RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 07 Mars 2013
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/03434
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Avril 2010 par le conseil de prud'hommes de MELUN section commerce RG n° 06/00277
APPELANTS
Monsieur [H] [U], décédé
[Adresse 3]
[Localité 6]
Madame [V] [W] veuve [U] ayant droit de M. [H] [U] décédé
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Bernard SERVET, avocat au barreau de MELUN, toque : M59 substitué par Me Nathalie DUQUESNE, avocat au barreau de MELUN
Monsieur [N] [U] ayant droit de M. [H] [U] décédé
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Bernard SERVET, avocat au barreau de MELUN, toque : M59 substitué par Me Nathalie DUQUESNE, avocat au barreau de MELUN
Monsieur [O] [U] ayant droit de M. [H] [U] décédé
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par Me Bernard SERVET, avocat au barreau de MELUN, toque : M59 substitué par Me Nathalie DUQUESNE, avocat au barreau de MELUN
INTIMEE
SA ECF
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par Me Philippe AZAM, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 31 Janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine MÉTADIEU, Présidente
Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Les ayants-droit de [H] [U], décédé le [Date décès 2] 2011, [V] [W], sa veuve, [N] et [O] [U] ses fils, exposent que leur mari et père a été engagé par la société Hepner par l'intermédiaire de la société d'intérim Creyf's Interim selon un contrat de mission pour la journée du 15 mars 2001, aux fins d'utilisation d'une transpalette électrique, que cette mission a été suivie de 18 autres contrats de même nature et aux même fins, qu'en fait ces missions étaient exécutées sous la seule responsabilité de la S.A. ECF, entreprise utilisatrice, que ce n'est qu'à compter du 1er juin 2002 qu'un contrat de travail à durée indéterminée a été conclu avec la S.A. ECF.
Ils font valoir que [H] [U] a dû prendre en charge, à compter de janvier 2004, les tâches exécutées par un collègue de travail faisant l'objet d'un arrêt de travail pour cause de maladie, qu'il a sollicité par courrier du 7 mars 2005, mais en vain, une régularisation de sa situation, qu'il a donc saisi le conseil de prud'hommes de Melun le 4 avril 2006 d'une demande de résiliation du contrat de travail aux torts de la S.A. ECF et sollicité le paiement de rappel de salaires de nuit et des congés payés afférents, d'heures supplémentaires et congés payés afférents, de repos compensateur, de la prime d'ancienneté, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la remise des documents sociaux, d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.A. ECF quant à elle soutient qu'elle a engagé [H] [U] à compter du 3 juin 2002 en qualité d'agent de quai selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 29 mai 2002, qu'un nouveau descriptif 'valant avenant' a été signé le 12 octobre 2005, ce dernier devenant 'chargé des relations livreurs et artisans', que son salaire contractuel a été porté le 4 avril 2006 à la somme de 1 913,43 € mensuels bruts.
Elle fait valoir qu'avant d'être engagé par elle, [H] [U] a été mis à sa disposition par la société Creyf's Interim du 4 mars au 5 avril 2002, du 6 au 12 avril 2002, puis du 1er mai au 17 mai 2002, et du 21 au 31 mai 2002, que la société HEPPNER pour laquelle [H] [U] a effectué des missions n'a pas de lien juridique avec elle.
Le 1er juillet 2008, et par conséquent après la saisine du conseil de prud'hommes, [H] [U] a été convoqué pour le 10 juillet suivant à un entretien préalable à un éventuel licenciement, a été mis à pied à titre conservatoire et a reçu notification de son licenciement pour faute grave par lettre recommandée, datée du 18 juillet 2008.
Par jugement en date du 12 février 2010, le conseil de prud'hommes en sa formation de départage, a débouté [H] [U] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.
[H] [U] a relevé appel de cette décision, l'instance étant reprise par ses ayants-droit, [V] [J] [W] épouse [U], [N] [U] et [O] [U].
Ces derniers demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :
Statuant à nouveau,
Sur les demandes principales
- condamner la société ECF à leur verser la somme de 2.028,48 € au titre de l'indemnité de requalification et subsidiairement à la somme de 2.028,48 € au titre de l'indemnité de
précarité,
- reconnaître à [H] [U] la classification niveau 6-échelon 2,
- ordonner à ce titre la rectification de ses bulletins de salaires , sous astreinte de 200 € par jour de retard après expiration d'un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt
- condamner la société ECF à leur verser les sommes de :
' 3 088,83 € au titre des heures supplémentaires pour l'année 2004,
' 681,25 € au titre des heures supplémentaires pour l'année 2005,
' 308,88 € au titre des congés payés y afférents pour l'année 2004,
' 68,12 € au titre des congés payés y afférents pour l'année 2005,
- juger que [H] [U] n'a pas bénéficié du repos quotidien imposé par l'article L.3131-1 susvisé,
- condamner la société ECF à leur verser la somme de:
' 1,83 € au titre du rappel des heures de nuit 2006 et 0,18 € au titre des congés payés y
afférents,
' 121,83 € au titre du rappel des heures de nuit 2007 et 12,18 €, au titre des congés
payés y afférents,
' 29,95 € au titre du rappel des heures de nuit 2008 et 2,99 €, au titre des congés payés
y afférents.
- condamner la société ECF à leur verser la somme de 753,56 € au titre des repos compensateur,
- condamner la société ECF à leur verser la somme de 12.134,88 € au titre de l'indemnité de travail dissimulé,
- ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail de [H] [U] aux torts
de la société ECF
En conséquence,
- condamner la société ECF à leur verser les sommes suivantes :
' 4 044,96 € au titre de l'indemnité de préavis,
' 404,49 € au titre des congés-payés sur préavis,
'1 213,48 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement (à déduire le cas
échéant de l'indemnité de travail dissimulé),
'24 269,76 € à titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre de [H] [U]
- annuler la sanction disciplinaire de mise à pied prononcée par la Société ECF à l'encontre
de feu Monsieur [H] [U] le 3 juin 2008,
En conséquence,
- condamner la Société ECF à leur verser la somme de 540,45 € outre les congés payés y afférents à hauteur de 54,04 €,
- juger que le licenciement prononcé par la Société ECF est sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- condamner la Société ECF à leur verser les sommes suivantes :
' 4 044,96 € au titre de l'indemnité de préavis,
'404,49 € au titre des congés-payés sur préavis,
'1 213,48 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
'24 269,76 € à titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- juger que toutes les condamnations prononcées à l'encontre de la Société ECF produiront intérêt au taux légal à compter du 4 avril 2006, date de la saisine du conseil de prud'hommes de MELUN,
- condamner la Société ECF au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu' aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
La S.A. ECF conclut au débouté des héritiers de [H] [U] de l'ensemble de leurs demandes, à l'exclusion de celle portant sur le repos compensateur pour heures de nuit et demande à la cour faisant partiellement droit à leur demande, de leur attribuer au titre de ce repos compensateur les sommes suivantes :
' 152,60€ au titre de de l'année 2004,
' 170,66€ au titre de l'année 2005,
' 173,74€ au titre de l'année 2006,
' 88,47€ au titre de l'année 2007,
soit une somme globale de 585,41€.
Elle sollicite également la condamnation des consorts [U] au paiement de la somme de 3000€ au titre du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.
MOTIVATION
Sur la requalification des contrats d'interim :
L'existence d'un contrat travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
En l'espèce, s'il résulte de l'examen des contrats de mission temporaire, versés aux débats à compter du 15 mars 2001 que [H] [U] a été mis, par la société d'interim Creyf's à la disposition de l'entreprise Hepner , il est en revanche fait mention de ce que le lieu de travail était situé à [Localité 8]'Heppnr Ets Chommette', dont il n'est pas contesté qu'il s'agit du siège de la S.A. ECF mais surtout que le contact de [H] [U] en tant que représentant ou 'personne à demander'. est, à l'exception d'un seul contrat, M. [A], responsable transport de ECF.
C'est en cette qualité qu'il apparaît sur le tampon humide apposé sur les relevés d'heures individuels remis à [H] [U], l'entreprise utilisatrice désignée étant la société ECF ou à deux reprises ECF Chomette ou Chomette, avec cette particularité que l'entreprise Chomette est domiciliée [Adresse 1], adresse de la S.A. ECF.
Il résulte par conséquent de l'ensemble de ces éléments que [H] [U] était placé sous l'autorité d'un salarié de la S.A. ECF et qu'en réalité, même si l'entreprise HEPNER était mentionnée dans le contrat de mission comme entreprise utilisatrice, il n'existait dans les faits de lien de subordination qu'avec la seule S.A. ECF, laquelle déterminait les conditions d'exécution de son contrat de travail.
Il est établi que [H] [U] a travaillé de manière quasi ininterrompue à compter du 15 mars 2001 pour le compte de la S.A. ECF.
Il convient donc, infirmant le jugement entrepris, de requalifier les contrats de mission de [H] [U] en contrat de travail à durée indéterminée et faisant application des dispositions de l'article L.1251-41 du code du travail de condamner la S.A. ECF à verser aux consorts [U] la somme de 1 600 € à titre d'indemnité de requalification.
Sur la classification de [H] [U] :
[H] [U] estime qu'en application de l'article 3 de la convention collective applicable il aurait dû recevoir la classification qui était celle de M. [T] pour l'avoir remplacé à compter de mars 2004, ce dernier n'ayant jamais repris son travail, et qu'il aurait dû être classé au niveau VI échelon 2.
La S.A. ECF conteste cette demande au motif que cette classification aurait nécessité que ce dernier encadre du personnel, ce qui selon elle n'est pas le cas, et que de plus les fonctions de M. [T] ont été réparties entre S.A. ECF et M. [L] récruté à cette fin.
Selon l'employeur, [H] [U] qui occupait la fonction de chargé des relations livreurs et artisans, relevait du niveau IV échelon 2.
Il n'est pas contestable que [H] [U] a dû remplacer M. [T], agent de quai.
Cependant les consorts [U] n'apportent aucun élément permettant de :
- contredire les attestations versées aux débats par la S.A. ECF, notamment l'attestation d'[B] [A] dont rien ne permet de contester la sincérité qui atteste de ce que les tâches de M. [T] ont été réparties dans un premier temps entre [H] [U], M. [I] et lui-même, un salarié, M. [C], ayant été ensuite embauché pour épauler celui-ci, observation étant faite que conformément à l'article 36 de la convention collective, l'intéressé a perçu une indemnité spéciale de 200 €
- établir qu'il y a eu remplacement, au sens du dernier alinéa de cet article, dans l'exercice complet des fonctions correspondant à un emploi d'un niveau supérieur devenu vacant à titre définitif.
Il n'est de plus pas justifié de ce que [H] [U] encadrait une équipe de plus de cinq personnes.
De sorte que c'est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a débouté ce dernier de sa demande de requalification au niveau VI échelon 2.
Sur les heures supplémentaires :
La durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-10 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L.3121-22 du code.
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce, les appelants exposent que [H] [U], dont l'horaire de travail était fixé de 3 h30 à 10 h30 travaillaient en plus l'après-midi pour :
- la réception téléphonique des récapitulatifs
- l'organisation des tournées, l'optimisation selon le nombre de clients/colis/poids/ secteur et nombre de chauffeurs, la prise de contact téléphonique avec les chauffeurs ce qui correspondait selon lui à une heure de travail supplémentaire par jour.
Ils soulignent le fait que l'employeur a toujours assimilé son temps de pause à du travail effectif, dans le mesure où [H] [U] devait rester sa disposition.
Pour étayer ses dires, les consorts [U] produisent notamment :
- les lettres de réclamation que [H] [U] a adressées à la S.A. ECF en cours d'exécution du contrat de travail
- plusieurs attestations.
M. [R] qui avait remis une attestation à [H] [U] en mars 2006 en a établi une seconde en juin 2006 à l'intention de l'employeur.
S'il déclare revenir sur son précédent écrit, il indique toutefois que [H] [U] 'intervenait le soir au téléphone pour les tournées du lendemain matin ou pour les jours de non-travail pour manque de volume', cette intervention ayant selon lui été limitée à quelques mois avant le départ en septembre 2005 de M. [A].
M. [F], transporteur confirme que 'vers 18 h, M. [U] me tient au courant du travail pour le lendemain'.
Le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.
L'employeur expose que [H] [U] travaillait 6 heures 40 de manière effective, qu'à compter de janvier 2007, son horaire de travail a été modifié (3h50/10h50 au lieu de 3h30/10h30), qu'il avait la libre disposition de son temps pendant les pauses, et qu'il devait organiser l'après-midi les tournées des chauffeurs, par téléphone, ce temps de travail étant comptabilisé pour 20 minutes par jour travaillé.
L'employeur produit :
- les feuilles de présence service logistique de 2007 et 2008
- le justificatif des appels téléphoniques passés par [H] [U] à partir de son téléphone portable
- le rappel à l'ordre en date du 25 janvier 2006, remis en mains propres à l'intéressé l'invitant à respecter le pointage, 'le matin en arrivant, le soir en partant, au début et à la fin des pauses', rappel étant fait que le non-respect de cette procédure pouvant conduire à des sanctions disciplinaires.
L'examen des factures de téléphone d'avril à 2004 et juin 2005 à mai 2006 permettent de constater que [H] [U] ne consacrait pas plus de 20 minutes à organiser les tournées du lendemain.
Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction que [H] [U] n'a pas effectué les heures supplémentaires alléguées.
Sa demande relative aux heures supplémentaires doit par conséquent être rejetée.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur les heures de nuit :
Les consorts [U] exposent que [H] [U] accomplissait quotidiennement deux heures 30 de travail de nuit chaque jour, soit 12 h 30 par semaine, alors que la S.A. ECF ne comptabilise que 11 heures, et sollicitent un rappel des heures de nuit de 2006 à 2008.
La S.A. ECF rappelle qu'à compter du 1er janvier 2007, l'horaire du début de travail de [H] [U] a été modifié, passant à 3 h 50.
Il convient de débouter les appelants de leurs demandes au titre des années 2006, 2007 et 2008, dès lors que [H] [U] ayant bénéficié d'une majoration sur la base arrondie de 13 heures au titre de l'année 2006 et de 11 heures pour les années 2007 et 2008.
Sur les repos compensateur :
La S.A. ECF reconnaît devoir aux héritiers de [H] [U], au titre du repos compensateur pour heures de nuit la somme globale de 585,41€ soit 152,60€ au titre de l'année 2004, 170,66€ au titre de l'année 2005, 173,74€ au titre de l'année 2006, 88,47€ au titre de l'année 2007, au paiement de laquelle elle sera condamnée, les consorts [U] étant déboutés de leur demande au titre de l'année 2008 dès lors que [H] [U] n'a effectué que 234 heures de travail de nuit.
Sur le travail dissimulé :
C'est par de justes motifs que la cour adopte que le conseil de prud'hommes a débouté les consorts [U] de leur demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé dès lors que leur demande relative au paiement d'heures supplémentaires a été rejetée et que le seul non-paiement des sommes dues au titre du repos compensateur pour heures de nuit ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi ou intention frauduleuse de la part de l'employeur.
Sur la mise à pied :
Le 3 juin 2008, [H] [U] a fait l'objet d'une mise à pied de quatre jours du 5 au 10 juin 2008 sanctionnant les faits suivants :
'- Laissé faire un trafic de palettes en ne respectant pas les consignes de travail
- Manquement à son obligation de discrétion envers l'entreprise'.
[G] [S] indique avoir vu, lors de sa formation entre le 10 et 19 mars 2008, M. [P], salarié de la société FSB, emporter des palettes consignées, lors du chargement de ses marchandises, ce dernier lui ayant dit qu'un certain M. [H], travaillant pour l'entreprise Chomette, propriétaire des palettes, était au courant.
Le témoin n'a pas constaté par lui-même les faits qu'il rapporte, de sorte que son témoignage, en ce qu'il est indirect, est dépourvu de toute force probante.
En revanche, il résulte du courrier circonstancié de [N] [M] que [H] [U] n'interdisait pas à M. [P] avec lequel il a pu constater qu'il entretenait des relations de proximité, de charger les palettes dans son camion ainsi qu'il le faisait avec lui-même.
Le premier grief est établi et la sanction fondée.
Sur la rupture du contrat de travail :
Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.
C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.
Le seul manquement de la S.A. ECF consistant à ne pas avoir régler les sommes dues à [H] [U] au titre du repos compensateur pour heures de nuit ne présente pas un caractère de gravité tel qu'il justifie le prononcé de la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.
La S.A. ECF a, le 18 juillet 2008, notifié à [H] [U] son licenciement pour faute grave le 18 juillet 2008.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée en ces termes :
'... nous avons pris la décision de vous licencier pour la faute grave suivante : proposition illicite de sortie de marchandise appartenant à l'entreprise.
En effet les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :
- le 27 mai vous avez proposé de la marchandise au chauffeur de la société COLISTIK, M. [K] [D],
- une autre proposition du même type a été faite auprès du chauffeur de la société COLISOLUTION, M. [X] [E]. Ces deux personnes, ainsi que l'employeur de M. [K] [D] nous ont fait part de ces éléments par écrit, qui m'ont été remis le 30 juin 2008".
[H] [U] a toujours contesté ces griefs.
Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
La S.A. ECF verse aux débats deux attestations.
Celle de [K] [D] est datée du 21 juin 2008.
Or celui ci relate des faits dont il a été témoin le 27 mai 2008 à savoir que[H] [U] lui a proposé de la marchandise sans autre précision quant à sa nature; qu'il a refusée en raison de 'la nature litigieuse des événements' ajoutant toutefois: 'il est vrai que les faits remontent un peu, et très honnêtement, ma situation familiale de l'époque comme à ce jour était assez compliquée; Les faits en question ne m'ont pas laissé de souvenirs intarissables'.
Interrogé par son employeur le gérant de la société Colistik, ce dernier lui a confirmé que [H] [U] lui avait proposé un carton de porcelaine le 27 mai 2008 au matin.
[X] [E] a, quant à lui, adressé le 3 juin 2008, un courrier à la S.A. ECF lui indiquant que [H] [U] lui a proposé de la marchandise, en l'occurrence de la vaisselle, ce qui n'avait rien à voir avec sa tournée.
Il précise qu'il était 'évident qu'il s'agissait de procédés illicites', bien que l'intéressé n'ait pas fait mention de prix.
Ce témoin a, en outre, adressé le 10 octobre 2008 une lettre manuscrite à la S.A. ECF, que [H] [U] avait tenté de le contacter et lui avait laissé un message exprimant son mécontentement 'concernant le témoignage en sa défaveur'.
La S.A. ECF apporte donc la preuve des faits reprochés à [H] [U] dont la gravité est telle qu'ils rendaient impossible son maintien dans l'entreprise et justifiait la cessation immédiate du contrat de travail.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de [H] [U] pour faute grave était fondé.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des consorts [U] à hauteur de la somme de 1 500 €.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté [H] [U] de sa demande de requalification de ses contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée et de ses demandes relatives au repos compensateur
Statuant à nouveau de ces seuls chefs
Condamne la S.A. ECF à payer à [V] [W], veuve de [H] [U], [N] [U], fils de [H] [U], [O] [U] fils de [H] [U] les sommes de :
- 1 600 € d'indemnité de requalification
- 585,41 € soit 152,60€ au titre de l'année 2004, 170,66€ au titre de l'année 2005, 173,74€ au titre de l'année 2006, 88,47€ au titre de l'année 2007
- 1 600 € en application l'article 700 du code de procédure civile
Déboute les parties du surplus de leurs demandes
Condamne la S.A. ECF aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,