Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 12 MARS 2013
(n° ,5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/00450
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2002054277
APPELANTES
- SA JACQUES BOLLINGER
agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général et tous représentants légaux
[Adresse 4]
[Localité 2]
- SA CHANSON PERE ET FILS - C.[Y].E.[O].
agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général et tous représentant légaux
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD avocat postulant, barreau de PARIS, toque : C2477
assistées de Me Olivier GUIDOUX de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES avocat plaidant, barreau de PARIS, toque : P0221
INTIMEE
- Société CHUBB INSURANCE COMPANY OF EUROPE S.E.
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Adresse 6]
[Localité 3] - ROYAUME UNI
représentée par Me Mireille GARNIER de la SCP GARNIER avocat postulant, barreau de PARIS, toque : J136
assistée de Me Sylvain RIEUNEAU de la SCP BERNARD HERTZ BEJOT avocat plaidant, barreau de PARIS, toque : P0057
PARTIES INTERVENANTES :
- Monsieur [Y] [C]
[Adresse 5]
[Localité 1]
- Monsieur [O] [C]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentés par Me Catherine BELFAYOL BROQUET avocat postulant, barreau de PARIS, toque : L0064
assistés de Me Alexis DEJEAN DE LA BATIE de la SELARL FIACRE LA BATIE HOFFMAN avocat plaidant, barreau de PARIS, toque : L0206
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 5 février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Dominique REYGNER, présidente de chambre
Monsieur Christian BYK, conseiller
Monsieur Michel CHALACHIN, conseiller
qui en ont délibéré.
Rapport a été fait par Monsieur Christian BYK, conseiller, en application de l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Carole MEUNIER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique REYGNER, présidente et par Mme Carole MEUNIER, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise.
* * * * * *
Par acte du 24 juillet 2002, les sociétés JACQUES BOLLINGER et CHANSON PÈRE et FILS (CPEF) ont assigné devant le Tribunal de commerce de PARIS la société CHUBB INSURANCE COMPANY of EUROPE SE afin de la voir condamnée à garantir les conséquences dommageables des agissements reprochés aux consorts [C], anciens administrateurs de la société CHANSON, dans l'élaboration de vins de Bourgogne.
Par jugement du 10 décembre 2010, cette juridiction a débouté les demanderesses et les a condamnées 'in solidum' à payer à la société CHUBB la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 10 janvier 2011, les sociétés BOLLINGER et CHANSON ont fait appel de cette décision et, dans des dernières écritures du 14 septembre 2011, elles sollicitent l'infirmation du jugement et la condamnation de la société CHUBB, solidairement avec les consorts [C], à leur payer la somme de 3 640 176 euros, subsidiairement, celle de
4 485 635 euros, en tout état de cause, avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2001 et capitalisation à compter de cette date outre la condamnation de la société CHUBB au paiement de la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 6 juillet 2011, complétées par d'autres du 30 janvier 2013, la société CHUBB demande la confirmation du jugement et le débouté des sociétés CHANSON et BOLLINGER ainsi que des consorts [C], subsidiairement, soulève l'absence d'aléa, l'exclusion de garantie à l'égard des dommages matériels et, plus subsidiairement, avance l'irrecevabilité et le mal fondé de la demande de la société BOLLINGER ; elle conteste enfin le point de départ des intérêts moratoires et de leur capitalisation. En tout état de cause, elle rappelle que le plafond de garantie est de 4 573 470 euros et que sa responsabilité ne peut donc excéder la part de ce plafond encore disponible. La somme de 80 000 euros est réclamée au titre des frais irrépétibles.
Par conclusions du 26 juillet 2011, auxquelles ont succédé des conclusions du 21 janvier 2013, Mrs [O] et [Y] [C] demandent que l'action des appelantes soit déclarée irrecevable et, subsidiairement, de limiter le montant des éventuelles condamnations. En tout état de cause, il est réclamé pour chacun la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts et celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CE SUR QUOI, LA COUR
Sur la demande de rejet des débats :
Considérant que par conclusions signifiées le 4 février 2013 les appelantes sollicitent le rejet des débats des conclusions des consorts [C] signifiées le 21 janvier 2013 ainsi que celles de la société CHUBB signifiées 30 janvier 2013 ;
Considérant que les consorts [C], qui ont attendu près de 18 mois pour conclure à nouveau le jour de la clôture, doivent voir ces dernières conclusions tardives rejetées des débats dès lors que cette tardiveté, qui a privé les autres parties du principe du contradictoire, ne s'explique par aucun motif grave qui puisse justifier un rabat de la clôture ;
Considérant qu'en conséquence, les conclusions en date du 30 janvier 2013 de la société CHUBB, signifiées après la clôture, subiront le même sort ;
Sur la mise en cause des consorts [C] directement en cause d'appel :
Considérant que ces intervenants forcés estiment que les appelantes ne justifient pas en quoi l'évolution du litige implique leur mise en cause directement à ce stade et estiment donc que l'action à leur encontre est irrecevable, qu'en effet, au regard de l'application du protocole transactionnel, le premier juge a estimé que l'exception à l'interdiction de recours 'n'avait plus de sens pratique dès lors que la jurisprudence n'exige plus la mise en cause de l'assuré pour que l'action directe soit recevable' ;
Considérant que les appelantes répondent que l'évolution du litige résulte du protocole d'accord conclu le 4 octobre 2001 avec les consorts [C], qui les obligeait à exercer prioritairement et directement leur recours contre l'assureur, ce recours pouvant toutefois être exercé au vu d'une décision de première instance le rendant nécessaire ;
Considérant qu'il résulte de l'article 2 ,4ème alinéa, du protocole litigieux que 'le Groupe BOLLINGER a renoncé...à exercer quelque action que ce soit à l'encontre de Mrs [O]. et [Y]. [C] à raison du préjudice subi du fait du non-respect de la législation sur les appellations d'origine et plus généralement du fait des actes commis par Mrs [O]. et [Y]. [C] en leur qualité d'anciens dirigeants de CHANSON PÈRE et FILS, que ce soit sur la période antérieure au 10 septembre 1999 ou sur la période comprise entre cette date et le 5 juin 2000" ;
Que l'alinéa suivant énonce que 'toutefois, et par dérogation aux stipulations de l'alinéa qui précède, dans l'hypothèse où aux termes d'une décision de justice de première instance, l'action de JBSA et/ou CEPF serait reconnue irrecevable à raison de l'absence de mise en cause des assurés, le Groupe BOLLINGER sera relevé de son engagement de ne pas exercer d'action contre Mrs [O]. et [Y]. [C], sans que cette dérogation puisse avoir pour effet de faire supporter à Mrs [O]. et [Y]. [C] quelque somme que ce soit pour laquelle ils ne seraient pas effectivement couverts par CHUBB' ;
Qu'enfin, aux termes du 6ème alinéa, 'le Groupe BOLLINGER s'est engagé irrévocablement à ne pas poursuivre Mrs [O]. et [Y]. [C] en paiement des sommes qui n'auraient pas été prises en charge par CHUBB ou tout autre assureur en raison des fautes professionnelles commises par Mrs [O]. et [Y]. [C] en leur qualité de mandataires sociaux de CPEF à compter de la date du 10 septembre 1999" ;
Considérant que, suivant les motifs de la décision déférée, celle-ci a, certes, débouté les appelantes de leurs demandes mais ce n'est pas en considération de l'absence de mise en cause des assurés puisqu'au contraire, sur ce point, le tribunal a jugé que la réserve prévue au 5ème alinéa de l'article 2 du protocole 'n'avait plus de sens dès lors que la jurisprudence n'exige plus la mise en cause de l'assuré pour que l'action directe soit recevable', qu'il s'ensuit que loin de déclarer l'action irrecevable du fait de cette absence procédurale, le tribunal a dit qu'en tout état de cause, une telle absence ne pouvait affecter la recevabilité de l'action directe contre l'assureur ;
Qu'en conséquence, il convient, en application du protocole du 4 octobre 2001, de déclarer irrecevables les demandes des appelantes à l'encontre des consorts [C] ;
Sur la garantie de la société CHUBB :
- effet du protocole du 4 octobre 2001 sur la garantie
Considérant que l'assureur soutient que sa garantie n'est pas due en raison des effets du protocole transactionnel du 4 octobre 2001 par lequel les appelantes ont renoncé à poursuivre la responsabilité personnelle des consorts [C], qu'en effet, la garantie RC, accessoire à la question de la responsabilité civile, est devenue sans objet ;
Qu'il ajoute que cette interprétation du protocole ne contrevient pas à la règle de l'interprétation stricte des renonciations, les clauses litigieuses n'étant pas des clauses de renonciation à recours mais constituant une véritable transaction après sinistre, qui s'étend de plein droit à l'assureur RC ;
Considérant que les sociétés BOLLINGER et CHANSON font valoir que le protocole litigieux est clair et ne comporte aucune renonciation pure et simple à recours mais uniquement un plafonnement de leur demande au moment couvert par l'assurance, les appelantes s'engageant à n'exercer aucun recours contre les consorts [C] au-delà des montants pris en charge par l'assurance ;
Considérant qu'il résulte de l'interprétation combinée des termes du protocole litigieux, et notamment de son article 2 ci-dessus rappelé, que les appelantes ont entendu ne plus rien réclamer aux consorts [C], qui dans le cadre d'un précédent protocole avaient restitué une partie du prix de la vente de CHANSON, mais poursuivre l'assureur à hauteur de la garantie ;
Considérant que cette renonciation à agir contre l'assuré n'emportait donc pas renonciation à agir contre l'assureur par le biais de l'action directe dès lors que, dans le protocole litigieux, les consorts [C] ont reconnu leur responsabilité dans les faits mettant en cause leur responsabilité civile professionnelle en tant que mandataires sociaux de CPEF et que cette responsabilité est aujourd'hui définitivement acquise pour la période pour laquelle la garantie de la société CHUBB est sollicitée, ainsi que l'atteste le jugement correctionnel du 8 décembre 2004 du Tribunal de grande instance de DIJON ;
- existence ou absence d'aléa
Considérant qu'à titre subsidiaire, l'assureur fait valoir qu'en l'absence d'aléa lors de la prise d'effet de la garantie, ou, subsidiairement, en raison de la faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré, la garantie n'est pas due, qu'au demeurant, le dommage était inévitable eu égard aux fautes commises par les consorts [C] ;
Considérant que par jugement précité du 8 décembre 2004, chacun des consorts [C] a été reconnu coupable de faits engageant leur responsabilité civile de mandataires sociaux de CPEF entre le 8 février 1998 et le 30 juin 2000 de sorte qu'à la date de prise d'effet de la garantie les concernant, le 10 septembre 1999, les assurés, qui ont déclaré 'ne pas contester qu'ils avaient connaissance des pratiques incriminées' (art.1 al.1er du protocole litigieux), ont, par leur comportement fautif, préexistant à la date du10 septembre 1999, et dont ils savaient que, maintenus à la tête de CPEF, elles ne s'arrêteraient pas à cette date, privé de tout caractère aléatoire le sinistre couvrant la période du 10 septembre 1999 au 5 juin 2000 ;
Qu'en conséquence, par application de l'article L 124-5 al.4 du code des assurances, la garantie n'est pas due ;
Sur la demande de dommages et intérêts :
Considérant que les consorts [C] estiment que les appelantes 'ont fait remonter à la surface de manière totalement inutile cette histoire, leur créant ainsi un préjudice très important' ;
Mais considérant que les consorts [C] , qui ont reconnu 'n'avoir à aucun moment informé le groupe BOLLINGER, ses mandataires sociaux ou ses représentants chez CPEF de ces pratiques' tant antérieurement que postérieurement au 10 septembre 1999, ne sauraient réclamer, sans démontrer une faute, l'indemnisation des conséquences de leur propre comportement aux appelantes, qu'ils seront ainsi déboutés de leur demande ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que l'équité commande de condamner 'in solidum' les appelantes à payer la somme de 30 000 euros à la société CHUBB et celle de 3 000 euros aux consorts [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qu'en revanche, il n' y a pas lieu de faire droit à leur demande de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe,
Rejette des débats les conclusions des consorts [C] en date du 21 janvier 2013 et celles de la société CHUBB en date du 30 janvier 2013,
Confirme le jugement déféré et , y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes des appelantes à l'encontre des consorts [C],
Déboute ceux-ci de leur demande de dommages et intérêts,
Condamne 'in solidum' les sociétés JACQUES BOLLINGER et CHANSON PÈRE et FILS à payer la somme de 30 000 euros à la société CHUBB et celle de 3 000 euros aux consorts [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Les déboute de leur demande à ce titre,
Les condamne 'in solidum' aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE