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14/03/2013 | FRANCE | N°11/05605

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 14 mars 2013, 11/05605


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 14 Mars 2013

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05605 - CM



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Mai 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° F08/14724



APPELANT

Monsieur [X] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Rachid BRIHI, avocat au barreau de PARIS, to

que : K0137



INTIMEE

SAS HERTZ FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Jean NERET, avocat au barreau de [Localité 4], toque : T04 substitué par...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 14 Mars 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05605 - CM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Mai 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° F08/14724

APPELANT

Monsieur [X] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Rachid BRIHI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0137

INTIMEE

SAS HERTZ FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Jean NERET, avocat au barreau de [Localité 4], toque : T04 substitué par Me Olivier ANGOTTI, avocat au barreau de [Localité 4], toque : C1779

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine MÉTADIEU, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

[X] [I] a été engagé à compter du 6 novembre 1989 en qualité d'agent d'opération par la S.A.S HERTZ FRANCE, selon un contrat de travail à durée indéterminée.

Il a été promu aux fonctions de directeur régional sur les secteurs de [Localité 4] Ville et [Localité 4] Sud à compter du 1er octobre 2003.

Les relations entre les parties sont régies par la convention collective nationale des professions de l'automobile.

En juin 2006, la S.A.S HERTZ FRANCE a autorisé, aux termes d'un contrat dit de correspondance, la société SNAP, installée dans la quartier Opéra à [Localité 4], à louer des véhicules sous son enseigne.

Courant 2008, ayant constaté de nombreux dysfonctionnements au sein de cette agence, elle a déposé une plainte, en octobre 2008, à la suite de laquelle le gérant de cette société a été condamné pour abus de confiance par un jugement en date du 13 janvier 2010 rendu par le tribunal de grande instance de Paris.

[X] [I] a été convoqué le 14 octobre 2008, pour le 22 octobre suivant à un entretien préalable à un éventuel licenciement et fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire.

Il a reçu notification de son licenciement pour faute grave par lettre recommandée datée du 3 novembre 2008.

Contestant son licenciement, [X] [I] a, le 10 décembre 2008 saisi le conseil de prud'hommes de Paris sollicitant l'annulation de sa mise à pied conservatoire et le paiement du salaire correspondant à cette mise à pied outre les congés payés afférents, d'une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la S.A.S HERTZ FRANCE sollicitant également une indemnité sur ce même fondement.

Par jugement en date du 11 mai 2011, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a débouté [X] [I] de ses demandes et l'a condamné à payer à la S.A.S HERTZ FRANCE la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Appelant de cette décision, [X] [I] demande à la cour de l'infirmer et statuant à nouveau de :

- constater que la mise à pied est postérieure à l'entretien préalable

- constater que la procédure de licenciement n'a pas été déclenchée dans un délai restreint

- constater que la prescription des faits est acquise en application de l'article L.1332-2 du code du travail

En conséquence,

- annuler la mise à pied conservatoire

- dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner la société HERTZ France à lui payer les sommes suivantes :

' 27 180 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

' 2 718 € à titre de congés payés afférents

' 38 052 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

' 326 160 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L 1235-3 du Nouveau Code du Travail

' 1 613,48 € au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

' 161,34 € au titre des congés payés afférents

' 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société HERTZ France aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les éventuels frais d'huissier de justice.

La S.A.S HERTZ FRANCE conclut à la confirmation du jugement, au débouté de [X] [I] et à sa condamnation au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

MOTIVATION

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

'Lors d'une conversation fortuite le 29 septembre dernier avec Monsieur [L] [B], Monsieur [T] [G], Directeur Générai, a découvert que le correspondant du réseau HERTZ sur le secteur de [Adresse 2], secteur dont vous étiez responsable, s'était rendu coupable de très nombreux manquements aux procédures de location des véhicules qui iui étaient attribués.

Diligentée à l'initiative de Monsieur [T] [G], une enquête interne-a permis à la direction de la société HERTZ FRANCE SAS de découvrir que, début octobre 2008, plus de deux cent soixante-dix véhicules loués par ce correspondant n'avaient pas été restitués au terme prévu par les contrats de location, et que la quasi totalité d'entre eux accusait un retard à ia restitution (« overdue ») d'au moins soixante-dix jours.-

Cette situation est exceptionnelle par sa gravité, tant à raison des risques qu'elle fait courir à l'entreprise, qu'à raison des manquements graves et répétés qu'elle révèle dans l' accomplissement de vos fonctions.

En votre qualité de Directeur Régional de la société HERTZ France SAS, rattaché à Monsieur [P] [E], Directeur des Opérations, vous aviez la responsabilité du bon fonctionnement des agences du réseau HERTZ et des correspondants qu'elles parrainent.

Or, l'enquête .interne a révélé une série de négligences graves autant inexplicables qu'inadmissibles de la part d'un cadre supérieur ayant votre expérience et votre ancienneté au sein de la société HERTZ France SAS.

Non seulement vous n'avez pris aucune mesure efficace pour mettre fin aux errements du correspondant du secteur de [Adresse 2], mais de surcroît vous avez omis, de prévenir la direction générale des agissements graves qui avaient été portés à votre connaissance, et ce pendant plusieurs mois. La direction a ainsi appris que le Directeur de la sécurité, Monsieur [L] [B], vous avait écrit le 16 juin dernier pour vous indiquer, ainsi qu'à Monsieur [P] [E], que le correspondant du secteur Opéra se manifestait par un nombre de sinistres anormalement élevé depuis le début de l'année et en particulier au mois de juin, témoignant d'une absence manifeste de respect des procédures du réseau HERTZ, Monsieur [L] [B] ajoutait qu'il lui semblait que ce correspondant procédait à «un filtrage de la clientèle pour le moins douteux», et concluait en soulignant que «la typologie de clients impliquée ne devrait en principe pas se rencontrer en nombre dans ce secteur géographique, ce qui laisse la place aux hypothèses les plus inquiétantes».

Cette correspondance n'a manifestement suscité chez vous aucune inquiétude particulière, ce correspondant étant un loueur important et la situation - selon vos propres termes vous apparaissant alors « sous contrôle ».

Face à la gravité de la situation, Monsieur [L] [B] a néanmoins, insisté et vous a de nouveau écrit,, trois jours plus tard, pour attirer votre attention sur « les risques de dérapage » de ce correspondant: dans un e-mail du 19 juin, celui-ci a mis l'accent sur la présence en grand nombre, parmi la clientèle du correspondant du secteur de [Adresse 2], de personnes domiciliées dans les quartiers les plus défavorisés des départements de Seine-Saint-Denis et au Val-d'Oise - lesquelles disposaient pourtant d'agences ou de correspondants beaucoup plus proches de leur résidence.

De surcroît, alors que vous aviez régulièrement été alerté par la responsable de l'agence « marraine » de Saint-Lazare au sujet des divers manquements du correspondant, vous vous êtes simplement contenté, le 20 juin, de lui adresser une mise en garde - par courrier, simple (!) - qui restera sans effet.

Malgré les trois relances ultérieures que vous avez adressées, les 11 et 23 juillet, puis le 1 er août, également restées sans effet, vous n'avez toujours pas cru devoir réagir.

Les termes que vous avez alors employés dans vos courriers démontrent pourtant combien vous aviez conscience de la gravité de la situation et que celle-ci appelait une réaction vigoureuse de votre part.

Ainsi, le 20 juin, vous indiquiez avoir constaté « un nombre considérable de manquements aux procédures HERTZ », soulignant notamment que «2 contrats sur 3 présentaient une anomalie », que 50% des véhicules étaient en « overdue », qu'il y avait presque 50% de« change over » sans raison et d'un « nombre anormalement élevé de vols, de détournement ou de sinistres ».

Et, alors que dans ce courrier vous lui faisiez part de votre intention de prendre des sanctions à son égard si les manquements n'étaient pas résolus avant le 10 juillet, c'est avec stupéfaction que nous avons découvert que vous avez attendu ie début du mois d'août pour simplement placer ce correspondant en « off-sell», c'est à dire lui couper l'accès à la clientèle par internet...

Comment, alors que toutes les informations en votre possession indiquaient que ce correspondant peu scrupuleux n'utilisait internet que pour moins de 2% de ses location, avez-vous pu vous contenter d'une mesure par définition inefficace '.! La moindre des choses, face à un correspondant pour le moins peu enclin à suivre les procédures du groupe, eut été de prendre des mesures radicales pour récupérer sans tarder les véhicules loués et de mettre fin à nos relations contractuelles - le cas échéant avec l'aide des autorités - tout en assurant un suivi méticuleux de ce correspondant et des véhicules jusqu'à la résolution de ce problème.

C'est d'ailleurs en ce sens que se prononçait, dès ie 10 juillet, le Directeur de la sécurité qui vous écrivait que, « même si ce correspondant faisait 500 départs », mieux valait en faire -au moins autant - « avec du personnel qui respectera les procédures ».

Dans ce contexte, le fait que vous soyez partis trois semaines en vacances sans déléguer le suivi de ce dossier est incompréhensible, et vous portez la responsabilité de l'aggravation au mois d'août de cette situation, le nombre d'« overdues » progressant encore pour atteindre un total de 110 véhicules le 8 septembre.

Votre absence de réaction lorsque Monsieur [L] [B] a évoqué avec vous ses craintes vis-à-vis de la probité de ce correspondant est totalement inadmissible : vous saviez qu'il ne se passait pas une semaine sans qu'il ait à traiter des demandes de renseignements de la part des différents organismes judiciaires qui, toutes, faisaient référence à ce correspondant dont vous étiez responsable.

Début septembre, alors que vous aviez simplement laissé ce point en « off sell » sans prendre davantage de précautions, vous avez appris que Monsieur [L] [B] avait été contacté par la Sûreté des Yvelines pour une affaire de stupéfiants impliquant trois véhicules loués auprès de ce correspondant (!), tous loués sous une fausse identité (!!) dont deux avec la même carte de crédit, de type « electron » qui n'est pourtant pas acceptée comme moyen de paiement dans les procédures du réseau HERTZ.

Dans une note qu'il adressait par la suite à Monsieur [P] [E], Monsieur [L] [B] reprenait les griefs qu'il avait formulés sur ce correspondant devant vous, indiquant notamment que «de l'aveu des personnes mises en cause pour ces faits, il apparaît que (...) le correspondant n'était pas regardant sur les qualifications et qu'il acceptait de ne pas faire de contrôle [lors de réchange d'un véhicule contre un autre] en échange de quelque rétribution en cash» avant de conclure sur le fait que cette affaire s'était soldée par la perte d'un véhicule !

Comment avez vous pu rester inactif pendant plus de deux mois après votre courrier du 1er août, alors que le directeur de la sécurité vous avait également fait savoir qu'il avait été contacté par la Gendarmerie d'[Localité 3] pour un vol à main armée d'un bureau de poste commis à partir d'un véhicule loué auprès de ce même correspondant (!), et que les services de police et gendarmerie lui avait fait savoir qu'il circulait en banlieue une rumeur insistante disant qu'il était facile de commettre des délits avec des véhicules de location grâce à une agence où les procédures étaient réduites au minimum (!!).

Force est de constater que, malgré votre connaissance de faits particulièrement graves concernant la probité de ce correspondant vous n'aviez strictement' rien changé à .la situation de ce correspondant à la fin du mois de septembre, malgré le risque financier croissant encouru par l'entreprise.

Il n'est évidemment pas acceptable que Monsieur [T] [G] ait finalement découvert la gravité de cette affaire lors d'une conversation inopinée avec le directeur de la sécurité : sans revenir sur votre passivité pour le mois étonnante, votre premier devoir était de faire état à ia direction générale de l'entreprise des risques susceptibles d'avoir une répercussion sur ses opérations, ses finances et son image.

Cette situation est d'autant: plus choquante que vous connaissiez parfaitement les procédures du groupe et les mesures à prendre face à des manquements de ce type, et que vous aviez été alerté sur la situation de ce correspondant dès le début de l'année.

Ainsi, alors que vous saviez que ce correspondant manquait à toutes ses obligations contractuelles lorsque le locataire ne restituait pas un véhicule au jour prévu par contrat et que, au 29 janvier 2008, vingt-huit véhicules étaient en « overdue » sans que le correspondant soit en état de fournir la moindre explication à leur sujet, comment avez vous pu tolérer que ce correspondant passât la quasi-totalité de ses contrats de façon manuscrite, sans tenir de registre papier à jour et sans utiliser le système informatisé « TAS » destiné à centraliser les données relatives aux conditions de location et de facturation des véhicules HERTZ '

Déjà à l'époque, vous aviez appris qu'aucun paiement n'intervenait par carte bancaire et que ce correspondant encaissait manifestement beaucoup d'espèces sans être très regardant sur les locataires, avant de les déposer avec beaucoup de retard à la banque - en violation flagrante des procédures du réseau HERTZ.

Dès le mois de février il vous appartenait de prendre charge cette affaire et de faire le nécessaire pour mettre fin aux dérives de ce correspondant.

Dans ces conditions, il n'est pas admissible que cette situation se soit aggravée au cours du premier semestre 2008 (impayés de plus en plus nombreux, taux d'accidents six fois supérieurs à la moyenne nationale et un nombre croissant d'«overdues») sans susciter la moindre réaction de votre part avant le mois de juin !

Le service de facturation du groupe à Dublin 1 nous a ainsi appris que les contrats manuels de ce correspondant s'étaient soldés, pour le premier semestre, par plus de 80.000 Euros d'impayés, tenant essentiellement à l'usage par les locataires de fausses identités et/ou de fausses adresses - lesquelles n'avaient manifestement pas été contrôlées par le correspondant.

Et, alors que la sécurité des transactions aurait pu passer, notamment, par un paiement par cartes bancaires, nous avons appris que malgré l'intervention de l'entreprise pour installer un terminal de paiement électronique (TPE) chez ce correspondant, celui-ci ne s'en est jamais servi...

Comment expliquer. autrement que par votre négligence cet état de fait qui n'aurait pas dû pouvoir passé inaperçu '!

Nous avons également été stupéfaits d'apprendre que, en dépit des alertes régulières que l'agence marraine du réseau HERTZ sur le secteur de Saint-Lazare vous adressait régulièrement, la situation des« overdues » s'était considérablement dégradée au deuxième trimestre 2008, passant d'un total de 28 fin janvier, à 48 à fin mars, puis à 101 au 30 juin pour atteindre 125 le 18 septembre, sans la moindre réaction de votre part,

Ce nombre atteindra finalement 271 véhicules le 2 octobre.

Votre inaction persistante, autant que la volonté manifeste de cacher à votre direction des faits particulièrement préoccupants, nous ont conduits à nous interroger sur les raisons de votre comportement.

Le mutisme que vous avez cru devoir afficher lors de notre - bref - entretien préalable le 22 octobre dernier ne nous a pas davantage permis de comprendre les raisons de votre inaction.

C'est dans ces conditions, et non sans regret compte tenu de vos états de service, que nous sommes contraints de vous notifier la rupture de votre contrat de travail pour faute grave'.

Il est reproché à [X] [I] son inaction alors qu'il était pleinement informé des manquements contractuels de l'agence Opéra.

[X] [I] fait observer :

- qu'il faisait partie du département dit «opération» placé sous la responsabilité de [P] [E], sous la subordination duquel se trouvaient les directions régionales, dont celle du secteur [Localité 4] et [Localité 4] Sud, la direction de la sécurité, assurée par [L] [B], et la direction qualité (ce qui est au demeurant conforme à l'organigramme versé aux débats par la société ),

- que la société exploite des agences directement et fait appel à des correspondants qui opèrent sous l'enseigne Hertz; mais en ce qui les concernent sont placés sous la responsabilité du directeur du développement réseau et correspondant

- que c'est donc ce directeur, en l'espèce, [U] [K], qui avait la charge directe, la gestion administrative et le suivi des correspondants, ce qui est confirmé par la note interne versée aux débats précisant notamment que le suivi des performances, le contrôle des locations overdue, des dépenses et recettes cash, de l'administration incombe au responsable des correspondants

- qu'il est expressément précisé dans une note de la direction juridique qu'une fois le contrat signé, 'la gestion de la vie du contrat avec le correspondant (révision du prix, négociations diverses, gestion cartes essence...) demeure de la responsabilité de le D.R/Opérations'.

Force est de constater d'une part que [U] [K] a donné sa démission le 28 janvier 2008, rien ne permettant d'établir qu'il a été remplacé, et d'autre part que, selon les différents courriels échangés par les parties, c'est [X] [I] qui de fait a pris en charge le suivi des correspondants.

C'est ainsi qu'à la suite du premier courriel d'alerte émanant de [L] [B] adressé le 16 juin 2008 au directeur du département et en copie à [X] [I], ce dernier est clairement chargé de prendre en mains la situation de l'agence Opéra :

'J'anticipe les risques de dérapage sur la station en correspondance rappelée en objet ...Faites nous savoir rapidement si à réception de votre questionnement à ce gérant, la situation vous paraît réellement sous contrôle'.

Il n'est donc pas contestable que [X] [I] était bien responsable du suivi de ce correspondant, ce qui de plus résulte du courrier à l'attention du gérant de l'agence qu'il signé le 20 juin 2008, l'invitant à se mettre en conformité avec le contrat le liant à la S.A.S HERTZ FRANCE au plus tard le 10 juillet 2008, puis de tous les courriers qui on suivi : lettre datée du 11 juillet menaçant de placer 'en off sell' l'agence en l'absence de régularisation puis lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juillet 2008.

Le 1er août 2008, [X] [I] a notifié à l'agence Opéra, la décision de fermeture temporaire de l'agence, jusqu'au 31 août 2008, après avoir fait le constat que la régularisation demandée n'avait pas été faite.

Néanmoins, [X] [I] ne prendra pas la décision de transmettre immédiatement le dossier au service juridique, invoquant la nécessité de réfléchir aux suites qu'impliquerait une telle solution, et ce n'est finalement que mi-septembre que sera prise la décision de résilier le contrat de correspondance de la société SNAP.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que [X] [I], auquel incombait la responsabilité du contrôle et respect de la procédure suivie par la société SNAP, a été dûment informé des dysfonctionnements de cette agence par [L] [B], ce depuis le mois de juin, que lui-même a, en juillet, fait le constat de la situation, notant alors qu'elle ne s'améliorait pas, relevant qu'il y avait 121 'overdues' à cette date, dont 31 de plus de vingt jours, et soulignant que tous ces contrats étaient hors procédure.

Les infractions aux règles internes en vigueur au sein de la société Hertz étaient avérées dès la mi-juillet et appelaient, compte tenu de leur nombre exceptionnellement important, une réponse immédiate.

Or [X] [I] n'a pas pris les mesures propres à mettre fin à cette situation rapidement, accordant au gérant de la SNAP des délais lui permettant d'apurer sa situation.

Cette appréciation minorée de la situation, et le retard qui s'en est suivi dans la mise en oeuvre d'une procédure mettant fin aux relations contractuelles avec ce correspondant, s'il ne permet pas de caractériser une faute grave, rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, sont en revanche constitutifs d'une insuffisance professionnelle certaine justifiant le prononcé du licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement de [X] [I] fondé sur une faute grave, et de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de condamner la S.A.S HERTZ FRANCE à lui payer les sommes suivantes, dont les modalités de calcul ne sont pas remises en cause par l'employeur :

- 1 613,48 € de rappel de salaire de mise à pied,

- 161,34 € de congés payés afférents,

- 38 052 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 27 180 € d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 718 € de congés payés afférents.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de [X] [I] et de lui allouer la somme de 2 500 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement

Statuant à nouveau

Dit que le licenciement de [X] [I] repose sur une cause réelle et sérieuse

Condamne la S.A.S HERTZ FRANCE à payer à [X] [I] les sommes suivantes :

- 1 613,48 € de rappel de salaire de mise à pied

- 161,34 € de congés payés afférents

- 38 052 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 27 180 € d'indemnité compensatrice de préavis

- 2 718 € de congés payés afférents

- 2 500 € en application l'article 700 du code de procédure civile

Déboute les parties du surplus de leurs demandes

Condamne la S.A.S HERTZ FRANCE aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/05605
Date de la décision : 14/03/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°11/05605 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-14;11.05605 ?
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