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28/03/2013 | FRANCE | N°11/06805

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 28 mars 2013, 11/06805


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 28 Mars 2013

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/06805 - MEO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mai 2011 par Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS activités diverses RG n° 09/10048



APPELANTE

Madame [H] [G] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée de M

e Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053



INTIMEE

SA FRANCE TELEVISIONS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Alain SUTRA, avocat au barreau de PARIS, t...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 28 Mars 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/06805 - MEO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mai 2011 par Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS activités diverses RG n° 09/10048

APPELANTE

Madame [H] [G] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053

INTIMEE

SA FRANCE TELEVISIONS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Alain SUTRA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171 substitué par Me Halima ABBAS TOUAZI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0208

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE :

Depuis le 1er février 1990, suivant des contrats à durée déterminée, Mme [G] [Y] a été engagée comme agent spécialisé d'émission, statut non cadre, consistant notamment en la rédaction de textes de bandes annonces et de modules auto-promotionnels, par la société nationale France 3, absorbée par la suite par la Société France Télévisions dans le cadre de la loi du 5 mars 2009.

La relation de travail a été rompue par la société France Télévisions le 15 mai 2009.

L'entreprise compte plus de 10 salariés.

La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective de la communication et de la production audiovisuelles, outre d'autres accords collectifs d'entreprise.

Contestant ses conditions d'embauche et la rupture de la relation de travail, Mme [G] [Y] a, le 22 juillet 2009, saisi le conseil des prud'Hommes de Paris aux fins de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et à temps complet, et d'obtenir le paiement de rappels de salaires, d'indemnités, de primes d'ancienneté, et de primes de fin d'année, outre les indemnités de rupture, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.

Par jugement en date du 24 mai 2011, le conseil des prud'Hommes, dans sa formation de départage, a requalifié la relation de travail entre Mme [G] [Y] et la société France Télévisions en contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 1990, rejetant sa demande de temps complet. Il a jugé que la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le conseil a, en outre, condamné la société France Télévisions à payer à Mme [G] [Y] les sommes suivantes :

- 3 071,66 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 307,17 € au titre des congés payés afférents

- 25 281,13 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- 20 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2 000 € à titre d'indemnité de requalification

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a débouté Mme [G] [Y] pour le surplus, ordonné l'exécution provisoire et condamné la société France Télévisions aux dépens.

Mme [G] [Y] a fait appel de cette décision dont elle sollicite la confirmation des dispositions ayant fait droit à ses demandes et l'infirmation des dispositions les ayant rejetées.

Elle sollicite, en conséquence, de la cour qu'elle requalifie son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet et juge la rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse. Elle demande de voir la société France Télévisions condamnée à lui payer les sommes suivantes, outre les dépens :

- 20 000 € en application de l'article L1245-2 du code du travail

- 11 065 € à titre de rappel de prime d'ancienneté

- 1 106 € au titre des congés payés afférents

- 7 371 € à titre de rappel de prime de fin d'année

- 1 746 € à titre de rappel de prime complémentaire de find'année

- 129 520 € à titre de rappel de salaire (des années 2005 à 2009)

- 12 952 € au titre des congés payés afférents

- 9 584 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, subsidiairement 4 094€

- 958 € au titre des congés payés afférents, subsidiairement 409 €

- 84 159 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, subsidiairement 35 951 €

- 150 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société France Télévision demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle ne conteste pas la demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée. De même, en ce qui concerne l'indemnité de requalification fixée à 2 000 €. Elle conclut à la confirmation du jugement déféré sur le quantum de l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de ses dispositions ayant rejeté les demandes de la salariée. Subsidiairement, elle sollicite de la cour qu'elle fixe une indemnité compensatrice de préavis n'excédant pas 4 808,10 €, outre 480,81 € au titre des congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement n'excédant pas 40 418,08 €, des rappels de salaire, de prime d'ancienneté et de prime de fin d'année n'excédant pas la somme de 30 508,84 €.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 19 février 2013, reprises et complétées par les parties à l'audience.

MOTIVATION :

- Sur la demande de requalification et la durée du travail :

Mme [G] [Y] explique, au soutien de sa demande qu'elle a été soumise pendant 19 années à des contrats de travail à durée déterminée, par la société France Télévisions qui, selon elle, se sert de ces contrats précaires comme mode de gestion de son personnel, pour pourvoir durablement un emploi permanent, obtenant ainsi plus de flexibilité , ce qui lui permet d'une part, d'imposer à ces salariés précaires des conditions de travail difficiles, qu'ils ne peuvent refuser sauf à en subir la sanction de l'exclusion des plannings, d'autre part de pouvoir licencier ce personnel sans s'astreindre à respecter la procédure de licenciement et sans avoir à régler des indemnités quelconques.

Elle ajoute que, pour ce faire, la société France Télévisions a mis au point des outils informatiques performants et notamment un logiciel de gestion du personnel (Antares renommé aujourd'hui Omega) et un document constituant un mode d'emploi de la gestion de précaires intitulé 'vademecum'.

Elle précise que le logiciel Omega permet une gestion rigoureuse permettant à l'employeur de limiter le risque de requalification judiciaire en interdisant la reconduction du contrat de travail à durée déterminée au-delà de 140 jours d'emploi au cours de l'année précédente, seuil à partir duquel la convention collective prévoit la requalification en contrat à durée indéterminée : le salarié approchant ce seuil sera 'mis à pied' puis repris après un certain délai.

De même, elle précise que le logiciel Oméga permet de calculer des périodes de carence entre deux contrats de travail à durée déterminée, ce qui permet de donner l'illusion de recours temporaires, tandis qu'un mécanisme d'alerte signale les salariés approchant le seuil des 140 jours. Elle en déduit que le recours systématique sur plusieurs années aux contrats à durée déterminée par un même salarié est donc délibéré de la part de l'employeur.

Enfin, elle précise que le 'vademecum' a pour objet de déterminer à l'attention des services RH au siège et en région, les règles applicables à la collaboration des précaires, en les alertant sur le risque de requalification du contrat de travail à durée déterminée et les invitant à créer des périodes de carences après deux contrats fondés sur le surcroît temporaire d'activité .

Mme [G] [Y] ajoute qu'alertée, l'inspection du travail a rendu des rapports accablants pour France 3 alors que ce système est généralisé à toutes les antennes de la chaîne, dans tous ses établissements qu'il s'agisse du siège ou des directions régionales et qu'il est toujours en cours, ce en dépit des nombreuses condamnations judiciaires intervenues et de ce que la société France Télévisions a elle-même reconnu dans une note du 27 février 2009 l'irrégularité de ses pratiques.

Outre le fait qu'elle relève des irrégularités de forme tenant à l'absence de transmission des contrats en cause dans le délai de 2 jours prescrit par la loi, et à l'absence d'écrit pour certains contrats, Mme [G] [Y] souligne être la parfaite illustration de ces artifices contractuels utilisés par la société France Télévisions pour précariser son personnel alors qu'elle occupe depuis 19 ans, un poste n'ayant aucun caractère temporaire et qui, bien au contraire, est lié à la pérennité même de l'antenne : elle précise qu'en effet, comme toutes les sociétés émettant des programmes audiovisuels, les chaînes du service public conçoivent et diffusent sur leurs antennes des bandes annonces destinées à présenter leurs programmes, à en exposer le contenu et à indiquer les jours et heures de passage. La bande annonce a pour but d'informer le télespectateur, de capter son attention et de le fidéliser.

Elle indique que depuis son engagement, en février 1990, elle occupe, de manière régulière et permanente, au sein de France 3 le même poste de rédactrice de textes ou accroches à caractère promotionnel, au profit de toutes les productions diffusées par la chaîne, alors que d'autres salariés exercent des fonctions identiques en étant couverts par un contrat à durée indéterminée. Elle en déduit qu'elle pourvoit ainsi aux besoins normaux, permanents et prévisibles de l'entreprise, en étant à sa disposition permanente au long de l'année.

Enfin, Mme [G] [Y] explique avoir demandé, en vain, à plusieurs reprises sa régularisation auprès de son employeur, lequel, pour toute réponse, a tenté de l'évincer en ne cessant de diminuer son nombre de jours de travail. L'employeur a recouru à davantage de salariés pour une même quantité de travail afin, également, de limiter le 'risque' de requalification.

Mme [G] [Y] conclut donc que la relation de travail doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée depuis l'origine.

Elle soutient, enfin, que la relation de travail doit être qualifiée à temps complet depuis l'origine, les parties n'ayant jamais entendu se placer dans le cadre d'une relation de travail à temps partiel, comme en témoigne, selon elle les situations similaires d'autres collègues pour lesquelles les juridictions saisies ont consacré l'existence d'un contrat à durée indéterminée à temps complet. Mme [G] [Y] relève que les contrats en cause ne respectent pas les dispositions protectrices des articles L 3121-2 et L3123-14 du Code du travail, que les plannings prévisionnels lui étaient remis au dernier moment, que la société France Télévisions ne rapporte aucun élément probant attestant de la durée exacte du temps de travail effectué par elle, et qu'elle-même s'est tenue en permanence à la disposition de la société France télévision qui a été son seul et unique employeur. Mme [G] [Y] se prévaut, en conséquence, de la présomption de temps complet.

La société France Télévisions ne conteste pas la requalification en contrat à durée indéterminée sollicitée par la salariée. En revanche, elle conteste le montant réclamé au titre de l'indemnité de requalification en faisant valoir que le statut d'intermittent de Mme [G] [Y] lui a permis de bénéficier d'un régime de prestations de chômage avantageux.

La société France Télévisions soutient qu'il n'est pas contestable que chaque contrat a été conclu pour une entreprise déterminée de quelques jours, même à supposer que Mme [G] [Y] a concouru à l'exercice de l'activité normale et permanente de la chaîne, par nature irrégulière en raison des impératifs propres de la télévision. Elle ajoute que l'intervention de Mme [G] [Y] pour le compte de la chaîne n'a pas été régulière et ininterrompue depuis l'origine, que ses jours et horaires de travail étaient prévisibles à partir des plannings prévisionnels établis par la chaîne, et qu'en conséquence, la salariée ne demeurait pas en permanence à la disposition de la chaîne pour effectuer un travail. Elle ajoute que son statut de collaborateur non exclusif et intermittent lui permettait d'exercer si elle le souhaitait une activité professionnelle en dehors de la chaîne. Elle conteste donc la demande de paiement de rappel de salaire de la salariée pour un temps pendant lequel, selon elle, elle n'a pas travaillé et ne s'est pas tenue à la disposition de son employeur.

Elle fait valoir que les contrats à durée déterminée successifs visent un temps complet, Mme [G] [Y] ne pouvant revendiquer le paiement d'un salaire pour les périodes 'intercontrats', pendant lesquelles, n'étant pas à la disposition de l'employeur, elle pouvait pourvoir à un autre emploi. Elle ajoute que la lecture des contrats produits aux débats montre, en tout état de cause qu'en 2004, Mme [G] [Y] a travaillé 100 jours (soit 44% d'un temps plein), en 2005, 104 jours (soit 46% d'un temps plein), en 2006, 88 jours, (soit 44% d'un temps plein), en 2007, 108 jours, (soit 45% d'un temps plein), en 2008, 72 jours, (soit 33% d'un temps plein).

Les articles L1242-1 et 2 du Code du travail, applicables en l'espèce, disposent qu'un contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; il ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas déterminé par ce texte et en particulier, pour les emplois dans certains secteurs d'activité, visés par l'article D 1242-1, comme celui de l'audiovisuel, où il est d'usage constant de ne pas recourir au en contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Il ressort de l'application de ce texte que le juge doit rechercher si pour l'emploi concerné, et sauf si une convention collective prévoit en ce cas le recours à un contrat à durée indéterminée , il est effectivement d'usage constant de ne pas recourir à un tel contrat. En cas de contestation, c'est à l'employeur de rapporter la preuve de l'usage constant invoqué au juge de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

En l'espèce, il convient de constater que la société France Télévisions ne conteste pas le caractère pérenne de l'emploi occupé par la salariée pendant 19 ans, et en conséquence, le bien fondé de sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée.

Il s'en déduit que la société France Télévisions ne pouvait donc pas, pour cet emploi, recourir à un contrat de travail à durée déterminée. La relation de travail doit, en conséquence, être requalifiée en contrat à durée indéterminée, ce dès l'origine, à compter du 1erfévrier 1990.

Cette situation donne droit à Mme [G] [Y], en application de l'article L1245-2 du code du travail à percevoir une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, et que les premiers juges ont à juste titre évaluée à 2 000 €.

En application des articles L3123-14 et suivants, en l'espèce où l'employeur n'a pas couvert l'intégralité de la période de travail par un écrit ou n'a pas précisé la durée du travail dans les quelques contrats qu'il a établis, la relation de travail est réputée à temps complet.

En l'espèce, le fait que les contrats de travail en cause déterminent les jours travaillés de la salariée ne suffit pas à lui seul à démontrer qu'en dehors de ces jours de travail, Mme [G] [Y] n'était pas à la disposition permanente de son employeur. Au contraire, il ressort de la lecture desdits contrats de travail que les jours de travail de Mme [G] [Y] variaient selon les semaines, et aucun élément produit aux débats ne permet d'établir que Mme [G] [Y] était destinataire, dans un délai suffisant de prévenance, des plannings prévisionnels dressés par la chaîne, de manière à pouvoir vaquer à ses occupations en dehors des périodes travaillées. Il apparaît donc que Mme [G] [Y] était à la disposition permanente de son employeur, ce que rendent crédible encore ses déclarations de revenus pour la période 2004/2008, d'où il ressort que la société France Télévisions était son seul et unique employeur.

Il convient, en conséquence, de conclure que Mme [G] [Y] a été engagée à temps complet, ce depuis le 1er février 1990.

Mme [G] [Y] se fonde sur un travail à temps complet et réclame le paiement d'un rappel de salaire sur la période non couverte par la prescription, en prenant pour référence son salaire contractuel.

La société France Télévision qui conteste cette proposition, fait valoir que Mme [G] [Y] ne peut bénéficier en sa qualité de salariée permanente, de la rémunération avantageuse allouée aux salariés sous contrat à durée déterminée pour compenser la précarité de leur situation. Elle en déduit que la rémunération de Mme [G] [Y] à prendre en compte est celle qui aurait été la sienne, soit celle du groupe B17-0, si elle avait été recrutée depuis l'origine avec le statut de salariée permanent par référence avec la grille de qualification de la convention collective applicable.

Il convient cependant de considérer que la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée n'a pas pour effet de modifier les conditions d'embauche de la salariée, s'agissant notamment du montant de sa rémunération fixée par le contrat.

Il s'ensuit que le rappel de salaire réclamé sur la base d'un temps complet doit être évalué par référence au montant du salaire brut mensuel prévu par les parties dans le contrat de travail, soit au vu du calcul réalisé par la salariée, non sérieusement contesté par l'employeur, 4 160 €, outre 632 € au titre de la prime d'ancienneté.

En conséquence, les rappels de salaire dus à Mme [G] [Y] , pour la période litigieuse s'élèvent aux montants suivants, pour un total de 129 520 €, augmentés de 12 952 € au titre des congés payés afférents :

- année 2005 : 27 959 €

- année 2006 : 29 647 €

- année 2007 : 28 593 €

- année 2008 : 34 294 €

- année 2009 : 9 027 €

Mme [G] [Y] ne peut en revanche cumuler les rappels de salaire ainsi définis avec les indemnités perçues pendant les périodes prétendument 'non travaillées'. Elle devra donc restituer les sommes reçues à ce titre à Pôle Emploi, auquel la présente décision sera transmise .

- Sur la demande de rappel de salaire, de prime d'ancienneté, de prime de fin d'année et de complément de prime de fin d'année

En outre, compte-tenu de ce qui précède, la société France Télévisions est redevable à Mme [G] [Y] des diverses primes prévues par la convention collective et accords d'entreprise applicables, sans que la société France Télévisions puisse opposer que la rémunération perçue par Mme [G] [Y] , pour compenser la précarité de sa situation, a été supérieure à 30% de celle allouée à un salarié sous contrat à durée indéterminée.

Il s'ensuit que sur la période litigieuse sont dues les primes suivantes :

* prime d'ancienneté de 0,8% du salaire de référence du groupe de qualification du groupe du salarié et non celui du salarié lui-même contrairement à ce que soutient la salariée (article 4-4 de la convention collective applicable). Compte tenu d'une ancienneté de Mme [G] [Y] s'établissant à 19 ans et du salaire de référence, afférent au groupe B17-0 qui correspond au groupe le plus élevé, relevant du statut non cadre, et que la cour retient pour Mme [G] [Y] , la prime d'ancienneté lui revenant s'établit aux montants qui suivant :

- année 2005 : 1 477,33 €

- année 2006 : 1 477,33 €

- année 2007 : 1 477,33 €

- année 2008 : 1 477,33 €

- année 2009 : 1 174,78 €

soit au total, la somme de 7 084,10 €, outre 708,41 € au titre des congés payés afférents.

* prime de fin d'année

Compte-tenu de la note de service à laquelle se réfèrent les parties au sujet de la prime de fin d'année, et des modalités de calcul qu'elle définit, il apparaît que pour un salaire brut mensuel égal ou supérieur à 1 627,39 €, ce qui est le cas pour Mme [G] [Y], cette prime annuelle s'élève au montant constant de 1 785,18 €, qu'il convient en conséquence d'allouer à Mme [G] [Y] sur la période en cause comprenant les années 2005 à 2008, soit : 4 x 1 785 € = 7 140 €.

* complément de prime de fin d'année

Compte-tenu de la note de service en date du 25 mai 1990, à laquelle se réfèrent les parties au sujet du complément de prime de fin d'année, et des modalités de calcul qu'elle définit, il apparaît que cette prime est versée aux salariés bénéficiant d'une prime de fin d'année et que sa valeur annuelle est fixée à 402 points d'indices PTA, quelle que soit la rémunération du salarié. Mme [G] [Y], qui bénéficie de la prime de fin d'année y a donc droit.

Au vu du calcul présenté par la salariée, non sérieusement contesté par la société France Télévisions , et qu'il convient en conséquence de retenir, le rappel au titre de l'indemnité en cause sur la période de 5 années considérée s'élève à 1 748 €.

- Sur la rupture de la relation de travail

Il résulte des pièces versées aux débats et des explications des parties qu'à l'issue du dernier contrat à durée déterminée, le 15 mai 2009, la société France Télévisions n'a plus fourni de travail à sa salariée, ce qui constitue un manquement à l'une de ses obligations essentielles découlant du contrat de travail. Il s'en déduit que la rupture est imputable à l'employeur et que, en l'absence d'écrit en précisant le motif, cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette situation donne droit à Mme [G] [Y] à percevoir une indemnité compensatrice de préavis représentant 2 mois de salaire, soit 9 584 €, outre 958 € au titre des congés payés afférents et une indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 84 159 €, selon la demande non sérieusement contestée par l'intimée.

En outre, en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi (préjudice moral, préjudice financier, préjudice de carrière, préjudice de retraite) Mme [G] [Y] , a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que la cour, compte-tenu notamment de son ancienneté et de son âge au moment de son licenciement, est en mesure de fixer à la somme de 80 000 €.

Enfin, compte-tenu de ce qui précède et en application de l'article L1235-4 du code du travail, il convient de condamner la société France Télévisions d'office à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage que cet organisme a servies à la salariée pendant 6 mois.

Le jugement déféré est donc confirmé partiellement.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ses dispositions relatives à la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l'indemnité de requalification, à la rupture en ce qu'elle a été qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens

Infirme le jugement pour le surplus :

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que la relation de travail est à temps complet depuis l'origine, soit depuis le 1er février 1990

Dit que le salaire mensuel brut de référence de Mme [G] [Y] s'élève à 4 792 €

Condamne la société France Télévisions SA à payer à Mme [H] [G] [Y] les sommes suivantes :

* 129 520 €, à titre de rappel de salaire pour les années 2005 à 2009

* 12 952 € au titre des congés payés afférents

* 7 084,10 €, au titre de la prime d'ancienneté pour les années 2005 à 2009

* 708,41 € au titre des congés payés afférents.

* 7 140 € au titre de la prime de fin d'année pour les années 2005 à 2008

* 1 748 € au titre du complément de prime de fin d'année pour les années 2005 à 2009

* 9 584 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 958 € au titre des congés payés afférents,

* 84 159 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

* 80 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamne la société France Télévisions SA d'office à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage que celui-ci a payées à Mme [G] [Y] pendant 6 mois,

Dit que les rappels de salaire alloués à Mme [G] [Y] ne se cumulent pas avec les indemnités de chômage perçues au titre du statut d'intermittent

Ordonne la communication de la présente décision à pôle Emploi

Vu l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société France Télévisions SA à payer à Mme [G] [Y] la somme de 3 000 €

Condamne la société France Télévisions SA aux dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/06805
Date de la décision : 28/03/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°11/06805 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-28;11.06805 ?
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