Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRET DU 08 MARS 2013
(n° 072, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/10039.
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mai 2012 - Tribunal de Commerce de PARIS 19ème Chambre - RG n° 2010077727.
APPELANTE :
SAS SEK HOLDING
prise en la personne de son Président,
ayant son siège [Adresse 1],
représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER en la personne de Maître Charles-Hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029,
assistée de Maître Kristell CATTANI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0082.
INTIMÉE :
SAS DM PARFUMS
prise en la personne de son représentant légal,
ayant son siège social [Adresse 2],
représentée par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT en la personne de Maître Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480,
assistée de Maître Bruno LANDON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0595.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 janvier 2013, en audience publique, devant Madame Marie-Christine AIMAR, Présidente, magistrat chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine AIMAR, présidente,
Madame Sylvie NEROT, conseillère,
Madame Véronique RENARD, conseillère.
Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.
ARRET :
Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,
Vu le jugement contradictoire du 23 mai 2012 rendu par le tribunal de commerce de Paris,
Vu l'appel interjeté le 1er juin 2012 par la société SEK Holding,
Vu les dernières conclusions de la société SEK Holding appelante en date du 3 septembre 2012,
Vu les dernières conclusions de la société DM Parfums en date du 2 octobre 2012,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 17 janvier 2013,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,
Il sera simplement rappelé que :
- par contrat en date du 28 février 2001 la société Scherrer devenue la société SEK Holding a concédé à la société Parfums Jean Louis Scherrer dite PJLS la licence exclusive mondiale de la marque Jean Louis Scherrer pour la classe 3 pour une durée de douze années moyennant notamment le paiement d'un droit d'entrée d'un montant de 12.000.000 francs, soit 1 829 388,21 €, payable en cinq versements,
- la société JPLS s'est acquittée du paiement des deux premiers versements respectivement de 6.000.000 francs, soit 914.694,10 €, à la signature du contrat et 1.000.000 francs, soit 152.449,02 €, le 31 décembre 2001 et n'a pas réglé le solde de 762.245 euros,
- par contrat de cession partielle de marque du 31 janvier 1992 la société SEK Holding a cédé à la société DM PARFUMS différentes marques dont la marque Jean Louis Scherrer pour la classe 3, cette cession étant limitée à certains attributs de la propriété et accompagnée d'obligations mises à la charge de la société DM Parfums,
- plusieurs contentieux judiciaires ont opposé les sociétés DM Parfum et la société PJLS,
* par arrêt confirmatif du 22 janvier 2003 la Cour d'appel de Paris a condamné la société DM Parfums à payer à la société PJLS une somme de 1.500.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résiliation abusive du contrat de licence et a condamné la société PJLS à payer à la Société DM Parfums la somme de 293.464,36 euros au titre des arriérés des redevances,
* afin d'apurer leurs dettes, les sociétés PJLS et DM Parfums sont convenues par un avenant au contrat de licence du 23 juillet 2003 de libérer de manière anticipée le solde du droit d'entrée et de renégocier le montant des redevances minimales annuelles prévues au titre de l'article 12 du contrat de licence,
- la société SEK Holding a saisi le Tribunal de commerce de Paris, qui, par jugement du 3 décembre 2007, partiellement confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 17 décembre 2008, a condamné la société PJLS à lui payer le solde du droit d'entrée et la société DM Parfums à garantir la société PJLS de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre,
- par arrêt du 1 avril 2009 la Cour d'appel de Paris a résilié le contrat de licence liant DM Parfums à PJLS,
- cette dernière a été placée en redressement judiciaire par jugement du 27 janvier 2009 et par jugement du 8 juin 2010 un plan de continuation sur dix ans a été homologué,
- la société SEK Holding a déclaré sa créance au passif de la société PJLS, pour la somme de 762.245 euros, outre intérêts,
- par arrêt du 13 janvier 2012 la Cour d'appel de Paris a condamné la société DM Parfums à verser à la société SEK Holding la somme de 276.493,33 euros au titre de la contribution annuelle qu'elle refusait de payer,
- n'ayant pas été désintéressée par la société PJLS, la société SEK Holding a attrait la société DM Parfums devant le Tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme principale de 762.245 euros outre intérêts au taux légal, sur le fondement de l'enrichissement sans cause,
Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :
- déclaré irrecevable la société SEK Holding en son action,
- l'a condamnée à payer à la société DM Parfums la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
En cause d'appel l'appelante demande essentiellement de :
- réformer la décision entreprise,
- condamner la société DM Parfums à lui payer, avec exécution provisoire (sic), la somme de 762.245 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'avenant du 23 juillet 2003, déduction faite des sommes payées par la société PJLS dans le cadre de son plan de continuation et celle de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
La société appelante fait valoir à cet effet que :
- l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 17 septembre 2008 n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée sur une éventuelle condamnation de la société DM Parfums à la payer sur les sommes indûment perçues par elle dans la mesure où cette question ne s'est pas posée devant la Cour,
- devant le Tribunal de commerce la société Scherrer devenue SEK Holding avait sollicité la condamnation de la société PJLS à lui payer le solde du droit d'entrée et de rendre opposable à la société DM Parfums celle-ci et n'a pas formulé dans cette procédure de demandes directes à l'encontre de la société DM Parfums,
- la société DM Parfums n'avait aucunement le droit de se prétendre subrogée dans les droits de la société SEK Holding pour faire valoir une compensation conventionnelle avec les sommes dont elle était elle-même redevable à l'égard de la société PJLS et de ce fait a engagé sa responsabilité à son égard sur le fondement de l'article 1382 du code civil, et doit être condamnée à lui rembourser les sommes dont elle a disposé,
- à titre subsidiaire, dès l'arrêté du plan, la société intimée, en sa qualité de garante de la société PJLS ne peut plus se prévaloir des dispositions de celui-ci et a donc vocation à pleinement jouer son rôle de garante,
- à titre très subsidiaire, la société intimée s'est volontairement et frauduleusement enrichie à son détriment , l'appauvrissement de la société SEK Holding résulte de la prétendue compensation intervenue entre les sociétés DM Parfums et PJLS qui a été déclarée non fondée par la Cour d'appel de Paris et qui a profité à DM Parfums au préjudice de la société SEK Holding et au redressement judiciaire de la société PJLS qui retarde le paiement et ce, du seul fait de DM Parfums qui a obtenu la résiliation du contrat de licence, bénéficiant d'un enrichissement sans cause avec pour conséquence son appauvrissement corrélatif.
La société intimée s'oppose aux prétentions de la société appelante et demande :
- la confirmation du jugement déféré,
- et y ajoutant,
- la condamnation de la société appelante à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et celle de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La société intimée expose à cet effet que :
- l'inaction persistante de la société Scherrer depuis la cession partielle de sa marque et l'absence de réserve sur la cession de la cession de créance dans l'acte de cession du 31 janvier 2002 ont accrédité l'analyse selon laquelle la société DM Parfums en devenant propriétaire de la marque Scherrer en classe 3 et concédante de la licence consentie à PJLS avait également fait l'acquisition du solde de la créance,
- c'est la raison pour laquelle le solde du droit d'entrée de 762.245 euros a été payé par PJLS à la société DM parfums par compensation de dettes réciproques,
- la société SEK Holding a déclaré sa créance au passif de la société PJLS et a été admise pour ce montant,
- la société appelante est irrecevable en ses demandes en vertu de l'épuisement du principe de concentration des moyens car tous les éléments sur lesquels repose la demande en paiement sont connus d'elle depuis l'instance qu'elle a engagée contre les sociétés PJLS et DM PARFUMS le 28 septembre 2004 et il lui appartenait de faire valoir les moyens de droit qu'elle vise au soutien de sa demande à l'occasion de cette instance devant le Tribunal de commerce de Paris,
- l'action de in rem verso est subsidiaire et dont être écartée lorsque l'appauvri dispose à l'égard de l'enrichi comme envers un tiers d'un autre moyen d'obtenir satisfaction,
- or, la société SEK Holding a exercé contre la débitrice du droit d'entrée une instance en paiement qui lui a donné gain de cause puisqu'elle a déclaré sa créance qui a été admise, de sorte que l'appauvrissement supposé n'a pas pour cause l'enrichissement illégitime de la société DM Parfums mais le paiement erroné effectué par la société PJLS,
- la société DM Parfums n'est que la coobligée de la société JPLS et la condamnation en garantie ne peut profiter qu'à cette dernière à la condition préalable qu'elle exécute la condamnation prononcée à son encontre au profit de la société SEK Holding, le juge de l'exécution dans le cadre d'une tentative d'exécution à son encontre a jugé que la société SEK Holding ne dispose d'aucun droit ni titre à l'égard de la société DM Parfums du fait de cette garantie au profit de la société JPLS.
***
Il appartenait à la société Scherrer devenue SEK Holding à l'occasion de l'instance introduite par elle à l'encontre de la société JPLS, en présence de la société DM Parfums, appelée par elle à cette procédure, ayant abouti à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 17 septembre 2008 alors que tous les éléments sur lesquels repose sa présente demande en paiement étaient connus d'elle, de faire valoir tous ses moyens de droit à l'égard de cette dernière société.
Elle est donc particulièrement mal venue à soutenir présentement une action en responsabilité délictuelle, alors que sa carence à exercer toute diligence dans le recouvrement de sa créance a été à l'origine de la confusion entretenue entre les parties, que l'article L 620-20 du code du commerce qu'elle oppose ne peut avoir application, la condamnation en garantie de la société DM Parfums, à l'égard de laquelle elle ne dispose d'aucun titre, ne profitant qu'à la société JPLS, et alors que l'action pour enrichissement sans cause, ne peut qu'être subsidiaire et n'être admise qu'à défaut de tout autre action ouverte ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'elle bénéficie d'une décision de condamnation de la société JPLS à lui payer la somme sollicitée par cette procédure.
Il convient dès lors, de confirmer par substitution de motifs, en vertu de l'épuisement du principe de la concentration des moyens, le jugement déféré.
La présente procédure ne revêtant aucun caractère manifestement abusif mais ne constituant que l'exercice normal d'un droit il n'y a pas lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de l'intimée tendant à être indemnisée à ce titre.
L'équité commande en revanche d'allouer à cette dernière la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société appelante ;
Les dépens resteront à la charge de la société appelante qui succombe et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement déféré,
En conséquence,
Rejette l'ensemble des demandes de la société SEK Holding,
y ajoutant,
Condamne la société SEK Holding à payer à la société DM Parfums la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des demandes reconventionnelles,
Condamne la société appelante aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,Le Président,