Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 7
ARRET DU 20 FEVRIER 2013
(n° 8 ,5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/20294
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Septembre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/03158
APPELANTE
SA PPR représentée par son Président Directeur Général, [G] [E] agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Lionel MELUN, avocat postulant, avocat au barreau de PARIS, toque : J139,
assistée de Me Thierry LEVY, avocat plaidant, de la AARPI THIERRY LEVY & ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : P0507)
INTIMES
Monsieur [R] [X]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER), avocat postulant, (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)
assisté de Me Vincent TOLEDANO, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque : A0859 ;
Monsieur [Z] [C]
[Adresse 4]
[Localité 8]
représenté par la SCP NABOUDET - HATET (Me Caroline HATET-SAUVAL), avocat postulant, avocats au barreau de PARIS, toque : L0046,
assisté de Me Alethe MEZABYTOWSKI, avocat plaidant, barreau de Paris, toque : B990.
Société RLD PARTNERS venants aux droits et obligations de la société des EDITIONS DU CARQUOIS
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par la SCP NABOUDET - HATET (Me Caroline HATET-SAUVAL), avocat postulant, avocats au barreau de PARIS, toque : L0046,
assistée de Me Alethe MEZABYTOWSKI, avocat plaidant, barreau de Paris, toque : B990.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques LAYLAVOIX, Président de chambre
Monsieur Gilles CROISSANT, conseiller
Monsieur François REYGROBELLET, conseiller
qui en ont délibéré sur le rapport de Monsieur Jacques LAYLAVOIX, Président de chambre.
Greffiers :
lors des débats : Madame Laure JOLY
lors de la mise à disposition : Melle Fatia HENNI
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président et par Madame Fatia HENNI, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remis.
* * *
Vu le jugement prononcé le 22 septembre 2010 par le tribunal de grande instance de Paris, qui, saisi sur assignation délivrée le 15 janvier 2009 à la requête de la société PPR à [R] [X], auteur d'un ouvrage intitulé "[R] [E] : L'Empire menacé", à [Z] [C], éditeur, et à la société RLD Partners, venant aux droits de la société des Editions du Carquois, aux fins, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de les voir condamner à l'allocation d'un euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, voir ordonner une mesure de publication judiciaire dans cinq journaux et une mesure d'expertise pour évaluer son préjudice matériel, a débouté la société PPR de ses demandes, l'a condamnée, outre aux dépens, à payer la somme de 5000 euros à chacun des défendeurs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a ordonné l'exécution provisoire ;
Vu l'appel interjeté de ce jugement le 18 octobre 2010 par la société PPR, qui, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 26 avril 2012 et resignifiées le 3 mai 2012 :
- invoque le dénigrement fautif à son égard caractérisé par l'insertion dans la page du site Boursorama où figurait le cours de la société PPR d'un encart publicitaire de deux images, l'une portant la mention "[R] [E] et l'affaire Gucci", l'autre, " [R] [E] : l'Empire menacé", de nature à provoquer une défiance envers elle et la valeur du titre en introduisant dans l'esprit des détenteurs du titre et de ses acquéreurs potentiels une image dégradée de PPR,
- incrimine la faute de l'auteur de l'ouvrage, qui selon elle ne pouvait mettre en garde ses lecteurs sur le risque que présentait l'opération de rachat de Gucci sans indiquer qu'à la date où il se plaçait PPR avait les moyens financiers de payer les actions qu'il s'était engagé à racheter,
- prétend que l'ensemble de ces fautes lui a causé un préjudice matériel et moral en portant atteinte à son image commerciale et financière et a entraîné des dépenses de communication et de publicité destinées à maintenir et à restaurer l'image atteinte,
- prie la cour d'infirmer le jugement déféré, de condamner les intimés à lui verser la somme de un euro en réparation de son préjudice moral, d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux de son choix à concurrence de la somme de 10 000 euros, d'ordonner une expertise pour évaluer son préjudice matériel, de déclarer la société RLD Partners, venant aux droits de la société éditrice des Editions du Carquois, civilement responsable des agissements de M.[X] et de M.[C], de les condamner au paiement de la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner les défendeurs aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu les conclusions signifiées le 17 juillet 2012 par [R] [X], intimé, qui soutient que la demande de la société PPR est irrecevable à raison du non lieu définitif consécutif aux poursuites pénales engagées la société PPR contre lui pour diffusion d'informations fausses ou trompeuses prévue par l'article 465-1 du code monétaire et financier, invoque la nullité de l'assignation motif pris du détournement des règles de procédure contenues dans la loi du 29 juillet 1881, fait valoir que l'action engagée est attentatoire à la liberté d'expression, poursuit la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société PPR de ses demandes et l'a condamné aux dépens et à une indemnité de procédure de 5000 euros, le réformant pour le surplus, prie la cour de déclarer la société PPR irrecevable en son action, de prononcer la nullité de l'acte introductif d'instance, de déclarer l'action prescrite et de condamner la société PPR aux dépens et à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 8000 euros pour ses frais hors dépens ;
Vu les conclusions signifiées le 26 octobre 2011 par [Z] [C] et par la société RLD Partners, intimés, qui pour l'essentiel font leurs les motifs du jugement, poursuivent l'infirmation partielle du jugement déféré et sollicitent la condamnation de la société PPR à leur payer à chacun la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral qu'ils ont subi, celle de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et demandent à la cour d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux de son choix et de condamner celle-ci aux dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 5 décembre 2012 ;
Considérant que la fin de non recevoir soulevée par [R] [X] et tirée du non lieu définitif consécutif aux poursuites pénales engagées par la société PPR contre lui pour diffusion d'informations fausses ou trompeuses prévue par l'article 465-1 du code monétaire et financier n'est pas fondée et sera rejetée pour les motifs pertinents retenus par le tribunal et approuvés par la cour, puisque la société PPR ne qualifie pas les fautes qu'elle lui reproche sur le fondement de l'article 1382 du code civil de diffusion d'informations fausses ou trompeuses au regard des prescriptions du code monétaire et financier, mais plutôt de dénigrement par la diffusion d'informations pessimistes et volontairement incomplètes ;
Considérant que la faute ainsi qualifiée par la société PPR n'entrant pas dans les prévisions des infractions au droit de la presse définies par la loi du 29 juillet 1881, [R] [X] ne peut valablement se prévaloir de l'inobservation des prescriptions procédurales de cette loi pour fonder sa demande d'annulation de l'acte introductif d'instance ;
Considérant qu'en l'absence de faute caractérisée par la diffusion d'informations fausses ou trompeuses prévue par l'article 465-1 du code monétaire et financier et alors que la société PPR n'a invoqué aucun grief à l'encontre de l'auteur de l'ouvrage et de son éditeur pour atteinte à son honneur et à sa considération sanctionnée par la loi du 29 juillet 1881, c'est à juste titre que le tribunal, aux termes d'une exacte analyse à laquelle souscrit la cour, a retenu qu'il ne pouvait être fait grief à l'auteur et à l'éditeur de l'ouvrage intitulé "[R] [E] : L'Empire menacé" d'un manquement à un devoir de prudence et d'objectivité ne reposant sur aucun fondement légal et qui ne s'imposait ainsi pas à eux ;
Qu'en effet :
- alors que, par son intitulé même, l'ouvrage de [R] [X] s'adressait à un public plus large que celui des publications spécialisées en matière financière, l'auteur était libre d'exprimer aux lecteurs son opinion, même empreinte de subjectivité et fut ce au prix d'une insuffisante rigueur, et il ne peut ainsi lui être reproché en justice un tel manquement sans enfreindre par des restrictions non prévues par la loi la liberté d'expression ;
- en l'absence de tout dénigrement de produits ou services commercialisés permettant d'engager la responsabilité de ses auteurs, il n'existe aucun fait fautif de la part de l'auteur et de l'éditeur ayant porté atteinte à l'image et à la réputation de la société appelante et ouvrant droit à réparation sur le fondement de l'article 1382 du code civil, étant à nouveau rappelé que la réparation d'une telle atteinte ne peut être fondé sur l'application de ce texte dés lors qu'elle résulte de la publication ou la diffusion de propos écrits mettant en jeu la liberté d'expression ;
Considérant enfin que la publication sur la page du site d'information boursière Boursorama où apparaissait la valeur du cours de la société PPR d'un encart publicitaire comportant les mentions "[R] [E] et l'affaire Gucci" et "[R] [E] : L'Empire menacé", exclusives de tout autre élément relatif au contenu de l'ouvrage, qui constituaient des propos insuffisamment précis et explicites pour être constitutifs d'une faute, ne saurait engager la responsabilité de l'auteur de l'ouvrage, ni davantage celle de son éditeur, alors qu'en outre le responsable de la publication de ce site, libre d'en contrôler le contenu et l'emplacement des informations publicitaires qui y figurent, n'a pas vu sa responsabilité recherchée ;
Considérant que la circonstance que l'appelante se serait bornée en appel à reprendre le contenu de ses écritures de première instance sans procéder à une critique étayée des motifs du jugement ne suffit pas à établir qu'elle a laissé dégénérer en abus, caractérisé par la malice à l'égard de [Z] [C] et de la société RLD Partners, le droit de cette société de faire appel ; que ces intimés ne caractérisent pas par ailleurs le préjudice moral dont ils sollicitent la réparation ;
Qu'il n'est pas davantage démontré par [R] [X] que l'action a été engagée contre lui dans l'intention exclusif de lui nuire ou d'une façon empreinte de mauvaise foi ;
Que les intimés seront donc déboutés de leurs demandes respectives de dommages et intérêts pour appel abusif, préjudice moral et procédure abusive ;
Qu'il n'est pas justifié d'ordonner la publication du présent arrêt, lequel ne fait que confirmer le jugement déféré mais n'emporte aucune reconnaissance judiciaire d'un droit au profit de l'une ou l'autre des parties ;
Considérant qu'eu égard à la solution du litige, la société PPR supportera les dépens de première instance et d'appel, sera déboutée de l'ensemble de ses demandes, y compris celle formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dont les conditions ne sont pas réunies à son profit, et sera condamnée sur le même fondement à payer à [R] [X], à [Z] [C] et à la société RLD Partners, chacun, la somme de 8000 euros pour leurs frais de procédure non compris dans les dépens qu'ils ont exposés en appel ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré,
Condamne la société PPR aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et à payer à [R] [X], à [Z] [C] et à la société RLD Partners, chacun, la somme de 8000 euros en application de l'article 700 du même code,
Rejette toute autre demande.
LE PRESIDENT LA GREFFIERE