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14/05/2013 | FRANCE | N°11/23149

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 14 mai 2013, 11/23149


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 14 MAI 2013



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/23149



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 10/011772





APPELANTE



Société DPF HOLDING agissant en la personne de son représentant légal y domicilié

et encore ch

ez la Société FIDUCIAIRE NICOLAS BERDAT SA, [Adresse 2] (SUISSE)

[Adresse 4]

[Localité 1] (SUISSE)



Représentée et assistée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS (a...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 14 MAI 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/23149

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 10/011772

APPELANTE

Société DPF HOLDING agissant en la personne de son représentant légal y domicilié

et encore chez la Société FIDUCIAIRE NICOLAS BERDAT SA, [Adresse 2] (SUISSE)

[Adresse 4]

[Localité 1] (SUISSE)

Représentée et assistée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS (avocat au barreau de PARIS, toque : B1055)

et par Me Catherine BOULANGER (avocate au barreau de PARIS, toque : K170)

INTIMEES

SA BNP PARIBAS représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES (Me Michel GUIZARD) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0020)

et par Me Bertrand CHAMBREUIL, avocat au barreau de PARIS (toque : B230)

SA BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES venant aux droits de la société BANEXI, et représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES (Me Michel GUIZARD) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0020)

et par Me Victoria HESSEL, plaidant pour la SCP KRAMER LEVIN (avocat au barreau de PARIS, Toque : J008)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier lors des débats : Mme Amandine CHARRIER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Catherine CURT, greffière présente lors du prononcé.

La société de droit suisse DPF Holding a souscrit à une première augmentation de capital de la société Mauboussin, le 6 juin 2000, pour un montant de 6 780 000 euros, et à une seconde, le 23 mai 2001, pour un montant de 8 370 000 euros.

Affirmant avoir procédé à ces opérations au vu des rapports d'évaluation de la société Mauboussin émanant de la sociétés BNP Paribas et de sa filiale, la société Banexi, et reprochant aux intéressées de l'avoir induite en erreur, par leur comportement déloyal et négligent, sur la situation financière réelle de la société Mauboussin qu'elle a découverte très obérée et dans laquelle elle a dû investir 84 millions d'euros, la société DPF Holding a, par acte des 2 et 4 février 2010, assigné les sociétés BNP Paribas et BNP Paribas Securities Services, venant aux droits de la société Banexi, en responsabilité et paiement de dommages et intérêts devant le tribunal de commerce de Paris.

Celui-ci, par jugement du 29 septembre 2011, a dit irrecevable l'action engagée par la société DPF Holding à l'encontre de la société BNP Paribas Securities Services et a mis celle-ci hors de cause, a dit la société DPF Holding recevable en son action dirigée contre la société BNP Paribas mais l'en a déboutée, l'a condamnée à payer à l'intéressée la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a rejeté toute autre demande.

Par déclaration du 27 décembre 2011, la société DPF Holding a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures signifiées le 2 novembre 2012, elle demande à la cour de dire recevable la consultation du Pr [C] qu'elle verse aux débats, de débouter les intimées de leurs demandes, d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de la dire recevable et fondée en son action et en son appel dirigés contre la société BNP Paribas Securities Services, de dire que l'intéressée et la société BNP Paribas ont commis des fautes qui lui ont causé un préjudice, de les condamner solidairement à lui payer la somme de 15 500 000 euros, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal capitalisés annuellement

à compter du 6 juin 2000 sur la somme de 6.780.000 euros et du 20 juin 2001 sur celle de 8 370 000 euros, et à lui verser la somme de 100 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 23 mai 2012, la société BNP Paribas Securities Services demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit irrecevable l'action dirigée contre elle par la société DPF Holding et l'a déclarée hors de cause, subsidiairement, de débouter l'appelante de toutes ses demandes, en toute hypothèse, de condamner l'intéressée à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions signifiées le 23 mai 2012, la société BNP Paribas demande à la cour de constater que la société DPF Holding n'a pas été mise en relation avec les propriétaires de la société Mauboussin par elle ou la société Banexi, que ce n'est pas elle qui a pu remettre à l'appelante les documents financiers sur lesquels elle fonde son action et, en tout cas, de dire que l'intéressée ne justifie d'aucun préjudice et d'aucune perte de chance de réaliser un meilleur investissement, en conséquence, de confirmer la décision entreprise et de condamner la société DPF Holding à lui verser la somme de 10.000 euros en remboursement de ses frais non taxables.

SUR CE

Considérant que la société DPF Holding a assigné en responsabilité et paiement de dommages et intérêts la société BNP Paribas Securities Services comme venant aux droits de la société Banexi ;

Considérant que 'BNP Paribas Securities Services' correspond à la nouvelle dénomination sociale de la société Banexi telle que modifiée par l'assemblée générale de celle-ci en date du 22 mai 2000 ;

Considérant qu'aux termes d'un traité d'apport partiel d'actif en date du 26 octobre 2000, les activités de conseil en fusion-acquisition de la société Banexi, devenue BNP Paribas Securities Services, dans le cadre de laquelle auraient été commis les faits invoqués par la société DPF Holding, ont été transférées à la société Banexi Communication avant d'être mises en location-gérance, suivant contrat du 29 décembre 2000, auprès de la société BNP Paribas en son département Corporate Finance ; que c'est donc cette dernière qui a bénéficié du transfert des contrats de conseil en fusion-acquisition de la société Banexi et, par suite, des droits et des obligations nés de ladite activité ; que des pièces mises au débat, il ressort que la société BNP Paribas, département Corporate Finance, a poursuivi l'exécution du mandat conclu à l'origine par la société Mauboussin avec la société Banexi ;

Considérant qu'au vu de ces éléments, c'est à bon droit que les premiers juges ont dit irrecevable l'action en responsabilité dirigée par la société DPF Holding contre la société BNP Paribas Securities Services et ont mis celle-ci hors de cause ; que l'argumentation de l'appelante selon laquelle 'il convient en l'espèce de raisonner en termes de groupe de sociétés, pris en tant qu'entité' est dépourvue de tout fondement juridique et inopérante ;

Considérant que la recevabilité de l'action formée par la société DPF Holding à l'encontre de la société BNP Paribas n'est plus contestée en appel ;

Considérant que les intimées font plaider, au visa de l'article 906 du code de procédure civile, que la pièce n° 44 de l'appelante, consistant en une consultation du Professeur [C], doit être déclarée irrecevable faute pour sa communication, en date du 4 mai 2012, d'avoir eu lieu simultanément avec la signification des premières conclusions de l'intéressée, auxquelles était annexé le bordereau la visant, intervenue le 27 mars 2012;

Considérant que la cour constate que la pièce en cause a été communiquée à la société BNP Paribas par la société DPF Holding simultanément à la signification par celle-ci, le 4 mai 2012, de ses deuxièmes écritures et communiquées à nouveau, le 2 novembre 2012, en même temps que ses dernières conclusions ;

Considérant que l'exigence de simultanéité posée par l'article 906 du code de procédure civile a été ainsi respectée ; que la société BNP Paribas qui n'argue d'aucune violation des principes de la contradiction et de la loyauté doit être déboutée de sa demande tendant à voir écarter des débats la pièce en cause ;

Considérant que la société DPF Holding, qui fonde son action sur l'article 1382 du code civil, recherche la responsabilité de la société BNP Paribas pour manquement aux obligations d'information, de conseil et de loyauté qu'elle avait légalement à son égard dans le cadre du rapprochement de sa cliente, la société Mauboussin, avec les tiers investisseurs ; qu'elle fait plaider que l'intimée, banquier de la société Mauboussin depuis près de 30 ans, l'a trompée sur la situation financière et la valeur réelles de l'intéressée dans les documents qu'elle-même et sa filiale Banexi ont établis dans le cadre du mandat de recherche d'acquéreurs que la société Mauboussin leur avait confié, et que l'absence d'information et de conseil sur la complexité et les risques de l'investissement que représentait la souscription au capital de cette dernière et la non divulgation de la situation exacte de l'intéressée sont directement à l'origine du préjudice qu'elle a subi consistant en la perte de la chance de mieux investir les 15 500 000 euros qu'elle a consacrés à la souscription, en 2000, au capital de la société Mauboussin ; qu'elle soutient que la société BNP Paribas ne pouvait ignorer que ses évaluations du groupe Mauboussin opérées en mai 2000 entre 58 et 69 millions d'euros et en avril 2001 entre 75 et 85 millions d'euros, ne correspondaient pas à la situation financière dégradée depuis 1997 de l'intéressée qui avait été évaluée à 19,8 millions d'euros en décembre 1997 par le cabinet d'audit FCC Audit et Conseil et à 29 millions d'euros en avril 1998 par la société Natio Consultants, filiale de l'intimée, et qui sera évaluée à un euro le 8 avril 2002 par la société Axa Private Equity ; qu'elle estime que la société BNP Paribas devait veiller à ce que les informations contenus dans les documents signés par elle et communiqués aux investisseurs potentiels, ou dont ceux-ci ont pu prendre connaissance, soient sincères et fiables sachant qu'ils allaient servir à informer des investisseurs étrangers au fonctionnement de Mauboussin ; qu'elle soutient que le manque de loyauté de l'intimée à son égard procède du conflit d'intérêts dans lequel elle se trouvait en étant aussi le créancier de la société Mauboussin au titre de prêts importants (6 097 960,62 euros le 30 décembre 1999, 10 000 000 euros le 23 mai 2001) dont la recapilisation de l'emprunteuse était de nature à permettre le remboursement ;

Considérant que la société BNP Paribas fait plaider qu'elle n'a jamais sollicité la société DPF Holding qui n'a pas sollicité elle-même ses services, étant un investisseur averti, spécialisée dans les opérations de prise de participation, et dont le dirigeant, M. [Q], relation personnelle des dirigeants de la société Mauboussin, a eu directement accès aux documents et informations financières concernant celle-ci; qu'elle soutient que les documents qu'elle a établis étaient destinés à la seule société Mauboussin, sa mandante, et qu'elle n'avait donc aucune obligation d'information et de conseil à l'égard de l'appelante ; qu'elle ajoute que celle-ci ne justifie d'aucune perte de chance compte tenu de la prospérité dont jouit la société Mauboussin dont elle détient aujourd'hui 90 % du capital ;

Considérant que le 2 décembre 1999, la société Mauboussin a confié à la société BNP Paribas un mandat à échéance du 1er septembre 2000 aux fins de l'assister dans la recherche d'un investisseur disposé à devenir actionnaire minoritaire à hauteur de 30 à 40 % de son capital ; que ce mandat comportait une phase d'étude et d'évaluation de la société Mauboussin, une phase de recherche et de sélection d'acquéreurs potentiels et une phase d'approche et de négociation ; qu'un avenant signé le 9 février 2001 a prorogé cette mission au 30 juin 2001 et fixé un nouvel objectif consistant en la recherche d'un nouveau partenaire stratégique susceptible d'être intéressé par une prise de participation majoritaire ; qu'un dernier avenant en date du 20 juin 2001 a prorogé le mandat jusqu'au 30 juin 2002;

Considérant que la société DPF Holding a souscrit à une première augmentation du capital de la société Mauboussin, le 6 juin 2000, pour un montant de 6 780 000 euros, et a une seconde, le 23 mai 2001, pour un montant de 8 370 000 euros ;

Considérant qu'aux termes de la transaction conclue le 30 décembre 2002 entre la société Mauboussin, alors représentée par M. [X] [Q], et la société BNP Paribas qui a mis fin au litige opposant les intéressées quant à la rémunération devant revenir à cette dernière au titre de l'exécution du mandat ci-dessus mentionné, il est dit, dans l'exposé de la position des parties : 'Monsieur [X] [Q] agissant tant en qualité d'ancien administrateur de Mauboussin SA, de représentant de DPF Holding et de nouveau président de Mauboussin SA, a considéré que BNP Paribas n'avait pas effectué correctement sa mission, ce qui a été contesté par BNP Paribas (...) La Société Mauboussin juge (...) inacceptables les notes d'honoraires perçues [par BNP Paribas] et qui ne sauraient rémunérer l'intervention de la société DPF Holding à son capital, uniquement imputable aux liens personnels noués entre le dirigeant de cette Société et ceux de la société Mauboussin' ; que dans le pacte conclu entre actionnaires de la société Mauboussin signé également le 30 décembre 2002, le protocole d'accord ci-dessus évoqué est décrit comme signé entre 'la Banque, DPF Holding et Mauboussin' ;

Considérant que la société DPF Holding qui a dénié, en 2002, tout droit à rémunération à la société BNP Paribas pour la recherche d'investisseurs au motif que son intervention au capital de la société Mauboussin était 'exclusivement imputable' aux liens personnels noués entre son dirigeant et ceux de la société Mauboussin, auprès desquels elle a pu avoir directement accès aux documents et informations financières concernant celle-ci, ne peut soutenir, dix ans après, qu'elle se serait décidée à souscrire aux augmentations de capital de l'intéressée, en juin 2000 et mai 2001, au vu des documents établis par la banque dans le cadre de son mandat ; que l'obligation d'information et de conseil exigée des professionnels à l'égard des profanes n'a pas sa place en l'espèce où la société DPF Holding, spécialisée, au vu de son objet social, dans la prise de participation dans les entreprises, est elle-même une professionnelle de l'investissement ; que la société BNP Paribas n'était donc tenue à son égard à aucune obligation d'information et de mise en garde sur les risques que présentait l'entrée au capital de la société Mauboussin ;

Considérant que faute pour elle d'établir, à la charge de la société BNP Paribas, une faute en lien de causalité avec le préjudice qu'elle invoque, la société DPF Holding doit être déboutée de toutes ses demandes ;

Considérant que la société DPF Holding recherche donc en vain la responsabilité de la société BNP Paribas et doit être déboutée de ses demandes formées à l'encontre de l'intéressée ;

Considérant que le jugement dont appel sera, en conséquence, confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que la société DPF Holding qui succombe et supportera les dépens d'appel n'est pas fondée en sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en sera déboutée ; qu'elle devra payer, à ce titre, à la société BNP Paribas Securities Services, d'une part, à la société BNP Paribas, d'autre part, la somme de 3 000 euros, pour la procédure d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré,

Condamne la société DPF Holding à payer à la société BNP Paribas Securities Services, d'une part, à la société BNP Paribas, d'autre part, la somme de 3 000 euros, pour la procédure d'appel,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société DPF Holding aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/23149
Date de la décision : 14/05/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°11/23149 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-14;11.23149 ?
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