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15/05/2013 | FRANCE | N°12/10027

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 15 mai 2013, 12/10027


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 15 MAI 2013



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/10027



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/00875







APPELANTS





1°) Monsieur [T] [J]

né le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 3] (TOGO)r>
[Adresse 6]

B.P. 1306

ABIDJAN 01 (COTE D'IVOIRE)





2°) Monsieur [H] [O] [Z] [J]

né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 3] (TOGO)

[Adresse 2]

[Localité 2]





3°) Madame [S] [Q] [J] épouse [I]

né...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 15 MAI 2013

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/10027

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/00875

APPELANTS

1°) Monsieur [T] [J]

né le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 3] (TOGO)

[Adresse 6]

B.P. 1306

ABIDJAN 01 (COTE D'IVOIRE)

2°) Monsieur [H] [O] [Z] [J]

né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 3] (TOGO)

[Adresse 2]

[Localité 2]

3°) Madame [S] [Q] [J] épouse [I]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 3] (TOGO)

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentés par la SCP IFL Avocats, avocats au barreau de PARIS, toque : P0042, postulant

assistés de Me Dominique PENIN de la SDE KRAMER LEVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J008, postulant

INTIMEE

SARL AFRICA EDGE

représentée par ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 4])

Représentée par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : K0148, postulant

assistée de Me Daphné BES DE BERC de la SELARL DAPHNE BES DE BERC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0030, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 03 avril 2013, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Pascal CHAUVIN, président,

Madame Nathalie AUROY, conseiller

Madame Monique MAUMUS, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats : Madame Christiane LEDRON

lors du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Par acte sous seing privé du 4 mars 1999, M. [T] [J] s'est porté caution solidaire de la société anonyme de droit ivoirien Eburnea - dont il est président directeur général et principal actionnaire - pour un montant en principal de 3 millions de FF, en s'obligeant sur tous ses biens meubles et immeubles présents et à venir, à payer à la banque Belgolaise ce que lui devra la société Eburnea au cas où cette dernière ne pourrait faire face à ses obligations pour un motif quelconque, et, 'dans ce contexte', en consentant à la banque Belgolaise une hypothèque de premier rang à concurrence de cette somme sur un terrain dont il s'est déclaré propriétaire, situé à [Localité 3] Tokota St Joseph, République togolaise, et inscrit au bureau de la conservation de la propriété et des droits fonciers de [Localité 3] au titre foncier n°19 034.

Par convention du 8 mars 1999, la banque Belgolaise a consenti à la société Eburnea, pour lui permettre de poursuivre son activité d'exportation de fèves de cacao et de café, une ouverture globale de crédit de 103 millions de FF pour une durée expirant au plus tard le 30 septembre 1999, assortie de garanties consistant notamment en des cessions de créances professionnelles et des nantissements de stocks de fèves de cacao.

La société Eburnea s'est vue retirer son agrément pour l'exportation par arrêté du 23 juin 1999.

Par convention du 20 juillet 1999, la société Eburnea a reconnu devoir à la banque Belgolaise, en vertu des conventions d'ouverture globale de crédit qui lui avaient été consenties, la somme de 86 591 244,21 FF immédiatement exigibles et lui a consenti, en paiement partiel de ladite somme, la dation de lots de sacs de fèves de cacao pour une valeur de 40 millions de francs français, étant convenu que, si la société Eburnea présentait à la Banque Belgolaise avant le 30 septembre 1999 un exportateur agréé disposé à acquérir en l'état et à payer comptant, avant cette date, les lots de fèves de cacao moyennant un prix net supérieur à leur valeur, la dation en paiement partielle serait réputée consentie pour une valeur égale à ce prix net.

Par acte authentique du 7 janvier 2005, M. [T] [J] a consenti à son épouse séparée de biens, [Q] [J], et leurs deux enfants, Mme [S] [J] et M. [H] [J], une donation-partage portant respectivement sur l'usufruit et la nue-propriété de ses droits indivis de moitié dans un appartement, une cave et un parking constituant les lots numéros 361, 307 et 845 de l'état de division de l'immeuble situé [Adresse 5].

Par acte sous seing privé du 31 mai 2007, notifié à M. [T] [J] le 8 août 2007, la banque Belgolaise a cédé à la société Africa Edge 'tous [ses] droits, titres et intérêts afférents à [sa] créance sur : Eburnea' pour le montant en principal de 9 421 384,86 €, outre intérêts.

Par jugement du 3 mai 2012, sur assignation délivrée le 5 janvier 2010 par la société Africa Edge à l'encontre de M. [T] [J], [Q] [J] - décédée le [Date décès 1] 2010 - Mme [S] [J] et M. [H] [J], sur le fondement de l'article 1167 du code civil, le tribunal de grande instance de Paris a :

- rejeté la fin de non-recevoir développée du chef de défaut de qualité pour agir,

- déclaré inopposable à la société Africa Edge l'acte de donation-partage du 7 janvier 2005,

- condamné les défendeurs à payer à la société Africa Edge la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné les défendeurs aux dépens.

Les consorts [J] ont interjeté appel de cette décision le 1er juin 2012.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 14 mars 2013, ils demandent à la cour de :

- les juger recevables et bien fondés en leur appel,

- dire n'y avoir lieu à sursis à statuer,

- en conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable la société Africa Edge et en tout état de cause mal fondée en ses demandes,

- la débouter de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner à payer à Mme [S] [J] épouse [I] et M. [H] [J] chacun une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- la condamner à payer à leur payer chacun une indemnité de 5 000 € sur le fondement

de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens, avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du même code.

Dans ses dernières conclusions déposées le 13 mars 2013, la société Africa Edge demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures, de l'en déclarer bien fondée et, en conséquence,

- à titre principal, surseoir à statuer jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir sur l'appel interjeté par elle à l'encontre du jugement rendu le 5 mai 2011 par le tribunal de

commerce de Paris dans l'affaire l'opposant à son débiteur principal, la société Eburnea (RG n°l 1/08813 - Pôle 05 Chambre 04 - plaidoiries le 25 juin 2013),

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- y ajoutant, condamner Mme [S] [J] épouse [I] et M. [H] [J] à lui payer la somme en principal de 457 347,05 € correspondant au montant de sa créance à l'égard de leur père, avec intérêts au taux légal courus sur cette somme à compter de l'arrêt à intervenir,

- les condamner à lui payer une somme de 50 000 € à titre de dommages intérêts,

- condamner les consorts [J] à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner les consorts [J] aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR,

- sur la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [J] :

Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [J] du chef de défaut de qualité de la société Africa Edge ; qu'il y a lieu d'ajouter qu'il résulte au demeurant du certificat d'inscription délivré le 3 novembre 2009 par le conservateur de la propriété et des domaines de [Localité 3], qu'au vu de l'acte de cession de créance du 31 mai 2007, M. [T] [J] a expressément consenti à ce que l'hypothèque inscrite au profit de la banque Belgolaise sur le terrain lui appartenant pour garantie de son engagement de caution 'soit transférée à la société Africa Edge' ;

- sur l'action paulienne :

Considérant que le créancier qui exerce l'action paulienne doit justifier d'une créance certaine en son principe au moment de l'acte litigieux, même si elle n'est pas encore liquide ; qu'il doit établir l'insolvabilité, au moins apparente, de son débiteur au jour de l'acte litigieux ou à la date d'introduction de la demande, le débiteur devant quant à lui prouver qu'il dispose de biens de valeur suffisante pour répondre de son engagement ;

Considérant que, lorsque l'acte est à titre gratuit, comme en l'espèce, le créancier n'a pas à prouver la complicité de fraude du bénéficiaire de l'acte, laquelle est présumée ;

Considérant enfin que la fraude paulienne n'implique pas nécessairement l'intention de nuire et résulte, lorsque l'acte est à titre gratuit, de la seule connaissance que le débiteur a du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux ;

Considérant qu'en l'espèce, il résulte de la lecture combinée de l'acte du 4 mars 1999 et de la convention de garantie hypothécaire qui y est annexée, que le premier acte contient un engagement de caution solidaire et personnelle de M. [T] [J] en faveur de la banque Belgolaise, à concurrence de 3 millions de FF (soit 457  347 €), pour 'ce que lui devra la société Eburnea au cas où cette dernière ne pourrait faire face à ses obligations pour un motif quelconque' ; que l'acte du 20 juillet 1999, par lequel la société Eburnea a reconnu devoir à la banque Belgolaise une somme de 86 591 244,21 FF immédiatement exigibles et lui a consenti une dation en paiement partiel à hauteur de 40 millions de FF ne pouvait avoir pour effet de décharger la caution qu'à concurrence de cette somme ; qu'à cette date, le solde de la créance de la banque Belgolaise à l'encontre de la société Eburnea s'élevait à 46 591 244,21 FF (soit 7 102 788,50 €) ; qu'il n'est pas établi que cette dation en paiement a finalement excédé la valeur de 40 millions de FF ; que la société Africa Edge justifie donc d'une créance certaine en son principe au moment de la donation-partage du 7 janvier 2005 ;

Considérant qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir sur l'appel interjeté par la société Africa Edge à l'encontre du jugement rendu le 5 mai 2011 par le tribunal de commerce de Paris, qui l'a déboutée de ses demandes en paiement introduites le 3 mars 2009 à l'encontre de la société Eburnea, au motif que les pièces produites ne permettaient pas de déterminer le montant de sa créance ;

Considérant qu'au jour de l'acte litigieux, comme à la date de l'introduction de la demande, soit le 5 janvier 2010, la société Africa Edge ne disposait que de l'hypothèque consenti par M. [T] [J] sur le terrain lui appartenant à [Localité 3], seul élément officiel de son patrimoine et lequel, acquis le 14 avril 1992 pour un montant de 10 600 000 F CFA (soit 106 000 FF ou 16 160 €), ne saurait suffire à la désintéresser ; que M. [T] [J] ne démontre pas par ailleurs qu'il dispose de biens de valeur suffisante pour répondre de son engagement ;

Considérant que M. [T] [J], en tant que président directeur général et principal actionnaire de la société Eburnea, comme précisé dans la convention de garantie hypothécaire, ne pouvait ignorer l'existence de la créance de la société Eburnea, étant relevé que l'acte de cautionnement stipule expressément son engagement irrévocable 'à rembourser ou à payer à première réquisition la banque Belgolaise le montant intégral des sommes qui lui sont dues, sans qu'aucune mise en demeure préalable soit nécessaire' et précise que 'la caution entend suivre personnellement la situation du cautionné et dispense la banque Belgolaise de tout avis de prorogation ou de non-paiement' ;

Qu'en outre, il avait connaissance des tentatives de la banque Belgolaise de recouvrer sa créance en vertu d'une cession de créance professionnelle dont elle avait bénéficié au titre des garanties contenues dans la convention du 8 mars 1999, notamment par la voie d'une procédure d'arbitrage engagée à l'encontre d'un créancier de la société Eburnea puis d'une plainte pénale des chefs d'escroquerie et de complicité d'escroquerie visant notamment la société Eburnea et ses dirigeants, qui n'ont pas abouti (sentence arbitrale du 16 février 2001 ; ordonnance de non-lieu du 22 avril 2002 confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 27 novembre 2002, pourvoi déclaré irrecevable par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 7 octobre 2003) ;

Qu'il avait également nécessairement connaissance du préjudice causé à la banque Belgolaise par l'acte litigieux, l'hypothèque légale inscrite à son encontre par le Trésor public sur le bien immobilier de la [Adresse 5] pour une créance d'un montant de 1 815 112 francs (276 712 €) - dont il soutient que son épouse, séparée de fait, s'était engagée à rembourser en échange de la donation-partage - étant manifestement inférieure au montant de ses droits sur ce bien ; qu'en tout état de cause, le motif allégué pour justifier la donation-partage est indifférent quant à la connaissance du préjudice causé à la société créancière par l'acte argué de fraude ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la fraude paulienne est établie, sans que la société Africa Edge soit tenue de prouver la complicité de fraude d' [Q] [J], Mme [S] [J] et M. [H] [J], bénéficiaires de l'acte, laquelle est présumée ; qu'il convient de confirmer le jugement qui lui a déclaré inopposable l'acte de donation-partage du 7 janvier 2005 ;

Considérant que l'inopposabilité paulienne autorise le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d'une aliénation opérée en fraude de ses droits, afin d'en faire éventuellement saisir l'objet entre les mains du tiers ; que, cependant, il résulte des documents émanant de la conservation des hypothèques produits par la société Africa Edge que Mme [S] [J] et M. [H] [J] ont cédé le bien immobilier de la [Adresse 5] le 27 janvier 2012 - soit juste après l'audience de plaidoiries de première instance - pour un montant supérieur à 1 055 250 euros, rendant impossible une saisie immobilière entre leurs mains ; que seule une somme globale de 70 000 € a pu être saisie à titre conservatoire par la société Africa Edge sur leurs comptes bancaires ; qu'il y a lieu de les condamner à payer à la société Africa Edge, en réparation de son préjudice,  une indemnité d'un montant de 457 347 €, correspondant au montant de sa créance à l'égard de M. [T] [J], au titre de son engagement de caution, et de rejeter, pour le surplus, la demande de 50 000 € de dommages et intérêts supplémentaires sollicitée par celle-ci ;

Considérant que Mme [S] [J] et M. [H] [J], qui succombent en leurs demandes, ne sont pas fondés à solliciter des dommages et intérêts pour procédure abusive ; que leur demande de ce chef doit être rejetée ;

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [S] [J] et M. [H] [J] à payer à la société Africa Edge la somme de 457 347 €, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

Rejette toutes autres demandes,

Vu l'article 700 du code de procédure civile , rejette la demande des consorts [J] et les condamne à payer à la société Africa Edge la somme de 3 000 €,

Condamne les consorts [J] aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 12/10027
Date de la décision : 15/05/2013

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°12/10027 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-15;12.10027 ?
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