La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2013 | FRANCE | N°10/05524

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 11 avril 2013, 10/05524


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 11 Avril 2013

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05524 - CM



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Mai 2010 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section encadrement RG n° 08/01661



APPELANTE

Me [C] [V] - Mandataire liquidateur de la SARL ATELIER D'ARCHITECTURE OPERA CONCEPT

[Adresse 2]

[Localité 2]<

br>
représenté par Me Brigitte MARSIGNY, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : PB179



INTIMEE

Madame [Z] [N]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 11 Avril 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05524 - CM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Mai 2010 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section encadrement RG n° 08/01661

APPELANTE

Me [C] [V] - Mandataire liquidateur de la SARL ATELIER D'ARCHITECTURE OPERA CONCEPT

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Brigitte MARSIGNY, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : PB179

INTIMEE

Madame [Z] [N]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Laurence MIARA-BENADIBA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1966

PARTIE INTERVENANTE :

UNEDIC AGS CGEA IDF EST

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Christian GUILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0474

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine MÉTADIEU, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

[Z] [N] a été engagée par la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept , en qualité d'architecte, selon un premier contrat de travail à déterminée pour la période du 1er novembre 1989 au 28 février 1990, suivi d'un second d'une durée de neuf mois à compter du 1er mars 1990 et enfin selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er septembre 1990.

[Z] [N] et son mari, [M] [L] ont acquis les parts de la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept et sont associés égalitaires à 50 %, [M] [L] étant nommé gérant de la société.

Par jugement en date du 6 mai 1997 le tribunal de grande instance de Bobigny a prononcé le divorce des époux [L] dont la procédure de liquidation de la communauté est toujours en cours.

[Z] [N] a été convoquée le 16 mars 2007, pour le 28 mars à un entretien préalable à un éventuel licenciement et a reçu notification de son licenciement pour faute grave par lettre recommandée datée du 10 avril 2007.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, [Z] [N] a le 30 avril 2008 saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin d'obtenir le paiement de rappels de salaires et d'indemnités de rupture, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Reconventionnellement, la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept a également sollicité une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la restitution du registre du personnel et des bilans antérieurs à 2007.

Par jugement en date du 12 mai 2010, le conseil de prud'hommes a :

- dit le licenciement de [Z] [N] fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave

- pris acte de la remise à la barre d'un chèque d'un montant de 8 562,82 € au titre du solde de tout compte

- condamné la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept à verser à [Z] [N] les sommes de :

' 20 189,64 € d'indemnité de préavis,

' 2 018,96 € de congés payés afférents,

' 21 401,41 € d'indemnité de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter au taux légal à compter du 7 mai 2008, date de la réception de la convocation par la partie défenderesse devant le bureau de conciliation

- ordonné la remise des documents sociaux conformes sans astreinte

- ordonné la restitution par [Z] [N] du registre du personnel et des bilans antérieurs à 2007

- débouté [Z] [N] du surplus de ses demandes

- débouté la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept de sa demande reconventionnelle

- condamné la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept au paiement de la somme de 1 000 € ainsi qu'aux dépens.

La S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept a relevé appel de cette décision par déclaration du 24 juin 2010.

Par jugement en date du 18 août 2011, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept, Maître [V] étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

La S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept représentée par Maître [V], demande à la cour de donner acte à ce dernier de son intervention en qualité de mandataire liquidateur de la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept, de réformer le jugement déféré, de dire que le licenciement de [Z] [N] repose sur une cause réelle et sérieuse et relève de la faute grave, de la débouter de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 4 000 € ainsi qu'aux entiers dépens.

[Z] [N] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement des salaires des mois de février, mars et avril 2007 et en ce qu'il a dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse

- constater l'absence de faute grave de sa part,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept aux sommes suivantes :

' rappel de salaires (février, mars et avril 2007) : 15 703,06 €

' congés payés sur rappel de salaire : 1 507,06 €

' indemnité conventionnelle de licenciement : 21 401,01 €

' indemnité de préavis : 20 189,64 €

' indemnité de congés payés sur préavis : 2 018,96 €

' indemnité compensatrice de congés payés : 6 729,88 €

' dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 161 517,12 €

' article 700 du code de procédure civile : 4 000 €

le tout avec les intérêts au taux légal à compter de la présente décision

- ordonner la remise des documents sociaux conformes sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à partir du 15ème jour suivant la notification du présent arrêt

- juger que le présent arrêt sera commun et opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA IDF

- dire que l'UNEDIC devra sa garantie dans les limites légales .

L'assurance de garantie des salaires, A.G.S, prise en sa délégation régionale UNEDIC-Délégation AGS d'Ile de France, CGEA IDF EST sollicite l'infirmation du jugement entrepris, et demande à la cour statuant à nouveau de :

- constater que [Z] [N] a constitué avec son mari une gérance majoritaire de telle sorte qu'elle n'a jamais été liée par un quelconque lien de subordination

A titre subsidiaire,

- constater que [Z] [N] par son comportement a rompu la relation contractuelle et que la rupture du contrat de travail s'analyse à tout le moins en une démission

A défaut,

- constater que le licenciement repose sur une faute grave

Par conséquent,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris

Statuant à nouveau,

- débouter [Z] [N] de l'ensemble de ses demandes

- dire que sa garantie ne peut être mobilisée en présence d'une gérance majoritaire

Subsidiairement,

- dire que sa garantie sera acquise dans la limite de ses plafonds.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

MOTIVATION :

Sur l'existence d'un contrat de travail :

Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En présence d'un contrat travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l'existence de rapporter la preuve de son caractère fictif.

L'ags soutient que [Z] [N] avait constitué avec son mari une gérance de fait de sorte qu'elle n'aurait jamais été liée par un quelconque lien de subordination.

Cette seule circonstance ne suffit pas à établir que les contrats de travail successifs liant [Z] [N] à la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept aient eu un caractère fictif alors même qu'il résulte des pièces versées aux débats, et notamment de la lettre adressée par l'employeur le 27 février 2007 la mettant en demeure de 'réintégrer [son] poste sans délai', que cette dernière était bien placée dans un lien de subordination caractérisé par le fait qu'elle devait exécuter un travail sous l'autorité d'un employeur ayant le pouvoir non seulement de lui donner des ordres mais également celui de sanctionner ses éventuels manquements.

Sur le rappel de salaires :

[Z] [N] expose que le dernier bulletin de paye que lui a adressé la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept est en date du 31 janvier 2007 et qu'elle n'a perçu aucun salaire pour les mois de février, mars et avril 2007.

Le 27 février 2009, la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept a adressé à [Z] [N] une lettre recommandée la sommant de réintégrer ses fonctions à laquelle elle a répondu le 9 mars 2007 en indiquant avoir toujours été à son poste au siège de la société [Adresse 4] à [Localité 3].

Il est établi par la production des statuts que le siège social de la société a bien été transféré à [Localité 4] [Adresse 3].

Force est de constater que [Z] [N] non seulement ne justifie pas avoir expressément été autorisée à travailler à son domicile, tout à la fois ancien siège social de la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept et ancien domicile conjugal, et encore moins s'être tenue à disposition de l'employeur pendant les mois de février, mars et avril 2007.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents.

Sur le licenciement :

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée en ces termes :

'Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 16 mars 2007,présentée le 22/03/2007,nous vous avons adressé une convocation fixée le 28/03/07,en vue d'un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisagervotre licenciement.

Nous avons le regret de vous informer que nous sommes contraints de vous licencier dans la mesure ou nous avons à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave.

Vous avez été engagée le 1 er novembre 1989 en qualité d'Architecte.

Depuis le 1 er février 2007,vous avez décidé de ne plus vous présenter à votre poste de travail s sans aucune autorisation ni justification.

Nous avons tenté de vous joindre par téléphone afin de connaître les raisons de votre absence mais sans succès.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 27 février 2007,nous vous avons demandé de réintégrer votre poste.

Toutefois, malgré cette injonction, vous n'êtes pas revenue travailler sans nous informer des motifs de votre absence.

Par courrier en date du 9 mars ,2007,et au cours de l'entretien préalable du 28 mars 2007,vous nous avez indiqué que vous exercez vos fonctions au siège social de la société situé [Adresse 4] à [Localité 3].

Or votre lieu de travail est situé à [Localité 4], [Adresse 3] dans les bureaux ou la société exerce son activité depuis cinq ans.

Aussi, dans la mesure où vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail depuis plus de deux mois, nous ne pouvons que constater l'abandon injustifié de votre poste.

Votre absence, compte tenu de vos fonctions et de la petite taille de notre société, a perturbé considérablement l'organisation du travail.

En effet, du fait de votre absence, nous avons été contraints de réorganiser les équipes de travail, ce qui nuit au développement normal de notre activité.

Nous ne pouvons tolérer une telle attitude d'insubordination et de provocation dans la mesure où elle a pour conséquence de perturber le climat social et de désorganiser la gestion de l'activité de la société.

Dans ces conditions, nous sommes au regret de vous notifier ce jour votre licenciement pour faute grave'.

La S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept verse aux débats une lettre simple en date du 30 novembre 2006 informant [Z] [N] des difficultés rencontrées par la société du fait de du manque de personnel à [Localité 4], à la suite du départ de deux collaboratrices, dont l'intéressée conteste avoir été destinataire.

Ce premier courrier est dépourvu de force probante faute pour la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept d'apporter la preuve qu'il a été remis à [Z] [N].

En revanche, il est établi que la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept a mis en demeure [Z] [N] de justifier de son absence par lettre recommandée du 27 février 2007 et de réintégrer son poste sans délai.

Outre le fait que [Z] [N] en sa qualité d'associée était parfaitement informée du transfert du siège social de la société, il résulte des termes mêmes de cette mise en demeure qu'injonction lui était donnée de rejoindre son poste sans délai.

En s'abstenant de déférer à cette sommation, [Z] [N] a manqué à son obligation contractuelle de fournir la prestation de travail pour laquelle elle avait été engagée.

Ce manquement unique, au regard de son ancienneté, ne présentait pas un caractère de gravité tel qu'il rendait immédiatement impossible son maintien dans l'entreprise, mais était néanmoins constitutif d'une cause réelle et sérieuse justifiant la rupture du contrat de travail.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement de [Z] [N] dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il lui a accordé une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents dont les montants ont, au vu des éléments produits, été exactement appréciés par les premiers juges.

La créance de [Z] [N] sera fixée au passif de la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept du fait du prononcé de sa liquidation judiciaire.

Il y a lieu de dire l'ags tenue de garantir les sommes allouées dans la limite de ses plafonds.

Sur la demande de restitution :

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de restitution de pièces formée par l'employeur dès lors qu'il ne verse aucun élément permettant de constater que la salariée soit en possession des pièces réclamée.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de chacune des parties.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Fixe la créance de [Z] [N] au passif de la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept aux sommes suivantes :

- 20 189,64 € d'indemnité de préavis,

- 2 018,96 € de congés payés afférents,

- 21 401,41 € d'indemnité de licenciement,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Affecte les dépens au passif de la S.A.R.L Atelier d'architecture opéra concept.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/05524
Date de la décision : 11/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/05524 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-11;10.05524 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award