Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRET DU 11 JUIN 2013
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/17513
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Septembre 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 11029363
APPELANTE
Monsieur LE COMPTABLE DES IMPÔTS DU SERVICE DES IMPÔTS DES PARTICULIERS DE PARIS 1er et 2ème ,
agissant sous l'autorité de Monsieur le Directeur Général des Finances Publiques,
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté et assisté par la SCP NABOUDET - HATET (Me Caroline HATET-SAUVAL) , avocats au barreau de PARIS, toque : L0046
et par Me Catherine LANFRAY-MATHIEU de la SCP Pierre CHAIGNE et Associés, avocats au barreau de PARIS, Toque P278
INTIMES
SELAFA MJA en la personne de Maître [V] [W], prise en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société CASHTEX
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée et assistée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
et par Me Gilles GRINAL, avocat au barreau de PARIS, Toque P 449
SA CASHTEX agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée et assistée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
et par Me Gilles GRINAL, avocat au barreau de PARIS, Toque P 449
Maître [O] [Z] ès qualités d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la SA CASHTEX
[Adresse 4]
[Localité 2]
n'ayant pas constitué avocat
INTERVENANT VOLONTAIRE
SELARL [I] prise en la personne de Maître [Q] [I]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée et assistée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
et par Me Gilles GRINAL, avocat au barreau de PARIS, Toque P 449
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente
Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère
Monsieur Joël BOYER, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Amandine CHARRIER
MINISTERE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au Ministère Public.
ARRET :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, président et par Mme Catherine CURT, greffier présent lors du prononcé.
La société anonyme Cashtex a pour activité le commerce de tissus et la confection.
Elle a fait l'objet de plusieurs redressements fiscaux portant sur l'impôt sur les sociétés des années 1994-1995, d'une part, 1998- 1999, d'autre part, qu'elle a contestés devant les juridictions administratives.
La cour administrative d'appel a rejeté, par arrêt du 23 avril 2008, sa réclamation portant sur le redressement et les pénalités au titre de l'impôt sur les exercices 94 et 95 et le tribunal administratif, par jugement du 29 janvier 2010, à ce jour définitif, celle portant sur le redressement intervenu au titre des exercices 1998 et 1999.
Par jugement du 2 novembre 2009, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard, la Selafa MJA, en la personne de Maître [V] [W], ayant été désignée en qualité de mandataire judiciaire. La société [I], en la personne de Maître [Q] [I], a été ultérieurement désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Le comptable du service des impôts des particuliers de Paris ( 1er et 2ème arrondissements) a déclaré au passif de cette procédure, le décembre 2009, une créance à titre définitif et privilégiée à hauteur d'une somme totale de 3 233 433, 73 (dite par les parties 'créance n°2"), ramenée par bordereau rectificatif du 28 janvier 2010 à 2 714 798, 73 euros.
Cette créance a été contestée par la société débitrice et son mandataire judiciaire, notamment sur la base d'un rapport du cabinet d'expertise comptable Mazars.
L'administration fiscale a maintenu sa créance à titre privilégié et hypothécaire à hauteur de la somme de 2 537 911, 73 euros.
Par ordonnance du 20 septembre 2011, le juge-commissaire au redressement judiciaire de la société Cashtex a admis la créance déclarée à hauteur de 122 151 euros à titre privilégié et l'a rejetée pour le surplus.
M. le comptable des impôts a relevé appel de cette décision par déclaration du 29 septembre 2011.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 3 décembre 2012, il demande à la cour d'infirmer l'ordonnance déférée, de débouter la société Cashtex et la Selafa MJA de leurs demandes, d'admettre sa créance à titre définitif, privilégié et hypothécaire pour la somme de 2 537 911, 73 euros, de condamner la Selafa MJA et la société Casthex à lui verser une somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux dépens.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 4 septembre 2012, la Selafa MJA, en la personne de Maître [W], ès qualités, la société Cashtex et la Selarl [I], en la personne de Maître [Q] [I], ès qualités, demandent à la cour de confirmer l'ordonnance déférée et de condamner M. le comptable des Impôts à leur verser une somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La déclaration d'appel a été signifiée à Maître [Z] ès qualités, par acte du 30 novembre 2011, délivré à personne, non suivi de comparution.
SUR CE
La créance en litige porte exclusivement sur l'impôt sur les sociétés 1994, 1995, 1998, 1999 et la contribution temporaire sur cet impôt pour les années 1998 et 1999 à hauteur d'une somme globale ramenée à 2 537 911, 73, contestée de divers chefs par la société débitrice et les organes de la procédure collective.
1. Sur les contestations liées à des régularisations comptables intervenues à la suite des redressements fiscaux de 1994 et 1999
En 1994, l'administration fiscale a réintégré dans le bénéfice imposable de la société Cashtex une dette fournisseur non justifiée et deux abandons de créances bancaires, pour un montant total de 765 936 euros.
En 1999, l'administration fiscale a procédé à des redressements de trois chefs : le montant des stocks à la clôture de l'exercice 1999 a été majoré par l'administration de 911 432
euros, la provision sur stock d'un montant de 4 348 170 euros a été entièrement rejetée et un compte client créditeur, jugé injustifié, a été retraité en profit.
La société débitrice et les organes de la procédure collective, soutiennent sur la foi du rapport du cabinet d'expertise Mazars que :
- à la suite du redressement de 1994, la société a procédé à des régularisations comptables en 1996 et 2005 qui ont été prises en compte dans l'assiette de l'impôt au titre de ces exercices, alors que ces sommes, retenues au titre du redressement, n'auraient pas dû faire l'objet d'une nouvelle fiscalisation, soit une contestation de ce chef de 255 312 euros,
- la majoration du stock opérée par l'administration fiscale n'a pas été répercutée sur le montant du stock initial de l'exercice suivant, de sorte que la société Cashtex ayant commercialisé son stock, il en résulte une imposition sur le produit de vente calculé en fonction du stock majoré, soit, en tant compte du redressement intervenu sur l'exercice 1999, une double imposition d'un même chef, à hauteur de 303 810, 67 euros,
- s'agissant de la provision sur stock rejetée par l'administration pour un montant de 4 384 170 euros, la reprise de cette provision a été intégrée au bilan de l'exercice suivant, entraînant une majoration du résultat sur cet exercice et, partant, une taxation supplémentaire au titre de l'impôt sur les sociétés de 1 461 390 euros, laquelle correspond, avec la contribution temporaire de 20% sur cet impôt, au redressement sur l'exercice 1999,
- le compte client qui avait été retraité en profit par l'administration fiscale a été remboursé le 28 janvier 2000 de sorte que la taxation opérée lors du redressement de 1999 sur ce montant est injustifiée, soit la somme de 22 074, 66 euros.
Pour contester l'ordonnance du juge-commissaire qui a retenu ces objections, M. le comptable des impôts fait valoir que les impôts relatifs aux exercices 1994, 1998 et 1999, qui font seuls l'objet de la contestation, ont été mis en recouvrement les 30 juin 1999 (impôts 94) et 1er octobre 2004 (impôts 98 et 99), de sorte que, par application de l'article R 196-1 du Livre des Procédures Fiscales qui ouvre droit à réclamation au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la mise en recouvrement au rôle ou de la notification d'un avis de mis en recouvrement, la société Cashtex se trouve prescrite.
C'est vainement à cet égard que les intimés se prévalent du c) de ce texte qui fait courir le délai de réclamation de la réalisation de l'événement qui la motive, en se prévalant de la production de la créance fiscale au passif de la procédure en janvier 2010, de sorte qu'ils seraient recevables à agir jusqu'au 31 décembre 2013, alors que la déclaration de créance de l'administration fiscale s'est bornée à reprendre les montants d'imposition au titre de l'impôt sur les sociétés 1994, 1998 et 1999 tels qu'ils figuraient sur les titres exécutoires émis, selon le cas, cinq ou six ans auparavant, les intimés affirmant au demeurant dans leurs conclusions ne pas contester le calcul d'assiette de cet impôt, ni le montant du redressement, lequel a été confirmé par le juge de l'impôt.
La société Cashtex soutient en effet que sa contestation porte exclusivement sur le recouvrement de l'impôt à raison de règlements intervenus entre la date de notification du redressement fiscal et la date de déclaration de créance, à raison de l'impôt payé sur les exercices suivants, ensuite d'écritures de régularisation dont il n'a pas été tenu compte.
Mais l'article L 281 du Livre des Procédures fiscales dispose que les contestations relatives au contentieux du recouvrement ne peuvent porter que sur la régularité de la forme de l'acte ou sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée ou sur tout autre motif ne
remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt, les recours contre les décisions de l'administration en ces matières étant portés, selon le cas, devant le juge de l'exécution ou devant le juge de l'impôt.
Or, la société débitrice ne justifie pas avoir saisi l'administration ou le juge compétent de quelque réclamation que ce soit depuis la mise en recouvrement des impôts litigieux.
La société débitrice invoque encore l'article 4E4122 du 26 novembre 1996 qui indique que 'lorsque les redressements afférents à une provision litigieuse sont définitivement confirmés par le juge, une entreprise qui a déjà effectué en cours d'instance la reprise comptable de cette provision, peut obtenir un dégrèvement correspondant au montant de la reprise effectivement taxée lorsque le délai de réclamation est expiré'.
Mais, là encore, elle ne justifie nullement avoir sollicité un tel dégrèvement, alors qu'à suivre son raisonnement, les sommes réclamées par l'administration fiscale auraient été, ensuite de reprises comptables sur les exercices suivants, fiscalisées à tort sur ces exercices, de sorte qu'elle se trouvait dès la date de recouvrement de l'impôt sur les sociétés pour les années 1996 et suivantes, s'agissant des écritures comptables résultant du redressement de 1994, et sur l'année 2000, pour les redressements portant sur les exercices 1998 et 1999, en mesure de se prévaloir de ce texte.
Aussi sa contestation, qui porte en réalité non sur l'imputation de paiements mais sur le calcul d'assiette de l'impôt sur les exercices postérieurs aux redressements, sera-t-elle rejetée et l'ordonnance déférée infirmée de ce chef
2. Sur la contestation relative aux dégrèvements obtenus
La société Cashtex fait grief à l'administration fiscale de ne pas avoir imputé les dégrèvements obtenus sur la créance déclarée à hauteur d'une somme de 162 559 euros.
Mais il résulte des pièces produites par l'administration fiscale et du tableau récapitulatif figurant en page 9 des dernières conclusions de l'appelant, lequel ne fait l'objet d'aucune contestation, que les dégrèvements intervenus ont été décomptés par l'administration à hauteur de la somme de 165 490 euros, de sorte que la contestation de ce chef sera également rejetée.
3. Sur la contestation relative à l'absence de prise en compte d'un paiement de 68 205 euros.
Cette contestation qui n'est justifiée par aucune pièce paraît se rapporter à une saisie conservatoire pratiquée par l'administration fiscale à hauteur d'une somme de 42 446 euros, laquelle a été régulièrement imputée, le janvier 2007, sur la créance fiscale d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1994, comme il en est justifié.
En conséquence, l'ordonnance déférée sera infirmée et la créance de l'administration fiscale admise à titre définitif, privilégié et hypothécaire à hauteur de la somme de 2 537 911, 73 euros.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance déférée,
Admet au passif de la société Cashtex la créance déclarée par M. le comptable des impôts du service des impôts des particuliers de Paris ( 1er et 2ème arrondissements), dite créance n°2, pour la somme de 2 537 911, 73 euros à définitif, privilégié et hypothécaire,
Rejette toute autre demande,
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront comptés en frais privilégiés de procédure collective, les dépens d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT