La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2013 | FRANCE | N°11/05536

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 07 mars 2013, 11/05536


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 07 Mars 2013

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05536 - MEO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mai 2011 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU section encadrement RG n° 09/00827



APPELANTE

Madame [V] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne assistée de Me Jean-Philippe FELDMAN, avocat au barreau

de PARIS, toque : B0275



INTIMEE

Société PANASONIC ELECTRIC WORKS SALES WESTERN EUROPE.BV

[Adresse 5]

[Localité 2] (PAYS-BAS)

représentée par Me Alistair MC DONAGH, a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 07 Mars 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05536 - MEO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mai 2011 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU section encadrement RG n° 09/00827

APPELANTE

Madame [V] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne assistée de Me Jean-Philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0275

INTIMEE

Société PANASONIC ELECTRIC WORKS SALES WESTERN EUROPE.BV

[Adresse 5]

[Localité 2] (PAYS-BAS)

représentée par Me Alistair MC DONAGH, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Selon un contrat à durée indéterminée en date du 27 janvier 2003, la société Matsushita Electric Works France Sarl a engagé Mme [V] [T], à compter du 1er janvier 2003, en qualité de comptable, statut employé, puis statut assimilé cadre, niveau V, échelon 2, au terme d'une période de 6 mois. En dernier lieu, elle a été classée à l'échelon 3 et a perçu une rémunération brute mensuelle moyenne s'élevant à 3 642,93 €.

Le 1er décembre 2004, la société Matsushita Electric Works France Sarl a fait l'objet d'une dissolution anticipée par transmission universelle du patrimoine à l'associée unique, la société de droit néerlandais Matsushita Electric Works West BV, désormais dénommée Panasonic Electric Works Sales Western Europe BV, laquelle appartient au groupe Panasonic Electric Works Co. Ltd, spécialisé dans la fabrication de composants électroniques, de matériels pour l'industrie du bâtiment, de systèmes d'éclairage et de biens de consommation pour les ménages.

La société de droit néerlandais Panasonic Electric Works Sales Western Europe BV est une des filiales européennes les plus importantes du groupe. Elle ne dispose que d'une succursale en France, comportant 19 salariés, et a comme activité principale le commerce de gros composants et autres équipements électroniques.

La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective du commerce de gros.

Contestant le respect par l'employeur de ses obligations découlant du contrat de travail, Mme [T] a saisi le conseil des prud'Hommes de Longjumeau d'une demande tendant notamment à obtenir une revalorisation statutaire, la revalorisation salariale afférente, le paiement de primes d'intéressement, d'heures supplémentaires, de dommages et intérêts du fait du préjudice résultant du sous classement subi, des dommages et intérêts pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Par décision en date du 19 mai 2011, le conseil des prud'Hommes a condamné la société Panasonic à payer à Mme [T] la somme de 1 500 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 150 € au titre des congés payés afférents. Il a débouté Mme [T] pour le surplus.

Mme [T] s'est trouvée en arrêt maladie du 8 au 15 juin 2010, puis du 28 septembre 2010 au 31 mai 2012, ensuite, en invalidité catégorie 2 depuis le 1er juin 2012. Elle n'a plus repris le travail depuis le 28 septembre 2010.

Le médecin du travail ayant conclu que Mme [T] était définitivement inapte à tous les postes de l'entreprise en une seule visite pour danger immédiat en vertu de l'article R 4624-31 du code du travail, la société Panasonic BV estimant impossible le reclassement de sa salariée, l'a convoquée le 28 août 2012 à un entretien préalable fixé au 12 septembre suivant, avant de la licencier pour inaptitude par courrier en date du 17 septembre 2012, lequel non reçu par sa destinataire a suscité un nouvel envoi en date du 4 octobre 2012.

Mme [T] a fait appel du jugement 19 mai 2011, dont elle sollicite l'infirmation en toutes les dispositions ayant rejeté ses prétentions. Contestant en outre, en appel, son licenciement intervenu depuis le jugement, elle sollicite de la cour qu'elle juge établi le harcèlement allégué, son licenciement nul, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse, qu'elle lui accorde la revalorisation statutaire revendiquée au niveau VIII, échelon 3 statut cadre, et en conséquence, qu'elle condamne la société Panasonic BV à lui payer les sommes suivantes :

- 5 000 € à titre de rappel sur prime d'intéressement 2008-2009

- 2 150 € à titre de rappel sur prime d'intéressement 2009-2010

- 5 000 € à titre de rappel sur prime d'intéressement 2010-2011

- 5.000 € à titre de rappel sur prime d'intéressement 2011-2012

- 9 000 € bruts à titre de rappel de salaire sur revalorisation statutaire du 1er avril au 31 décembre 2005

- 900 € bruts au titre des congés payés afférents

- 12 000 € bruts à titre de rappel de salaire sur revalorisation statutaire 2006

- 1 200 € bruts au titre des congés payés afférents

- 12 000 € bruts à titre de rappel de salaire sur revalorisation statutaire 2007

- 1 200 € bruts au titre des congés payés afférents

- 12 000 € bruts à titre de rappel de salaire sur revalorisation statutaire 2008

- 1 200 € bruts au titre des congés payés afférents

- 12 000 € bruts à titre de rappel de salaire sur revalorisation statutaire 2009

- 1 200 € bruts au titre des congés payés afférents

- 1 000 € bruts par mois à compter du 1er janvier 2010 jusqu'à la décision à intervenir

- l00 € par mois au titre des congés payés afférents jusqu'à la décision à intervenir

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du sous-classement dans ses fonctions

- 25 064.92 € bruts à titre d'heures supplémentaires

- 2 506.49 € bruts au titre des congés payés afférents

- 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

- 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi

- condamner la société PANASONIC à lui payer la somme de 90.000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul,

Subsidiairement,

- condamner la société PANASONIC à lui payer la somme de 90.000 € à titred'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause, condamner la société PANASONIC à lui payer les sommes de :

- 11.487,51 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 148,75 € bruts au titre des congés payés afférents

- ordonner à la société PANASONIC de lui remettre une attestation chômage, un certificat de travail et des bulletins de paye conformes, et ce sous astreinte de 50 € par jour et par document 15 jours après la notification de la décision à intervenir,

- se réserver le droit de liquider l'astreinte,

- donner acte à Madame [T] de ce qu'elle se réserve le droit de porter plainte pour travail dissimulé.

- dire que les sommes portées en condamnation porteront intérêts au taux légal

- ordonner la capitalisation des intérêts

- fixer le salaire mensuel brut de Madame [T] à 3.829,17 €,

- condamner la Société PANASONIC à payer à Madame [T] la somme de 2 500 € surle fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner la société PANASONIC aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Estimant mal fondées les prétentions de Mme [T] , la société Panasonic BV conclut à l'infirmation du jugement déféré en ses dispositions ayant fait droit aux demandes de la salariée et à sa confirmation en ses dispositions les ayant rejetées. Elle demande, en conséquence, à la cour de débouter Mme [T] de toutes ses demandes et de la condamner à lui rembourser la somme de 1 650 € qu'elle lui a versée au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, en vertu du jugement déféré. Subsidiairement, la société Panasonic BV conclut à la réduction des montants alloués à la salariée et à sa condamnation à lui payer la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 1er février 2013, reprises et complétées lors de l'audience.

MOTIVATION :

- Sur l'exécution du contrat de travail :

* sur la classification de Mme [T] et les rappels de salaire afférents pour les 5 années de 2005 à 2009

Rappelant qu'au sein de la société Matsushita, elle oeuvrait sous le contrôle de Mme [D], responsable du département Finance, Mme [T] affirme qu'au licenciement de celle-ci le 31 mars 2005, elle est devenue responsable de la comptabilité. Se prévalant de l'Accord du 5 mai 1992 relatifs aux classifications, annexé à la convention collective nationale du commerce de gros, elle revendique donc d'accéder à la même classification que Mme [D], statut cadre, niveau VIII, échelon 3 de la convention collective applicable et de bénéficier de la même rémunération.

Contestant les allégations de la salariée ainsi que la portée des éléments de preuve qu'elle a produits, la société Panasonic BV fait valoir qu'à la suite de l'opération de transmission universelle du patrimoine de la société Matsushita au profit de la société néerlandaise, et du départ de Mme [D] qui en est résulté, la responsabilité du département finance a été transférée à la société néerlandaise, laissant inchangées les fonctions exercées par Mme [T] conformément aux termes de son contrat de travail. Elle précise que ne sauraient être comparées les fonctions exercées par Mme [D] au sein d'une Sarl française et celles confiées à Mme [T] au sein de la simple succursale qu'est devenue l'entité française après la réalisation de l'opération de transmission universelle de patrimoine.

Elle ajoute que si sa rémunération est, en effet, inférieure à celle de Mme [D], Mme [T] perçoit, en tout état de cause, une rémunération supérieure au minimum conventionnel prévu pour la classification qu'elle revendique, ce que Mme [T] ne conteste pas.

Il ressort de la lecture de l'Accord précité qu'au niveau V, correspond l'emploi de comptable qui 'enregistre ou fait enregistrer, sous sa responsabilité, toutes les opérations comptables, ajuste et justifie les soldes des comptes du plan comptable général dont il a la charge'.

S'agissant de la classification des cadres, le même accord précise que 'l'exercice de cette fonction requiert la mise en oeuvre de connaissances, compétences et savoir-faire aussi bien dans les domaines techniques et technologiques que dans le domaine du management : analyse des situations, prévisions, résolutions de problèmes, animation des hommes, relations extérieures'.

Le niveau VII, qui constitue le premier niveau de classification, 'est réservé aux cadres débutants diplômés de l'enseignement supérieur long, n'ayant pas ou peu d'expérience professionnelle. Leur séjour à ce niveau doit être considéré comme une période d'adaptation ou de formation complémentaires ne pouvant excéder 3ans. L'échelon 1 est l'échelon de base, au terme d'1an est atteint l'échelon 2, et au terme de 2ans, l'échelon 3'.

Le niveau VIII vise un emploi qui 'engage l'entreprise dans le cadre d'une délégation limitée et dans son domaine d'activité ; gère sous le contrôle correspondant à cette délégation soit une activité bien identifiée relevant d'une spécialisation professionnelle précise, soit d'un ensemble d'activités diversifiées dont il assure la coordination et la liaison avec les autres fonctions.' A l'échelon 1, 'les fonctions sont assurées à partir de directives précisant les moyens, les objectifs et les règles de gestion' ; à l'échelon 2, le salarié 'est amené, pour obtenir les résultats recherchés, à décider de solutions adaptées et à les mettre en oeuvre ainsi qu'à formuler des instructions d'application'. Enfin, l'échelon 3 correspond à un emploi de 'responsable d'une unité ou d'un service autonome'.

Il ressort donc de la définition des emplois issue de l'Accord précité que l'emploi de comptable cantonne le salarié à des fonctions de comptabilité simples de saisie, de report de comptes, l'emploi de niveau VII est réservé à des salariés débutants, tandis que le niveau VIII comprend des postes à responsabilité plus grande au titre de la délégation consentie par l'employeur, impliquant initiatives du salarié, son savoir-faire, pouvant aller jusqu'à la prise en responsabilité d'une unité ou d'un service autonome.

Il ressort des débats et en particulier des nombreux mails échangés pendant la période litigieuse, qui sont le reflet de l'activité de chacun, qu'il n'est pas contestable que Mme [T] a tenu la comptabilité de la succursale française, d'une manière accrue avec le départ de Mme [D] qui s'est traduit, pour elle, notamment par un transfert de charges en matière de comptabilité ainsi qu'en atteste le mail du 22 décembre 2004 de Mme [X]. Si nombre de ses tâches continuent à ressortir du domaine comptable, y compris lorsqu'il s'agit d'indemnités de chômage, il apparaît que Mme [T] a assumé, souvent d'ailleurs en lien direct avec M. [C], qui est le directeur de la succursale, d'autres fonctions, concernant notamment la stratégie à adopter relative à une promesse d'embauche (cas de M. [M]), l'organisation d'élections professionnelles, la préparation d'une lettre de licenciement (Melle [O]), un rôle central en lien avec l'Ursaff dans le cadre d'un contrôle mené en 2010. Ses fonctions comptables la mettent en lien avec des interlocuteurs aux Pays-Bas (Mme [P] par exemple).

Il s'ensuit que, par le champ d'activité investi par Mme [T], sa proximité hiérarchique avec le directeur de la succursale, ses contacts à l'étranger, notamment en Europe, ceux établis en France avec l'administration, Mme [T] exerce des fonctions et des responsabilités qui excèdent le seul champ de l'activité comptable, ce même en l'absence de subordonnés à encadrer.

Il ressort des débats que depuis le départ de Mme [D], dont il est constant qu'elle n'a pas été remplacée, Mme [T] apparaît comme la seule interlocutrice de la direction, en matière comptable.

Il s'ensuit, qu'en dépit des termes du contrat de travail qui la cantonnent à des fonctions de comptable, Mme [T] a exercé, toutes choses égales par ailleurs, au sein de la succursale française, des fonctions de responsable de service, ce que corroborent les cartes de visite établies au nom de Mme [T] dès 2005 sous la qualité de 'Financial Controller' ou de 'responsable financier', à la demande de M.[W], adjoint du directeur (pour la France) et que c'est à juste titre que Mme [T] revendique son classement au sein du niveau VIII, échelon 3, ce en dépit des dénégations infondées de l'employeur.

En revanche, si l'on se réfère à l'organigramme de l'année antérieure au départ de Mme [D], il apparaît que Mme [T] n'a pas occupé, au départ de celle-ci l'intégralité de ses fonctions et responsabilités consistant non seulement à diriger le département des finances, mais également celui du personnel et celui de la logistique, dont pour ce dernier au moins, Mme [T] ne prétend pas avoir été chargée.

Il s'ensuit que Mme [T] ne peut arguer de la situation de Mme [D], non comparable à la sienne, pour revendiquer le même salaire.

Compte-tenu du fait qu'il n'est pas contesté que sur toute la période litigieuse, Mme [T] a perçu une rémunération supérieure au minimum conventionnel afférent au niveau VIII, échelon 3, il résulte de ce qui précède que Mme [T] ne peut qu'être déboutée de sa demande de rappels de salaire à ce titre, outre de sa demande de dommages et intérêts qui lui est accessoire, ainsi que de celle de 1 000 € bruts par mois à compter du 1er janvier 2010 jusqu'à la décision à intervenir et 100 € au titre des congés payés afférents.

* sur les rappels de primes d'intéressement pour les 4 années de 2008 à 2012

Se fondant sur un usage en vigueur au sein de la société Panasonic BV, Mme [T], qui rappelle avoir perçu une prime d'intéressement pour les années 2004 à 2008, en réclame le paiement pour les années ultérieures jusqu'en 2012.

Contestant la réalité de l'usage invoqué, la société Panasonic BV fait valoir que la prime litigieuse ne présente pas les caractères de constance, de fixité (dans les modalités de calcul, dans les moments du paiement, ni dans les montants payés aux salariés) et qu'elle a, au contraire un caractère discrétionnaire. Elle ajoute qu'en arrêt pour maladie, la salariée a perçu une faible prime en 2011 et aucune prime d'intéressement en 2012.

En application de l'article L1221-1 du code du travail, l'usage se caractérise par sa constance, sa généralité, et par sa fixité, notamment dans son montant.

En l'espèce, le tableau produit aux débats par Mme [T], qui récapitule les versements obtenus par salarié depuis 2005, montre que tous les salariés de la succursale n'ont pas, chaque année perçu la prime en cause, laquelle n'est pas arrêtée à un montant fixe. Ainsi de 2005 à 2008, 6 salariés, parmi lesquels MM.[S], [A], ....n'ont perçu aucune prime d'intéressement, Mme [H] n'en a bénéficié qu'en 2007/2008, Mme [B], n'en a plus bénéficié à compter de 2006 ; de même les montants alloués sont-ils variables, selon les salariés et selon les années : Mme [T] a perçu une prime d'intéressement de 5 000 € en 2005 et de 4 500 € en 2006/2007, puis de 4 600 € en 2007/2008 ; M.[F] a bénéficié d'une prime de 1 000 € en 2006/2007 et de 2 000 € en 2007/2008,.......

Il résulte donc de ce qui précède que la prime réclamée qui ne présente pas les caractères de fixité, de généralité et de constance requis par le texte précité, ne caractérise pas l'existence d'un usage.

Il s'ensuit que c'est à tort que sur ce fondement, Mme [T] réclame un rappel de prime d'intéressement. Elle ne peut donc qu'en être déboutée, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts qui lui est accessoire.

* sur le rappel d'heures supplémentaires et les congés payés afférents

En application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En outre, l'absence d'autorisation préalable des heures supplémentaires n'exclut pas en soi un accord tacite de l'employeur.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les horaires de travail de Mme [T] étaient les suivants : du lundi au jeudi de 8h30 à 12h30 et de 13h30 à 17h30 et le vendredi de 8h30 à 12h30 et de 13h30 à 16h30.

Au soutien de sa demande Mme [T] verse aux débats :

- un tableau récapitulatif des heures supplémentaires pour les années 2004 à 2009, mois par mois et jour par jour

- des travaux effectués par Mme [T] horodatés, dont il résulte qu'ils ont été établis le plus souvent après 18h00, alors que la fin de journée de la salariée se situe à 17h30 du lundi au jeudi et à 16h30 le vendredi, même s'il prend en compte le battement de 30 minutes, invoqué par l'employeur au terme duquel, selon lui aucune heure supplémentaire ne peut être prise en compte en deçà de 18h00.

- le rapport mensuel établi le 3 avril 2006 par M.[C], directeur de la succursale en France et supérieur hiérarchique de Mme [T] dans lequel il est énoncé que le service comptabilité a 'même travaillé ce week-end'.

Il ressort de ces éléments sérieux, que la cour retient, en l'absence de contestations sérieuses de la part de la société Panasonic BV, que Mme [T] étaye valablement et de manière suffisamment précise sa demande de paiement d'heures supplémentaires.

L'employeur qui soulève la prescription quinquennale, et conteste l'existence des heures supplémentaires alléguées, ne produit aucun élément de nature à permettre à la cour d'aboutir à une évaluation fiable et complète des heures effectivement réalisées par la salariée.

Compte tenu du fait qu'il n'est pas contesté que Mme [D] n'a pas été remplacée, que Mme [T] a exercé des tâches sur un périmètre plus large que la seule comptabilité, l'engageant sur un travail plus lourd, la cour, au vu des éléments produits aux débats par la salariée, a la conviction que celle-ci a effectué des heures supplémentaires dont elle relève que certaines ont été admises par l'employeur lui-même dans le document officiel d'avril 2006.

Compte tenu de ces éléments, la cour retient, sur la période non couverte par la prescription, qui commence le 11 août 2004, sachant que le conseil des prud'hommes a été saisi par Mme [T] le 11 août 2009, les heures supplémentaires suivantes au bénéfice de Mme [T] :

- année 2004 : 77 heures au taux majoré de 25% et 11 heures au taux majoré de 50% soit 1 780,63 €

- année 2005 : 186 heures au taux majoré de 25% et 40 heures au taux majoré de 50%, soit 4 783,04 €

- année 2006 : 183 heures au taux majoré de 25% et 46 heures au taux majoré de 50%, outre 7 heures au taux majoré de 100%, soit 5 352,06 €.

- année 2007 : 182 heures au taux majoré de 25% et 33 heures au taux majoré de 50%, soit 5 256,35 €

- année 2008 : 192 heures au taux majoré de 25% et 31 heures au taux majoré de 50%, soit 5 888,81 €

- année 2009 : 56 heures au taux majoré de 25% et 9 heures au taux majoré de 50%, soit 1 734,11 €.

* sur le travail dissimulé

En application de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour l'employeur notamment de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. L'article L 8223-1 du code du travail sanctionne le travail dissimulé, 'd'une indemnité forfaitaire allouée au salarié égale à 6 mois de salaire, à moins que l'application d'autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable'.

Compte-tenu de ce que les heures supplémentaires se présentent de manière générale, certes, dans la durée mais faibles dans leur dépassement, la volonté de l'employeur de recourir au travail dissimulé n'apparaît pas en toute certitude.

Il convient donc de débouter Mme [T] de ce chef.

* sur le harcèlement moral

En application des articles L1152-1 et suivants du code du travail ' aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

En outre, l'article L.1152-4 du même code prescrit au chef d'entreprise de prendre toute dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements précités.

Enfin, en cas de litige, en application de l'article L 1154-1 du code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utile.

Mme [T] fait valoir avoir subi des faits de harcèlement moral de la part M. [C], à compter d'un mail en date du 7 avril 2009, que celui-ci lui a adressé, en refusant la prime d'intéressement qu'elle lui demandait dans un mail précédent. Elle indique avoir été menacée d'être licenciée, dans ce mail de M.[C] qui lui a, par la suite, en outre, adressé des reproches par mail du 27 avril suivant, puis à nouveau dans un mail du 3 décembre 2009. Elle ajoute avoir été, pour la première fois, le 28 août 2009, mise à l'écart, après avoir été destinataire des règles de clôture de l'Allemagne. Elle conclut que l'ensemble de ce comportement, qui caractérise un harcèlement, a été à l'origine de problèmes de santé graves, notamment une dépression, survenus à compter du 30 avril 2009, qui ont conduit directement à son licenciement pour inaptitude.

Au soutien de ses affirmations, Mme [T] produit aux débats :

- le mail litigieux du 7 avril 2009, par lequel M. [C] en réponse à un précédent message de Mme [T] , l'informe de l'impossibilité pour l'entreprise de verser en 2009 un bonus à ses salariés, en France et aux Pays-Bas

- le mail litigieux en date du 27 avril 2009, dans lequel, en réponse à un précédent message de Mme [T] dans lequel celle-ci se plaint d'être seule à l'exécution des tâches du service de la comptabilité, M. [C] estime Mme [T] 'injuste avec lui' en lui indiquant qu'il ne l'a laisse pas seule et lui envoie un salarié pour la seconder pour l'élaboration du rapport mensuel.

- le mail litigieux daté du 25 juin 2009, adressé par Mme [T] à M.[C] par lequel celle-ci rappelle son engagement dans l'entreprise, malgré la surcharge de travail provoquée par le départ de Mme [D] et le caractère injuste du non paiement de la prime en 2009. Elle revendique une classification supérieure, le salaire afférent, et fait état du comportement désagréable et violent (jet brutal de papiers sur le bureau) de M.[C] à son égard.

- le courrier de la société Panasonic BV, en date du 18 août 2009, adressé à Mme [T] en réponse au précédent, par lequel M.[C] conteste toutes les allégations de sa salariée.

- un échange de mails entre Mme [T] et M.[C] entre le 29 septembre et le 16 octobre 2009, dans lesquels s'exprime leur désaccord sur la qualification des fonctions occupées par Mme [T] (comptable/responsable financier), sur le fait que celle-ci soit ou non destinataire des règles de clôture de l'Allemagne, un mail annexé établissant qu'elle en a bien été destinataire en 2005.

Il ressort de l'ensemble des pièces versées aux débats, comportant notamment de très nombreux échanges de mails entre M.[C] et Mme [T], que depuis l'arrivée de M.[C] au sein de la succursale française en 2004, tous deux ont entretenu des relations de travail ordinaires et courtoises ; que la tension s'est fait jour entre eux, à compter du 7 avril 2009, avec le refus de M.[C] d'accorder à Mme [T] la prime d'intéressement qu'elle a réclamée.

Toutefois, la lecture du mail litigieux qui a pour vocation d'expliquer à Mme [T] les raisons d'ordre économique de l'absence de prime en 2009, ne constitue en rien une menace de licenciement à l'égard de Mme [T] , contrairement à ce que celle-ci prétend. Le message met en exergue que le paiement de bonus conduirait au licenciement de personnels en France et qu'il n'y aurait plus qu'à fermer la succursale française. Mme [T] ne saurait tirer davantage argument de la formulation de M.[C] 'vous n'êtes pas juste avec moi' dans le propos relaté consistant, au contraire, à insister sur les mesures prises par M.[C] pour aider Mme [T] dans l'accomplissement de ses tâches.

Par ailleurs, la cour relève qu'aucun des griefs invoqués par Mme [T] à l'encontre de M.[C] dans son mail du 25 juin 2009 et que celui-ci conteste dans le courrier ultérieur du 18 août 2009, n'est corroboré par des éléments de preuve.

Enfin, s'agissant de la contestation dont se sont emparées les parties au sujet des règles de clôture de l'Allemagne, la cour n'est pas en mesure de conclure qu'il s'agit là d'une mise à l'écart de Mme [T], d'autant que celle-ci ne justifie d'avoir été destinataire des règles litigieuses, qu'une seule année, en 2005.

Il résulte donc de ce qui précède, qu'aucun des faits invoqués par Mme [T] au soutien de ses allégations de harcèlement, n'est avéré, ce nonobstant la réalité du sentiment d'injustice ressenti par Mme [T] dont les débats laissent apparaître qu'il a été à l'origine de sa dépression.

Il s'ensuit que Mme [T] qui n'apporte pas la preuve de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement, ne peut qu'être déboutée de sa demande de ce chef et de sa demande de nullité du licenciement.

- Sur le licenciement

L'article L 1226-2 du code du travail prévoit qu''à l'issue des période de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Le contrat de travail du salarié peut être suspendu pour lui permettre de suivre un stage de reclassement professionnel'. La sanction de la violation de l'obligation de reclassement ne peut donner lieu qu'au versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il est constant que Mme [T] a été licenciée pour inaptitude définitive. Mme [T] reproche à son employeur de n'avoir pas exécuté sérieusement et loyalement l'obligation de reclassement mise à sa charge.

L'employeur qui conteste cette allégation et soutient avoir rempli son obligation à ce titre, conclut au bien fondé du licenciement prononcé en l'absence de reclassement possible.

A l'appui de son affirmation, la société Panasonic BV produit aux débats les messages adressés aux entreprises du groupe les sollicitant pour un éventuel reclassement de Mme [T].

La cour relève que le message adressé à Panasonic France, situé à [Localité 6], est précis en faisant état, notamment, du métier de Mme [T] . En revanche, le message envoyé aux autres entreprises du groupe à travers l'Europe, en des termes identiques, ne mentionne pas même que celle-ci est comptable, ni même les fonctions dernièrement occupées par elle ; il fait état uniquement de son inaptitude physique à exercer dans la succursale française. Aucun curriculum vitae n'est transmis à l'appui de cette sollicitation.

Il s'ensuit qu'étaient vouées à l'échec les recherches de reclassement de la société Panasonic BV vers ses autres filiales européennes, sans précision du profil professionnel de Mme [T], son inaptitude étant au contraire mise en avant.

Il ressort de ce qui précède que la société Panasonic BV n'a pas entrepris des recherches loyales et sérieuses en vue du reclassement de sa salariée.

Le licenciement de Mme [T] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Cette situation donne droit à Mme [T] à percevoir une indemnité pour le préjudice subi du fait de la perte de son emploi que la cour est en mesure d'évaluer, au vu des éléments produits aux débats, notamment sur l'ancienneté de Mme [T] et de son âge au moment de son licenciement, à la somme de 40 000 €.

En revanche, Mme [T] qui n'a pas effectué de préavis ne peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de ce chef. Elle est donc déboutée de sa demande de ce chef.

- Sur la remise des documents sociaux conformes

Compte-tenu de ce qui précède, il convient d'ordonner la remise des documents sociaux conformes, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.

- Sur la demande reconventionnelle de la société Panasonic BV

Compte-tenu de ce qui précède, la société Panasonic BV ne saurait obtenir le remboursement de sommes qu'elle a à juste titre payée. Elle ne peut donc qu'être déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que Mme [V] [T] relève de la classification cadre niveau VIII, échelon 3 de la convention collective du commerce de gros complété par l'Accord du 5 mai 1992

Condamne la société Panasonic BV à payer à Mme [T] au titre des heures supplémentaires :

- année 2004 :77 heures au taux majoré de 25% et 11 heures au taux majoré de 50% soit 1 780,63 €

- année 2005 : 186 heures au taux majoré de 25% et 40 heures au taux majoré de 50%, soit 4 783,04 €

- année 2006 : 183 heures au taux majoré de 25% et 46 heures au taux majoré de 50%, outre 7 heures au taux majoré de 100%, soit 5 352,06 €.

- année 2007 : 182 heures au taux majoré de 25% et 33 heures au taux majoré de 50%, soit 5 256,35 €

- année 2008 : 192 heures au taux majoré de 25% et 31 heures au taux majoré de 50%, soit 5 888,81 €

- année 2009 : 56 heures au taux majoré de 25% et 9 heures au taux majoré de 50%, soit 1 734,11 €.

Ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 12 août 2009, date de la convocation de la société Panasonic BV devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes,

Dit que le licenciement de Mme [T] est sans cause réelle et sérieuse

Condamne la société Panasonic BV à payer à Mme [T] la somme de 40 000 € en application de l'article L1235-3 du code du travail, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Dit que les intérêts échus pour une année entière seront capitalisés en application de l'article 1154 du code civil,

Déboute Mme [T] pour le surplus,

Déboute la société Panasonic BV de sa demande reconventionnelle,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Panasonic BV à payer à Mme [T] la somme de 2 500€,

La déboute de sa demande de ce chef,

Condamne la société Panasonic BV aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/05536
Date de la décision : 07/03/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°11/05536 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-07;11.05536 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award