La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2013 | FRANCE | N°12/03448

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 19 mars 2013, 12/03448


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 19 MARS 2013



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/03448



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2012 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2010049784





APPELANTE



SAS KERLAND prise en la personne de son Président, M. [M] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]>


représentée et assistée par la ASS Laude Esquier Champey (Me Olivier LAUDE) (avocats au barreau de PARIS, toque : R144)









INTIMEE



SA 21 CENTRALE PARTNERS agissant poursuites et dilige...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 19 MARS 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/03448

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2012 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2010049784

APPELANTE

SAS KERLAND prise en la personne de son Président, M. [M] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée et assistée par la ASS Laude Esquier Champey (Me Olivier LAUDE) (avocats au barreau de PARIS, toque : R144)

INTIMEE

SA 21 CENTRALE PARTNERS agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée et assistée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

et par Me Guillaume KUPERFILS (avocat au barreau de PARIS, toque : L0009)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine CURT

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au Ministère public.

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Catherine CURT, greffier présent lors du prononcé.

Le 31 octobre 2007, la totalité des actions de la société Bongrain Gastronomie, holding des activités de traiteur du groupe Bongrain, comptant au nombre de ses filiales la société Potel & Chabot, a été cédée aux trois fonds d'investissement 21 CP III FCPR, 21CP Team III FCPR et 21 CP P&C FCPR, tous gérés par la SA 21 Centrale Partners (ci-après 21 CP). Cette opération a été réalisée dans le cadre d'une acquisition avec effet de levier (LBO), la société Financière Louis, holding créée à cet effet, dont les trois fonds précités détiennent 77 % des actions, a acquis 100 % des actions de la société Bongrain Gastronomie en recourant à un crédit, le coût de l'opération s'élevant à 123 millions d'euros.

Les participations prises par les dirigeants et cadres historiques de la société Bongrain Gastronomie dans la société Financière Louis ont été regroupées au sein de la société Compagnie des Amis de Chaillot qui est devenue, à son tour, actionnaire de la société Financière Louis.

M. [M] [R], salarié du groupe Bongrain depuis 1981, était le directeur général de la société Bongrain Gastronomie. Il a accepté de concourir à l'opération de LBO par l'intermédiaire de la SAS Kerland, dont il détenait 95 % du capital, laquelle a acquis 40 % des actions de la société Compagnie des Amis de Chaillot pour le prix de 300 000 euros.

Au terme de l'opération de LBO, le capital de la société Financière Louis était donc détenu par les fonds 21 CP à hauteur de 77 % et par la société Compagnie des Amis de Chaillot à hauteur de 4 %, les 20 % restants étant acquis par le groupe Bongrain.

Concomitamment à l'opération dont s'agit, un pacte d'actionnaires a été conclu le 31 octobre 2007 pour régir les rapports entre les actionnaires de la société Financière Louis et, notamment, les conditions de sortie des cadres dirigeants par cession des titres par eux détenus dans la société Compagnie des Amis de Chaillot, désignée dans ce pacte comme la 'société des cadres'

La présidence de la société Financière Louis et de ses filailes a été confiée à M. [R]. Cette société a été dotée d'un comité de surveillance composé de cinq membres, dont le rôle était de définir les orientations de la gestion de la société et de contrôler le suivi de ces orientations par le président. Ce comité était présidé par M. [V] [Q], par ailleurs président du directoire de la société 21 CP.

Le succès de l'opération de LBO supposait que les profits réalisés par la société cible, soit la société International Prestige Events (anciennement Bongrain Gastronomie) et ses filiales opérationnelles, les sociétés Potel & Chabot et Saint-Clair Le Traiteur, soient suffisantes pour permettre à la société Financière Louis de servir, grâce aux dividendes distribués, les intérêts de l'emprunt ayant permis aux fonds 21 CP de réaliser l'opération.

La société Financière Louis a pu assurer le service de cette dette jusqu'à l'été 2009, époque à compter de laquelle, en raison de la crise du marché de la réception, les résultats des filiales opérationnelles ont commencé à baisser et avec eux les dividendes distribués.

M. [R], son président, et le comité de surveillance de la société Financière Louis s'opposant sur l'analyse de la situation et de ses causes, une procédure de mandat ad hoc a été déclenchée sur ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 6 novembre 2009, en vue d'assister le dirigeant de la société Financière Louis, notamment, dans ses négociations avec les créanciers afin de restructurer l'endettement de l'entreprise et d'assurer sa pérennité. Une procédure de conciliation a été ouverte par une ordonnance du 7 mai 2010.

Un accord de séparation amiable envisagé et rédigé le 5 janvier 2010 ne s'étant pas concrétisé, M. [R] a été révoqué de ses fonctions de président de la société Financière Louis et de ses mandats sociaux le 6 février 2010, sans indemnité. Estimant les conditions de cette révocation brutales et vexatoires, M. [R] les a contestées aux termes de deux assignations délivrées à la société Financière Louis, d'une part, aux sociétés International Prestige Events, Potel & Chabot et Saint-Clair Le Traiteur, d'autre part.

M. [R] a, par ailleurs, été licencié, le 26 avril 2010, des fonctions salariées de directeur commercial qu'il apparaissait occuper au sein de la société Potel & Chabot pour faute grave et après avoir été mis à pied à titre conservatoire. Il a contesté la validité de ce licenciement devant le conseil de prud'hommes de Paris.

Par lettre du 27 avril 2010, la société 21 CP, ès qualités de société de gestion des trois fonds 21 CP, ont notifié à M. [R] l'exercice de la promesse de vente dirigeant incluse dans le pacte d'actionnaires (article 4.1 b) dans les conditions prévues en cas de départ fautif du dirigeant et leur intention d'acquérir les 299 999 actions de la société des cadres (la société Compagnie des Amis de Chaillot) détenues par la société Kerland.

Par lettre du 25 mai 2010, M. [R] s'est opposé à la mise en oeuvre de la promesse de vente dirigeant et a notifié à la société 21 CP sa décision de lever la promesse d'achat prévue par l'article 14.2 (b) du pacte d'actionnaires en cas de départ non fautif de sa part, et ce pour l'ensemble des actions de la société Compagnie des Amis de Chaillot détenues par la société Kerland et le prix de 300 000 euros.

C'est dans ces circonstances que, par acte du 5 juillet 2010, la société 21 CP, ès qualités, a assigné la société Kerland devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir ordonner la cession forcée en faveur des fonds des actions détenues par l'intéressée dans le capital de la société Compagnie des Amis de Chaillot.

Par jugement du 20 janvier 2012, le tribunal de commerce de Paris a dit la vente des 299 999 actions parfaite au profit des fonds communs de placement 21 CP III FCPR, 21 CP Team III FCPR et 21 P & C FCPR, a ordonné la cession de 208 450 actions de la société Compagnie des Amis de Chaillot au fonds commun de placement 21 CP III FCPR pour le prix de un euro, a ordonné la cession de 1 047 actions de la société Compagnie des Amis de Chaillot au fonds commun de placement 21 CP Team III pour le prix de un euro, a ordonné la vente de 90 502 actions de la société Compagnie des Amis de Chaillot au fonds commun de placement 21 P & C FCPR pour le prix de un euro, a dit que chacune des cessions devra avoir lieu au plus tard huit jours après la signification du jugement sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, a condamné la société Kerland à verser à la société 21 CP la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Par déclaration du 23 février 2012, la société Kerland a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures signifiées le 14 janvier 2013, elle demande à la cour de constater que la société 21 CP n'a pas adressé à M. [R] une mise en demeure écrite le sommant de remédier au non-respect de l'une des clauses essentielles du pacte d'associés du 31 octobre 2007, de dire que le départ de M. [R] de la société Financière Louis constitue un départ non fautif au sens du pacte d'associés, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré en toute ses dispositions et, statuant à nouveau, de dire que la société Kerland a valablement exercé, par lettre recommandée du 25 mai 2010 adressée à la société 21 CP, ès qualités de société de gestion des trois fonds communs de placement, la promesse d'achat consentie par lesdits fonds le 31 octobre 2007, de dire parfaite la vente des 299 999 actions de la société Compagnie des Amis de Chaillot détenues par la société Kerland au profit des fonds communs de placement en exécution de la promesse d'achat exercée par la société Kerland le 25 mai 2010, d'ordonner l'exécution forcée de l'achat par la société 21 CP, ès qualités, des 299 999 actions de la société Compagnie des Amis de Chaillot pour le prix de 300 000 euros, en toute hypothèse, d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a assorti chacune des cession qu'il a ordonnées d'une astreinte et de condamner la société 21 CP, ès qualités, au paiement de la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 décembre 2012, la société 21 CP, ès qualités, demande à la cour de confirmer la décision entreprise et de condamner la société Kerland à lui payer la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Considérant que les parties s'opposent sur l'application de l'article 14.1 du pacte d'actionnaires à propos de la sortie de la société Kerland-M. [R] du capital de la société Financière Louis, dite société des cadres, à la suite du départ de M. [R];

Considérant que ledit article intitulé 'Promesse de Vente Dirigeant' est ainsi rédigé :

'(a) Objet de la Promesse de Vente

(i) Le Promettant promet irrévocablement et sans réserve aux Bénéficiaires de la Promesse de leur vendre l'intégralité des Actions sous Promesse de Vente qu'il détiendra à la Date de Départ et ce, selon les termes et conditions définis au présent Article 14.1 et sans y attacher aucune condition que celles stipulées au présent Article14.1 (...)

(b) Conditions d'exercice de la Promesse de Vente Dirigeant

(i) La Promesse de Vente Dirigeant pourra être levée par les Bénéficiaires de la Promesse à l'égard du Promettant en cas de Départ du Dirigeant dans les conditions ci-après.

(ii) En cas de Départ Fautif du Dirigeant, les Bénéficiaires de la Promesse disposeront d'un délai de trois (3) mois à compter de la Date du Départ pour notifier au Promettant leur décision d'exercer la Promesse de Vente Dirigeant.

(iii) En cas de Départ Non Fautif du Dirigeant, les Bénéficiaires de la Promesse disposeront d'un délai de trois (3) mois à compter de l'expiration du délai d'exercice de la Promesse d'Achat visée à l'article 14.3 (b) ci-après pour notifier au Promettant concerné leur décision d'exercer la Promesse de Vente Dirigeant, sous réserve que la Promesse d'Achat n'ait pas été exercée au préalable (...)

(c) Prix de Cession au titre de la Promesse de Vente Dirigeant

Le prix auquel les Bénéficiaires de la Promesse acquerront les Actions sous Promesse de Vente (...) sera déterminé conformément aux stipulations suivantes :

(i) En cas de Départ Fautif, les Actions sous Promesse de Vente seront acquises pour la plus faible des deux valeurs suivantes : (x) leur Valeur Vénale ou (y) leur Valeur de Revient ;

(ii) En cas de Départ Non Fautif, les Actions sous Promesse de Vente seront acquises pour la plus élevée des deux valeurs suivantes : (x) leur Valeur Vénale ou (y) leur Valeur de Revient augmentée d'un intérêt annuel capitalisé de 5 %' ;

Considérant que l'article 14.3 du pacte d'actionnaires prévoit, au bénéfice du dirigeant qui s'en va, une promesse d'achat des actions qu'il détient dans la société Financière Louis de la part des trois fonds 21 CP, le prix de cession étant fixé à la plus élevée des deux valeurs : (x) leur valeur vénale augmentée d'un intérêt annuel capitalisés de 5 % ou (y) leur valeur de revient ;

Considérant que dans le chapitre 'Définitions et Interprétations' du pacte d'actionnaires :

- le 'Départ Fautif' est ainsi défini : 'pour le Dirigeant : (i) la démission, (ii) le Départ à la retraite avant l'âge de 69 ans, (iii) le non-respect de l'une des Clauses Essentielles du Pacte auquel il n'aurait pas été remédié dans un délai d'un mois après mise en demeure écrite et (iv) le licenciement ou la révocation pour Faute Lourde',

- le 'Départ non Fautif' désigne, quant à lui, 'tous les cas de Départs autres que ceux visés explicitement dans les conditions de Départ Fautif',

- les 'Clauses Essentielles' sont 'les obligations souscrites par les Managers aux Articles 3.2, 6, 13.1 et 13.2" ;

Considérant que l'article 3.2 (a) du pacte d'actionnaires stipule :

'Dès lors qu'ils exerceront leurs fonctions de président, de directeur généraux de la Société ou de mandataire sociaux des Filiales, le Dirigeant et les Cadres s'engagement, chacun en ce qui le concerne, à ne prendre aucune des décisions suivantes ni aucune mesure qui conduirait, selon une appréciation a priori, aux mêmes conséquences que l'une des décisions suivantes sans avoir obtenu, au préalable, l'accord du Comité de Surveillance:

- (iv) modification des contrats de financement mis en place dans le cadre de l'Opération et conclusions de crédits dont le montant unitaire excéderait le montant autorisé par lesdits contrats de financement;

- (xvii) toute décision qui nécessiterait l'accord des préteurs aux termes des contrats de financement mis en place dans le cadre de l'Opération, ou qui à défaut d'un tel accord, résulterait ou serait susceptible de résulter en un cas de défaut au sens desdits contrats de financement' ;

Considérant que les articles 12.4 (vi) et (xviii) des statuts de la société Financière Louis sont rédigés dans les mêmes termes que les articles 3.2 (iv) et (xvii) du pacte d'actionnaires ;

Considérant que la société 21 CP fait plaider que le départ de M. [R] a été motivé par les manquements de l'intéressé aux clauses essentielles du pacte d'actionnaires, soit celles prévues à l'article 3.2 (a) (iv) et (xvii) de celui-ci, consistant à s'être affranchi de l'obligation de soumettre à l'approbation préalable du comité de surveillance de la société ses décisions de solliciter du CIC la modification du contrat de crédits senior et de ne pas affecter le produit de la cession d'un actif au remboursement anticipé de ces crédits, situation de nature à constituer un cas de défaut avéré de ce contrat et d'exposer la société à la déchéance du terme de ce concours d'un montant de 40 millions d'euros et à avoir laissé sans suite les rappels à l'ordre à lui adressés par le comité de surveillance ; qu'elle soutient que le départ de M. [R] est donc fautif au sens du pacte d'actionnaires et qu'elle a, en conséquence, légitimement exercé, le 27 avril 2010, ès qualités, la promesse de vente dont elle bénéficiait, portant sur les 299 999 actions de la société Compagnie des Amis de Chaillot détenue par la société Kerland, holding patrimoniale qui porte les titres de M. [R] ;

Considérant que la société Kerland soutient que le départ de M. [R] ne peut être qualifié de départ fautif au sens du pacte dès lors qu'aucune mise en demeure écrite de remédier dans le délai d'un mois au prétendu non-respect de l'une quelconque des clauses essentielles du pacte ne lui a été adressée ; qu'il ajoute qu'il n'a commis aucun manquement aux clauses du pacte, faisant valoir que ses contacts avec le CIC ne visaient pas à modifier les contrats de financement mais à informer les partenaires financiers de la société des difficultés de remboursement rencontrées par l'intéressée et que l'affectation du produit de la cession de la société [Z], non pas au remboursement des crédits senior, mais à des projets d'investissements opérationnels n'est pas son fait mais le fruit d'une concertation entre les membres du comité de coordination, parmi lesquels quatre représentants de la société 21 CP ;

Considérant que le pacte d'actionnaires définit le départ fautif comme 'le non-respect de l'une des Clauses Essentielles du Pacte auquel il n'aurait pas été remédié dans un délai d'un mois après mise en demeure écrite' ;

Considérant que des pièces versées au débat, il ressort que :

- par lettre du 27 juillet 2009 adressée à M. [R], président de la société Financière Louis, le CIC, en sa qualité d'agent des prêteurs de l'opération d'acquisition de la société Bongrain Gastronomie, a argué du non-respect par la société des engagements par elle souscrits aux termes de la convention de crédits et plus particulièrement du non remboursement anticipé des crédits senior dû depuis le 17 avril 2008 par l'affectation du produit de la cession de la société [Z], soit 890 000 euros, et a sollicité ce remboursement de façon immédiate,

- par lettre du 6 août 2009, le président du Comité de surveillance de la société Financière Louis, qui avait reçu copie du courrier du CIC du 27 juillet 2009, a demandé à M. [R] de régulariser dans les meilleurs délais les engagements pris par la société Financière Louis au titre de ladite convention ou de communiquer au comité de surveillance les raisons qui justifieraient un éventuel refus de sa part et a rappelé à l'intéressé que le comité doit être averti de tout manquement de la société à ses engagements qui constituerait un défaut au sens de la convention de crédits,

- par lettre adressée le 8 septembre 2009 au CIC, M. [R] a indiqué que le produit de la cession [Z] avait été affecté au financement d'investissements importants pour la pérennité et le développement stratégique du groupe et que la société souhaitait en conséquence adapter la rédaction de leurs conventions et a sollicité la suspension, pendant une période de trois mois à compter de la réception de sa lettre, de l'application des dispositions de l'article 20 des conventions de crédits,

- au cours de sa réunion du 9 septembre 2009, à laquelle assistait M [R], le comité de surveillance de la société Financière Louis, après avoir pris connaissance des termes du courrier adressé par M. [R] au CIC le 8 septembre 2009, s'est étonné de l'initiative ainsi prise par l'intéressé sans autorisation préalable du comité de surveillance 'en contravention avec plusieurs points des statuts de la société Fianncière Louis (...) articles 12.4 xviii et 12.4 i des statut', s'est interrogé sur 'les objectifs poursuivis' par M. [R], s'est dit, en la personne de l'un de ses membres, M. [J], 'interloqué' par le courrier adressé au CIC par M. [R], a laissé à ce dernier 'la responsabilité de ce document et des éventuelles conséquences préjudiciables pour la société' et a noté que M. [R] indiquait avoir écrit cette lettre en toute bonne foi et regretter l'interprétation qu'en faisait le comité de surveillance,

- par lettre du 23 septembre 2009, le CIC a rappelé à M. [R] que le non-respect de l'obligation de virement du produit de la cession [Z] constituait une cause de déchéance du terme de l'ensemble des crédits senior,

- par lettre du 1er octobre 2009, M. [R] a expliqué en réponse, les raisons de ce non virement et a répété souhaiter que l'architecture des financements soit aménagée pour être mise en conformité avec la capacité de désendettement du groupe,

- par lettre recommandée adressée le 5 octobre 2009 à M. [R], le président du comité de surveillance a constaté du chef de l'envoi du courrier du 1er octobre 2009 'la violation par vos soins, une nouvelle fois et en toutes connaissance de cause, des dispositions visées à l'article 12.4 des statuts de la société Financière Louis' et ajouté:

'En adressant cette seconde lettre sans recueillir en amont l'aval du Comité de Surveillance, vous méconnaissez de nouveau l'article 12.4 (vi) et (xviii) des statuts [qui] vous avaient été clairement rappelées par le Comité lors de sa séance du 9 septembre dernier. En effet, lors de cette séance, le Comité avait pris acte des termes de votre première lettre adressée au CIC le 8 septembre 2009 et avait déjà relevé que cet agissement contrevenait aux règles statutaires.

Malgré ce rappel à l'ordre, vous vous obstinez à excéder vos pouvoirs et à passer outre les attributions du Comité de Surveillance en prenant des initiatives personnelles sous couvert de l'intérêt social de la société et de ses filiales, dont vous être également président....)

Vu les manquements répétés et volontaires de votre part aux dispositions statutaires et les conséquences préjudiciables pour la société Financière Louis (perte de confiance de ses partenaires financiers, risque de prononcé de la déchéance du terme de tout ou partie des crédits), je demande au Comité, lors de sa prochaine séance, de prendre toutes décisions adéquates afin de restaurer son autorité en ce qui concerne la négociation des dettes financières avec les préteurs et ce, sur le fondement des articles 12.4 (vi) et (xviii) (...)

Je vous demande dans la perspective de la prochaine séance du Comité fixée au 12 octobre 2009 d'adresser 48 heures à l'avance, aux membres du Comité :

- Un état des diligences accomplies dans le cadre des audits demandés par les prêteurs et le Comité de Surveillance,

- Vos réflexions sur les mesures amiables de prévention des difficultés afin de favoriser la conclusion d'un accord avec les prêteurs,

- les grandes lignes du projet de présentation que vous envisagez de faire aux prêteurs lors de la réunion plénière à venir';

Considérant que M. [R] a assisté à la séance du comité de surveillance du 12 octobre 2009 au cours duquel il a été fait lecture de sa lettre du 1er octobre 2008 'adressée au CIC sans autorisation préalable du Comité de Surveillance', souligné que 'M. [R] n'a pas respecté les statuts de la Société et notamment son obligation de recueillir l'accord préalable du Comité de Surveillance sur les termes de tout courrier destiné aux banques qui ferait référence à la situation du groupe et à ses perspectives', 'la lettre de M. [M] [R] au CIC du 8 septembre 2009 s'appuie sur un business plan qui n'a pas été examiné préalablement par le Comité de Surveillance, ni revu par un cabinet d'audit spécialisé sur le sujet conformément à sa demande. Ce comportement constitue un manquement aux obligations statutaires du Président de la Société qui se doit de respecter les statuts de la société qu'il dirige. Ce manquement est bien volontaires et répété puisque M. [M] [R] n'a pas hésité à le réitérer 3 semaines plus tard à l'occasion d'un nouveau courrier daté du 1er octobre 2009 (...) sans en informer au préalable le Comité de surveillance et ce en dépit d'un premier rappel des statuts effectué par le Président du Comité de Surveillance au président le 9 septembre 2009" et décidé de nommer un comité spécifique de coordination afin de restaurer l'autorité du Comité de Surveillance en ce qui concerne la négociation des dettes financières avec les prêteurs ;

Considérant qu'aux termes d'un courrier du 5 janvier 2010, M. [H], directeur général de la société Financière Louis, indique à M. [R] :

'Conformément [aux discussions intervenues entre vous et la Société] il sera mis fin à l'ensemble de vos fonctions [tant en qualité de mandataire social que de salarié, au sein de la Société et de ses filiales] dans les conditions suivantes, les engagements réciproques détaillés ci-dessous constituant un ensemble indissociable formant l'intégralité de l'accord (...) relativement à la cession de vos fonctions. La réalisation des présentes est subordonnée à la réalisation de la cession des actions de la Société des Cadres détenues par la société Kerland au profit des fonds gérés par 21 Centrale, dans les conditions de l'accord conclu ce jour entre ces fonds et Kerland [cession pour 100 000 euros].

1. Versement de la prime 2009 (...)

2. Cessation de vos fonctions

Vous vous engagez à démissionner de l'ensemble des mandats sociaux que vous exercez actuellement au sein de la Société et de ses filiales, en ce notamment compris votre mandat de président de la Société, à effet du 2 avril 2010 (...)

En contrepartie et sous réserve que vous renonciez à toute action, demande ou recours de quelque nature que ce soit à l'égard de la Société et de ses filiales concernées, la Société vous versera une indemnité de cessation de l'ensemble de ses fonctions (tant sociales que salariales) d'un montant brut global forfaitaire de (...) 575 000 euros (...) payée le 2 avril 2010 (...) concomitamment à la remise de vos lettres de démission (...)';

Considérant que l'accord ainsi proposé à M. [R] ne s'est pas concrétisé et que l'intéressé a été révoqué de ses fonctions de président de la société Financière Louis et de ses mandats sociaux le 6 avril 2010 ; que le procès-verbal de la réunion du Comité de surveillance de la société Financière Louis qui s'est tenu à cette date et qui a décidé cette révocation, indique que la confiance que les membres du comité de surveillance avaient en M. [R] a significativement diminuée au cours de l'été 2009 à la suite des échanges répétés que l'intéressé a eu avec les établissements prêteurs de la société et de ses filiales et après qu'il lui ait été rappelé, dès le 6 août 2009, l'étendue de ses obligations à l'égard du comité de surveillance aux termes de l'article 12.4 (xviii) des statuts de la société ;

Considérant que la société Kerland argue, pour dénier tout caractère fautif à son départ, de l'absence d'envoi à M. [R] d'une mise en demeure écrite d'avoir à remédier dans le mois au non-respect de clauses essentielles du pacte restée infructueuse ;

Considérant que l'intimée fait plaider que M. [R] a été mis en garde et rappelé à ses obligations aux termes de la lettre du président du comité de surveillance du 6 août, au cours de la réunion du comité de surveillance du 9 septembre 2009 et encore par la lettre du 5 octobre 2009 ;

Considérant que la mise en demeure prévue par le pacte d'actionnaires qui doit être écrite et qui fait courir le délai dans lequel le dirigeant doit remédier au manquement qu'elle lui signale ne peut être considérée comme procédant d'une simple clause de style ; qu'il s'agit d'une formalité imposée par le pacte d'actionnaires et qui, conçue pour protéger le dirigeant visé contre tout arbitraire, ne peut être éludée;

Considérant que force est de constater que les décisions et demandes communiquées au CIC par M. [R] aux termes des deux lettres qu'il lui est fait grief d'avoir adressées à cette banque les 8 septembre et 1er octobre 2009 au mépris de clauses essentielles du pacte d'actionnaires, faute d'avoir reçu l'accord du comité de surveillance, n'avaient pas été précédées et n'ont pas donné lieu à la mise en demeure écrite de remédier aux manquements invoqués dans le délai d'un mois qui serait restée sans effet prévue par le pacte d'actionnaires ; que ne peuvent tenir lieu d'une telle mise en demeure les rappels des termes des statuts et demandes d'explications formulés à l'adresse de M. [R] les 6 août, 9 septembre, 5 et 12 octobre 2009, faute de lui avoir imparti un délai pour remédier aux manquements allégués et de lui avoir notifié la sanction encourue, à défaut ; que la cour observe que, malgré les reproches qu'elle faisait à M. [R], la société Financière Louis a rédigé, le 5 janvier 2010, un projet d'accord de sortie amiable que ni son ton ni son contenu ne situent dans un contexte d'avertissement préalable à la signification d'un départ fautif au sens du pacte et que la décision de révocation, au prétexte de la méconnaissance de ses obligations à l'égard du comité de surveillance, n'est intervenue que le 6 avril 2010 après l'échec de ce projet d'accord ;

Considérant que faute de mise en oeuvre du formalisme du pacte d'actionnaires, le départ de M. [R] ne peut être qualifié de fautif ;

Considérant que les fonds 21 CP ne pouvaient en conséquence exercer valablement, le 27 avril 2010, la promesse de vente dont ils bénéficiaient ; qu'ils ne pouvaient en effet mettre en oeuvre cette promesse avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date de départ de M. [R], soit avant le 6 juillet 2010, période pendant laquelle seul ce dernier ou la société Kerland, pouvaient exercer la promesse d'achat souscrite le 31 octobre 2007 par les fonds 21 CP ;

Considérant que la société Kerland a, quant à elle, par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 mai 2010, valablement mis en oeuvre cette promesse d'achat dont elle bénéficiait ; que la cour, infirmant le jugement déféré, ordonnera, en conséquence, la cession des 299 999 actions de la société Compagnie des Amis de Chaillot qu'elle détient aux fonds 21 CP III FCPR, 21 CP Team III et 21 P & C FCPR et leur achat par ceux-ci pour le prix de 300 000 euros correspondant à leur valeur de revient, soit leur valeur d'acquisition par la société Kerland, et ce dans les conditions suivantes :

- 208 450 actions au fonds 21 CP III FCPR pour le prix de 208 450,70 eruos,

- 1 047 actions au fonds 21 CP Team III pour le prix de 1 047 euros,

- 90 502 actions au fonds 21 P & C FCPR pour le prix de 90 502,30 euros ;

Considérant qu'aucune considération d'équité ne commande de faire application, en l'espèce, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Dit que la société Kerland a valablement exercé le 25 mai 2010 la promesse d'achat de ses 299 999 actions de la société Compagnie des Amis de Chaillot consentie par les fonds communs de placement 21 CP III FCPR, 21 CP Team III et 21 P & C FCPR le 31 octobre 2007,

Ordonne la cession de ces 299 999 actions aux fonds communs de placement 21 CP III FCPR, 21 CP Team III et 21 P & C FCPR et leur achat par ceux-ci pour le prix de 300 000 euros, et ce dans les conditions suivantes :

- achat de 208 450 actions par le fonds 21 CP III FCPR pour le prix de 208 450,70 eruos,

- achat de 1 047 actions par le fonds 21 CP Team III pour le prix de 1 047 euros,

- achat de 90 502 actions par le fonds 21 P & C FCPR pour le prix de 90 502,30 euros,

Dit que ces cessions devront avoir lieu au plus tard huit jours après la signification du présent arrêt,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société 21 Centrale Partners, ès qualités de société de gestion des fonds communs de placement 21 CP III FCPR, 21 CP Team III et 21 P & C FCPR, aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 12/03448
Date de la décision : 19/03/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°12/03448 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-19;12.03448 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award