Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 12 AVRIL 2013
(n° 2013- , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/13783
Sur renvoi après un arrêt de la cour de cassation (2ème Chambre civile) en date du 15 avril 2010 (n° d'arrêt: 771 F-D), emportant cassation partielle d'un arrêt de la cour d'appel de PARIS ( 25ème Chambre Section B), en date du 19 décembre 2008 (RG n° 06/05608) sur appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS (4ème Chambre-1ère Section ) en date du 29 novembre 2005, (RG n°02/11405)
DEMANDEUR:
Monsieur [M] [N]
[Adresse 5]
[Localité 7]
représenté par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111)
assisté de Maître Roselyne AKIERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque C 1959, substituant Maître Tomas GURFEIN, avocat au barreau de PARIS, toque C 1959
DÉFENDEURS:
S.A. COMPAGNIE HELVETIA ASSURANCES venant aux droits de la SOCIÉTÉ GAN EUROCOURTAGE venant aux droits de la S.A. GROUPAMA TRANSPORT venant aux droits de GAN INCENDIE ACCIDENT
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentée par Maître Edmond FROMANTIN (avocat au barreau de PARIS, toque : J151)
assistée par Maître Marie-Noëlle RAYNAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : E0307) et substituant Maître Mathieu CROIX, avocat au barreau du HAVRE
Monsieur [B] [D]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par la SCP FISSELIER (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)
assisté de Maître Clémence LOUIS (avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 038)
Maître [C] [I]
pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL OKEANOS
[Adresse 6]
B.P. 183
[Localité 4]
défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
Madame [H] [S] ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Anne VIDAL, Présidente de chambre
Françoise MARTINI, Conseillère
Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Guénaëlle PRIGENT
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Anne VIDAL, Présidente et par Guénaëlle PRIGENT, Greffier.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [M] [N] a acquis auprès de M. [B] [D], une péniche « LEYDEN » moyennant le prix de 950.000 F dont 400.000 F payables à la promesse de vente signée le 7 octobre 1997 et 550.000 F payables en 24 mensualités. Le 22 octobre 2001, la péniche coulait dans les eaux du port d'ILON et M. [M] [N] faisait appel à la Société OKEANOS (dont le gérant était M. [D]) pour la renflouer, malgré les plus expresses réserves émises par la Cie GAN, assureur de la péniche, qui refusait sa garantie puis, apprenant que la péniche était grevée d'une hypothèque fluviale, procédait à l'annulation du contrat d'assurance et au remboursement des primes versées.
Par actes d'huissier en date des 8, 9 et 15 juillet 2002, M. [M] [N] faisait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris M. [B] [D], la Société OKEANOS, la Société GROUPAMA TRANSPORTS venant aux droits de la Cie GAN, et la Société EUROP'YACHTING, intermédiaire à la vente, et sollicitait, d'une part la condamnation solidaire de M. [D] et de la Société EUROP'YACHTING à lui verser diverses sommes en remboursement du prix payé pour l'acquisition de la péniche et à titre de dommages et intérêts, considérant que la vente n'aurait jamais été réalisée, à défaut de respect des conditions de la promesse de vente, d'autre part la condamnation de la Société GROUPAMA TRANSPORTS à garantir le sinistre et à prendre en charge les frais de remise en état de la péniche.
M. [B] [D] réclamait quant à lui le paiement du solde du prix de vente et le paiement de frais de stationnement et d'assurance de la péniche, ainsi que de frais de remorquage et d'amarrage.
En cours de procédure devant le tribunal de grande instance de Paris et par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 26 février 2003, la Société OKEANOS était mise en liquidation judiciaire et Me [I] était nommé mandataire liquidateur.
Par jugement en date du 29 novembre 2005, le tribunal de grande instance de Paris a, pour l'essentiel :
Déclaré la vente intervenue entre M. [M] [N] et M. [B] [D] parfaite,
Condamné M. [M] [N] à payer à M. [B] [D] la somme de 69.327,62 € au titre du solde du prix de vente et dit qu'en contrepartie M. [B] [D] devra restituer la péniche à M. [M] [N],
Débouté M. [M] [N] de sa demande en remboursement des frais d'entretien de la péniche et M. [B] [D] de sa demande en remboursement des frais de stationnement de la péniche,
Débouté M. [M] [N] de ses demandes à l'encontre de la Société EUROP'YACHTING,
Condamné M. [B] [D] à payer à M. [M] [N] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral occasionné par les diverses contrariétés subies et la privation de jouissance du bateau,
Condamné M. [M] [N] à payer à Me [I], ès qualité de liquidateur de la Société OKEANOS, la somme de 33.936,01 € au titre des opérations de renflouement avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2002, outre une somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts,
Condamné la Société GROUPAMA TRANSPORTS à garantir le paiement des opérations de renflouement dans la limite du solde d'indemnité revenant à M. [M] [N], après déduction des sommes qui lui avaient d'ores et déjà été versées.
Sur les appels interjetés par la Société GROUPAMA TRANSPORTS et par M. [M] [N], la cour d'appel de Paris a, par arrêt en date du 19 décembre 2008 :
Confirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré la vente de la péniche parfaite et fixé le solde du prix à la somme de 69.327,92 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2005 et, y ajoutant, donné acte aux parties de leur accord pour que le montant de l'hypothèque revienne au vendeur, M. [B] [D], et vienne en déduction du solde du prix à la charge de M. [M] [N],
Infirmé le jugement pour le surplus de ses dispositions,
Déclaré le contrat d'assurance souscrit auprès de la Cie GAN nul et dit que l'ensemble des conséquences résultant du sinistre serait supporté par M. [M] [N],
Condamné en conséquence M. [M] [N] à payer à Me [I] ès qualités la somme de 33.936,01 € au titre des opérations de renflouement du navire,
Condamné M. [M] [N] à payer à M. [B] [D] les sommes de 12.566,88 € et 348,47 € au titre du remboursement des frais de stationnement et d'assurance,
Condamné M. [M] [N] à verser à Me [I] ès qualités et à la Société GROUPAMA TRANSPORTS une somme de 3.000 € à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejeté les autres demandes.
Sur le pourvoi principal formé par M. [B] [D] et le pourvoi incident de M. [M] [N], la cour de cassation, par arrêt en date du 15 avril 2010, a cassé et annulé l'arrêt du 19 décembre 2008, mais seulement en ce qu'il a déclaré nul le contrat d'assurance souscrit auprès du GAN et dit que l'ensemble des conséquences résultant du sinistre du mois d'octobre 2001 sera supporté par M. [M] [N], en ce qu'il a condamné M. [M] [N] à payer à M. [B] [D] la somme de 12.566,88 € au titre du remboursement des frais de stationnement et en ce qu'il a débouté M. [M] [N] de sa demande tendant à voir condamner M. [B] [D] à lui verser la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant des conditions de la vente et de son manquement à son devoir de conseil. Il a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée pour être fait droit à leurs demandes sur ces points.
M. [M] [N] a saisi la cour d'appel de Paris par déclaration en date du 1er juin 2010.
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Par arrêt en date du 13 janvier 2012, la cour de renvoi a :
Constaté qu'elle n'était pas saisie à l'égard de la Société EUROP'YACHTING,
Confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait condamné la Société GROUPAMA TRANSPORTS à garantir le paiement des opérations de renflouement et débouté M. [B] [D] de sa demande en remboursement des frais de stationnement,
Y ajoutant, dit que la Société GROUPAMA TRANSPORTS devait garantir M. [M] [N] de l'ensemble des conséquences du sinistre survenu le 22 octobre 2001, dont la somme de 33.936,01 € au titre des opérations de renflouement,
Avant dire-droit sur les autres préjudices résultant du naufrage de la péniche, commis M. [K] en qualité d'expert afin de décrire les dommages consécutifs au naufrage, d'évaluer les travaux de réfection de la péniche ainsi que les frais accessoires et de donner tous éléments permettant d'évaluer l'indemnisation due à M. [M] [N] au titre du préjudice spécifique de privation de son logement,
Infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné M. [B] [D] à payer à M. [M] [N] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts et débouté M. [M] [N] de sa demande de dommages et intérêts,
Condamné la Société GROUPAMA TRANSPORTS à payer à M. [M] [N] une provision de 10.000 €,
Réservé les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
L'expert, M. [K], a déposé son rapport au greffe le 4 décembre 2012. Il a retenu que la nature et l'étendue des désordres relevés à bord du LEYDEN s'apparentaient à une perte totale du bien pour raisons économiques, les coûts de remise en état à l'identique et conformément à la réglementation en vigueur étant supérieurs à la valeur réactualisée du bien puisque chiffrés à 432.843,93 €. Il a indiqué que la privation de jouissance en raison de la privation du logement principal pouvait être estimée à 3.000 € par mois, mais que M. [M] [N] n'avait apporté aucun élément justificatif relatif à ce préjudice.
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M. [M] [N], aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 28 février 2013, sollicite la condamnation de la Société HELVETIA venant aux droits de la Société GROUPAMA TRANSPORTS à lui verser les sommes suivantes :
- 182.293,50 € au titre des dommages occasionnés au bateau LEYDEN consécutivement au naufrage du 22 octobre 2001,
- 9.226 € au titre des dommages occasionnés aux meubles se trouvant à bord,
- 16.050 € au titre du retrait des déchets,
- 390.000 € au titre du préjudice de jouissance subi consécutivement au refus de garantie durant la période du 13 mai 2002 au jour de l'arrêt à intervenir,
- 24.000 € au titre du préjudice moral,
toutes sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2002, date de l'assignation introductive d'instance, dans les conditions de l'article 1154 du code civil, outre une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande à la cour de débouter la Société HELVETIA et M. [B] [D] de toutes leurs demandes.
Il fait valoir :
Que la Société GROUPAMA TRANSPORTS, du fait de la validité du contrat d'assurance, doit prendre en charge toutes les conséquences du sinistre, à savoir le montant du capital garantissant les éléments du moteur fixé à la valeur réactualisée de 182.293,50 € et celui garantissant le mobilier hors d'usage arrêté à une valeur actualisée de 9.226 €, outre le coût de l'enlèvement des déchets qui se trouvent à l'intérieur de la péniche ;
Que la Société GROUPAMA TRANSPORTS doit également l'indemniser du fait qu'elle lui a refusé sa garantie par lettre du 13 mai 2002 et qu'il a, de ce fait, été privé de la jouissance de sa résidence principale jusqu'à ce jour, faute d'avoir pu faire réaliser les travaux nécessaires pour la réintégrer, étant ajouté que l'état de la péniche ne s'est pas aggravé du fait d'une prétendue absence de mesures conservatoires ; que la privation de jouissance ne doit pas être limitée au montant de la valeur locative estimée entre 1.400 et 1.800 € mensuels par la société COFREX, mais évaluée en fonction des barèmes de l'agglomération parisienne puisqu'il a toujours résidé en région parisienne, soit une indemnité de 3.000 € x 130 mois = 390.000 €, à laquelle doit être ajoutée un préjudice moral du fait de la privation, du jour au lendemain, de son unique lieu d'habitation ;
Que la Société GROUPAMA TRANSPORTS est tenue, en application des articles 1147 et 1150 du code civil, des dommages qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors du contrat en raison de l'inexécution par le débiteur de son obligation ; que l'attitude de l'assureur a été abusive car elle n'a pas permis à M. [M] [N] de s'expliquer sur la nullité et sur les exclusions de garantie soulevées ;
Que c'est en vain que la Société HELVETIA prétend subsidiairement qu'elle ne pourrait être tenue de la privation de jouissance avant le 29 novembre 2005, date à laquelle le tribunal de grande instance a déclaré la vente parfaite, alors que la vente est bien intervenue, non pas à cette date, mais en 1997 ;
Que les demandes présentées par M. [B] [D] excèdent la saisine de la cour d'appel de renvoi et se rapportent à des questions tranchées avec l'autorité de chose jugée.
La Société HELVETIA, venant aux droits de la Société GROUPAMA TRANSPORTS, suivant écritures en date du 27 février 2013, demande à la cour :
De dire que son obligation de garantie s'étend aux seuls dommages matériels,
De constater que le refus de garantie opposé à M. [M] [N] par la compagnie ne saurait constituer par lui-même une inexécution fautive,
Par voie de conséquence, de dire que le montant de l'indemnité d'assurance ne peut excéder la somme de 153.973,50 € correspondant à la valeur assurée des corps de navigation et moteurs et du mobilier au titre de la police souscrite,
De lui donner acte du versement d'une provision de 10.000 €,
De débouter M. [M] [N] du surplus de ses demandes,
De condamner M. [M] [N], M. [B] [D], la Société EUROP'YACHTING, la Société OKEANOS et Me [I] ès qualités, ou l'une de ces parties à défaut de l'autre, aux dépens.
Elle expose :
Que la police souscrite par M. [M] [N] garantit uniquement le corps de navigation pour une valeur de 960.000 F et le mobilier pour une valeur de 50.000 F ; que tous autres chefs de préjudice sont expressément exclus de la garantie et qu'il n'y a pas lieu à actualisation des valeurs garanties ;
Qu'elle conteste devoir verser une indemnité au titre du retrait des déchets, cette indemnité n'étant pas prévue dans les frais indemnisables et le bien ayant été considéré comme en perte totale ;
Que l'article 1150 du code civil invoqué par M. [M] [N] n'est pas applicable, le refus de garantie qu'elle a opposé à l'assuré ne faisant pas partie des dommages pouvant être prévus lors de la conclusion du contrat ; que doit s'appliquer l'article 1153 alinéa 4 aux termes duquel l'allocation de dommages et intérêts en cas de retard ou d'inexécution est conditionnée à la démonstration de la mauvaise foi du débiteur, or le refus de garantie de l'assureur ne peut à lui seul caractériser une résistance abusive susceptible de donner lieu à une indemnisation distincte et les motifs opposés par l'assureur, en l'espèce, étaient légitimes car fondés sur des clauses de la police ;
Subsidiairement, sur le montant de l'indemnité pour privation de jouissance, d'une part que la question de la propriété de la péniche n'a été tranchée que par le jugement du 29 novembre 2005 qui a ordonné à M. [B] [D] de restituer la péniche, de sorte qu'il n'y a pas de lien de causalité entre le refus de garantie et la privation de jouissance de la péniche jusqu'à cette date, d'autre part, que M. [M] [N] ne justifie pas de sa perte de jouissance et des frais qu'il a dû exposer pour se loger et qu'en tout état de cause, l'indemnité ne peut être fondée sur l'hypothèse de localisation de la péniche en région parisienne et calculée sur le barème locatif mis à jour au 27 septembre 2012.
M. [B] [D], suivant conclusions en date du 12 février 2013, demande à la cour :
De déclarer les appels de M. [M] [N] et de la Société GROUPAMA TRANSPORTS, sinon irrecevables, en tous cas mal fondés en ce qui concerne les demandes formées contre lui, et de les en débouter,
de lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte sur les demandes d'indemnisation formées par M. [M] [N] à l'encontre de la Société GROUPAMA TRANSPORTS,
de condamner M. [M] [N] à lui régler la somme de 34.212,31 € au titre des intérêts dus, compte arrêté au 31 décembre 2012 et sauf à parfaire pour l'année 2013, avec capitalisation en application de l'article 1154 du code civil, ce qui formera avec la somme de 69.327,62 € une somme globale de 103.539,93 € devenant productive d'intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
de confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions non contraires à ses écritures, notamment en ce qu'il a donné acte à M. [B] [D] de ce que, par compensation, les causes de l'hypothèque fluviale seraient déduites du solde du prix de vente à lui revenir,
de condamner M. [M] [N] à lui rembourser la somme de 1.410,54 € au titre des frais d'assurance,
de déclarer irrecevables et mal fondées toutes demandes de tous les intervenants contraires à ses conclusions,
de condamner solidairement M. [M] [N] et la Société GROUPAMA TRANSPORTS à lui verser la somme de 16.146 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir :
que M. [M] [N] a été définitivement condamné à lui verser le solde du prix, soit la somme de 69.327,62 €, mais que, malgré l'exécution provisoire assortissant le jugement, il n'a jamais exécuté, de sorte que les intérêts sont dus et doivent être capitalisés ;
que le principe du remboursement des frais d'assurance est acquis et que ceux-ci se sont élevés, pour la période de 2002 à 2009 à 1.410,54 € ;
que, depuis plus de 12 ans, il a été entraîné dans une procédure pour laquelle, en définitive, il a été mis hors de cause puisque la vente a été déclarée parfaite et qu'il a été dit et jugé que le solde du prix devra lui être réglé avec intérêts.
La SARL OKEANOS et Me [I] ès qualités, ne sont pas constitués devant la Cour à la suite de la cessation des fonctions de leur avoué, la SCP ROBLIN CHAIX DE LAVARENNE au 31 décembre 2011 ;
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 28 février 2013.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Considérant que la SARL OKEANOS et Me [I] ès qualités ne sont pas représentés devant la Cour et n'ont pas été assignés en reprise d'instance.
Qu'il convient donc de constater que la Cour n'est pas valablement saisie à leur égard mais qu'aucune demande n'est formulée à leur encontre ;
Considérant qu'il y a lieu de donner acte à la Société HELVETIA de ce qu'elle vient aux droits de la Société GROUPAMA TRANSPORTS, assureur de M. [M] [N] ;
Considérant qu'aux termes des différentes décisions qui ont été rendues par le tribunal en 2005, par la cour d'appel en 2008, par la cour de cassation en 2010 et par la cour de renvoi en 2012, les points restant à trancher sont les suivants :
l'évaluation des indemnités dues par la Société GROUPAMA TRANSPORTS aux droits de laquelle vient aujourd'hui la Société HELVETIA au titre de la police d'assurance sur corps de bateaux de navigation intérieure ' habitation, hors le coût des opérations de renflouement déjà alloué par la cour dans sa décision du 13 janvier 2012,
l'appréciation et l'évaluation de la demande de M. [M] [N] à l'encontre de la Société GROUPAMA TRANSPORTS au titre du préjudice spécifique de privation de son logement et de son préjudice moral,
les frais irrépétibles réclamés par les parties et le sort des dépens ;
Considérant que toutes les autres questions intéressant ce litige ont fait l'objet de dispositions devenues définitives par l'effet de la cassation partielle de l'arrêt du 19 décembre 2008 ;
Que c'est ainsi que M. [M] [N] a été définitivement condamné par cet arrêt à payer à M. [B] [D] la somme de 69.327,62 € au titre du solde du prix de vente, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2005, et celle de 348,47 € au titre des frais d'assurance, de sorte que les demandes présentées par M. [B] [D] au titre de la capitalisation des intérêts et au titre des frais d'assurance sont irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 19 décembre 2008 ;
Que la demande en liquidation des intérêts assortissant la condamnation prononcée le 19 décembre 2008 ne ressortit pas à la compétence de la cour saisie sur renvoi dans la limite de la cassation ;
Que M. [B] [D] sera donc déclaré irrecevable en ses demandes ;
Considérant que la police souscrite par M. [M] [N] auprès du GAN garantit :
dans son article 1er, les pertes et dommages matériels atteignant le bateau assuré et résultant notamment d'un naufrage ;
dans ses articles 7, 8 et 9, respectivement les frais de sauvetage et d'assistance, les frais de retirement pour retirer le bateau du fond de l'eau et les frais d'enlèvement de la cargaison ;
Qu'elle exclut expressément, dans son article 19, les dommages et intérêts ou indemnités pour quelle que cause que ce soit, sauf ceux réclamés dans le cadre des recours des tiers contre l'assuré tels que prévus par l'article 5 ;
Que les conditions particulières fixent les garanties aux montants suivants :
dommages corps, moteur et agrès : 960.000 F,
mobilier : 50.000 F,
frais de retirement : 700.000 F ;
Considérant qu'il ressort des opérations de l'expertise confiée à M. [K] que le montant des travaux de réparation sur le corps de navigation, les moteurs et les agrès, nécessaires pour remédier aux dommages occasionnés par le naufrage du 22 octobre 2001 et remettre le bateau en état, a été chiffré à la somme de 432.843,93 € ; que, compte tenu de l'importance de ces travaux dont le montant est supérieur à la valeur réactualisée du bien, le bateau doit être indemnisé en perte totale ;
Que le mobilier meublant la péniche n'a pu être évalué mais que le capital garanti (50.000 F) peut être retenu a minima ;
Que le bateau est encombré de détritus et encombrants divers et que le coût de l'enlèvement des déchets qui se trouvent à l'intérieur de la péniche et qui sera nécessaire avant l'autorisation de transport spécial délivré par les Services de la Navigation de la Seine a été évalué à 16.050 € ;
Que le bateau servait de résidence principale à M. [M] [N] et qu'il comportait une surface habitable de 135 m² environ pour laquelle la valeur locative a été estimée par la société COFREX entre 1.400 et 1.800 € ; que l'expert, se référant aux barèmes locatifs de la zone A (agglomération parisienne) et retenant une valeur de 22,22 € le m², conclut à une privation de jouissance de 3.000 € par mois ;
Que l'expert ajoute que l'existence d'un préjudice moral dû à l'immobilisation du bateau et aux désagréments subis par M. [M] [N] ne serait pas contestable ;
Considérant que la garantie est contractuellement due par la Société GROUPAMA TRANSPORTS aux droits de laquelle vient la Société HELVETIA au titre des dommages matériels, au regard de la perte totale du bien assuré, dans la limite des capitaux qui avaient été souscrits, à savoir 960.000 F, soit 146.351,06 €, pour le corps de navigation, les moteurs et les agrès, et 50.000 F, soit 7.622,45 €, pour le mobilier :
Que c'est en vain que M. [M] [N] sollicite la réactualisation des capitaux couverts au motif que l'indemnisation de l'assureur intervient plus de dix ans après le sinistre ; qu'en effet, ce retard sera justement réparé par les intérêts moratoires qu'il réclame et qui pourront lui être allouée, en application des dispositions combinées de l'article L 121-1 du code des assurances et de l'article 1153 du code civil, comme venant réparer le dommage que cause à l'assuré le retard apporté par l'assureur dans le règlement de l'indemnité d'assurance, à compter du jour où l'assuré a sommé son assureur d'exécuter sa prestation, soit en l'espèce à compter de l'assignation, le 8 juillet 2002 ;
Qu'il y a lieu d'ordonner la capitalisation de ces intérêts à compter de la demande qui en a été formée pour la première fois par voie de conclusions en date du 24 décembre 2012 ;
Considérant que M. [M] [N] ne peut prétendre au paiement d'une indemnité au titre de l'enlèvement des déchets se trouvant sur la péniche alors que, d'une part la police ne garantit pas ce type de dommage, d'autre part que le bateau étant indemnisé en perte totale, aucune dépense visant à sa remise en état ne peut être prise en charge par l'assureur, en sus du versement du capital garanti ;
Considérant que la police ne couvre pas la perte de jouissance du navire par son propriétaire à raison du sinistre ;
Que M. [M] [N] réclame le versement d'une indemnité spécifique à ce titre en arguant de l'application des dispositions de l'article 1150 du code civil qui prévoient :
« Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée. » ;
Que c'est en vain que la Société HELVETIA prétend que cet article ne trouverait pas à s'appliquer au motif que le dommage serait imprévisible, alors qu'elle ne pouvait ignorer, lors de la conclusion du contrat d'assurance, que l'inexécution par elle de son obligation de garantie était de nature à priver l'assuré de la jouissance de sa péniche qui lui servait de résidence principale, la police étant souscrite pour couvrir les dommages subis par le bateau et assurer la péniche au titre de la garantie multi-risques habitation ;
Qu'il est indéniable que le défaut de versement par l'assureur des indemnités permettant à l'assuré de financer les travaux de remise en état de la péniche ou son remplacement est directement à l'origine du préjudice de jouissance subi par M. [M] [N], préjudice qui doit être indemnisé indépendamment de la justification des frais effectivement supportés par lui pour se reloger ; mais que, la péniche n'ayant été restituée par le vendeur, M. [D], à M. [M] [N] qu'à la suite du jugement du 29 novembre 2005, l'indemnisation de ce chef de préjudice ne sera due par l'assureur qu'à compter de cette date ;
Considérant qu'au regard de la surface habitable de la péniche (135 m² environ), de son lieu d'amarrage habituel à [Localité 11] et des éléments produits aux débats, le préjudice de jouissance subi par M. [M] [N] peut être évalué sur la base d'une valeur de 2.000 € par mois et d'une durée de 88 mois entre le 1er décembre 2005 et le jour de la présente décision ;
Qu'il convient en conséquence de condamner la Société HELVETIA à indemniser M. [M] [N] à hauteur d'une somme de 2.000 € x 88 mois = 176.000 € ;
Considérant que M. [M] [N] ne justifie pas avoir subi un préjudice moral distinct de celui déjà réparé dans le cadre de l'indemnisation de la privation de jouissance de sa péniche pendant la durée de la procédure ;
Que par ailleurs, il n'indique pas quels sont les désagréments évoqués par l'expert et qui justifieraient l'attribution de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
Qu'en tout état de cause, il n'est pas établi qu'en opposant à son assuré un refus de garantie tenant à la nullité du contrat, la Société GROUPAMA TRANSPORTS aurait commis une faute délibérée de nature à générer un préjudice spécifique à son assuré ; que la cour observe en effet que la nullité invoquée reposait sur la lecture des clauses du contrat que la cour, dans son arrêt sur renvoi de la cour de cassation, a déclaré inapplicables ; que, par ailleurs, les circonstances et les propres déclarations de l'assuré étaient de nature à éveiller la méfiance de l'assureur ; que c'est ainsi que M. [M] [N] avait décalré à l'expert [Z] en janvier 2002 qu'il n'était propriétaire de la péniche qu'à 50%, l'autre moitié appartenant à M. [D] ; qu'il avait également eu recours à la Société OKEANOS pour procéder aux opérations de renflouage, alors que l'assureur avait émis des réserves légitimes au regard du manque d'expérience de cette société dans ce type d'opération sur une péniche et du fait qu'elle avait justement pour gérant M. [D] ;
Que M. [M] [N] sera donc débouté de sa demande en dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ;
Considérant que les dépens de la présente procédure seront partagés par parts égales entre la Société HELVETIA qui succombe sur ses obligations à garantie au titre de la police, et M. [B] [D] qui est débouté de sa demande au titre des frais de stationnement de la péniche et dont les demandes au titre des intérêts sur les sommes allouées et l'assurance sont irrecevables ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Sur renvoi de la cour de cassation,
Vu l'arrêt mixte de la cour de céans en date du 13 janvier 2012,
Vu le rapport d'expertise déposé par M. [K],
Constate que la Cour n'est pas valablement saisie pour statuer à l'égard de SARL OKEANOS et de Me [I] ès qualités ;
Donne acte à la Société HELVETIA de ce qu'elle vient aux droits de la Société GROUPAMA TRANSPORTS ;
Déclare irrecevables les demandes de M. [B] [D] en liquidation et en capitalisation des intérêts assortissant la condamnation de M. [M] [N] à lui verser la somme de 69.327,62 € au titre du solde du prix et paiement d'une somme de 1.410,54 € au titre de l'assurance ;
Condamne la Société HELVETIA venant aux droits de la Société GROUPAMA TRANSPORTS à payer à M. [M] [N] les sommes suivantes au titre des garanties prévues au contrat d'assurance souscrit, sous déduction des provisions versées :
146.351,06 € au titre des dommages matériels subis par le corps de navigation, les moteurs et les agrès de la péniche LEYDEN,
7.622,45 € au titre des dommages matériels subis par le mobilier,
Lesdites sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2002, à titre d'intérêts moratoires, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter du 24 décembre 2012 ;
La condamne à payer à M. [M] [N] la somme de 176.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi entre le 1er décembre 2005 et le jour de la présente décision ;
Déboute M. [M] [N] de sa demande en réparation d'un préjudice moral ;
Condamne la Société HELVETIA à verser à M. [M] [N] une somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure sur renvoi de la cour de cassation ;
Fait masse des dépens de la procédure sur renvoi de la cour de cassation et les partage par parts égales entre M. [B] [D] et la Société HELVETIA ;
Dit qu'ils seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT