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09/04/2013 | FRANCE | N°06/15812

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 09 avril 2013, 06/15812


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRÊT DU 09 AVRIL 2013



(n° ,16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 06/15812



Décision déférée à la Cour : Renvoi devant la Cour d'appel de Paris par décision de la Cour de cassation du 5 juillet 2006 ( Pourvoi n° Y 05-19.660) après cassation de l'arrêt rendu le 24 juin 2005 par la Cour d'appel de Paris (RG : 04/06974), statuant

sur l'appel du jugement du tribunal de Grande instance de Paris en date du 26 juin 2002 ( RG : 00/18027).



APPELANTE



- Société AVIVA VIE,

prise en la...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRÊT DU 09 AVRIL 2013

(n° ,16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/15812

Décision déférée à la Cour : Renvoi devant la Cour d'appel de Paris par décision de la Cour de cassation du 5 juillet 2006 ( Pourvoi n° Y 05-19.660) après cassation de l'arrêt rendu le 24 juin 2005 par la Cour d'appel de Paris (RG : 04/06974), statuant sur l'appel du jugement du tribunal de Grande instance de Paris en date du 26 juin 2002 ( RG : 00/18027).

APPELANTE

- Société AVIVA VIE,

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Bernard VATIER de la AARPI VATIER & ASSOCIES avocat au barreau de PARIS, toque : P0082

INTIMÉE

- Madame [X] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Loup PEYTAVI avocat postulant, barreau de PARIS, toque : B1106

assistée de Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ-VALLON ET ASSOCIES avocat plaidant, barreau de PARIS, toque : L0187

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique REYGNER, présidente de chambre

Monsieur Christian BYK, conseiller

Monsieur Michel CHALACHIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Rapport a été fait par Madame Dominique REYGNER, présidente de chambre, en application de l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Carole MEUNIER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique REYGNER, présidente et par Mme Carole MEUNIER, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise.

* * * * * * *

Madame [X] [F] a souscrit auprès de la société ABEILLE VIE, devenue AVIVA VIE, deux contrats d'assurance vie multisupports à versements libres intitulés 'SELECTION INTERNATIONAL', le premier à effet du 28 avril 1995 (n° 956181 C) et le second à effet du 4 avril 1997 (n° 977268 X).

Ces contrats comportent une clause d'arbitrage dite 'à cours connu', permettant au souscripteur/assuré de remplacer les parts et actions inscrites à son compte par d'autres, choisies parmi celles proposées par l'assureur (1er contrat) ou d'effectuer des arbitrages entre les différents supports proposés (2ème contrat), les valeurs liquidatives retenues étant celles de la dernière bourse de la semaine précédant l'échange (1er contrat) ou la réception de la demande de mouvement (2ème contrat).

Ils stipulent également que si au cours d'un mois, les demandes d'échange (1er contrat) ou d'arbitrage (2ème contrat) portant sur les parts d'un fonds excédaient 5 % du capital de ce fonds, l'assureur pourrait différer la date de l'échange ou de l'arbitrage pour une durée maximum de 6 mois afin de préserver les intérêts des assurés.

A partir de la fin de l'année1997, la société AVIVA VIE a progressivement restreint la liste des supports éligibles à ces contrats en supprimant les plus spéculatifs, composés d'actions, pour les remplacer par des supports obligataires ou monétaires, moins volatils, et par lettres du 16 juin 1998, a proposé à Madame [F] la conclusion d'avenants restituant à l'arbitrage un certain nombre des supports initiaux mais supprimant la clause d'arbitrage à cours connu, proposition à laquelle l'intéressée n'a pas donné suite.

La société AVIVA VIE a ultérieurement refusé de procéder à des arbitrages demandés par Madame [F] aux motifs, soit que les supports concernés n'étaient plus éligibles, soit que la clause dite des 5 % trouvait à s'appliquer.

Reprochant à l'assureur d'avoir illégalement supprimé les supports dont elle bénéficiait en vertu de ses contrat et abusivement invoqué la clause des 5 %, Madame [F], par acte du 6 juin 2000, a assigné la société AVIVA VIE devant le tribunal de grande instance de Paris, lequel, par jugement rendu le 26 juin 2002, a :

- dit Madame [F] recevable en ses prétentions à l'exception de celles relatives à l'application de la clause de 5 % antérieures à la date du 16 juin 1998,

- débouté Madame [F] de sa demande visant au prononcé de la nullité ou de l'inopposabilité de la clause de 5 % insérée au contrat,

- dit que Madame [F] pourra bénéficier de tous les supports proposés à l'occasion de la modification du contrat par l'avenant qui lui fut soumis le 16 juin 1998 ou de leurs équivalents et que la société AVIVA VIE sera redevable en cas de non exécution d'une astreinte de 2 500 euros par manquement constaté,

- ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur [Y] [C] à l'effet notamment de vérifier pour les ordres d'arbitrage les modalités d'application de la règle de 5 % postérieurement à la date du 16 juin 1998 et de proposer une évaluation de la perte de chance éventuellement subie par Madame [F] de n'avoir pu réaliser des plus-values supérieures à celles qu'elle a enregistrées, tenant compte de sa pratique d'arbitrage antérieure,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société AVIVA VIE à verser à Madame [F] une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- réservé les dépens.

Sur l'appel interjeté par la société AVIVA VIE, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 24 juin 2005, a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription, confirmé le jugement entrepris excepté en ce qu'il a ordonné le rétablissement des supports sous astreinte, sursis à statuer sur le préjudice subi par Madame [F] et ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur [C] en modifiant la mission définie par le jugement déféré.

Cette décision a été cassée dans toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet 2006 qui a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Saisie par la société AVIVA VIE, la cour d'appel de Paris, par arrêt rendu le 22 mai 2007, a :

- confirmé le jugement du 26 juin 2002 en ce qu'il a dit la demande de Madame [F] recevable en ce qui concerne la modification de la liste des supports, l'a déboutée de ses demandes de nullité ou d'inopposabilité de la clause de 5 %, et a ordonné une mesure d'expertise, sauf à modifier la mission donnée,

- réformé pour le surplus,

- déclaré irrecevable comme prescrite la demande de Madame [F] relative à l'application de la clause de 5 % antérieurement au 1er juillet 1998,

- débouté Madame [F] de ses demandes au fond principale et subsidiaire relatives à l'application de la clause de 5 % pour la période postérieure au 1er juillet 1998,

- dit que la société AVIVA VIE a de manière irrégulière supprimé les supports figurant sur la liste des supports annexée aux contrats des 28 avril 1995 et 4 avril 1997,

- condamné la société AVIVA VIE à restituer les supports tels qu'ils figuraient sur la liste des supports annexée aux contrats des 28 avril 1995 et 4 avril 1997,

- dit que le préjudice de Madame [F] résultant de la modification de la liste des supports des deux contrats correspond à une perte de chance de réaliser des plus-values supérieures à celles qu'elle a effectivement obtenues,

- avant dire droit sur le préjudice de Madame [F], confirmé la désignation de Monsieur [C] en qualité d'expert avec mission, au vu de la liste des supports annexée à chacun des contrats et des disparitions de ces supports ayant pu intervenir depuis leurs dates, d'indiquer les supports devant être réintégrés par remplacement sur ces listes afin que celles-ci soient restituées dans leur composition d'origine et que la clause d'arbitrage à cours connu retrouve son efficacité, et fournir tous éléments permettant de déterminer la perte de chance de n'avoir pu arbitrer subie par Madame [F] à partir du 1er janvier 1998 en tenant compte des habitudes d'arbitrage antérieures à la suppression,

- condamné la société AVIVA VIE à payer à Madame [F] la somme de 4 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté Madame [F] du surplus de ses demandes,

- débouté la société AVIVA VIE de ses demandes,

- condamné la société AVIVA VIE aux dépens du jugement et de l'arrêt.

Le pourvoi formé contre cette décision par la société AVIVA VIE a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 2008.

L'expert a déposé son rapport le 27 juillet 2011.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 30 novembre 2012, la société AVIVA VIE demande à la cour de :

- prononcer la nullité du rapport d'expertise de Monsieur [C],

A titre principal

- constater que l'obligation de restitution des supports ne peut avoir pour effet de restituer à Madame [F] les droits qu'elle tire de son contrat,

- juger que cette obligation est impossible,

- juger que la perte de chance subie par Madame [F] ne saurait être supérieure à 110 000 euros au titre de son contrat n° 956181 et à 375 000 euros au titre de son contrat n° 977268,

A titre subsidiaire

- juger que la réintégration du support VICTOIRE FRANCE (aujourd'hui AVIVA ACTIONS FRANCE) est satisfactoire,

- lui donner acte de ce qu'elle accepte dans ce cas d'offrir au titre de la perte de chance une indemnité de 66 000 euros pour le contrat n° 956181 et de 225 000 euros pour le contrat n° 977268 pour la période courant du 1er janvier 1998 au jour de l'arrêt à intervenir,

En tout état de cause

- dire que les frais d'expertise seront supportés par Madame [F] et déclarer satisfactoire l'indemnité de 4 500 euros allouée par l'arrêt du 20 mai 2007 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouter Madame [F] de toutes ses autres demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions du 21 novembre 2012, Madame [F] prie la cour de :

- juger que seules les listes des supports correspondant aux 3èmes hypothèses proposées par l'expert doivent être retenues pour le calcul de son préjudice, sans que cela emporte pour autant renonciation par elle au droit de revendiquer tout autre support affecté au contrat 'SELECTION INTERNATIONAL',

En conséquence

- juger que la société AVIVA VIE devra créditer son contrat 'SELECTION INTERNATIONAL' n° 956181 d'une somme de 16 692 208 euros et son contrat 'SELECTION INTERNATIONAL' n° 977268 d'une somme de 18 558 933 euros, dans les unités de compte servant de valeur de référence à chacun de ces contrats, en date d'effet du 22 mai 2007,

- condamner la société AVIVA VIE à lui payer la somme de 250 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

SUR CE, LA COUR,

Sur la nullité du rapport d'expertise

Considérant que la société AVIVA VIE soutient que le rapport d'expertise est nul aux motifs que l'expert, d'une part, n'a pas respecté la mission telle qu'ordonnée par la cour dans son arrêt du 22 mai 2007 en ce qu'il élude la nécessaire analyse de l'efficacité d'origine de la clause d'arbitrage à cours connu, calcule un préjudice financier théorique sans rapport ni avec l'équilibre contractuel tel qu'accepté à la souscription, ni avec la pratique de Madame [F], et ne tient pas compte des clauses du contrat, d'autre part, a violé le principe du contradictoire en refusant de communiquer les fichiers techniques sur lesquels il a réalisé son rapport ;

Mais considérant, s'agissant du premier grief, qu'il ressort du rapport d'expertise que Monsieur [C] a répondu tant au premier point de sa mission en proposant pour chaque contrat, compte tenu du différend opposant les parties sur la liste exacte des supports disponibles aux dates de souscription, trois hypothèses basées sur le nombre de supports invoqué par chacune d'elles (pages 9 à 15 du rapport), qu'au second, en proposant une évaluation de la perte de chance subie par Madame [F] selon une méthodologie explicitée en page 16 de son rapport prenant en compte les habitudes d'arbitrage de Madame [F] antérieures à la suppression des supports et l'application de la clause des 5 % (pages 16 à 37 du rapport) ;

Que les reproches formulés par la société AVIVA VIE relèvent en réalité de critiques de fond du rapport de l'expert, auquel elle reproche, en substance, de ne pas l'avoir suivie dans son analyse et son interprétation du contenu et de la portée de la mission confiée par la cour et des clauses du contrat, notamment de la clause des 5 % ;

Que ces critiques ont fait l'objet de 5 dires de l'assureur en date des 20 février 2008, 13 mars 2008, 16 avril 2008, 1er juillet 2010 et 19 novembre 2010, ce dernier faisant suite à l'envoi d'une note constitutive d'un pré-rapport le 6 octobre 2010, auxquelles Monsieur [C] a répondu ;

Qu'au demeurant ces mêmes critiques ont conduit par deux fois la société AVIVA VIE à solliciter en cours d'expertise le remplacement de Monsieur [C], demandes dont elle a été déboutée par ordonnances du magistrat de la mise en état du 5 novembre 2009 et du 21 juin 2010, le pourvoi formé contre cette dernière ordonnance ayant fait l'objet le 29 septembre 2011 d'une décision de non-admission par la Cour de cassation ;

Considérant, s'agissant du second grief, que si la société AVIVA VIE a sollicité au cours des opérations d'expertise, dans ses dires des 13 mars et 16 avril 2008, la communication des fichiers Excel de simulation de Monsieur [C], il ressort du rapport (page 5) que celui-ci les a adressés aux parties par voie électronique le 12 novembre 2008, ce que confirme le fait que l'assureur ne les a plus réclamés dans ses dires ultérieurs ;

Que l'expert a à juste titre refusé de communiquer les six tableurs Excel présentés partiellement en annexes 22 à 27 de son rapport que la société AVIVA VIE lui a demandés par lettres des 28 juin et 16 juillet 2012, près d'un an après le dépôt de son rapport, alors qu'il était dessaisi de sa mission ;

Qu'il précise du reste dans sa lettre en réponse à l'assureur du 10 octobre 2012 qu'il suffit de se reporter aux formules insérées dans le corps de son rapport pour conforter les calculs présentés en annexe ;

Qu'aucune violation du principe de la contradiction ne lui est donc imputable ;

Considérant que l'expertise n'est dès lors entachée d'aucune irrégularité justifiant son annulation en application de l'article 175 du Code de procédure civile ;

Que la société AVIVA VIE sera en conséquence déboutée de ce chef de demande ;

Sur la restitution des supports

Considérant que l'expert, relevant que la société AVIVA VIE n'a pas produit les documents justifiant de façon certaine les supports disponibles aux dates de souscription des contrats, dont il n'a pu s'assurer de l'exacte liste, estime néanmoins que pour le contrat souscrit le 24 avril 1995, les supports disponibles étaient au minimum ceux figurant sur le document 'Guide des produits' invoqué par Madame [F], comportant 20 supports, et pour le contrat souscrit le 4 avril 1997, ceux figurant sur le document 'fiche des mouvements sur contrat' dont se prévaut l'assureur, comportant 22 supports ;

Considérant que la société AVIVA VIE soutient que la détermination préalable de la liste de supports effectuée par Monsieur [C] ne respecte pas la mission fixée par la cour, l'expert n'ayant pas analysé l'efficacité d'origine de la clause d'arbitrage à cours connu en tenant compte de l'existence de la clause des 5 % pour proposer une liste de supports présentant une efficacité comparable à celle acceptée par les parties lors de la souscription ;

Qu'elle prétend à titre principal que l'obligation de restitution des supports actions est impossible dès lors qu'elle ne replacerait pas Madame [F] dans les conditions dans lesquelles elle se serait trouvée si la liste des supports disponibles n'avait pas été modifiée en 1998 puisqu'elle serait seule à pouvoir arbitrer sur les supports les plus volatils redevenus éligibles pour elle seule, ce qui serait contraire à la loi du contrat et à l'ordre public en transformant le contrat en martingale ;

Qu'à titre subsidiaire, elle fait valoir que les contrats 'SELECTION INTERNATIONAL' permettant à l'assureur de modifier le nombre et la liste des supports éligibles à l'arbitrage, il convient de se fonder sur les listes de supports applicables à la date de souscription de chacun des contrats, soit, pour le premier contrat, la liste de 17 supports proposée aux souscripteurs jusqu'en 1995 et, pour le second contrat, la fiche des mouvements sur contrats comprenant 22 supports valable en 1997, les documents produits par Madame [F] étant tous postérieurs aux dates de souscription, puis de déterminer le nombre de supports devant être réintégrés pour permettre à la clause d'arbitrage à cours connu de retrouver son efficacité d'origine et respecter la clause d'évolution des supports ;

Qu'elle développe à cet égard que les supports VICTOIRE ASIE et VICTOIRE JAPON, qui ne figuraient pas dans la liste de 1995 et dont la cotation était hebdomadaire jusqu'au 29 octobre 1998, doivent en toute hypothèse être exclus, leur prise en compte accroissant de façon considérable et injustifiée l'efficacité de la clause d'arbitrage à cours connu, et reprochant à l'expert d'avoir refusé de prendre en considération la volatilité des supports observée depuis 1997, qui constitue une caractéristique essentielle des contrats, sollicite une nouvelle expertise, offrant à titre subsidiaire la réintégration du seul support VICTOIRE FRANCE, devenu AVIVA ACTIONS FRANCE, aux côtés des supports restés éligibles à ce jour, ce qui permettrait de générer des plus-values nettement supérieures à celles envisageables en 1998 ;

Considérant que Madame [F], qui affirme avoir produit des listes contemporaines de la souscription des contrats, dont une liste des supports attachés aux deux contrats datée du 1er semestre 1997, soutient qu'elle doit bénéficier de la liste de 27 supports déterminée par l'expert tant pour le calcul de son préjudice que pour les arbitrages à venir ;

Qu'elle fait valoir que les moyens développés en défense par la société AVIVA VIE se heurtent à l'autorité de la chose jugée et qu'il convient de retenir non seulement les supports existant au moment de la souscription de chacun des contrats mais également ceux sur lesquels elle a arbitré avec l'accord de l'assureur, ainsi que s'attacher à leurs caractéristiques essentielles, les supports à restituer devant être essentiellement composés d'actions offrant une volatilité suffisante pour excéder les frais d'arbitrage d'une semaine sur l'autre, ajoutant que l'expert n'a jamais eu pour mission d'apprécier la volatilité des supports à restituer ;

Mais considérant que l'arrêt du 22 mai 2007, devenu définitif, a dit que la société AVIVA VIE a de manière irrégulière supprimé les supports figurant sur la liste des supports annexée aux contrats des 28 avril 1995 et 4 avril 1997 et condamné celle-ci à restituer les supports tels qu'ils figuraient sur ces listes ;

Que la portée de ce dispositif parfaitement limpide est encore éclairée si besoin était par les motifs de la décision, la cour y indiquant que 'seule la liste initiale doit être réintégrée aux contrats, en équivalent des unités de compte en cas de disparition de celles-ci' et 'qu'il y a lieu de recourir à une mesure d'expertise.....aux fins de recueillir tous éléments techniques permettant de déterminer le nombre et la nature des supports correspondant à la liste initiale annexée aux contrats que l'assureur devra réintégrer afin de redonner à la clause d'arbitrage à cours connu son efficacité' ;

Que la mission confiée à l'expert telle que définie au dispositif d'indiquer, au vu de la liste des supports annexée à chacun des contrats et des disparitions de ces supports ayant pu intervenir depuis leurs dates, ceux devant être réintégrés par remplacement sur ces listes afin que celles-ci soient restituées dans leur composition d'origine et que la clause d'arbitrage à cours connu retrouve son efficacité, ne peut ainsi s'interpréter qu'au regard de la condamnation à restitution prononcée à l'encontre de la société AVIVA VIE, ce qui implique que l'expert devait simplement rechercher quels étaient les supports proposés à l'arbitrage de Madame [F] à la date de souscription de chacun des contrats et, en cas de disparition seulement, proposer des supports de remplacement présentant des caractéristiques équivalentes ;

Considérant qu'il s'ensuit que la demande de la société AVIVA VIE tendant à voir dire que la restitution des supports est impossible, ce qui est factuellement inexact puisqu'il ne ressort pas du rapport d'expertise que les supports revendiqués par Madame [F] auraient disparu, se heurte à la décision de la cour du 22 mai 2007, passée en force de chose jugée, qui l'y a condamnée ;

Considérant que Madame [F] ne peut davantage prétendre au bénéfice d'autres supports que ceux éligibles à la date de souscription de chacun de ses contrats, peu important qu'elle ait ultérieurement pu arbitrer sur d'autres supports avec l'accord de l'assureur, l'arrêt du 22 mai 2007 ayant limité la condamnation de la société AVIVA VIE à la seule restitution des supports figurant sur les listes initiales ;

Considérant que Monsieur [C], qui a tenté de reconstituer les listes des supports disponibles à la date de souscription des contrats et, compte tenu des documents divergents produits par les parties, a présenté trois hypothèses pour chaque contrat, mais n'a proposé aucun support de remplacement puisqu'il n'a constaté la disparition d'aucun des supports retirés ou rendus inéligibles par l'assureur, a ainsi correctement rempli sa mission ;

Qu'il incombe dès lors à la cour de déterminer quels sont les supports éligibles à l'arbitrage pour chacun des contrats ;

Sur le contrat n° 956181 C à effet du 28 avril 1995

Considérant que la demande de souscription signée le 1er février 1995 ne fait référence à aucune liste de supports et indique simplement que 'la liste des supports disponibles est publiée régulièrement' ; que les conditions générales, que Madame [F] a reconnu avoir reçues, stipulent que le souscripteur/assuré a la faculté de remplacer les parts et actions inscrites à son compte par d'autres, 'choisies parmi celles proposées par Abeille vie dans les conditions alors fixées par Abeille vie.....communiquées sur simple demande' ; que les conditions particulières émises le 1er juin 1995 ne font non plus état d'aucune liste ;

Qu'il ressort de ces documents qu'aucune liste de support n'a été formellement annexée au contrat de sorte qu'il convient de rechercher quels étaient les supports proposés par l'assureur à sa date d'effet, soit le 28 avril 1995 ;

Considérant que la société AVIVA VIE, qui soutient qu'il s'agit de ceux figurant sur le 'Tableau des unités de compte disponibles - Conditions valables jusqu'au 31 décembre 1993", (sa pièce n° 31) ne démontre pas que ce document, qui mentionnait expressément sa durée de validité, était toujours en vigueur plus d'un an après, le 28 avril 1995 ;

Qu'il ne peut non plus s'agir des supports figurant sur le document 'Les Supports Victoire' produit par Madame [F] (sa pièce n° 187 devenue n° 134) qui concernent non pas le premier semestre 1995 comme elle l'indique à tort mais le deuxième semestre 1995 ;

Considérant, en revanche, que le document intitulé 'Le Guide des Produits' partiellement produit en photocopie par Madame [F] dans le cadre de l'expertise mais dont l'assureur établit par un procès-verbal de constat d'huissier du 3 août 2012 qu'il correspond au document complet certifié conforme à l'original communiqué par la société AVIVA VIE devant la cour (sa pièce n° 36) portant la mention 'Edition 1995", et qui fait état de la composition du fonds Victoriel au 23 mars 1995, était bien disponible à la date d'effet du contrat ;

Qu'il importe peu que ce Guide ait été destiné au réseau de distribution de l'assureur et non aux souscripteurs/assurés dès lors qu'il fixe le nombre et la liste des supports que Madame [F] pouvait, à sa demande, se voir proposer par Abeille Vie à la date du 28 avril 1995 ;

Considérant en conséquence qu'il convient, suivant en cela l'avis de l'expert, de retenir comme constituant la liste initiale des supports éligibles au contrat 'SELECTION INTERNATIONAL' n° 956181 C les 20 supports figurant dans ce guide soit :

Sicav actions

Victoire

Victoire Valeurs

Victoire Patrimoine

Victoire Sirius

Victoire Ariane

Sicav obligataires

Victoire Sécurité

Victoire Obliréa

Victoire Obligations

Victoire Andromède

Fonds commun de Placement

Victoire France

Victoire Interoblig

Victoire Performance

Victoire Progression 1 et 2

Finabeille

Victoire Asie

Victoire Japon

Société Civile Immobilière

Victoire Immo 1

Fonds garantis et spéciaux

Victoire Garantie

Victoire Retraite

Victoriel ;

Sur le contrat n° 977268 X à effet du 4 avril 1997

Considérant que dans sa demande de souscription du 3 avril 1997, Madame [F] a reconnu par une mention figurant préalablement à sa signature avoir reçu les dispositions générales du contrat valant note d'information ainsi que la fiche des mouvements sur contrat avec la description des supports ; que les conditions générales stipulent que le souscripteur/assuré trouvera sur la 'Fiche des mouvements sur contrat' les supports disponibles ;

Considérant que la société AVIVA VIE verse aux débats le document intitulé 'Fiche des Mouvements sur contrat' valable en 1997 et comportant 22 supports (sa pièce n° 32) qui, selon elle, correspond à celui remis à Madame [F] lors de la souscription ;

Considérant que le document intitulé 'Supports commercialisables selon les contrats' comportant 27 supports produit au cours des opérations d'expertise par Madame [F] est inopérant en ce qu'il s'appliquait au deuxième trimestre 1996 ;

Qu'elle revendique aujourd'hui le bénéfice d'une liste figurant dans un document intitulé 'Les Supports - Performances Classements Arbitrages' établie par l'assureur au 1er semestre 1997 qu'elle ne communique que partiellement et en photocopie, mais dont la société AVIVA VIE établit par un procès-verbal de constat d'huissier du 31 juillet 2012 qu'il correspond en réalité à une brochure éditée en juillet 1997 (sa pièce n° 13), et qui ne peut donc être la 'Fiche des mouvements sur contrat' décrivant les supports disponibles remise à Madame [F] le 3 avril 1997 ;

Que ceci est confirmé par les indications fournies par Madame [F] elle-même dans son assignation introductive d'instance du 6 juin 2000 où elle reconnaissait que son contrat bénéficiait de 20 supports en visant dans les pièces communiquées une 'Fiche des mouvements' remise à la souscription ;

Considérant qu'il y a donc lieu, suivant là encore l'avis de l'expert, de retenir comme constituant la liste initiale des supports éligibles au contrat 'SELECTION INTERNATIONAL' n° 977268 X les 22 supports figurant sur la 'Fiche des Mouvements sur contrat' valable en 1997 produite par la société AVIVA VIE à savoir :

SICAV VICTOIRE

Victoire Obliréa

Victoire Andromède

Victoire Sécurité

Victoire Obligations

Victoire Patrimoine

Victoire Valeurs

Victoire

Victoire Sirius

Victoire Ariane

Victoire convertibles

Victoriel

Victoire Garantie

FCP VICTOIRE

Victoire Interoblig

Victoire Performance

Victoire France

Victoire Japon

Victoire Asie

Victoire Progression 1 et 2

FINABEILLE COURT TERME

VICTOIRE IMMO 1

VICTOIRE EPARGNE ;

Considérant que la société AVIVA VIE a par conséquent l'obligation de restituer à l'arbitrage de Madame [F] ceux des supports figurant sur chacune de ces listes qu'elle a retirés ou rendus inéligibles, sa demande tendant à voir exclure de la réintégration les supports VICTOIRE ASIE et VICTOIRE JAPON comme son offre de ne restituer que le seul support VICTOIRE FRANCE, devenu AVIVA ACTIONS FRANCE, n'étant pas recevable dès lors qu'elle a été définitivement condamnée par l'arrêt du 22 mai 2007 à restituer l'intégralité des supports figurant sur les listes de supports d'origine ;

Sur l'indemnisation de la perte de chance

Considérant que la société AVIVA VIE soutient à titre général que la faute retenue à son encontre par l'arrêt de la cour du 20 mai 2007 doit être appréciée en tenant compte des limites contractuelles validées par la jurisprudence - faculté reconnue à l'assureur de modifier la liste et le nombre des supports et d'appliquer la clause des 5% -, et qu'il convient de prendre également en compte l'abus commis par Madame [F] qui, en mettant en oeuvre à partir de février 2000 des arbitrages systématiques sans égard à sa pratique antérieure et en voulant ignorer les effets de la clause des 5 %, prétend tirer profit de la dérive des marchés financiers postérieure au retrait des supports pour transformer le contrat d'assurance en un objet de pure spéculation à caractère commercial, sans aucun risque et avec des profits exponentiels, l'appréciation d'une perte de chance sur la base d'une modélisation idéale du comportement d'arbitragiste privant le contrat d'assurance de sa cause et se heurtant, en droit, à l'ordre public de l'article 1965 du Code civil et, en fait, à l'application de la clause des 5 % ;

Qu'elle fait valoir qu'en tout état de cause, les conclusions de Monsieur [C] doivent être écartées en raison des carences graves affectant ses opérations, affirmant (outre que l'expert n'a pas respecté sa mission quant à la détermination préalable de la liste de supports, grief précédemment examiné), que la mesure de l'efficacité de la pratique d'arbitrage de Madame [F] est inexacte, que la méthodologie de la 'marge' élaborée par Monsieur [C] ne permet pas de reproduire le comportement d'arbitragiste de Madame [F], que les frais d'arbitrage retenus par l'expert sont erronés, que la clause de 5 % est prise en compte dans des conditions la rendant sans effet et que l'expert calcule un portefeuille optimal et propose la valorisation d'un préjudice financier théorique et non l'évaluation d'une perte de chance ;

Qu'à titre principal, elle prétend que dès lors qu'il est impossible de redonner à la clause d'arbitrage à cours connu l'efficacité convenue à l'origine, il y a lieu de réparer la perte de chance sur la vie entière par équivalent, comme le prévoit l'article 1142 du Code civil ;

Qu'elle développe à cet égard qu'afin de pallier les carences du rapport de Monsieur [C], elle a fait appel à Monsieur [O], expert financier agréé par la Cour de cassation, dont le rapport propose une approche multicritères et conclut à une perte de chance de 110 000 euros pour le contrat n° 956181 et de 375 000 euros pour le contrat n° 977268 ;

Qu'à titre subsidiaire, elle avance que la perte de chance doit être évaluée à la date de l'arrêt à intervenir, qui a vocation à trancher l'ensemble des problématiques relevant de la modification des listes des supports de 1998, le principe de concentration des moyens et des demandes s'opposant à ce que le demandeur porte dans le cadre de plusieurs instances les conséquences d'un seul et unique fait générateur et la prétention de Madame [F] visant à limiter la période d'évaluation du préjudice étant en outre contraire aux dispositions de l'arrêt du 22 mai 2007, offrant dans cette hypothèse, sur la base des conclusions de Monsieur [O], les sommes respectives de 66 000 euros pour le contrat n° 956181 et de 225 000 euros pour le contrat n° 977268 ;

Considérant que Madame [F] sollicite pour sa part l'indemnisation de son préjudice sur la base de la troisième hypothèse du rapport d'expertise de Monsieur [C], soutenant que les moyens développés par la société AVIVA VIE se heurtent à l'autorité de la chose jugée, qu'elle n'a commis aucun abus dans l'utilisation de la clause d'arbitrage à cours connu et que les griefs invoqués par l'assureur à l'égard du rapport d'expertise ne sont pas sérieux ;

Qu'elle ajoute que la période à prendre en compte pour l'évaluation de son préjudice est celle allant du 1er janvier 1998 au 22 mai 2007, date de désignation définitive de l'expert, et qu'elle a engagé une seconde procédure devant le tribunal de grande instance de Paris pour son préjudice postérieur à 2007 au titre des arbitrages non exécutés, qui a fait l'objet d'un sursis à statuer le 28 juin 2006, l'assureur ne pouvant imposer une décision définitive sur l'ensemble de son préjudice alors que les contrats sont à exécution successive ;

Considérant qu'en effet l'arrêt de la cour du 20 mai 2007, passé en force de chose jugée, a consacré la faute commise par la société AVIVA VIE, condamné cette société à la restitution des supports tels qu'ils figuraient sur la liste annexée à chacun des contrats en litige et admis le principe du préjudice de perte de chance subi par Madame [F] ;

Considérant que la gravité de la faute est sans influence sur le montant de l'indemnité nécessaire pour compenser le dommage subi, qui doit être calculé en fonction de la seule valeur de ce dommage ;

Considérant par ailleurs que Madame [F], en arbitrant de façon régulière tant avant qu'après la suppression des supports en 1998 et l'introduction de l'instance, n'a fait qu'user dans son intérêt des possibilités de spéculation offertes par un contrat d'adhésion dont l'assureur est l'instigateur et dont il a fait un argument de promotion pour la commercialisation de son produit, la clause d'arbitrage à cours connu en constituant l'une des spécificités essentielles ;

Qu'elle ne peut donc se voir imputer aucun abus dans la mise en oeuvre de ses contrats ni dénaturation de ceux-ci, la prétendue neutralisation de la clause de sauvegarde des 5 % dont la société AVIVA VIE fait état n'étant que la conséquence du retrait abusif des supports auquel l'assureur a procédé, empêchant les souscripteurs/adhérents au contrat 'SELECTION INTERNATIONAL' qui ont refusé de signer l'avenant proposé d'arbitrer sur ces supports ;

Qu'en outre, l'exécution d'un contrat d'assurance vie dont les clauses sont licites n'est pas assimilable à un jeu, de sorte que l'assureur ne peut invoquer l'exception prévue par l'article 1965 du Code civil ;

Considérant, enfin, que la restitution des supports étant non seulement possible mais définitivement jugée, la société AVIVA VIE ne peut être reçue en sa demande de réparation par équivalent fondée sur l'article 1142 du Code civil ;

Considérant qu'il y a donc lieu d'évaluer le préjudice de perte de chance de réaliser des plus-values supérieures à celles qu'elle a effectivement obtenues subi par Madame [F] depuis le 1er janvier 1998 jusqu'à l'arrêt du 22 mai 2007 confirmant la désignation de l'expert [C], période à laquelle l'intéressée entend limiter sa demande d'indemnisation dans le cadre de la présente instance et qui lie la cour, la juridiction saisie de la nouvelle demande d'indemnisation pour la période postérieure étant seule compétente pour en apprécier la recevabilité ;

Considérant qu'en cas de perte de chance, la réparation du dommage ne peut qu'être partielle et doit être mesurée à la chance perdue, sans pouvoir être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, l'office du juge consistant à apprécier le bien-fondé du préjudice allégué par la victime et de déterminer la fraction correspondant à la perte de chance d'éviter ce préjudice ;

Considérant que Madame [F] avait versé lors de leur souscription 50 918 euros sur le contrat n° 956181 C et 82 197 euros sur le contrat n° 977268 X ; que la valeur de chacun de ces contrats s'élevait respectivement au 2 janvier 1998 à 73 298 euros pour le premier contrat et à 114 806 euros pour le second, et en mai 2007 à 96 079 euros pour le premier et 182 394 euros pour le second ; qu'elle a donc durant cette période obtenu une plus-value de 22 781 euros sur le contrat n° 956181 C et de 67 588 euros sur le contrat n° 977268 X ;

Considérant que la méthode de l'expert judiciaire pour déterminer la perte de chance a consisté à reconstituer, pour la période postérieure au 1er janvier 1998 (date de premier retrait des supports fortement volatils), ce qu'aurait été le portefeuille optimal si Madame [F] avait pu réaliser tous les arbitrages souhaités, en retenant que dès lors que l'écart entre la performance du support en portefeuille et celle du meilleur support est supérieur à 0,6 % (correspondant aux frais d'arbitrage) plus une marge X, on transfère la totalité du portefeuille du support de départ vers le meilleur support tant que la clause des 5 % n'est pas amenée à jouer, cette construction d'un portefeuille optimal étant ensuite tempérée par un taux de déclenchement fixé à 2 % (marge X) qui prend en compte, d'une part, les habitudes d'arbitrage de Madame [F] en 1997 en proposant un nombre de supports permettant de se caler sur le taux de rentabilité réel, d'autre part la clause des 5 %, notamment en fixant pour le calcul du préjudice un encours moyen (EM) des supports disponibles de 50 millions d'euros (selon les données fournies par la société AVIVA VIE), le montant maximal hebdomadaire pouvant être arbitré sur chaque contrat étant limité à la moitié de cet encours (limite L) ;

Que selon la formule mathématique élaborée sur ces bases, l'expert a calculé la valorisation hebdomadaire du portefeuille, d'une part tant que la clause de 5 % ne s'applique pas, d'autre part à partir du moment où elle s'applique, puis la valorisation finale du portefeuille optimal arrêtée en 2007 et en 2009 suivant trois hypothèses correspondant au nombre de supports disponibles pris en compte pour chacun des contrats ;

Qu'il aboutit ainsi pour la deuxième hypothèse de modélisation, qu'il estime la plus proche du comportement de Madame [F] et qui correspond au nombre de supports sur lesquels celle-ci aurait du pouvoir arbitrer pour chacun de ses contrats tel que retenu par la cour, à un préjudice arrêté au 22 mai 2007 de 11 875 183 euros pour le contrat n° 956181 C et de 13 397 046 euros pour le contrat n° 977268 X ;

Considérant que la consultation de Monsieur [O], établie à la demande de la société AVIVA VIE postérieurement à l'expertise de Monsieur [C] et qui n'a donc été soumise ni à l'avis de ce dernier, ni à la contradiction de Madame [F] lors de son élaboration, aux termes de laquelle ce consultant s'attache à démontrer le bien fondé des thèses de l'assureur, ne saurait avoir la valeur probante d'une expertise judiciaire qui a duré plusieurs années, au cours de laquelle de nombreux dires dont été échangés auxquels l'expert a répondu dans le respect du contradictoire, et ne peut dès lors constituer pour la cour qu'un simple élément d'information parmi d'autres ;

Considérant notamment que l'analyse de Monsieur [O] selon laquelle, s'il n'y avait pas eu de suppressions de supports en 1998, la clause des 5 % aurait été appliquée de plus en plus souvent, entraînant des différés de plus en plus longs des demandes d'arbitrage sur les supports les plus volatils de sorte que face aux risques de blocages de gestion et de perte, l'assuré aurait été naturellement amené à cesser une pratique d'arbitrage fondée sur une recherche devenue impossible d'optimisation de la clause d'arbitrage à cours connu, ne repose que sur de simples hypothèses aucunement avérées ;

Considérant que Monsieur [C] a à juste titre retenu un taux de frais d'arbitrage de 0,6 %, inférieur à celui stipulé dans chacun des contrats mais correspondant au taux que la société AVIVA VIE reconnaît avoir consenti à Madame [F] en sa qualité de membre de la famille de l'un de ses salariés, Monsieur [K] [F], et qu'elle lui a effectivement appliqué à compter de la souscription des contrats jusqu'à la démission de Monsieur [F] intervenue fin 1998, faute par elle de prouver qu'il aurait été conventionnellement ou contractuellement prévu que cet avantage serait lié au contrat de travail du salarié et non pas définitivement acquis pour toute la durée des contrats ;

Considérant, en revanche, qu'il apparaît que la modélisation de l'expert surévalue la prise en compte de la pratique d'arbitrage antérieure à la suppression des supports de Madame [F] et son efficacité ;

Qu'en effet, si Monsieur [C] s'est justement basé pour calibrer son modèle sur le nombre d'arbitrages effectivement réalisés par Madame [F] d'avril à décembre 1997, soit 19, le fait que Madame [F] n'ait pas ou peu arbitré sur le contrat n° 956181 C entre le 28 avril 1995, date de sa prise d'effet, et mars 1997, étant inopérant puisque ce n'est qu'à partir de 1997 que certains des supports financiers disponibles ont acquis une volatilité nouvelle rendant particulièrement attractive la clause d'arbitrage à cours connu et donc son usage plus fréquent, Madame [F] a toutefois pu arbitrer durant cette période sur une liste de supports plus large que celles dont elle bénéficiait lors de la souscription de ses contrats ;

Que de plus, alors que l'expert indique que l'évolution globale du portefeuille de Madame [F] a été de + 49 % en 1997, son modèle aboutit pour les années suivantes à un gain estimé à + 63 %, soit une différence de performance de 14 % par an dont l'impact est d'autant plus important que les gains sont cumulés d'une année sur l'autre ;

Qu'enfin, la prise en compte d'un seuil de déclenchement de 2 % (marge X) ne reflète pas exactement le taux d'efficacité de la pratique d'arbitrage de Madame [F], en ce qu'elle induit que cette dernière aurait presque toujours profité des meilleures opportunités d'arbitrage, ce qui ne ressort pas des performances qu'elle avait réellement obtenues en1997 ;

Considérant, par ailleurs, que l'expert rappelle que la clause contractuelle des 5 % aurait pu être actionnée par la société AVIVA VIE dès le dépassement d'ordres supérieurs à 5 % des encours des supports échangés ou arbitrés mais relevant que malgré ses demandes répétées, l'assureur ne lui a pas fourni d'informations lui permettant de modéliser le comportement de tierces personnes, indique avoir néanmoins pris en considération cette clause en retenant un encours moyen des fonds de 50 millions d'euros et une application sur chaque contrat dès que la valorisation du portefeuille de la semaine précédente dépassait la limite L (correspondant à l'encours moyen/2), cette limite tenant compte des deux contrats détenus pas Madame [F] puisque calculée comme 5 % de l'encours/2, empêchant ainsi le transfert de 5 % de l'encours total pour chacun des contrats ;

Mais considérant que ce modèle de reconstitution ne prend pas suffisamment en considération le rôle modérateur de la clause d'arbitrage à cours connu contractuellement joué par la clause des 5 %, le déclenchement du seuil des 5 % se trouvant subordonné aux seules demandes d'arbitrage de Madame [F] sans tenir compte de l'impact qu'aurait eu le comportement d'arbitrage de l'ensemble des souscripteurs de contrats à cours connu et de la part relative des demandes d'arbitrage de Madame [F] dans cet ensemble si les supports les plus dynamiques n'avaient pas été rendus inéligibles en 1998 ;

Considérant que l'expert a toutefois fourni à la cour, comme il en avait mission, les éléments permettant de déterminer la perte de chance subie par Madame [F], mais ses calculs aboutissent en réalité à l'évaluation des gains maximaux qu'une gestion quasi optimale de son portefeuille aurait procurés à l'intéressée ;

Or considérant que la perte de chance doit être appréciée en tenant compte des habitudes d'arbitrage réelles de Madame [F] en fréquence et en efficacité telles que déterminées ci-dessus, du déclenchement possible de la clause des 5 % et du fait qu'elle aurait pu pour des raisons personnelles ou indépendantes de sa volonté interrompre ou cesser d'arbitrer ou encore demander le retrait de tout ou partie des sommes investies ;

Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour estime devoir fixer au quart des montants déterminés par l'expert le préjudice de perte de chance subi par Madame [F] pour la période du 1er janvier 1998 au 22 mai 2007 d'obtenir des plus-values supérieures à celles qu'elle a obtenues, soit :

- pour le contrat n° 956181 C, 2 968 796 euros (11 875 183 euros / 4),

- pour le contrat n° 977268 X, 3 349 262 euros (13 397 046 euros/ 4) ;

Considérant que ces sommes revêtant le caractère de dommages et intérêts, n'ont pas lieu d'être créditées dans les unités de compte servant de valeur de référence à chacun des contrats en date d'effet du 22 mai 2007, comme le sollicite Madame [F], mais doivent lui être versées directement et portent intérêt au taux légal à compter de la présente décision, qui en fixe le montant ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Considérant que la société AVIVA VIE, qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens d'appel postérieurs à l'arrêt du 22 mai 2007, incluant les frais d'expertise de Monsieur [C], et à payer à Madame [F] une somme complémentaire de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déboute la société AVIVA VIE de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise de Monsieur [C],

Fixe comme suit la liste des supports du contrat 'SELECTION INTERNATIONAL' n° 956181 C devant être restitués à l'arbitrage de Madame [X] [F] :

Sicav actions

Victoire

Victoire Valeurs

Victoire Patrimoine

Victoire Sirius

Victoire Ariane

Sicav obligataires

Victoire Sécurité

Victoire Obliréa

Victoire Obligations

Victoire Andromède

Fonds commun de Placement

Victoire France

Victoire Interoblig

Victoire Performance

Victoire Progression 1 et 2

Finabeille

Victoire Asie

Victoire Japon

Société Civile Immobilière

Victoire Immo 1

Fonds garantis et spéciaux

Victoire Garantie

Victoire Retraite

Victoriel ;

Fixe comme suit la liste des supports du contrat 'SELECTION INTERNATIONAL' n° 977268 X devant être restitués à l'arbitrage de Madame [F] :

SICAV VICTOIRE

Victoire Obliréa

Victoire Andromède

Victoire Sécurité

Victoire Obligations

Victoire Patrimoine

Victoire Valeurs

Victoire

Victoire Sirius

Victoire Ariane

Victoire convertibles

Victoriel

Victoire Garantie

FCP VICTOIRE

Victoire Interoblig

Victoire Performance

Victoire France

Victoire Japon

Victoire Asie

Victoire Progression 1 et 2

FINABEILLE COURT TERME

VICTOIRE IMMO 1

VICTOIRE EPARGNE ;

Condamne la société AVIVA VIE à payer à Madame [F], au titre du préjudice de perte de chance qu'elle a subi pour la période du 1er janvier 1998 au 22 mai 2007, les sommes de :

- 2 968 796 euros euros pour le contrat n° 956181 C,

- 3 349 262 euros euros pour le contrat n° 977268 X,

Condamne la société AVIVA VIE à payer à Madame [F] une somme complémentaire de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société AVIVA VIE aux dépens d'appel postérieurs à l'arrêt du 22 mai 2007, lesquels comprendront les frais d'expertise de Monsieur [C] et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 06/15812
Date de la décision : 09/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°06/15812 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-09;06.15812 ?
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