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06/06/2013 | FRANCE | N°11/07586

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 06 juin 2013, 11/07586


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 06 Juin 2013

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07586



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Mars 2011 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 09/06122



APPELANTS

Monsieur [V] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Vincent MALLEVAYS, av

ocat au barreau de PARIS, toque : P0126



FEDERATION CGT DES SYNCICATS DU PERSONNEL DE LA BANQUE ET DE L'ASSURANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Vincent MALLEVAY...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 06 Juin 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07586

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Mars 2011 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 09/06122

APPELANTS

Monsieur [V] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Vincent MALLEVAYS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0126

FEDERATION CGT DES SYNCICATS DU PERSONNEL DE LA BANQUE ET DE L'ASSURANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Vincent MALLEVAYS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0126

INTIMEE

SA BANQUE PALATINE

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Isabelle ZAKINE-ROZENBERG, avocat au barreau de PARIS, toque : J007

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [Y] a été engagé, suivant un contrat de travail à durée indéterminée en date du 1 Août 1973 en qualité d'employé, par la SA Banque Verne et Commerciale de Paris, absorbée, en janvier 1990 par la banque San Paolo, laquelle a été reprise par la SA Banque Palatine, le 6 janvier 2005.

Les relations contractuelles, antérieurement régies par la convention collective des établissements financiers qui présentait une répartition par classe, sont désormais soumises à la convention collective de la Banque entrée en vigueur le 10 janvier 2000 et prévoyant une grille de classification établie en fonction de différentes catégories professionnelles et basée sur l'attribution d'un coefficient de base.

M. [Y] a connu une évolution professionnelle au sein de la banque.

En 1984, il a été chargé d'une cellule d'information sur les entreprises et les secteurs auprès de la direction bancaire France.

En 1985, il a été affecté au département crédit pour y constituer une unité de documentation et a atteint cette occasion le coefficient hiérarchique de classe II.2.

En 1987, il a été nommé au poste de responsable du service de documentation de la direction financière de la banque et a intégré cette fonction avec le niveau classe III.2.

Il a atteint le niveau IV en janvier 1990, puis le niveau I, ancienne classe VI en 1998.

Parallèlement, à compter de 1975, M. [Y] a exercé différents mandats représentatifs au sein de l'entreprise.

Depuis le 6 mars 2012, il est notamment délégué syndical national CGT.

Estimant avoir fait l'objet d'une différence de traitement dans l'évolution de sa carrière et de sa rémunération du fait de son appartenance syndicale et de l'exercice d'une activité syndicale, caractérisant une discrimination syndicale pourtant prohibée, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 14 mai 2009 aux fins de se voir attribuer un salaire mensuel brut moyen de la classe I de 3828 euros bruts suivant le bilan social 2009, sous astreinte et de voir condamner la SA Banque Palatine à lui verser des dommages-intérêts pour les préjudices matériel et moral en lien avec la discrimination opérée.

Par un jugement du 7 mars 2011, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a débouté M. [Y] de l'ensemble de ses réclamations et a rejeté les demandes en paiement de dommages et intérêts et d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile formulées par la fédération CGT des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance.

Appelants de ce jugement, M. [Y] et la Fédération CGT des syndicats du personnel de la banque de l'assurance en sollicitent l'infirmation.

M. [Y] demande à la cour de juger qu'il a fait l'objet d'une discrimination en raison de ses activités syndicales et de ses mandats de représentant du personnel.

Il sollicite en conséquence la condamnation de la SA Banque Palatine à :

- lui attribuer le salaire mensuel brut moyen de la classe I d'un montant de 3892 euros suivant le projet de bilan social 2012 dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard passé ce délai, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- lui verser les sommes suivantes :

*197 584 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice matériel subi en raison de la discrimination opérée,

*30 000 euros au titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi du fait de la discrimination opérée,

* 2500 euros pour les frais exposés au cours de la première instance et 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel.

La fédération CGT des syndicats du personnel de la banque de l'assurance sollicite la condamnation de la SA Banque Palatine à lui verser les sommes suivantes :

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- 1000 euros pour les frais exposés en première instance en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et 500 euros pour les mêmes frais exposés dans le cadre de l'instance d'appel.

La SA Banque Palatine conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et réclame une indemnité de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle soulève la prescription quinquennale dès lors que M. [Y] fonde sa discrimination à compter de 1985 et calcule son préjudice en fonction d'un rappel de salaires.

Elle conteste la demande d'attribution de la classe I et d'un salaire de 3939 euros.

En tout état de cause, elle considère que M. [Y] n'est pas fondé en ses demandes dont il fixe l'origine en 1985 et propose de limiter le préjudice invoqué en termes de quantum.

Selon elle, le préjudice de retraite ne peut être retenu s'agissant d'un préjudice éventuel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS :

Sur la discrimination invoquée :

L'article L. 1132-5 du code du travail dispose « [...] qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte [....], notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement, de distribution d'actions, de formation, de redressement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle [...]en raison de [...]ses activités syndicales ou mutualistes[...]».

Selon les dispositions de l'article L. 2141-5 du code du travail, « il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite, de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail».

L'article 2141-8 du dit code précise que les dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-7 sont d'ordre public, que «toute mesure prise par l'employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages-intérêts».

L'article L. 1134-1 du code du travail dispose quant à lui que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement de comparaison avec la situation d'autres salariés, dès lors qu'elle peut résulter de la constatation d'un ralentissement ou d'une stagnation de carrière ou de rémunération, notamment.

Dans le cas d'espèce, M. [Y] fait valoir qu'il a subi une différence de traitement du fait de ses activités syndicales dans l'évolution de sa carrière comme dans celle de sa rémunération.

Pour étayer l'existence de faits laissant présumer la discrimination syndicale qu'il invoque, M. [Y] relève un retard d'évolution de carrière puisqu'il fait état de :

- un retard de promotion en classe IV dès 1985 confirmé en 1987.

Il communique à cet égard la lettre que M. [P] a adressée à Messieurs [H] et [N] le 30 décembre 1986 à la suite de l'entretien du 26 décembre 1986 dans laquelle l'auteur indique que comme l'année précédente, M. [Y] s'est présenté pour souligner le décalage défavorable du niveau de sa situation par rapport à celle du poste qu'il occupe à la direction bancaire France qu'il avait noté au cours des entretiens avec Messieurs [T] et [H] qu'il lui fallait accepter un « rattrapage progressif».

Il verse également aux débats une lettre du même M. [P] du 10 mars 1987 aux mêmes destinataires, sur laquelle M. [N], sous-directeur du département des crédits, a apposé la mention manuscrite suivante : « Une démarche de trop ' encouragée en cela par ses précédents succès- donner une suite favorable en mars serait de la faiblesse et n'aurait aux yeux de ses collègues d'autre justification que son mandat syndical. Pour l'avenir, il faudra juger le travail effectif».

Il relève aussi qu'il s'est vu confier le poste de « responsable service de la documentation » en octobre 1987 au niveau classe III.2 alors que le poste avait été présenté, lors de l'appel à candidature, par une note de service au personnel un mois plus tôt, au mois de septembre 1987 comme relevant du niveau classe IV.

Cette note de service du 22 septembre 1987, signée par M. [I] pour la direction des relations sociales du personnel est communiquée aux débats.

Par une lettre du 29 octobre 1987, soit un mois et deux jours plus tard, ce même M. [I] a notifié à M. [Y] qu'il était nommé « responsable du service de la documentation financière, qu'à cette occasion sa situation personnelle serait revue de la manière suivante :

Le 1er novembre 1987, vous bénéficierez d'une augmentation individuelle de 30 points puis à l'issue d'une période probatoire de cinq mois, si cette période est satisfaisante, vous serez promu en classe III.2 le 1er avril 1988 avec une augmentation individuelle de 30 points ».

Cette nomination, aux conditions précédemment énoncées a été confirmée le 3 mai 1988.

La promotion en classe IV avec une augmentation individuelle de 30 points a été notifiée au salarié le 26 janvier 1990, soit plus de deux ans après la prise de poste.

Il a ensuite bénéficié d'une promotion classe V ou H, le 25 janvier 1991 avec une nouvelle augmentation individuelle de 40 points.

- une promotion tardive à la classe VI en décembre 1997, alors que la majeure partie des comparants, promus en classe V (actuel niveau H) la même année que lui en 1991 voire même en 1992 a bénéficié du passage en classe VI entre 1994-1996.

Sur le tableau qu'il reproduit dans ses conclusions, sur 17 salariés promus en classe V ou H en 1991 et 1992, 11 ont été promus en classe VI ou I, entre 1994 et 1996, deux salariés, dont lui, l'ont été en 1997, un l'a été en 1999 et trois l'ont été en 2001.

Il fait observer que 7 d'entre eux ont depuis lors atteint le niveau VII ou J.

Il relève que la convention collective de la Banque regroupe au sein d'une même classe des métiers comportant des exigences de technicité, de responsabilité, d'encadrement communes, que le bilan social doit faire figurer la rémunération moyenne du mois de décembre hors primes à périodicité mensuelle sur la base de 35 heures, ces chiffres n'intégrant pas les indemnités diverses et notamment celles de départ, que l'analyse des différents bilans sociaux de la banque et des tableaux annuels de promotion des salariés révèlent le retard accusé par l'évolution de sa carrière.

- un retard dans le déroulement de sa carrière en comparaison avec des salariés entrés à la même période que lui dans l'entreprise ( 1973), disposant d'un niveau de formation comparable.

Il compare sa situation à quatre autres collègues et constate que trois d'entre eux ont atteint le niveau VII ou J respectivement en 1999, 2001, 2003.

- un maintien de son salaire à un niveau inférieur à la rémunération moyenne de sa classe actuelle.

Il fait valoir que son niveau de rémunération est plus proche de la rémunération moyenne brute des salariés de la classe H alors qu'il appartient depuis près de 15 ans à la classe I, qu'il compte 40 années d'ancienneté, que ses évaluations sont favorables et reconnaissent son implication.

Il explique plus précisément que, selon le bilan social de 2011, le salaire moyen de la classe H était à 3044 euros tandis que la rémunération brute moyenne de la classe I ressortait à la somme de 3936 euros, et que son propre salaire brut stagnait à 3366 euros.

L'ensemble de ces éléments révèle des faits de nature à laisser supposer l'existence d'un retard dans l'évolution de sa carrière et d'une stagnation de sa rémunération pendant plusieurs années.

La partie défenderesse soutient que ses décisions relatives au déroulement de carrière et au traitement de M. [Y] étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Pour combattre la réalité d'une discrimination, la SA Banque Palatine fait état tout d'abord de ce que M. [Y] a perçu:

- un salaire nettement supérieur au salaire de base moyen et au salaire médian des salariés occupés sur le même emploi:

Au moment de la saisine du conseil de prud'hommes par M. [Y], 19 salariés en tout occupent des postes de « responsables de groupe gestion bancaires».

Si le salaire minimum s'élève à 29 515,98 euros et le salaire maximum à 50 765,52 euros, les salaires médians et moyens ressortent respectivement à 36 151,05 et 37 229,09 euros alors que la rémunération brute M. [Y] est de 43 768,14 euros.

Elle relève également que sur 19 personnes occupant le poste de responsable de groupe gestion bancaire, trois sont classés au niveau G, 12 au niveau H, 3 au niveau I et 1 au niveau J, que la position I constitue le niveau le plus élevé pour cet emploi ainsi que cela résulte de l'accord et de la grille de classification des emplois au sein de l'UES Banque Palatine du 27 décembre 2010.

La SA Banque Palatine précise à cet égard que le comparant relevant de la classification J constitue une exception dès lors que la salariée qui a été « responsable d'unité 2ème niveau » à la gestion bancaire, emploi correspondant aux actuels responsables de services a été considérée comme une manager compte tenu de la taille de l'équipe qu'elle avait encadrée. Elle a, en juillet 2006, lors de son repositionnement sur un emploi de « responsable de groupe » conservé les niveaux de classification et de rémunération attachés à son parcours professionnel.

Pour justifier ces allégations, la SA Banque Palatine communique des bulletins de paie anonymisés.

- un salaire supérieur à celui des salariés ayant le même emploi et le même niveau de classification.

La SA Banque Palatine soutient que le niveau de classification est individuel, lié à l'historique de carrière de chaque salarié, que par suite, se retrouvent sur le niveau de classification I des réalités différenciées en termes d'emplois.

Elle en déduit qu'un comparatif de la situation de M. [Y] avec celles de personnes occupant la même classification et le même emploi ( Mmes [W] et [E] ) met à jour l'absence de décalage puisqu'il perçoit le salaire le plus élevé.

En tout état de cause, elle soutient que le positionnement de M. [Y] par rapport au salaire moyen de la classification I des hommes figurant au bilan social dont elle conteste qu'il puisse être retenu montre un écart ne caractérisant pas une discrimination puisque pour 2011 la rémunération brute du mois de décembre de M. [Y] s'est élevée à la somme de 3386,01 euros alors que la rémunération brute moyenne s'élève à 3939 euros soit un écart de 553 euros et que pour 2012 cet écart n'est plus que de 363 euros.

- un salaire supérieur au salaire moyen et au salaire médian des salariés entrés entre 1972 et 1974, avec le même niveau de diplôme,

La SA Banque Palatine rappelle que M. [Y] est titulaire du seul baccalauréat à l'exclusion de tout autre diplôme ou de toute validation des acquis de l'expérience.

Dans ses écritures, la SA Banque Palatine a établi un tableau montrant que 10 collaborateurs entrés entre 1972 et 1974 avec le même diplôme ont des salaires allant de 30 803,24 euros à 51 339,73 euros que par suite, les salaires médian et moyen ressortent respectivement à 33 760,93 euros et 37 121,48 euros.

Les deux collaborateurs entrés entre 1972 et 1974 avec le même diplôme, au niveau de classification I ont des rémunérations allant de 43 768,14 à 51 339,73 ce qui fait ressortir les salaires médian et moyen à 47 553,93 euros.

Un seul collaborateur entré entre 1972 et 1974, avec le même diplôme a atteint la classification J. et perçoit un salaire brut de 48 310,60 euros.

Selon la banque, le temps de passage sur les niveaux de classification démontre une progression beaucoup plus rapide pour M. [Y] que pour ses collègues.

S'agissant des rémunérations figurant dans le bilan social, elle souligne qu'elles correspondent à la masse salariale brute diminuée de celle afférente à des effectifs non significatifs tels que le personnel à temps partiel ou les stagiaires d'été, que ces masses salariales comprennent les primes de toutes sortes ainsi que les indemnités diverses, en sorte que la référence au bilan social réalisée par le salarié n'est pas pertinente y compris lorsqu'il s'y réfère sous l'angle de la seule classification.

Elle considère enfin que sur l'ensemble des collaborateurs entrés à la même période, M. [Y] se situe dans la distribution haute en termes de classification et perçoit près de 10 Keuros au-dessus du salaire médian et 6,6 Keuros au-dessus du salaire moyen, que 50 % des collaborateurs entrés à la même période et à diplôme équivalent sont sur des classifications G, c'est-à-dire à des niveaux inférieurs.

Toutefois, les emplois des cadres, quelles que soient leur nature et leur appellation exigent de la part de ceux-ci des connaissances, des compétences et des responsabilités comparables. En conséquence, la comparaison avec la rémunération moyenne des cadres de même niveau figurant dans les bilans sociaux établis chaque année par la banque constitue une référence pertinente pour apprécier l'existence d'une différence de traitement même si elle est insuffisante pour établir cette disparité en raison de l'hétérogénéité des emplois, des situations et du parcours professionnel de chacun.

Dans le cas présent, outre que M. [Y] s'est vu confier le poste de « responsable service de la documentation » en octobre 1987 au niveau classe III.2 alors pourtant que le poste avait été présenté, lors de l'appel à candidature, par une note de service au personnel juste un mois auparavant soit au mois septembre 1987 comme relevant du niveau classe IV, qu'il n' a atteint cette classe IV que le 26 janvier 1990, soit plus de deux ans après la prise de poste, ce qui caractérise un retard avéré de promotion, sans que la banque ne justifie cette décision par des raisons objectives, force est aussi de constater qu'une fois la classe I atteinte, la stagnation de sa rémunération au niveau le plus bas de ce niveau pendant quinze années, correspondant quasiment au niveau moyen de la classe H, et ce, en dépit d'une reconnaissance de ses qualités et de son implication professionnelles dans les différentes évaluations communiquées.

En 2009, l'évaluateur relevait en effet, que « l'expérience et la compétence constituent des atouts maîtres pour le maintien de la qualité des services proposés à travers les différentes évolutions et réorganisations des activités de l'unité.[...] Les objectifs convenus d'un commun accord ont non seulement été atteints mais dépassés.» Cette évaluation était conforme à celles que le salarié s'était vue notifier les années précédentes.

Durant cette période de quinze années, les seules augmentations consenties à M. [Y] résultent soit de négociations générales, soit d'une réclamation qu'il a formulée lors de la saisine du conseil de prud'hommes, étant observé que ces augmentations n'ont pas remis en cause l'application prolongée de rémunération correspondant à la fourchette basse de la classe I, sans aucune évolution, ce à quoi l'employeur n'apporte aucune explication objective et pertinente pour en justifier.

L'évolution lente et décalée de sa carrière, et la stagnation de sa rémunération malgré une marge d'évolution possible au sein de la classe I et ce, en dépit de la qualité reconnue de son activité, et de la constance de son implication sont manifestement en lien avec ses engagements syndicaux, étant établi par les pièces produites que les relations entre la banque et l'organisation syndicale ont parfois été tendues et que d'autres représentants syndicaux ont été également victimes de discrimination dûment relevée notamment pour l'un d'eux par une décision judiciaire définitive.

Le jugement déféré sera donc infirmé

Sur les conséquences de ce constat de discrimination :

La réparation intégrale du préjudice résultant de la discrimination oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu . Il convient en conséquence, d'ordonner le reclassement du salarié.

Ce reclassement dans le cas d'espèce consiste à tenir compte des salaires moyens pour la classification I que M. [Y] a atteint depuis plus de quinze années.

En conséquence, le salaire devant être attribué à M. [Y] s'élève à 3 892 euros, suivant le bilan social de 2012.

Cette condamnation sera assortie d'une astreinte provisoire de 1000 euros par jour de retard une fois passé un délai d'un mois après la notification du présent arrêt.

Sur l'indemnisation du préjudice matériel subi:

Sur le moyen tiré de la prescription:

C'est en vain que la Banque Palatine soulève la prescription quinquennale dans la mesure où l'article L. 1134-5 du code du travail dispose que l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination.

Il sera fait observer, en tant que de besoin, au regard de l'allusion de la société en page 26 de ses conclusions, que ces dispositions résultent de la loi du 17 juin 2008, qu'en application des dispositions transitoires prévues par cette loi, dès lors que l'action pouvait jusqu'alors être engagée dans le délai de trente années, et dans les cas où la prescription n'était pas acquise, lors de sa publication, un délai de cinq années s'ouvrait à compter de celle-ci, sous réserve que le délai de trente années n'expire entre la date de la publication de la loi et l'expiration de ce délai de cinq années.

Dans le cas d'espèce, même si la révélation de la discrimination remonte à 1985, ce qui n'est pas avéré dès lors que celle-ci découle comme en l'espèce d'une série de décisions qui s'étalent dans le temps, il est patent que la présente action en réparation de la discrimination a été engagée dans le délai légal et, que, par suite, le salarié n'est en aucun cas forclos en son action.

Par ailleurs, il se déduit des dispositions précédemment relatées qui imposent la réparation intégrale du préjudice, qu'aucune prescription ne peut être utilement invoquée pour limiter les dommages et intérêts au motif que le préjudice réclamé est chiffré par rapport à un différentiel de salaire.

M. [Y] évalue à la somme de 197 584 euros l'indemnisation à lui revenir pour le préjudice matériel subi résultant de la discrimination opérée, en ce compris le préjudice correspondant à l'incidence sur le calcul des droits à la retraite, ce que conteste la banque Palatine considérant que le salarié réclame à cet égard un préjudice éventuel.

Toutefois, en raison de la discrimination opérée et caractérisée par un ralentissement de sa carrière ainsi que par une stagnation de sa rémunération, l'incidence sur la retraite n'est pas un préjudice éventuel mais certain.

Il correspond à tout le moins à une perte de chance d'obtenir une retraite plus importante si les cotisations avaient été en rapport avec les salaires que M. [Y] aurait dû percevoir. Une perte de chance ne correspond néanmoins jamais au préjudice réel.

Au regard des éléments de calcul explicités que la cour fait siens, le préjudice matériel, comprenant notamment le préjudice résultant de la perte de chance d'une retraite plus élevée sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 180 000 euros, somme que la SA Banque Palatine sera condamnée à verser à M. [Y]

Sur le préjudice moral :

Indépendamment d'un préjudice matériel précédemment analysé, M. [Y] a subi un préjudice moral certain du fait de la discrimination opérée, caractérisé par l'absence de reconnaissance concrète de son implication professionnelle et de ses qualités professionnelles notamment, lequel préjudice sera exactement réparé par l'allocation d'une somme de 12 000 euros.

Sur l'action de la Fédération CGT des Syndicats du Personnel de la Banque et de l'assurance:

La Fédération CGT des Syndicats du Personnel de la Banque et de l'assurance a alerté en vain la banque Palatine à plusieurs reprises sur son attitude discriminatoire à l'égard de M. [Y].

Elle subit un incontestable préjudice du fait de l'atteinte ainsi portée à son organisation et à l'intérêt collectif de la profession qu'elle défend.

Son préjudice sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 8 000 euros.

Sur la demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande d'accorder à M. [Y] une indemnité de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à la Fédération CGT des Syndicats du Personnel de la Banque et de l'assurance une indemnité de 1 000 euros sur le même fondement pour les frais exposés par les deux parties dans le cadre de l'ensemble des instances.

La SA Banque Palatine, qui succombe dans la présente instance sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Ordonne à la SA Palatine d'attribuer à M. [Y] le salaire moyen brut de la classe I de 3 892 euros dans le mois suivant la notification du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour de retard, l'astreinte étant en tant que de besoin liquidée par le juge de l'exécution compétent;

Condamne la SA Palatine à verser à M. [Y] les sommes suivantes:

- 180 000 euros au titre du préjudice matériel,

- 12 000 euros au titre du préjudice moral,

- 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Banque Palatine à verser à la Fédération CGT des Syndicats du Personnel de la Banque et de l'assurance les sommes suivantes:

- 8 000 euros au titre du préjudice subi,

- 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Banque Palatine aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/07586
Date de la décision : 06/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°11/07586 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-06;11.07586 ?
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