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05/04/2013 | FRANCE | N°12/01608

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 05 avril 2013, 12/01608


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 05 AVRIL 2013



(n° 2013- , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/01608



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/13313





APPELANT:



Monsieur [V] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté pa

r la SCP HUVELIN ET ASSOCIES en la personne de Maître Jacques MONTACIE (avocat au barreau de PARIS, toque : R 285)

assisté de Maître Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON, toque T 261





INTIME:



Monsi...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 05 AVRIL 2013

(n° 2013- , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/01608

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/13313

APPELANT:

Monsieur [V] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par la SCP HUVELIN ET ASSOCIES en la personne de Maître Jacques MONTACIE (avocat au barreau de PARIS, toque : R 285)

assisté de Maître Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON, toque T 261

INTIME:

Monsieur [P] [X]

exerçant sous l'enseigne ISF CONSULTING, Ingénierie et expertise financière

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par la SELARL HANDS Société d'Avocats (Me Luc COUTURIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0061)

assisté de Maître Guy LAZZARINO, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Anne VIDAL ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile. L'affaire a été débattue le 26 Février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Anne VIDAL, Présidente de chambre

Françoise MARTINI, Conseillère

Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Guénaëlle PRIGENT

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne VIDAL, Présidente et par Guénaëlle PRIGENT, Greffier.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [X], exerçant comme consultant à titre personnel sous l'enseigne IFS, a réclamé le paiement par la Société EUROPE FINANCE ET INDUSTRIE (la SA EFI) d'une somme de 659.226,82 € en exécution d'une lettre de mission signée le 6 octobre 2006 par M. [H] [E], gérant de la SA EFI. Cette société a contesté l'authenticité de la signature de son gérant sur cette lettre de mission et a déposé, d'abord une plainte simple pour faux en date 7 novembre 2007, puis une plainte avec constitution de partie civile contre X en date du 31 mars 2008. Par ordonnance en date du 20 novembre 2007, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a considéré que la demande en paiement présentée par M. [X] se heurtait à une contestation sérieuse au regard de la plainte pour faux déposée par la SA EFI. Par jugement en date du 28 avril 2009, le tribunal de commerce de Paris a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la SA EFI à raison de l'information pénale en cours et, après avoir procédé à une vérification d'écriture, a reconnu la validité de la lettre de mission et renvoyé la SA EFI à conclure au fond sur la demande en paiement de M. [X].

Par jugement en date du 26 mai 2009, le tribunal de commerce de Paris a  ordonné la liquidation judiciaire de la SA EFI, faisant remonter la date de cessation des paiements au 26 novembre 2007. M. [X] a déclaré sa créance au passif de la SA EFI à hauteur d'une somme de 669.522,37 € HT.

Suivant acte d'huissier en date du 4 août 2009, M. [X] a fait assigner M. [V] [E] devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir sa condamnation, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, à l'indemniser du préjudice résultant pour lui du caractère infondé et abusif des plaintes pénales déposées et de la faute délictuelle ainsi commise, de nature à engager sa responsabilité personnelle, et à lui verser une somme de 800.748,75 € en réparation de son préjudice matériel et celle de 50.000 € en réparation de son préjudice moral, avec intérêts capitalisés, outre une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 24 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a condamné M. [V] [E] à payer à M. [X] une somme de 150.000 € avec intérêts au taux légal à compter de la décision capitalisés dans les conditions de l'article 1154, outre une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il a débouté les parties de leurs autres demandes. Il a retenu, pour l'essentiel, que M. [V] [E] était le signataire de la plainte avec constitution de partie civile déposée par la SA EFI, qu'en poursuivant dans la dénégation de la signature de la lettre de mission, alors que M. [H] [E] ne la déniait pas lui-même et qu'un témoin déclarait avoir assisté à la signature de cette lettre, il avait commis une faute personnelle particulièrement grave puisque les plaintes avaient pour seul objet de s'opposer au paiement des sommes manifestement dues à M. [X]. Il a considéré qu'il en était résulté une perte de chance pour ce dernier de recouvrer sa créance, les plaintes ayant retardé puis interdit le paiement des sommes contractuellement dues en raison de la liquidation judiciaire de la SA EFI.

M. [V] [E] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 27 janvier 2012.

------------------------

M. [V] [E], suivant conclusions en date du 4 avril 2012, sollicite l'infirmation de la décision déférée et demande à la cour :

De dire que la plainte déposée par M. [V] [E] ès qualité de représentant légal de la SA EFI ne peut être considérée comme mensongère ou calomnieuse,

De constater que M. [X] ne justifie pas d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers,

De constater que M. [X] ne justifie pas de l'admission de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SA EFI,

De débouter M. [X] de toutes ses demandes,

A titre reconventionnel,

De condamner M. [X] à lui verser une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

De le condamner également à lui verser une somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir, pour l'essentiel :

Qu'il n'a plus accès à la procédure pénale engagée par la SA EFI depuis que celle-ci est en liquidation judiciaire, seul le mandataire liquidateur pouvant obtenir les éléments de l'information pénale, mais qu'il semble que cette procédure soit toujours en cours, de sorte qu'il ne peut être jugé, en l'absence d'ordonnance de non-lieu, que la plainte serait mensongère ou calomnieuse ;

Que la plainte pénale a été déposée par M. [V] [E] ès qualité de représentant légal de la SA EFI et non à titre personnel et qu'il n'a commis aucune faute personnelle de nature à engager sa responsabilité à l'égard des tiers ; que M. [X] ne démontre pas qu'il aurait commis une faute séparable de sa fonction de dirigeant, s'agissant d'une plainte déposée dans les intérêts de la SA EFI qui n'avait aucune connaissance de la lettre de mission présentée par M. [X] ; qu'au demeurant, M. [X] ne justifie pas d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers ;

Que M. [X] n'a pas poursuivi sa procédure en paiement devant le tribunal de commerce à la suite du jugement du 28 avril 2009 et s'est contenté de déclarer sa créance le 2 juillet 2009 ; que cette créance n'a pas été admise dans le cadre de la procédure collective car elle fait l'objet de contestations sérieuses ; qu'il ne peut donc arguer d'un préjudice tenant au défaut de recouvrement de cette créance.

M. [X], suivant écritures en date du 22 mai 2012, conclut à la confirmation du jugement déféré et au rejet de toutes les demandes de M. [V] [E].

Relevant appel incident partiel de la décision, il demande à la cour de condamner M. [V] [E] à lui verser les sommes suivantes :

800.748,75 € en principal, outre intérêts au taux légal capitalisés,

50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et 10.000 € au titre des frais exposés en appel.

Il soutient que le premier juge a parfaitement analysé les faits en retenant que le jugement du tribunal de commerce ayant validé la signature de M. [H] [E] était définitif et que M. [V] [E] avait commis, en déposant plainte, une faute grave, imputable et détachable de ses fonctions normales de dirigeant.

Il ajoute que l'évaluation de son préjudice a été minorée à tort par le tribunal alors que sa créance est certaine, liquide et exigible et que les actions de résistance ont emporté pour lui une perte de chance de recouvrement de cette créance qui a été déclarée et admise au passif de la SA EFI, de sorte que le raisonnement du tribunal doit s'appliquer à la totalité de sa créance ; qu'il a subi en outre un incontestable préjudice moral, les accusations de faux ayant un caractère infamant. Il termine en indiquant que l'appel de M. [V] [E] est abusif puisque sa signature au bas de la convention a été authentifiée par le tribunal de commerce et qu'il démontre ainsi sa mauvaise foi.   

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 31 janvier 2013.

Suivant conclusions de procédure en date du 25 février 2013, M. [X] a sollicité la révocation de la clôture et l'admission des pièces n°18 et 19 communiquées le même jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture et le sort des pièces communiquées le 25 février 2013 :

Considérant que l'article 784 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ;

Que M. [X] n'indique pas dans ses conclusions en révocation de clôture quelle serait la cause grave qui justifierait sa demande ;

Que, certes, la requête en résolution du plan de redressement constituant la pièce n°19 a été déposée par le commissaire à l'exécution du plan le 6 février 2013, soit à une date postérieure à celle de la clôture, mais que cette pièce se rattache à la procédure collective de M. [X] dont celui-ci n'a pas justifié tout au long de la procédure, les jugements du 25 janvier 2010 et du 1er mars 2011 le plaçant en redressement judiciaire puis en plan de redressement faisant eux-mêmes l'objet de la communication sous le n°18, postérieure à la clôture ;

Qu'il convient en conséquence de rejeter la demande de révocation et de déclarer les pièces communiquées sous les numéros 18 et 19 irrecevables en application des dispositions de l'article 783 du code de procédure civile ;

Sur le fond :

Considérant que la responsabilité personnelle d'un dirigeant de société à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute détachable ou séparable de ses fonctions qui se définit comme une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales ; que la faute détachable se définit par deux critères principaux et cumulatifs : d'une part, la notion de faute intentionnelle, d'autre part, la notion de faute d'une particulière gravité qui renvoie à l'hypothèse de la faute lourde ;

Considérant qu'en l'espèce M. [X] recherche la responsabilité personnelle de M. [V] [E] pour avoir, en sa qualité de gérant de la SA EFI, déposé, d'abord une plainte simple le 7 novembre 2007, puis une plainte avec constitution de partie civile contre X le 31 mars 2008 visant des faits de faux constitués par la fabrication d'une fausse lettre de mission prétendument signée par M. [H] [E] ;

Que le tribunal a retenu que la responsabilité personnelle de M. [V] [E] était engagée au regard de la gravité de la faute commise, caractérisée, selon lui, par les éléments suivants :

L'existence de relations d'affaires entre M. [X] et la SA EFI et le paiement par cette société de diverses factures,

le fait que la plainte simple avait été déposée la veille de l'audience de référé,

la persistance de M. [V] [E] à déposer plainte avec constitution de partie civile alors qu'un témoin attestait avoir assisté à la signature de la lettre de mission par M. [H] [E],

le jugement définitif du tribunal de commerce de Paris ayant retenu que la lettre de mission avait bien été signée par M. [H] [E],

l'objet de la plainte qui était de s'opposer au paiement de sommes « manifestement » dues ;

Mais que la cour note :

que l'existence de relations d'affaires et de paiements opérés dans ce cadre n'établit pas l'obligation manifeste de la SA EFI de régler à M. [X] les factures présentées en exécution d'une lettre de mission dont elle conteste la signature ;

que les délais de la procédure en référé expliquent que la première plainte ait pu être déposée la veille de l'audience de plaidoiries ;

que l'existence d'une attestation en sens contraire ne rend pas ipso facto la plainte déposée par la SA EFI téméraire ou mensongère, le rôle du juge d'instruction étant de démêler le vrai du faux face à des versions contradictoires ;

que le jugement du tribunal de commerce a été rendu le 28 avril 2009, alors que la plainte avec constitution de partie civile avait été déposée le 31 mars 2008, soit plus d'un an auparavant, de sorte qu'il ne peut être argué que la plainte aurait été déposée en dépit de cette décision ;

Que la cour relève également qu'il ne peut être considéré que la plainte pénale déposée serait téméraire alors qu'il n'est pas établi que l'instruction aurait abouti à un non-lieu et qu'il ne peut être fait grief à M. [V] [E] de ne pas avoir justifié des suites données à cette plainte puisqu'il ne représente plus la SA EFI, plaignante, depuis sa liquidation judiciaire ;

Qu'il ne peut donc être déduit de l'ensemble des éléments retenus par les premiers juges qu'en portant plainte dans les intérêts de la SA EFI qui contestait être redevable des sommes réclamées par M. [X], M. [V] [E] a commis une faute détachable de l'exercice de ses fonctions de dirigeant social et ayant le caractère d'une faute lourde ;

Que le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il n'est pas établi qu'en exerçant la présente action en justice, M. [X] aurait commis une faute de nature à rendre cet exercice abusif et à justifier la demande en dommages et intérêts présentée par M. [V] [E] contre lui ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture présentée par M. [X] et déclare les pièces communiquées sous les n° 18 et 19 irrecevables comme postérieures à l'ordonnance de clôture du 31 janvier 2013 ;

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris déféré ;

Déboute M. [X] de toutes ses demandes ;

Déboute M. [V] [E] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne M. [X] à verser à M. [V] [E] une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [X] aux dépens de première instance et à ceux dépens d'appel lesquels seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/01608
Date de la décision : 05/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°12/01608 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-05;12.01608 ?
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