 mai 1994 que M. [O] a adressée aux services fiscaux du Haut-Rhin ainsi que la révélation anonyme faite exactement dans les mêmes termes le 30 juin 1994 à un inspecteur du 4ème cabinet de délégations judiciaires, elle fait état pour l'essentiel de la remise à M. [B], en Suisse, par un candidat repreneur auprès duquel il exerçait une mission de conseil, d'une somme d'un million de francs sous la forme d'un chèque établi au nom de son épouse, du transfert de cette somme du compte de l'épouse sur le compte de l'étude, puis, au conditionnel, du retrait en espèces de 300 000 francs sur cette somme en vue d'un 'cadeau' à faire à l'administrateur judiciaire en charge des offres de reprise.

M. [B] a été relaxé des faits de corruption et de faux et usage de faux qui lui ont été reprochés dans le cadre de cette affaire, et l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 19 mars 1998 qui l'avait condamné du chef d'escroquerie pour s'être fait remettre par M. [G] la somme d'un million de francs a été cassé sans renvoi par la Cour de cassation, le délit étant prescrit.

Pour relaxer M. [O] du délit de dénonciation calomnieuse, la cour d'appel de Versailles a retenu pour l'essentiel que le montant des honoraire perçus par M. [B] était exact, que le libellé du chèque au nom de Mme [B] était établi de même que le transfert de la somme du compte de cette dernière sur le compte frais généraux de l'étude, que M. [O] tenait de Mme [A]-[W], de la parole de laquelle il n'avait pas de raison de douter compte tenu du degré de confiance de leurs relations, le projet de M. [B] de prélever 300 000 francs en espèces sur cette somme en vue d'une gratification destinée à l'administrateur judiciaire, l'ensemble des ces circonstances, comme le montant des honoraires généralement jugé exorbitant au regard de la réalité des services rendus, ayant pu de bonne foi convaincre l'intéressé de la réalité d'une fraude fiscale ou d'une tentative de corruption.

Ces énonciations sont revêtues de l'autorité de la chose jugée et ne laissent place, en l'absence de tout élément d'incidence contraire, à aucune faute civile qui se distinguerait de la faute pénale d'abord poursuivie.

Il sera relevé en particulier qu'à la différence de la dénonciation précédente, les faits dénoncés étaient pour l'essentiel de nature fiscale, relatifs à la perception d'honoraires en Suisse ainsi qu'aux modalités de leur paiement et de leur transfert, et ceux-là étaient exacts, et que la seule allusion à une ' gratification' était formulée au conditionnel et sans autre détail destiné à lui conférer plus de crédit qu'elle ne pouvait en avoir aux yeux de son auteur.

En cet état, les dénonciations des 31 mai 1994 et 30 juin 1994 ne seront pas regardées comme fautives.

S'agissant des autres faits invoqués, M. [B] fait état de l'insistance de M. [O] auprès de ses interlocuteurs en se prévalant notamment de la décision de la cour administrative d'appel du 13 février 2009 qui l'a déchargé ainsi que son épouse des compléments d'impôts sur le revenu mis à leur charge au titre de l'année 1994.

Il résulte de cette décision, à ce jour définitive, que M. [O] s'est manifesté auprès des services fiscaux, en particulier par un courrier du 6 mars 1995 reprochant à l'administration fiscale son ' manque de pugnacité et le caractère sommaire de ses vérifications', ce qui a conduit le service vérificateur, selon les termes de cette décision, 'après les critiques qui lui avaient ainsi été adressées, à remettre en cause la valeur de la bibliothèque informatisée cédée, en 1990, par M. [B]', la décision se poursuivant ainsi 'en effet, alors qu'aucun redressement concernant la valeur de cette immobilisation n'avait été envisagé par les notifications de redressements [précédents], un redressement concernant l'amortissement de 300 000 francs pratiqué, au titre de la même immobilisation, a néanmoins été notifié à la SCP, le 28 novembre 1995, au titre de l'année 1992", et se concluant de la sorte : ' la vérification dont a fait l'objet la SCP [B]-[W] et qui est à l'origine des redressements en litige ne peut être regardée comme ayant présenté toutes les garanties d'impartialité requises'.

Cette décision à elle seule établit le caractère fautif et déterminant de l'intervention du 6 mars 1995 de M. [O] auprès des services fiscaux, qui sera retenue comme engageant sa responsabilité civile.

Les autres faits évoqués par l'appelant ce titre ne se distinguent pas des faits précédemment examinés.

Sur le préjudice

M. [B], qui expose cantonner les dommages- intérêts qu'il réclame à la somme qui lui avait été allouée par le jugement, ensuite infirmé, du tribunal de grande instance de Nanterre ayant retenu la culpabilité de M. [O] au titre des dénonciations calomnieuses et de la prise illégale d'intérêts, sollicite en réparation les sommes suivantes :

- 1 636 447 euros en réparation de sa perte de revenus,

- 49 000 euros au titre de la perte de ses points de retraite,

- 100 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- sommes auxquelles il ajoute celle de 15 000 euros qui lui avait été allouée par cette décision, ensuite infirmée, sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

M. [B] invoque, au titre des deux premiers postes, le préjudice financier subi du 1er juin 1995, date de sa remise en liberté, au 15 juillet 2001, date de sa retraite, en soulignant que le contrôle judiciaire auquel il a été soumis lui interdisait d'exercer sa profession, qu'il n'a pas davantage pu reprendre son exercice à l'issue de l'information judiciaire en l'état des condamnations prononcées contre lui, encore par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles le 19 mars 1998, lequel ne devait être cassé sans renvoi que par arrêt du 30 juin 1999.

Mais seul le préjudice en lien direct avec la faute retenue est indemnisable.

Or, les obligations de contrôle judiciaire auquel M. [B] s'est trouvé astreint procédaient d'une décision prise par le magistrat instructeur au regard des charges et présomptions alors réunies contre lui dans le cadre des investigations d'abord diligentées en enquête préliminaire avant qu'une information judiciaire ne soit ouverte, M. [B] n'ayant été mis en examen que plusieurs mois après la dénonciation de M. [O] du 14 février 1994, de sorte que si cette dernière a pu déterminer le ministère public à mener des investigations sur les faits dénoncés, l'intimé ne saurait être comptable du résultat de celles-ci ni de l'appréciation que pouvaient faire les juridictions saisies des suites à donner à la procédure ou des décisions à prendre en matière de détention provisoire ou de mesures de sûreté.

Aussi, en l'absence de causalité directe entre la faute civile retenue à la charge de M. [O] et l'empêchement de M. [B] d'exercer, seul invoqué au titre de son préjudice financier, l'appelant sera débouté de ce chef de demande.

Il sera relevé, par ailleurs, s'agissant des pressions de M. [O] sur l'administration fiscale que le comportement de ce dernier a déterminé la juridiction compétente à décider d'un dégrèvement total du redressement fiscal notifié à M. [B], de sorte qu'il ne résulte de la faute retenue aucun préjudice financier.

C'est en revanche à juste titre que M. [B] invoque un préjudice moral en lien direct avec les fautes civiles retenues.

Il ne saurait cependant à ce titre imputer au seul M. [O] l'ensemble des conséquences sur son honneur, sa réputation, son image et sa tranquillité d'une procédure pénale qui visait des faits sans lien avec la dénonciation fautive et dont le cours reposait nécessairement sur des éléments matériels et des témoignages, auxquels ce dernier était étranger.

Au vu de l'ensemble de ces considérations et en tenant compte, notamment, du contentieux fiscal en lien direct avec le comportement fautif de M. [O], qui ne s'est achevé que 14 ans après le redressement irrégulier, le préjudice moral de M. [B] sera justement évalué à la somme de 70 000 euros.

Sur la demande d'application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881

Mme [A]-[W] sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il n'a fait droit ni à sa demande principale tendant, au visa de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, à ce que son action en diffamation soit réservée, ni à sa demande subsidiaire de suppression desdits passages et d'allocation de dommages et intérêts.

Les passages visés sont les suivants :

- en page 45 : 'M. [B] rappelle que ce sont les concubins qui, sans discontinuer, ont alimenté les médias pour porter préjudice à M. [B]',

- en page 45 : 'M. [B] précise aussi que les différentes procédures qu'il a diligentées contre Mme [W] ( pages 40 et 41 des écritures de cette dernière) l'ont été car elle avait largement organisé son insolvabilité à la suite de son incarcération, comme dit supra, pour l'escroquerie montée par elle et le dirigeant dans l'affaire Affinal-Coencas'

- en page 29 : 'il importe de signaler qu'en 1997, Maître [W] a été mise en examen puis en détention préventive pour une escroquerie considérable qu'elle avait montée dans une affaire Affinal conjointement avec le dirigeant de cette société, M. [V]'.

L'article 41 de la loi sur la presse qui établit une immunité judiciaire à raison des écrits produits devant les tribunaux dispose que 'pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts', les faits diffamatoires étrangers à la cause pouvant en outre 'donner ouverture, soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties lorsque ces actions leur auront été réservés'.

En l'espèce les faits imputés ne sont pas étrangers à la cause, le premier, en ce qu'il se rattache à la défense de M. [B] relativement à l'évaluation de son préjudice, les deuxième et troisième en ce qu'ils visent à répliquer à l'argumentation adverse sur le harcèlement procédural imputé à M. [B]. Aussi la demande de réserve sera-t-elle rejetée.

Sur la demande de suppression et de dommages et intérêts, le premier propos impute à Mme [A]-[W] d'avoir eu l'intention de nuire à la réputation de M. [B] en ayant tenu des propos publics sur son compte. Compte tenu de la nature du litige qui oppose les parties, et pour péremptoire dans sa formulation qu'il puisse paraître, le propos n'excède pas ce qu'autorisent les droits de la défense et ne sera pas regardé par conséquent comme constitutif de diffamation.

Les deuxième et troisième passages poursuivis, en ce qu'ils imputent à Mme [A]-[W] d'avoir organisé son insolvabilité et d'avoir été mise en cause dans une vaste escroquerie, sont diffamatoires.

M. [B] n'invoque aucun élément de vérité ou de bonne foi s'agissant de l'imputation d'organisation d'insolvabilité. La diffamation est dès lors caractérisée et la suppression du propos, lequel ne se trouve pas justifié par les nécessités de la défense, sera ordonnée.

S'agissant de la référence à une mise en examen et à une incarcération, M. [B] réitère ses allégations dans ses dernières conclusions du 15 juin 2012, lesquelles n'ont appelé aucune réplique ni aucun démenti de Mme [A]-[W] de sorte que la mise en examen et le fait de la détention provisoire qui lui sont imputés seront tenus pour justifiés.

S'agissant de la seule diffamation retenue, le préjudice qui en résulte pour Mme [A]-[W] sera justement réparé par l'allocation d'un euro à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive

Compte tenu de l'issue de la présente instance, M. [O] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Les circonstances de l'espèce ne caractérisent pas à suffisance le caractère malveillant ou abusif de l'action engagée par M. [B] à l'encontre de Mme [A]-[W], l'appelant ayant pu se méprendre de bonne foi sur la portée de ses droits, et l'intimée n'étant pas fondée à invoquer, à ce titre et sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, des chefs de préjudice sans rapport avec la présente instance.

L'équité conduira à allouer une somme de 10 000 euros à M. [B] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable comme étant prescrite l'action en réparation engagée par M [L] [B] contre Mme [X] [A]-[W],

Condamne M. [U] [O] à payer à M. [B] la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Déboute Mme [A]-[W] de sa demande de réserve de l'action en diffamation, au visa de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,

Ordonne la suppression, par cancellation ou tout autre procédé à la diligence du greffe, des passages suivants figurant dans les dernières conclusions récapitulatives signifiées par M. [B] dans l'instance suivie devant le tribunal de grande instance de Paris ( 5ème chambre, 1ère section):

-en page 45 : 'M. [B] précise aussi que les différentes procédures qu'il a diligentées contre Mme [W] ( pages 40 et 41 des écritures de cette dernière) l'ont été car elle avait largement organisé son insolvabilité à la suite de son incarcération, comme dit supra, pour l'escroquerie montée par elle et le dirigeant dans l'affaire Affinal-Coencas',

Condamne M. [B] à payer à Mme [A]-[W] un euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de cet écrit,

Déboute les parties de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne M. [O] à payer à M. [B] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Dit n'y avoir lieu de faire d'autres applications de ce texte et déboute les autres parties de leurs demandes de ce chef,

Rejette toute autre demande,

Condamne M. [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/20493
Date de la décision : 18/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°11/20493 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-18;11.20493 ?
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