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15/03/2013 | FRANCE | N°12/07098

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 15 mars 2013, 12/07098


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRET DU 15 MARS 2013



(n° 079, 8 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 12/07098.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mars 2012 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 4ème Section - RG n° 11/04203.









APPELANTE :



SAS EURALIS GASTRONOMIE

pris

e en la personne de son Président,

ayant son siège social [Adresse 2],



représentée par la SELARL INGOLD & THOMAS AVOCATS en la personne de Maître Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055,

as...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 15 MARS 2013

(n° 079, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/07098.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Mars 2012 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 4ème Section - RG n° 11/04203.

APPELANTE :

SAS EURALIS GASTRONOMIE

prise en la personne de son Président,

ayant son siège social [Adresse 2],

représentée par la SELARL INGOLD & THOMAS AVOCATS en la personne de Maître Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055,

assistée de Maîtres Olivia BERNARDEAU-PAUPE et Jules FABRE plaidant pour la LLP HOGAN LOVELLS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0124.

INTIMÉE :

Association COMITÉ INTERPROFESSIONNEL DES VINS DE CHAMPAGNE (C.I.V.C)

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 1],

représentée par la SELARL HJYH Avocats en la personne de Maître Nathalie HERSCOVICI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056,

assistée de Maître Michel-Paul ESCANDE de la SELARL M-P ESCANDE, avocat au barreau de PARIS, toque : R266.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 7 février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine AIMAR, présidente,

Madame Sylvie NEROT, conseillère,

Madame Véronique RENARD, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

En octobre 2009, le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (ci-après : CIVC) qui a pour mission d'assurer la protection de cette appellation a découvert que la société Euralis Gastronomie et sa filiale, la société [F], commercialisaient sous les marques 'Rougié', 'Montfort' et '[V] [F]' différents produits en y associant le nom de Champagne, à savoir :

- 'pintade au Champagne'

- 'gigolette d'oie au Champagne'

- 'foie gras de canard aux deux poivres et au Champagne',

et, notamment, que l'emballage de ce dernier produit reproduisait une flûte de Champagne jouxtant des tranches de foie gras et a considéré que l'emploi de l'appellation 'Champagne' avait pour but de détourner sa notoriété ; il l'a donc informée qu'il s'opposait à une telle utilisation de cette appellation, mais ceci vainement puisqu'en 2010 ce dernier produit apparaissait dans une réclame télévisée pour le foie gras.

Par acte du 04 février 2011, le CICV a assigné ces deux sociétés aux fins d'interdiction, de destruction, de publication et de condamnation à des dommages-intérêts. La société [V] [F] a fait l'objet d'une fusion-absorption par la société Euralis en cours de procédure.

Par jugement rendu le 15 mars 2012, le tribunal de grande instance de Paris a, en assortissant sa décision de l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne les mesures de destruction :

- dit qu'en utilisant une dénomination de vente incluant le nom de l'appellation Champagne pour les produits énumérés en pages 7 à 13 des dernières écritures du CICV du 18 janvier 2012, la société Euralis Gastronomie a détourné la notoriété de l'appellation Champagne au profit de ses propres produits,

- enjoint à cette société de cesser ses agissements et de détruire les conditionnements, documents publicitaires et promotionnels relatifs à ces produits, ce sous astreinte dont il s'est réservé la liquidation,

- condamné la société Euralis à payer au requérant la somme indemnitaire de 20.000 euros outre celle de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 17 janvier 2013, la société par actions simplifiée Euralis Gastronomie, prie en substance la cour, au visa du règlement (UE) n° 1169/2011 du 25 octobre 2011, des articles L 643-1 et L 654-27-1 du code rural et de la pêche maritime, L 111-1 et suivants, L 115-16 et R 112-14 du code de la consommation, du décret n° 93-999 du 09 août 1993, du Cahier des charges de l'indication géographique protégée 'canard à foie gras du Sud-Ouest (Chalosse, Gascogne, Gers, Landes, Périgord, Quercy)'dans sa dernière version homologuée par arrêté ministériel du 27 mars 2012 et des usages, d'infirmer le jugement en son intégralité, de débouter le CICV de son appel incident en le condamnant à lui verser la somme de 160.745,97 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle demande, pour ce faire, à la cour de considérer que l'usage par elle-même des dénominations de vente incluant le nom de Champagne répond à un souci légitime d'information du consommateur, que l'usage des dénominations de vente incluant le nom de Champagne ne détourne pas et n'est pas susceptible de détourner la notoriété de l'appellation Champagne au profit de ses propres produits et que l'utilisation, par elle, desdites dénominations n'affaiblit pas et n'est pas susceptible d'affaiblir la notoriété de l'appellation Champagne au profit de ses propres produits.

Par dernières conclusions signifiées le 28 janvier 2013, le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC), au visa de l'article L 643-1 du code rural et de la pêche maritime, demande pour l'essentiel à la cour de débouter l'appelante de toutes ses prétentions, de confirmer le jugement en ses dispositions qui lui sont favorables et, le recevant en son appel incident :

- de considérer que le risque de détournement de la renommée de l'appellation d'origine contrôlée Champagne constitue le critère d'appréciation défini par l'article L 643-1 du code rural et de la pêche maritime qui sanctionne également le risque d'affaiblissement de cette renommée,

- de considérer que les faits reprochés par le CIVC à Euralis Gastronomie génèrent également un indiscutable risque d'affaiblissement de la renommée de l'appellation d'origine contrôlée Champagne,

- de majorer le montant des astreintes, en s'en réservant la liquidation, ainsi que le montant de la réparation du préjudice subi, porté à 100.000 euros, et d'ordonner une mesure de publication,

- de condamner l'appelante, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à lui verser les sommes de 30.000 euros au titre de la première instance, 30.000 euros supplémentaires au titre de l'appel et à supporter les entiers dépens.

SUR CE,

Sur l'insertion du nom 'Champagne' dans la dénomination de vente des produits et l'objectif de bonne information du consommateur :

Considérant que si l'appelante approuve l'interprétation de la règle de droit faite par le tribunal et admet qu'il convient de rechercher si la mention de l'appellation Champagne dans la dénomination de vente du foie gras, qui n'est pas interdite en soi, est justifiée par l'information légitime du consommateur, elle le critique en ce qu'il a considéré que cette utilisation ne répond pas à un souci d'information du consommateur sur les qualités du produit de nature à le distinguer des produits concurrents mais n'a d'autre finalité que de tirer profit de la notoriété du Champagne ; qu'elle le critique en outre en ce qu'il énonce que le consommateur aurait été mieux informé par la seule mention du Champagne dans la liste des ingrédients, conformément à la réglementation sur l'étiquetage, que par une dénomination de vente qui tend à faire croire à une aromatisation perceptible du produit par le Champagne ;

Qu'elle fait valoir que le tribunal n'a pas pris en compte le fait qu'elle se contente de mettre en 'uvre une recette traditionnelle associant les deux produits nobles que sont le foie gras et le Champagne et qu'il était donc justifié, au regard de la réglementation fixant les dénominations de vente des denrées alimentaires et des usages, de l'indiquer dans la dénomination de vente de ses produits ;

Que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il est, selon elle, indéniable que l'utilisation du vin de Champagne dans la préparation des produits en cause leur confère des qualités particulières, identifiées par le consommateur ;

Qu'elle fait enfin grief au tribunal de n'avoir point recherché dans quelles conditions la mention litigieuse figurait sur les conditionnements alors même que celle-ci n'y est pas mise en avant de manière excessive, eu égard à la nécessité d'information du consommateur ;

Considérant, ceci rappelé, qu'au soutien du premier point de son argumentation la société Euralis Gastronomie invoque les dispositions de l'article R 112-14 du code de la consommation, insérées dans un Titre relatif à l'information du consommateur, aux termes duquel :

' La dénomination de vente d'une denrée alimentaire est celle fixée par la réglementation en vigueur en matière de répression des fraudes ou, à défaut, par d'autres réglementations ou par les usages commerciaux. En l'absence de réglementation ou d'usages, cette dénomination doit consister en une description de la denrée alimentaire et, si nécessaire, de son utilisation. La description doit être suffisamment précise pour permettre à l'acheteur d'en connaître la nature réelle et de la distinguer des produits avec lesquels elle pourrait être confondue' ;

Que, faute de réglementation spécifique sur la dénomination de vente du foie gras, l'appelante se réfère aux usages commerciaux du secteur en faisant valoir qu'il est d'usage courant de mentionner un vin dans la dénomination d'une recette, d'un plat ou d'un produit lorsqu'il entre dans sa préparation et que de telles recettes sont nombreuses ;

Qu'elle se réfère, par analogie, au code des usages de la charcuterie, des salaisons et des conserves révélant que des ingrédients comme des truffes ou des champignons peuvent être mentionnés dans la dénomination de vente lorsque le produit final en contient entre 1 et 3 % et observe que le pourcentage de vin de Champagne entrant dans la composition du produit se situe dans cette fourchette ; qu'elle renvoie également à l'usage en vigueur consistant à mentionner dans la dénomination de vente un ou deux ingrédients particuliers utilisés dans la préparation du foie gras, à l'exclusion de ceux couramment utilisés ;

Que, toutefois, force est de considérer que le litige ne porte pas sur l'utilisation traditionnelle du vin de Champagne dans des préparations culinaires ni sur l'information du consommateur relativement au contenu proprement dit du produit, lequel consommateur, s'il ne sera pas informé à la lecture de l'étiquette au dos du produit, que le foie gras en cause a été macéré durant 12 heures dans du Champagne, apprendra que 2% de ce vin entre dans sa composition ;

Que l'objet du litige porte sur la dénomination de vente du produit et l'introduction, dans cette dénomination, d'une appellation d'origine contrôlée qui n'est pas un banal ingrédient mais est soumise, comme le relève l'intimé, à une législation spéciale protectrice qui ne saurait être méconnue ;

Considérant, s'agissant de l'identification par le consommateur des qualités particulières conférées par le Champagne, que l'appelante reproche plus précisément au tribunal de s'être appuyé sur une étude de la société Techni'Sens produite par le CIVC selon laquelle 17 % des consommateurs reconnaissaient le goût du vin de Champagne dans le foie gras litigieux et que, parmi ceux-ci, 72 % considéraient que cette aromatisation comme 'vraiment pas ou peu intense' et d'en avoir tiré argument pour énoncer qu'en faisant usage de l'appellation Champagne, elle en détournait la notoriété ;

Qu'au soutien de son appel elle fait valoir que le foie gras litigieux répond aux obligations légales de composition du produit d'excellence qu'est le foie gras (issues du décret du 09 août 1993 et du cahier des charges de l'indication géographique protégée 'Canard à foie gras du Sud Ouest'), lesquelles sont élaborées selon des considérations gastronomiques et que la présence de Champagne ne manifeste pas sa volonté de bénéficier de sa notoriété mais uniquement celle de lui conférer des qualités substantielles que le consommateur reconnaît ;

Qu'en outre, le véritable apport du vin de Champagne dans les produits en cause dépasse, selon elle, la simple identification gustative de ceux-ci dans le mesure où il les valorise en influant tant sur leur texture que sur leur apparence ; qu'à cet égard, une étude qu'elle a fait réaliser par la société BVA In Vivo démontre que les qualités organoleptiques des produits en cause se sont trouvées modifiées par l'utilisation du vin de Champagne dans sa préparation de sorte que la présence de l'appellation Champagne dans sa dénomination est légitime ;

Que, cependant, la société intimée, se référant à l'ouvrage de Monsieur [T] [R], réplique à juste titre que les vertus de l'acidité, élément inhérent à tous les vins blancs secs, ne sont pas le monopole du Champagne ; qu'elle critique avec pertinence l'étude BVA In Vivo en ce qu'il était donné mission à cet Institut d'évaluer les points de force et de faiblesse du foie gras dénommé 'aux deux poivres et champagne' face à trois autres recettes et qu'outre des imprécisions quant à sa méthodologie, il ne fait que conclure que le produit litigieux est davantage apprécié que les autres sans que, pour autant, il ne soit fait état de Champagne dans l'étude ;

Que ces nouveaux arguments sont, par conséquent, inopérants ; qu'il convient, en revanche, d'approuver les conclusions que tire le tribunal de l'étude Techni'Sens, ci-avant précisées, au terme d'une analyse circonstanciée et pertinente ;

Considérant enfin, s'agissant de la présentation graphique de l'appellation d'origine contrôlée dans la dénomination du produit, que l'appelante fait encore valoir que celle-ci ne résulte pas d'une exagération manifeste dans la mise en avant de cet ingrédient mais qu'elle est, en revanche, proportionnée par rapport à l'information que les emballages doivent véhiculer auprès du consommateur qui effectue son choix dans les supermarchés en quelques minutes ; que le terme 'Champagne' est d'ailleurs écrit, dans les foies gras marqués Montfort selon la même police de caractères que les '2 poivres' qui constituent un autre ingrédient de ce produit ;

Mais considérant que la présentation matérielle de l'appellation d'origine contrôlée, qui se caractérise par l'adoption d'élégantes lettres anglaises alors que les autres mentions sont en majuscules droites, ne permet pas d'éluder le fait que l'adjonction, dans la dénomination du produit, du terme 'Champagne' ne peut être ramenée à la description d'un simple ingrédient au même titre que du poivre dès lors que cette appellation bénéficie d'une protection particulière, comme énoncé précédemment ;

Que le consommateur sera informé du contenu du produit en prenant connaissance des éléments entrant dans sa préparation qui figurent sur l'étiquette de composition ;

Qu'il résulte, par conséquent, de l'ensemble de ces éléments que l'introduction de l'appellation d'origine contrôlée Champagne dans la dénomination du produit ne trouve pas sa justification, comme le prétend l'appelante, dans la nécessité d'informer le consommateur sur le produit commercialisé ;

Sur l'insertion du nom 'Champagne' dans la dénomination de vente des produits dans le but d'en détourner la notoriété et au risque d'en affaiblir la renommée :

Considérant que, formant appel incident, le CIVC poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'un tel détournement mais demande à la cour d'y ajouter en retenant que les pratiques commerciales de la société Euralis Gastronomie risquent de nuire à l'appellation en affaiblissant sa notoriété ;

Qu'il invoque, en particulier, l'article L 643-1 du code rural et de la pêche maritime selon lequel

'L'appellation d'origine ne peut jamais être considérée comme présentant un caractère générique et tomber dans le domaine public.

Le nom qui constitue l'appellation d'origine ou toute autre mention l'évoquant ne peuvent être employés pour aucun autre produit similaire, sans préjudice des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur le 06 juillet 1990. Ils ne peuvent être employés pour aucun établissement ou aucun produit ou service, lorsque cette utilisation est susceptible de détourner ou d'affaiblir la notoriété de l'appellation' ;

Que la société Euralis Gastronomie rétorquant, comme précisé ci-dessus, au grief tiré du détournement ou du risque de détournement de la notoriété de l'appellation (laquelle notoriété n'est pas contestée) argue encore du légitime droit du consommateur d'être informé et soutient qu'en se prévalant d'un risque d'affaiblissement de la notoriété de l'appellation Champagne, le CIVC ne procède que par affirmation alors qu'il lui appartient de le démontrer ;

Qu'en toute hypothèse, ajoute-t-elle, il n'en est rien puisque cette présence est effective, qu'elle a des vertus organoleptiques (aspect, goût, odeur et consistance) sur le produit et que le produit qu'elle offre précisément à la vente bénéficie lui-même d'une grande notoriété, ainsi que le reconnaît le CIVC lui-même en consacrant une page entière de son site internet à l'association du Champagne et du foie gras ;

Qu'elle conclut qu'en décider autrement constituerait une entrave disproportionnée au principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;

Considérant, ceci rappelé, qu'il résulte du texte précité que le législateur n'exige pas qu'il soit justifié d'un détournement ou d'un affaiblissement de la notoriété mais seulement d'un risque de tels effets ;

Qu'il est constant, en l'espèce, que le Champagne répond à la définition de l'appellation d'origine puisqu'il s'agit, selon l'article L 641-5 du même code, d'un produit qui possède 'une notoriété dûment établie et dont la production est soumise à des procédures d'agrément comportant une habilitation des opérateurs, un contrôle des conditions de production et un contrôle des produits' ;

Que force est de rappeler que la société intimée a inséré dans la dénomination du produit l'appellation d'origine Champagne alors que celui-ci n'en contient que 2 % - qui plus est faiblement perçu par les consommateurs interrogés -, qu'en outre un autre vin de même acidité aurait pu produire les mêmes effets que le Champagne dans la préparation du foie gras et que la société Euralis Gastronomie ne peut se retrancher derrière l'obligation à laquelle elle est tenue d'informer le consommateur ;

Qu'à titre exemplatif, il peut être lu sur une plaquette de présentation des produits Montfort : 'Montfort innove fort ! sur l'entier ... 'le foie gras au Champagne et 2 poivres' découvrez l'équilibre entre un foie gras de canard entier fondant, la finesse du Champagne', ou encore, sur le foie gras Rougié : ' (...) le goût de notre foie gras de canard entier est rehaussé par 2 variétés de poivres (...) et par une pointe de Champagne' ;

Qu'il se déduit de tels éléments qu'à juste titre, le CIVC laisse entendre, à travers son argumentation, qu'en commercialisant des produits (à savoir du foie gras mais aussi des gigolettes d'oie et de la pintade) dans la dénomination desquels entre le terme notoire 'Champagne' ou en s'y référant sur des emballages ou publicités la société Euralis Gastronomie n'a pu que chercher à bénéficier de la valeur économique et de l'attractivité de l'appellation d'origine, ainsi qu'en a d'ailleurs jugé le tribunal ;

Que, s'agissant par ailleurs du risque d'affaiblissement de cette notoriété, s'il est vrai que le foie gras est-lui même un produit pouvant revendiquer des lettres de noblesse, cet argument est inopérant dès lors que la diffusion qui peut être faite de l'appellation d'origine associée à ce produit par une société qui le commercialise et en assure la promotion à une échelle et selon des modalités qui échappent au contrôle des opérateurs concernés risque nécessairement d'entraîner un affaiblissement de la notoriété de l'appellation et une banalisation du terme ;

Que ce moyen est, d'ailleurs, sans portée pour l'ensemble des produits ayant conduit le CIVC à introduire la présente action et qui visait en particulier les gigolettes d'oie et la pintade ;

Qu'il échet, enfin, de considérer que la protection particulière accordée à cette appellation, contrepartie d'une notoriété dûment établie dont la qualité et les caractères sont dus au milieu géographique comprenant des facteurs naturels et humains et dont la production est strictement encadrée, ne constitue en rien une entrave disproportionnée à la liberté du commerce ;

Qu'il sera, par conséquent, ajouté au jugement dans le sens requis par l'intimé ;

Sur la réparation du préjudice :

Considérant, sur la demande en paiement de dommages-intérêts, que l'appelante ne saurait être suivie lorsqu'elle affirme que le CIVC ne peut prétendre à une indemnisation au motif qu'il ne justifie aucunement d'un préjudice et, secondairement, du quantum revendiqué ;

Qu'eu égard à l'étendue des conséquences dommageables telles que déterminée par la cour, le CIVC est fondé à poursuivre la majoration de la somme indemnitaire que lui ont allouée les premiers juges de sorte qu'en considération des éléments particuliers de l'espèce soumis à l'appréciation de la cour, le quantum de la réparation du préjudice subi sera porté à la somme de 30.000 euros ;

Que cette indemnisation réparant à suffisance son préjudice, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de publication réitérée devant la cour pas plus qu'il n'échet d'augmenter le montant de l'astreinte fixée par les premiers juges ;

Considérant, sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il n'y a pas lieu de réformer le jugement de ce chef ; qu'il convient, en revanche, d'allouer au CIVC une somme complémentaire de 10.000 euros à ce titre ;

Considérant, enfin, que la société Euralis Gastronomie sera déboutée de sa demande portant sur les frais non répétibles qu'elle a dû exposer et condamnée à supporter les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris à l'exception de ses dispositions relatives aux faits dommageables imputables à la société Euralis Gastronomie ainsi qu'en celles portant sur le quantum des dommages-intérêts alloués et, statuant à nouveau dans cette limite en y ajoutant ;

Dit qu'en utilisant une dénomination insérant l'appellation d'origine contrôlée Champagne pour commercialiser les produits explicités dans les dernières conclusions du Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC) la société Euralis Gastronomie a créé un risque de détournement de la notoriété ainsi qu'un risque d'affaiblissement de la notoriété de cette appellation au sens de l'article L 643-1 du code rural et de la pêche maritime ;

Condamne la société Euralis Gastronomie à verser au CIVC, en deniers ou quittances, une somme de 30.000 euros en réparation du préjudice subi ;

Déboute la société Euralis Gastronomie de ses entières prétentions ;

Condamne la société Euralis Gastronomie à verser au CIVC la somme complémentaire de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/07098
Date de la décision : 15/03/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°12/07098 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-15;12.07098 ?
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