La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2013 | FRANCE | N°12/09831

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 14 juin 2013, 12/09831


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRET DU 14 JUIN 2013



(n° 159, 10 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 12/09831.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2012 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 3ème Section - RG n° 09/18941.









APPELANTE :



SARL ARTE NOVA

prise en la

personne de son gérant,

ayant son siège social [Adresse 2],



représentée par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125,

assistée de Maître Erwann MINGAM substituant Maître Didier LE GOF...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 14 JUIN 2013

(n° 159, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/09831.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2012 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 3ème Section - RG n° 09/18941.

APPELANTE :

SARL ARTE NOVA

prise en la personne de son gérant,

ayant son siège social [Adresse 2],

représentée par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125,

assistée de Maître Erwann MINGAM substituant Maître Didier LE GOFF du Cabinet LPLG Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : K0114.

INTIMÉE :

SA L'OREAL FRANCE

prise en la personne de son directeur général et administrateur,

ayant son siège social [Adresse 1],

représentée par Maître Stéphane GUERLAIN du Cabinet ARMENGAUD-GUERLAIN , avocat au barreau de PARIS, toque : W07,

assistée de Maître Catherine MATEU de la SEP ARMENGAUD - GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : W07.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine AIMAR, présidente,

Madame Sylvie NEROT, conseillère,

Madame Véronique RENARD, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Vu le jugement contradictoire du 30 mars 2012 rendu par le tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre 3ème section),

Vu l'appel interjeté le 30 mai 2012 par la S.A.R.L. Arte Nova,

Vu les dernières conclusions de la S.A.R.L. Arte Nova appelante en date du 21 décembre 2012,

Vu les dernières conclusions de la SA l'Oreal, intimée et incidemment appelante, en date du 18 avril 2013,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 18 avril 2013,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

La société Parfums Via Paris créée en 1985 ayant une activité de fabrication, commercialisation de produits de parfumerie et de cosmétiques était titulaire de la marque verbale française Babylone N° 95 563 957 déposée à l'INPI le 22 mars 1995 et publiée au BOPI le 28 avril 1995 pour désigner les produits de parfumerie et cosmétiques en classe 3 régulièrement renouvelée depuis lors,

La société L'Oreal a procédé le 6 novembre 2009 au dépôt de la marque verbale communautaire n° 8669641 publiée le 21 décembre 2009 pour des produits en classe 3 notamment les parfums.

Estimant avoir intérêt pour les besoins de sa propre exploitation commerciale des parfums à voir prononcer la déchéance de la marque Babylone, la société L'Oreal France a par acte du 8 décembre 2009 fait assigner la société Parfums Via Paris devant le tribunal de grande instance de Paris en la personne de Maître [G] [I] en sa qualité de liquidateur judiciaire.

La liquidation de la société Parfums Via Paris est intervenue le 2 juillet 2009 et le 10 décembre 2009 le juge commissaire à la liquidation a ordonné la vente de gré à gré de divers éléments du fonds de commerce de cette société dont le portefeuille de 167 marques, à la société Arte Nova, immatriculée au registre du commerce le 13 novembre 2009 et ayant une activité de commercialisation de parfums.

Le 20 janvier 2010 l'acte de cession a été conclu et celui-ci a été publié au BOPI le 10 février 2010.

Aux termes d'une ordonnance du juge commissaire en date du 10 décembre 2009 la société Arte Nova a été subrogée concernant la présente instance dans les droits des obligations du liquidateur judiciaire de la société Parfums Via Paris et celle-ci est intervenue à la procédure le 2 février 2010.

Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :

- prononcé la déchéance des droits de la société Arte Nova sur la marque française Babylone enregistrée sous le n° 95 563 957 pour les produits de parfumerie et de cosmétique à compter du 29 avril 2000,

- dit que le jugement sera transmis pour transcription au registre national des marques tenus par l'INPI une fois devenu définitif à la requête de la partie la plus diligente,

- déclaré la société Arte Nova irrecevable en ses demandes reconventionnelles de contrefaçon de la marque française Babylone n° 95 563 957 et en toutes ses demandes subséquentes,

- déclaré la société Arte Nova irrecevable en ses demandes reconventionnelles en contrefaçon de la marque internationale Babylone n° 547175,

- débouté la société L'Oreal France de sa demande tendant à voir déclarer la cession de marque Babylone frauduleuse et de sa demande de dommages et intérêts subséquente,

- condamné la société Arte Nova à payer à la société l'Oreal France la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel la S.A.R.L. Arte Nova demande essentiellement dans ses dernières écritures du 21 décembre 2012 de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dire que la société l'Oreal ne justifie pas d'un intérêt légitime à agir à son encontre et en conséquence la déclarer irrecevable à agir et en tout cas mal fondée,

- subsidiairement, débouter la société l'Oreal de sa demande en déchéance de la marque française Babylone n° 95 563 957 déposée le 22 mars 1995

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société l'Oreal de sa demande tendant à voir déclarer frauduleux la cession de marque,

- dire et juger qu'en déposant la marque communautaire verbale Babylone n° 8668741 le 6 novembre 2009 notamment pour les parfums et eaux de toilette la société L'Oreal a commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque Babylone de la société Arte Nova pour des produits identiques à ceux visés à son dépôt,

- dite et juger qu'en commercialisant depuis 2008 un parfum nommé Armani Prive Vetiver Babylone la société L'Oreal a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque Babylone de la société Arte Nova,

- condamner la société l'Oreal à lui payer les sommes de :

* 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des actes de contrefaçon,

* 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

* 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner des mesures d'interdiction sous astreinte et de publication.

La S.A.R.L. Arte Nova fait valoir à cet effet que :

- la société l'Oreal ne justifie pas d'un intérêt à agir au sens des articles 31 du code de procédure civile et L714-5 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle car c'est en toute mauvaise foi et de façon particulièrement illégitime que la société l'Oreal a déposé sa marque communautaire Babylone au mois de novembre 2009 pour des produits identiques à la marque antérieure, dépôt qui ne visait qu'à se ménager artificiellement l'apparence d'un intérêt à agir quelques jours plus tard en déchéance, alors au surplus que cette marque communautaire a été refusée à l'enregistrement par l'OHMI par décision du 15 avril 2011,

- elle justifie d'un usage sérieux de la marque française Babylone selon les termes de l'article L 714-5 c) du code de propriété intellectuelle par les preuves d'usage portant sur l'apposition en France de la marque Babylone sur des parfums en vue de leur exportation, pour les périodes pertinentes du 28 avril 1995 au 28 avril 2000 (cinq années suivant la publication du dépôt de la marque) et du 8 décembre 2004 au 8 décembre 2009 (cinq années précédant la demande en déchéance formée par la société l'Oreal),

- en effet la société Parfums Via Paris fabriquait l'intégralité de ses parfums même destinés à l'export, sur le territoire français auprès des sociétés Ceton Parfums dans le département de l'Orne jusqu'en 2002 puis Cegedis dans le département de l'Eure et [Localité 4] et Decade à [Localité 1] dans le département du Pas de [Localité 2], les capots ayant été également fabriqués en France depuis 1995 par la société Safac dans les Hauts de Seine et leurs étuis par l'entreprise Cartonnages Stanislas dans le département de Meurthe et Moselle,

- elle justifie également de la fabrication en France du parfum Babylone entre 2004 et 2009 par les justificatifs de tous les composants du parfum Babylone correspondant aux références internes du parfum 30ml de la société Parfums Via Paris, par les visuels des parfums Babylone portant la mention made in France, pour la période concernée, par les chiffres d'affaires réalisés (947.114 euros dont 882.425 euros à l'export), et de nombreuses factures,

- elle a également fait un usage sérieux de la marque Babylone en apposant sur d'autres parfums le signe Babylone Tower et en vendant les produits revêtus de ce signe tant en France qu'à l'étranger durant les périodes incriminées,

- l'adjonction du terme Tower n'altérant pas le caractère distinctif de la marque Babylone qui se retrouve en entier et à l'identique alors surtout que les flacons et leur conditionnement comportaient le signe Babylone de façon très apparente, le parfum Babylone Tower lancé en 2000 étant une déclinaison du parfum Babylone,

- cette commercialisation a généré un chiffre d'affaires de 2000 à 2009 de 1.332.631 euros dont la majeur partie (1.319.337 euros) à l'export,

- en 1996 la société Parfums Via Paris a engagé des poursuites à l'égard d'une société de droit allemand pour sa marque Babylone dont l'enregistrement de la marque contesté, a été retiré,

- le rachat de cette marque intervenu dans le contexte de la liquidation judiciaire de la société Parfums Via Paris, dans le cadre de la cession globale de divers éléments de son fonds de commerce, validé par le juge commissaire, ne revêt aucun caractère frauduleux, et ce d'autant qu'elle a continué à exploiter la marque Babylone,

- en enregistrant le 6 novembre 2009 en toute connaissance, une marque communautaire identique à la sienne pour des produits identiques la société l'Oreal a commis des actes de contrefaçon par reproduction sens de l'article L 713-2 du Code de la propriété intellectuelle,

- en commercialisant dès 2008 un parfum dénommé Armani privé Vetiver Babylone ou Vetiver Babylone la société l'Oreal a commis des actes de contrefaçon par imitation de sa marque verbale Babylone déposée pour des produits identiques,

- l'élément distinctif étant en effet le terme Babylone, les termes qui le précèdent étant soit descriptifs de la provenance du produit (Armani) soit banals et génériques (prive) soit descriptifs de sa fragrance entrant dans sa composition (Vetiver) de sorte qu'il existe un risque de confusion entre les deux signes, le public étant fondé à leur attribuer la même origine.

La SA L'Oreal intimée s'oppose aux prétentions de l'appelante, et pour l'essentiel, demande incidemment dans ses dernières écritures du 18 avril 2013 de :

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société l'Oreal de sa demande tendant à voir déclarer la cession de marque Babylone frauduleuse et de sa demande de dommages et intérêts,

et statuant à nouveau,

- déclarer la cession de marque Babylone au profit de la société Arte Nova frauduleuse,

- condamner la société Arte Nova à lui payer en réparation la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- y ajoutant condamner la société Arte Nova à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose à cet effet que :

- la société l'Oreal dispose d'un intérêt à agir car sa demande tend à lever une entrave à l'utilisation du signe dans le cadre de son activité économique, proche du domaine de produits visés par la marque inexploitée,

- son action a également un objectif d'intérêt public de désencombrement des registres,

- son dépôt de la marque communautaire comme l'existence d'un parfum Giorgo Armani Vetiver Babylone constituent la justification de son intérêt à agir,

- l'appelante ne prouve pas l'exploitation de sa marque française pour les produits visés à son dépôt 'Produits de parfumerie et cosmétique',

- aucune des pièces produites ne porte sur des produits cosmétiques,

- aucune des pièces versées aux débats n'atteste de l'exploitation sérieuse en France de la marque Babylone pour les parfums et notamment d'un contact avec le public français,

- les documents communiqués ne font référence qu'à des quantités dérisoires de commandes, pour partie ne portent pas sur les périodes pertinentes et ne permettent pas d'établir un lien entre cette marque et les produits qui en seraient revêtus, ne peuvent témoigner d'un usage sérieux de la marque Babylone en France,

- les quantités figurant sur les pièces communiquées concernant les ventes à l'étranger ne sauraient attester d'une exploitation sérieuse de marque, alors au surplus que la plupart des factures se réfèrent à un produit dénommé Babylone Tower  qui est un produit autre que celui de Babylone qui ne peut valoir exploitation de la marque et que ces documents ne témoignent pas d'un contact de la marque avec la clientèle,

- la marque Babylone constitue un nom propre de lieu en français alors que l'expression Babylone Tower constitue une expression en langue étrangère construite selon les règles grammaticales étrangères, avec des sens différents,

- concernant le rachat frauduleux de la marque, la société Arte Nova a postérieurement à l'introduction de l'action en déchéance acquis la marque Babylone à un coût dérisoire, qu'elle savait non exploitée aux seules fins de l'opposer à un groupe de parfumerie important, qu'elle savait exploiter ce signe depuis plus de deux ans,

- la demande en contrefaçon (sic) fondée sur la marque internationale n° 547 178 est irrecevable et mal fondée dès lors qu'il n'est pas rapporté la preuve de l'existence de ce titre de propriété industrielle qui de surcroît ne semble pas viser la France,

- concernant la marque communautaire Babylone n° 008668741 il apparaît que ce dépôt n'a pas donné lieu à l'enregistrement et de ce fait l'appelante doit être déclaré irrecevable à ce titre,

- il n'est pas démontré que la commercialisation du parfum Armani Privé Vetiver Babylone soit imputable à la société L'Oreal et en toute hypothèse cette dénomination ne reproduit pas la marque Babylone puisque des ajouts majeurs y ont été apportés excluant tout risque de confusion entre les deux signes.

*****

Sur la qualité à agir de la société l'Oreal :

Aux termes de l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle la déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée.

La société L'Oreal qui commercialise des produits cosmétiques et des parfums dispose d'un intérêt à agir car sa demande tend à lever une entrave à l'utilisation du signe dans le cadre de son activité économique, proche voire identique du domaine de produits visés par la marque qu'elle estime inexploitée.

Il convient de rejeter cette fin de non recevoir.

Sur l'action en déchéance de la marque française Babylone de la société Arte Nova :

Aux termes de l'article l 714-5 du code de la propriété intellectuelle encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

Est assimilé à un tel usage :

........

b) l'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif,

c) l'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l'exportation .. ;

Les parties sont d'accord pour considérer que les périodes pertinentes pour apprécier l'usage sérieux de la marque se situent du 28 avril 1995 au 28 avril 2000 (cinq années suivant la publication du dépôt de la marque) et du 8 décembre 2004 au 8 décembre 2009 (cinq années précédant la demande en déchéance formée par la société L'Oreal).

Il est justifié que la société Parfums Via Paris fabriquait durant ces périodes l'intégralité de ses parfums vendus en France et à l'export, en France, auprès des sociétés Ceton Parfums dans le département de l'Orne jusqu'en 2002 puis Cegedis dans le département de l'Eure et [Localité 4], et Decade à [Localité 1] dans le département du Pas de [Localité 2], les capots ayant été également fabriqués en France depuis 1995 par la société Safac dans les Hauts de Seine et leurs étuis par l'entreprise Cartonnages Stanislas dans le département de Meurthe et Moselle.

Les calages ondulés pour permettre le transport ont été fabriqués à [Localité 3] dans la [Localité 4] Atlantique, la réalisation de la sérigraphie du décor des flacons incluant l'apposition de la marque Babylone sur les flacons, en Seine-Maritime, la galvanisation des 'frettes' des flacons, dans l'Yonne, la fabrication des boîtes de groupage et des caisses d'emballage, dans la Sarthe, les pompes des flacons, en seine et Marne, toutes les références des documents communiqués correspondant aux références internes du parfum Babylone 30 ml au sein de la société Parfums Via Paris selon sa nomenclature.

Tous les parfums fabriqués portent la mention made in France.

Il est produit pour justifier de la commercialisation de ce parfum durant les deux périodes considérées de très nombreuses factures et des justificatifs de nature comptable desquels il résulte que la vente des parfums Babylone a généré, ce qui est attesté par l'expert comptable de la société, un chiffre d'affaires de 1994 à 2009 de 947.114 euros dont 882.425 euros à l'exportation, ce qui manifeste un usage sérieux, pour une société familiale, de la marque Babylone.

L'appelante justifie également que la société Parfums Via Paris a fait un usage sérieux de la marque Babylone Tower en apposant sur d'autres de ses parfums la dénomination Babylone Tower.

En effet, l'adjonction du mot Tower ne fait pas perdre son caractère distinctif à la marque Babylone qui se retrouve en entier dans cette dénomination, en terme d'attaque et ce d'autant que le parfum Babylone Tower comportait tant sur le flacon que sur le conditionnement le signe Babylone en caractère plus épais, sur la partie supérieure du support en occupant toute la largeur alors que le terme Tower était clairement séparé, situé en dessous et en caractères plus petits, de sorte que l'usage de la dénomination Babylone dans de telles conditions conservait son individualité et son caractère distinctif dont il constituait l'élément visuel distinctif dominant pour le public, et vaut ainsi usage de la marque.

Il est justifié par l'appelante que la commercialisation de ce parfum a généré de 2000 à 2009 un chiffre d'affaires de 1.332.631 euros dont 1.319.337 euros à l'exportation, commercialisation corroborée par des bordereaux de commandes d'expéditions, factures, lettres de voiture, ce qui confirme l'usage sérieux de la marque Babylone.

Il convient dès lors de réformer le jugement à ce titre et de rejeter la demande de déchéance de la marque Babylone en ce qu'elle vise les parfums.

En revanche, il n'est justifié d'aucun usage de cette marque concernant les cosmétiques et il convient de confirmer la déchéance prononcée de ce chef par le tribunal.

Sur la cession frauduleuse de marque :

Le rachat de la marque Babylone intervenu dans le contexte de la liquidation judiciaire de la société Parfums Via Paris, dans le cadre de la cession globale de divers éléments de son fonds de commerce comprenant un portefeuille de 167 marques, validé par le juge commissaire, ne revêt pour la société Arte Nova aucun caractère frauduleux, et ce d'autant que cette marque était exploitée et qu'elle a continué à l'être.

Sur les demandes reconventionnelles de contrefaçon :

Le seul dépôt le 6 novembre 2009 par la société L'Oreal de la marque communautaire Babylone en classe 3 n'est pas susceptible de constituer un acte de contrefaçon, dès lors que s'agissant d'une marque communautaire, celle-ci ne confère des droits privatifs qu'à compter de la publication de son enregistrement et qu'elle n'a jamais fait l'objet d'un enregistrement qui a été refusé le 15 avril 2011.

En revanche il est justifié par les pièces versées au dossier que la société L'Oreal, ce qu'elle ne conteste pas et met au contraire en avant pour justifier le dépôt de la marque communautaire, a lancé, dès 2008, la commercialisation d'un parfum sous la dénomination Armani Vetiver Babylone.

Il s'agit d'un produit identique à celui visé par le dépôt de la marque Babylone de la société Arte Nova.

L'élément arbitraire et distinctif dans l'ensemble de cette dénomination est le terme Babylone repris dans son ensemble, car les termes qui le précèdent indiquent son origine Armani , présentent un caractère banal : Privé, ou sont descriptifs de la fragrance : Vetiver.

Il en résulte un risque de confusion car le public est fondé à croire que les dénominations en conflit proviennent d'entreprises liées économiquement.

Il s'ensuit que la société L'Oreal en commercialisant un parfum sous cette dénomination a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque Babylone dont est titulaire la société Arte Nova.

Il convient en conséquence de condamner la société intimée à cesser tout usage du terme Babylone selon les termes du dispositif.

L'usage illicite de la dénomination Babylone a porté atteinte à la valeur patrimoniale et au caractère distinctif de la marque de la société Arte Nova, préjudices qu'il convient de réparer en condamnant la société intimée à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il convient pour parfaire la réparation de ces préjudices de faire droit à la demande de publication de la décision selon les termes du dispositif.

L'équité commande d'allouer à la société appelante la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société intimée.

La présente procédure en déchéance, partiellement fondée, ne revêtant pas en regard des circonstances de l'espèce, de caractère manifestement abusif, mais ne constituant que l'exercice normal d'un droit, la demande en paiement de dommages et intérêts, formée à ce titre, non fondée sera rejetée.

Les dépens resteront à la charge de la société intimée qui succombe et seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits de la société Arte Nova sur la marque française verbale Babylone enregistrée sous le numéro 95 563 957 pour les produits cosmétiques, à compter du 29 avril 2000,

Dit que le présent arrêt sera transmis pour transcription au registre national des marques tenu par l'INPI à la requête de la partie la plus diligente,

Déclare la société L'Oreal recevable à agir en déchéance des droits sur la marque Babylone dont est titulaire la société Arte Nova,

Réforme le jugement déféré pour le surplus,

En conséquence,

Déboute la société L'Oreal de sa demande en déchéance des droits de la société Arte Nova sur la marque Babylone N° 95 563 957 en ce qu'elle désigne les produits de parfumerie,

Dit que la Société L'Oreal a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque Babylone dont est titulaire la société Arte Nova en commercialisant un parfum dénommé Armani prive Vetiver Babylone depuis 2008,

En conséquence,

Condamne la société L'Oreal à payer à la société Arte Nova une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Fait interdiction à la société L'Oreal d'user du terme Babylone à quelque titre que ce soit, pour désigner des produits de parfumerie, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée et par jour de retard passé le délai de 15 jours de la signification de la présente décision,

Ordonne la publication du présent arrêt, par extrait dans 3 journaux ou revues au choix de la société Arte Nova et aux frais de la société L'Oreal dans la limite de 3.500 euros HT par insertion,

Condamne la société l'Oreal à payer à la société Arte Nova la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes de la société appelante,

Rejette l'ensemble des demandes de la société intimée,

Condamne la société intimée aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/09831
Date de la décision : 14/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°12/09831 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-14;12.09831 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award