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22/03/2013 | FRANCE | N°11/19630

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 22 mars 2013, 11/19630


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRET DU 22 MARS 2013



(n° 085, 11 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 11/19630.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Octobre 2011 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 1ère Section - RG n° 09/01234.









APPELANTES et INTIMÉES SIMULTANÉMENT :



-

SA LALIQUE

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 1],



- Société LALIQUE PARFUMS

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adres...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 22 MARS 2013

(n° 085, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/19630.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Octobre 2011 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 1ère Section - RG n° 09/01234.

APPELANTES et INTIMÉES SIMULTANÉMENT :

- SA LALIQUE

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 1],

- Société LALIQUE PARFUMS

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 1],

représentées par Maître Anne-Marie OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653,

assistées de Maîtres François GREFFE et Maxime CHAMINADE, avocats au barreau de PARIS, toque : E0617.

INTIMÉE et APPELANTE SIMULTANÉMENT :

Madame [O], [K] [J] épouse [L]

demeurant [Adresse 2],

représentée par Maître Roland LIENHARDT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0974.

INTIMÉ :

Monsieur [G] [T]

demeurant [Adresse 3] (ETATS-UNIS),

représenté par Maître Jean-Loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106,

assisté de Maître Valérie AUBERT BOUDIAS substituant Maître Louis BOUDIAS de la SCP Philippe & Louis BOUDIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P 475.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine AIMAR, présidente,

Madame Sylvie NEROT, conseillère,

Madame Véronique RENARD, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

La société LALIQUE est spécialisée dans la création, la fabrication et la vente de pièces en cristal, plus particulièrement d'objets de décoration, d'objets relevant des arts de la table, de flacons de parfums et de bijoux.

La société LALIQUE Parfums commercialise des flacons de parfums.

Madame [O] [L] a été engagée par la société LALIQUE SA par

courrier du 15 avril 1987 à effet du 4 mai 1987, d'abord en qualité de styliste puis de chef du service de création et ensuite de directrice artistique, et ce jusqu'au 4 janvier 2007, date à laquelle elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Elle a saisi le 12 janvier 2007 le Conseil de Prud'hommes de PARIS aux fins de voir requalifier cette prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Madame [L] a saisi également le 7 octobre 2008 le Tribunal de Grande Instance de PARIS d'une action en contrefaçon aux termes de laquelle elle revendique la qualité d'auteur sur un certain nombre de pièces en cristal, de bijoux, de services de table et d'accessoires divulgués et commercialisés par la société LALIQUE, la société LALIQUE PARFUMS, sous la signature Lalique®France, sous les noms de [P] [Y] ou [B] [Y].

Par jugement du 30 octobre 2008 le Conseil de Prud'hommes de PARIS relevant la connexité entre les deux affaires, a renvoyé le dossier devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS

Par acte d'huissier en date du 10 septembre 2009 Madame [L] a fait assigner Monsieur [G] [T] en sa qualité d'ayant droit de Madame [P] [Y] décédée, aux fins de lui voir déclarer opposable la décision à intervenir.

Par jugement du 11 octobre 2011 assorti de l'exécution provisoire à hauteur de la moitié du montant des sommes allouées, le Tribunal a fait droit partiellement aux demandes de Madame [L] en lui attribuant la paternité de 60 des 'uvres revendiquées, a ordonné une mesure d'interdiction et a, d'une part condamné la société LALIQUE SA à lui payer la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice pour atteinte à son droit au nom et à sa qualité d'auteur et la société LALIQUE PARFUMS à lui verser la somme de 8.000 euros au même titre, et avant dire droit sur l'indemnisation de son préjudice patrimonial, ordonné une expertise, d'autre part dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société LALIQUE à lui verser diverses indemnités à ce titre.

Les sociétés LALIQUE SA et LALIQUE PARFUMS ont interjeté appel de ce jugement le 20 octobre 2011 et Madame [L] le 5 janvier 2012.

Les procédures ont été jointes le 24 avril 2012.

Vu les dernières écritures signifiées le 7 janvier 2013 par Madame [O] [J] épouse [L] auxquelles il est expressément renvoyé ;

Vu les dernières écritures signifiées le 23 avril 2012 par Monsieur [G] [T] auxquelles il est également expressément renvoyé ;

Vu les dernières écritures signifiées le 18 décembre 2012 par les sociétés LALIQUE SA et LALIQUE PARFUMS auxquelles il est pareillement expressément renvoyé ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 10 janvier 2013.

SUR CE,

Sur la demande de rejet de pièces et de demandes nouvelles :

Considérant que Madame [L] demande à la Cour, dans le dispositif de ses dernières conclusions, d'écarter des débats les pièces n° 41, 155 et les classeurs 3 et 4 des sociétés LALIQUE qui n'auraient pas été communiqués simultanément avec les conclusions qui y font référence ainsi que les pièces n° 190 à 203 des sociétés LALIQUE qui ne constitueraient pas des pièces (sic) et de déclarer irrecevables les demandes des sociétés LALIQUE demandant sa condamnation à lui remettre des enveloppes Soleau et les maquettes en plâtre et en plastiline formulées pour la première fois en cause d'appel ;

Que s'agissant de la pièce n° 41 qui est seule visée audit dispositif et donc la seule sur laquelle la Cour est tenue de statuer à l'exception de la pièce n° 141 sur laquelle s'appuient les motifs, il y a lieu de constater qu'elle est constituée conformément au bordereau de communication, d'une 'photographie du bracelet et découpe verre ENFANTS, gobelet à liqueur ENFANTS, Extrait catalogue pendentif et broche (4 pages)' qui ne fait l'objet d'aucune contestation dans les motifs des écritures de Madame [L] ;

Que la demande de rejet sera donc écartée ;

Que s'agissant de la pièce n° 155 constituée du 'compte-rendu création du 16 septembre 1988' il est indiqué que seules les pages 1/4 et 2/4 ont été communiquées alors que les éléments cités dans ces conclusions par 'la société LALIQUE' et provenant de cette pièce n'y figurent pas et doivent 'sans doute' relever des pages 3 ou 4 ;

Que toutefois, il incombe à chacune de parties de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, et cette pièce, certes incomplète, reste un élément d'appréciation soumis à la Cour en tant que telle sans pour autant être écartée des débats ;

Que s'agissant des classeurs 3 et 4 des sociétés LALIQUE il est indiqué dans les écritures de ces dernières (page 70 et 71 des conclusions du 18 décembre 2012) que le premier classeur regroupe les pièces n° 180 à 203 et le second les pièces n° 231 à 357 qui ne font l'objet d'aucune contestation pour avoir été régulièrement communiquées ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de les écarter des débats ;

Que s'agissant des pièces n° 190 à 203 produites par les sociétés LALIQUE et telles qu'énoncées au dispositif des dernières conclusions de Madame [L], les motifs concernant d'autres pièces, celle-ci fait valoir qu'il ne s'agirait pas de véritables pièces mais des 'conclusions annexes' rédigées par les sociétés LALIQUE elles-mêmes pour les besoins de la cause ;

Qu'il s'agit en effet, jusqu'à la pièce n° 201, les pièces n° 202 et 203 étant constituées de deux arrêts de la Cour d'Appel de PARIS en date des 14 septembre 2012 et 19 janvier 1989, de 'dossiers' concernant le flacon AMETHYST, le vase ECUREUILS, le vase TROIS JAGUARS, la coupe ABONDANCE, le vase ANTHURIUM, le vase FRAMBOISE, le vase BOUGAINVILLIERS, le trophée [Y], le vase MEDUSA, le vase POSEIDON, la ligne de bijoux ENFANTS, le vase FEES, le vase IRIS, le vase CHRYSALIDE, nécessairement constituées par les sociétés appelantes et qui, pour les motifs déjà énoncés, sont soumis à l'appréciation de la Cour ;

Qu'il n'y a donc pas plus lieu de les écarter de débats ;

Considérant enfin, s'agissant de la contestation relative à la recevabilité des demandes des sociétés LALIQUE de remise des enveloppes SOLEAU ainsi que des maquettes en plâtre et en plastiline, que Madame [L] fonde sa demande sur les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile et soutient, tout en indiquant que ces pièces ont été communiquées en première instance, qu'il s'agit de demandes nouvelles qui doivent être déclarées irrecevables ;

Que toutefois ces demandes, en ce qu'elles ne sont que la conséquence de la demande de rejet des prétentions adverses concernant la paternité des oeuvres querellées, ne tendent qu'à faire écarter celles-ci et ne constituent pas des demandes nouvelles au sens des dispositions précitées ;

Que la fin de non-recevoir doit être en conséquence rejetée ;

Sur la mise en cause de Monsieur [T] :

Considérant que la mise en cause de Monsieur [T], ayant -droit de [P] [Y], ne faisant l'objet en cause d'appel d'aucune contestation, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point ;

Sur la demande de nullité du jugement dont appel :

Considérant que Monsieur [T] sollicite, aux termes de ses dernières écritures la nullité du jugement entrepris sans toutefois développer de moyens en ce sens ;

Que la demande sera donc rejetée ;

Sur la qualité d'auteur de Madame [L] :

Considérant que Madame [O] [L] poursuit l'infirmation du jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de revendication de 31 'uvres ou lignes d'oeuvres et revendique la qualité d'auteur sur un grand nombre de pièces en cristal, de bijoux, de services de table, de flacons, et d'accessoires, parfois non individualisés mais faisant partie de 'lignes' ainsi que sur certains conditionnements, qu'elle liste en pages 263 à 265 de ses dernières écritures en renvoyant expressément aux pièces produites, étant précisé néanmoins que parmi cette énumération figurent des oeuvres sur lesquelles, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, le tribunal de première instance ne s'est pas prononcé (notamment les vases PAVIE et ZAGORA et la carafe GRAND MARNIER) et ce sans qu'il soit dit si ledit Tribunal était saisi ou non de telles demandes, et qui ont été divulgués et commercialisés par la société LALIQUE et/ou la société LALIQUE PARFUMS, sous la signature Lalique®France et/ou les noms de [P] [Y] ou [B] [Y] ;

Que tout en indiquant que son travail de création a toujours commencé par un dessin, elle précise dans ses dernières écritures qu'elle ne revendique aucunement la qualité d'auteur sur les dessins qu'elle communique, dont certains seulement comportent sa signature, et qu'elle considère comme 'des maquettes', mais bien sur les modèles réalisés en trois dimensions ;

Que les sociétés LALIQUE SA et LALIQUE PARFUMS concluent au rejet de l'ensemble des prétentions de Madame [L] et soutiennent que les oeuvres revendiquées sont des oeuvres collectives qui lui appartiennent, qu'elles ont été crées à l'initiative et sous la direction de la société LALIQUE SA et divulguées et exploitées sous le nom de cette dernière, que les dessins préparatoires que Madame [L] prétend avoir réalisés ont dû respecter le style [Y] et que les revendications portent sur des modèles en trois dimensions à la conception desquels ont contribué de nombreuses personnes ;

Considérant ceci étant exposé qu'aux termes de l'article L.113-2 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle, est dite collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom, et dans laquelle la contribution se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ;

Que l'article L.113-5 du même code ajoute que l'oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée, cette personne étant investie des droits d'auteur ;

Qu'en l'espèce, dans le courrier adressé à Madame [L] le 15 avril 1987, la société LALIQUE SA lui confirmant son embauche à compter du 4 mai 1987, indiquait qu'elle travaillera 'sous la responsabilité de Madame [P] [Y], directrice de la création', et que 'les résultats de ses travaux, recherches et création appartiendront à (notre) société, laquelle sera seule juge de la protection juridique qu'il conviendrait de leur apporter' ;

Que par courrier en date du 1er décembre 1997, Monsieur [Q] [V], alors Président Directeur Général de la société LALIQUE, précisait à Madame [O] [L] :''Comme je vous l'ai indiqué vous travaillerez comme par le passé au sein de notre équipe de créations dont j'assure la direction générale et continuerez à assurer la formation des personnes dont vous avez la charge de façon à favoriser leur épanouissement et leur créativité dans l'esprit de création [Y]. De même, je vous rappelle que je continuerai à assurer l'initiative des recherches de nouveaux produits ainsi que la direction des études esthétiques, industrielles ou commerciales, me permettant de prendre toute décision éventuelle de fabrication et de vente de tout nouveau produit ou de retrait de tout produit ancien' ;

Que par courrier en date du 16 mai 2006 approuvé le 20 mai 2006 par Madame [L], Monsieur [Z] [R], alors Président Directeur Général de la société LALIQUE, indiquait que le rôle de cette dernière consistait à ''créer les produits dans le respect de l'image et de la stratégie définie par la Direction Générale', qu'elle travaillait''en étroite collaboration avec la Direction Générale, la Direction Marketing et la Direction de l'Usine afin de garantir le développement des pièces', encadrait et animait deux ateliers de création, et établissait les plans de collection en collaboration avec le Marketing' et que la Direction Générale avait notamment pour rôle la''validation des orientations et des créations' ;

Qu'il résulte de l'attestation de [F] [E], directrice de création, que [P] [Y] rapportait de ses voyages des carnets de dessins qui donnaient le thème de la future collection, que celle-ci dessinait les pièces maîtresses de chaque collection et que le bureau de création s'inspirait de ses carnets pour compléter la collection afin de répondre aux demandes commerciales faites par la direction générale, demandes qui découlaient de la stratégie de l'entreprise définie par [P] [Y] et de [Q] [V], et que chaque dessin et chaque maquette était soumis à l'approbation de ces derniers ;

Que Madame [M] [D] indique quant à elle dans son attestation du 24 novembre 2011 que 'Mme [L] n'a jamais mené complètement une seule pièce de la collection, il a pu lui arriver quelques fois, très rarement, de modeler, mais le modelage a toujours été repris et terminé par un des onze collaborateurs du bureau de création' ;

Que Monsieur [S] [W], attaché de direction de la société LALIQUE, chargé de la production , puis directeur de la production et directeur de l'usine de [Localité 1], décrit, dans son attestation du 22 octobre 2012, le processus de création d'une collection de modèles [Y], de 1977 à 2006 et déjà mis en place à son arrivée ;

Qu'enfin Monsieur [Z] [R], Directeur Général puis PDG de la société LALIQUE de mars 2004 à juin 2008, indique, dans son attestation du 21 novembre 2012 avoir fait intervenir dès 2004 l'agence MAFIA en tant que conseil sur les axes de création, la stratégie produits et la stratégie communication, et que 'Madame [L] avait pour obligation de (lui) soumettre pour accord tous les dessins qu'elle était amenée à proposer pour les futures collections ainsi que ceux des autres membres de l'équipe création', ajoutant qu'il (lui) était arrivé 'de lui demander de modifier la forme ou les décors en vue de répondre au plus près au brief de départ ou aux besoins commerciaux' ;

Considérant qu'il résulte de ces éléments et de ceux communiqués par Madame [L] elle-même (échanges de courriers avec Monsieur [Q] [V] s'agissant notamment des lignes de bijoux, de maroquinerie, de foulards et de coffrets précieux) que le travail de celle-ci s'inscrivait dans un cadre contraignant résultant d'une part de son contrat de travail et d'autre part des instructions esthétiques qu'elle recevait de la Direction Générale lors des réunions de création tenues dans le cadre de l'établissement des plans de collection sur un thème donné ;

Que ces réunions se concrétisaient par des propositions de dessins ou de croquis faites par le studio de création, la validation de la faisabilité, technique et commerciale, des futures pièces et de nouvelles propositions, ceci dans le respect du style et des codes esthétiques de la maison [Y] caractérisés notamment par la représentation réaliste ou stylisée du corps féminin, de la faune et de la flore dans l'esprit de l'Art Nouveau ou de l'Art Déco ou le rattachement des 'uvres nouvelles à des collections préexistantes telles celles reproduites dans le classeur n° 2 de la société LALIQUE, ce qui n'est pas contredit par les documents produits par Madame [L] dont elle dit s'être inspirée et qui font partie du fonds documentaire de la société LALIQUE;

Que par ailleurs les sociétés LALIQUE rappellent à juste titre que les 'uvres revendiquées par Madame [L] sont des modèles en trois dimensions à la conception desquels ont contribué plusieurs collaborateurs de [P] [Y], laquelle avec Monsieur [V], prenait la décision de valider les dessins et de les confier à l'atelier de sculpture comprenant plusieurs corps de métiers tels notamment les intérioristes, souffleurs de verre, sculpteurs et graveurs sur cristal, dont le rôle ne saurait se cantonner à un simple rôle d'exécutant tant celui-ci était déterminant dans la réalisation des modèles, de sorte qu'il y a lieu de constater que si la contribution personnelle de Madame [O] [L] n'est pas contestée, elle s'est fondue dans un ensemble en vue duquel les modèles ont été conçus, et qu'en tant que tels, il n'est pas possible d'attribuer à chacun des intervenants un droit distinct sur les modèles réalisés, chacun ayant concouru à proportion de sa contribution à l'oeuvre finale en faisant partie de la chaîne de création des modèles concernés et en contribuant ensemble, sous l'autorité de l'employeur, à leur réalisation ;

Que Madame [L] indique d'ailleurs en page 61 de ses dernières écritures que 'le fait que les dessins soient parfois différents des esquisses prouve que le passage de deux à trois dimensions implique en lui-même un travail de création', ce que confirme Madame [E], Monsieur [U] ET M; [I], sculpteurs, le dernier précisant au sujet du vase POISSONS, notamment revendiqué par Madame [L], avoir 'fait des recherches de décor de corail à partir du livre univers corallien de B. [X] en vue d'ajouter une texture réaliste aux algues qui étaient représentées sur le dessin fourni par Madame [L]' ;

Qu'il en résulte que la société LALIQUE SA avait le pouvoir d'initiative sur la création de l'ensemble des oeuvres en cause et en contrôlait le processus jusqu'au produit finalisé en fournissant à l'équipe créatrice, dont Madame [O] [L] faisait partie, des directives et des instructions esthétiques afin d'harmoniser les différentes contributions ;

Que s'agissant de la période de décembre 1997 à janvier 2007 pendant laquelle Madame [L] a exercé le poste de Directeur Artistique de la société LALIQUE, il résulte des pièces versées aux débats, et notamment du courrier de Monsieur [Q] [V] du 1er décembre 1997, des attestations de Madame [E] et de Monsieur [A] [C] ainsi que des différents courriers adressés par Madame [L] elle-même, que le choix des thèmes et des collections, outre celui du positionnement commercial, étaient défini par les équipes de création et à compter de l'année 2004 par l'agence MAFIA, sous le contrôle de la direction générale de la société LALIQUE à laquelle les projets étaient soumis pour validation ;

Que cette absence d'autonomie dans la réalisation est d'ailleurs reconnue par Madame [L] qui indique dans ses écritures qu'elle était 'garante de la qualité [Y] vis à vis de la direction générale' et qu'elle 'supervisait l'intégralité du processus de création et de fabrication une fois le prototype accepté ;

Que Madame [L] ne justifie donc pas, pour l'ensemble des oeuvres dont elle revendique la paternité qu'elle disposait d'une réelle autonomie créatrice ainsi que d'une liberté dans les choix esthétiques lui permettant de conclure qu'elle est le seul titulaire de droits d'auteur sur ces oeuvres lesquelles refléteraient l'empreinte de sa seule personnalité ;

Qu'il s'agit par conséquent d'oeuvres collectives et la société LALIQUE SA est donc titulaire à titre originaire des droits patrimoniaux sur les modèles litigieux et fondée à soulever l'irrecevabilité de la demande formée contre elle par Madame [O] [L] ;

Que jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a déclaré Madame [O] [L] recevable à agir en revendication de droits d'auteur sur 60 des oeuvres revendiquées ;

Sur les demandes relevant du contrat de travail :

Considérant que le Tribunal de Grande Instance de PARIS, s'estimant sans doute lié par la décision du Conseil de Prud'hommes de PARIS du 30 octobre 2008 qui a relevé la connexité entre les deux affaires engagées par Madame [L], a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de cette dernière devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société LALIQUE à lui verser diverses indemnités à ce titre ;

Considérant que par courrier en date du 4 janvier 2007, Madame [O] [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en invoquant d'une part une modification substantielle de ses fonctions, et d'autre part une atteinte à ses droits d'auteur ;

Que plus précisément elle reproche à son employeur d'avoir confié la création d'une nouvelle ligne de bijoux à Madame [N] [H] sans l'en avoir informée et obtenu son accord préalable, ce en violation de la redéfinition de ses fonctions en mai 2006, et de ne pas avoir fait mention de son nom sur les 'uvres dont elle est l'auteur ni versé de rémunération proportionnelle aux recettes d'exploitation ;

Que s'agissant du premier grief, il y a lieu toutefois de constater que par courrier du 16 mai 2006, Monsieur [R] rappelait à la salariée les fonctions d'un directeur artistique travaillant en collaboration et sous le contrôle de la direction générale de la société et que le courrier du 1er décembre 1997 conférant à Madame [L] les fonctions de directeur artistique contient une clause selon laquelle 'compte tenu du développement et de la diversification des activités de la société LALIQUE, la Direction Générale pourrait être amenée, un jour, à engager d'autres Directeurs Artistiques ou conférer ce titre à d'autres personnes travaillant au sein de la société ' ;

Qu'il en résulte qu'aucune faute ne peut être imputée du fait de l'intervention de Madame [H] au sein de la société LALIQUE de ce fait ;

Que le second grief ne peut pas plus prospérer compte tenu des motifs ci-dessus exposés ;

Que dès lors la prise d'acte de rupture de son contrat de travail produit les effets d'une démission et la décision déférée doit être infirmée en ce qu'elle a alloué à Madame [O] [L] une indemnisation à ce titre ;

Sur l'indemnité de non concurrence :

Considérant que se fondant sur la clause contenue dans le contrat de travail du 15 avril 1987 et sur l'article 12 de la convention collective dont elle n'indique cependant pas laquelle est applicable en l'espèce, Madame [L] sollicite paiement d'une indemnité de non concurrence en faisant valoir que la renonciation de l'employeur réceptionnée le 6 janvier 2007 est postérieure à la rupture du contrat de travail intervenue le 4 janvier 2007 de sorte qu'elle serait tardive et dénuée de tout effet et que l'employeur devait lui verser la contrepartie ;

Que toutefois en cas de rupture du contrat de travail par prise d'acte, le délai de renonciation de l'employeur court à compter de la date à laquelle il a reçu la lettre par laquelle le salarié prend acte de la rupture ;

Que la société LALIQUE SA ayant renoncé à la clause de non concurrence le jour où elle a eu connaissance de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Madame [L], soit le 5 janvier 2007, la demande en paiement ne peut prospérer et le jugement dont appel sera confirmé de ce chef ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination :

Considérant que Madame [O] [L] sollicite également des dommages-intérêts pour discrimination en raison de son origine et de son nom de famille, de son âge et de son apparence physique ;

Que toutefois elle n'apporte à la Cour, pas plus qu'elle ne l'a fait en première instance, aucun élément de fait de nature à fonder ses allégations, le seul élément certain étant qu'en effet [P] [Y] a toujours porté son nom (sic), ce qui néanmoins n'est pas de nature à établir une quelconque discrimination à son encontre ;

Que le jugement déféré sera donc également confirmé sur ce point ;

Sur les demandes reconventionnelles :

Considérant que les sociétés intimées sollicitent paiement des sommes de 100.000 euros et de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Que toutefois l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol ;

Que faute pour les sociétés LALIQUE de rapporter la preuve d'une quelconque intention de nuire ou d'une légèreté blâmable de la part de Madame [O] [L], qui a pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits, leurs demandes tendant à voir condamner cette dernière au paiement de dommages-intérêts seront rejetées ;

Qu'en revanche il y a lieu de faire droit, dans les termes du dispositif ci-après, à la demande de la société LALIQUE SA relative à la remise sous astreinte des enveloppes Soleau et des maquettes en plâtre et en plastiline qui n'est pas contestée autrement qu'au titre de la recevabilité qui a cependant été admise par la Cour ;

Considérant que Monsieur [T] sollicite quant à lui la condamnation de Madame [L] à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts considérant que cette dernière a commis une faute en portant atteinte, dans ses conclusions de première instance, à la mémoire de son épouse décédée [P] [Y] en remettant en cause sa promotion, le 14 juillet 1996, au premier grade de chevalier dans l'Ordre de la légion d'honneur;

Que toutefois les propos relatés par l'intimé, qui paraissent certes un peu excessifs, ne peuvent être considérés comme outrepassant l'exercice normal du droit de la défense dans le cadre d'un débat judiciaire ;

Que la demande de Monsieur [T] sera donc également rejetée ;

Sur les autres demandes :

Considérant que Madame [O] [L] qui succombe sera condamnée aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;

Qu'en outre elle doit être condamnée à verser d'une part aux sociétés LALIQUE SA et LALIQUE PARFUMS et d'autre part à Monsieur [G] [T], qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 20.000 euros pour les premières et à celle de 2.000 euros pour Monsieur [T].

PAR CES MOTIFS :

Déboute Madame [O] [L] de ses demandes de rejet de pièces.

Dit que les demandes des sociétés LALIQUE SA et LALIQUE PARFUMS tendant à la remise des enveloppes SOLEAU ainsi que des maquettes en plâtre et en plastiline ne constituent pas des demandes nouvelles.

Déboute Monsieur [G] [T] de sa demande d'annulation du jugement rendu le 11 octobre 2011 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS.

Infirme le jugement du 11 octobre 2011 en ce qu'il a déclaré Madame [O] [L] recevable et bien fondée à agir en contrefaçon de droits d'auteur sur 60 des oeuvres revendiquées, indemnisé Madame [L] à ce titre, ordonné une mesure d'expertise et dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Dit que l'ensemble des 'uvres revendiquées par Madame [O] [L] telles que listées en pages 259 à 265 de ses écritures du 7 janvier 2013 sont des 'uvres collectives au sens de l'article L.113-2 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle et que la société LALIQUE SA est seule titulaire des droits de propriété intellectuelle y afférents.

En conséquence déclare Madame [O] [L] irrecevable à agir au titre des droits d'auteur.

Ordonne à Madame [O] [L] de remettre à la société LALIQUE SA les enveloppes Soleau qu'elle a déposées (pièces 315 à 342) et les maquettes en plâtre et en plastiline communiquées en original (pièces 296-1, 353, 356, 420 et 421), et ce sous astreinte de 300 euros par jour à compter de la signification de la présente décision.

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Madame [L] s'analyse en une démission.

En conséquence, déboute Madame [O] [L] de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation pour rupture abusive.

Déboute Madame [O] [L] de sa demande en paiement de l'indemnité de non concurrence et en dommages-intérêts pour discrimination.

Rejette les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Condamne Madame [O] [L] à payer aux sociétés LALIQUE SA et LALIQUE PARFUMS, ensemble, la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à Monsieur [G] [T] celle de 2.000 euros au même titre.

Déboute chacune des parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Condamne Madame [O] [L] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 11/19630
Date de la décision : 22/03/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°11/19630 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-22;11.19630 ?
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