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20/02/2013 | FRANCE | N°10/09791

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1, 20 février 2013, 10/09791


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1



ARRÊT DU 20 février 2013

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09791

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° F08/13831





APPELANTE

SAS SABEC

[Adresse 1]

représentée par Me Joëlle HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0206





INTIMES

Monsieur [N]

[S]

[Adresse 3]

comparant en personne, assisté de Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque: C2185





PARTIE INTERVENANTE :

LE DEFENSEUR DES DROITS

[Adresse 2]

représent...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1

ARRÊT DU 20 février 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09791

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° F08/13831

APPELANTE

SAS SABEC

[Adresse 1]

représentée par Me Joëlle HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0206

INTIMES

Monsieur [N] [S]

[Adresse 3]

comparant en personne, assisté de Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque: C2185

PARTIE INTERVENANTE :

LE DEFENSEUR DES DROITS

[Adresse 2]

représentée par Me Nicolas PODOLAK, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque: PC 20

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Novembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Irène CARBONNIER, Président de chambre

Madame Claire MONTPIED, Conseillère

Mme Claude BITTER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats et Nathalie GIRON, lors de la mise à disposition.

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 30 janvier 2013, à cette date le délibéré a été prorogé le 13 février 2013 puis le 20 février 2013,

- signé par Madame Irène CARBONNIER, Présidente et par Madame Nathalie GIRON, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'arrêt du 7 avril 2011 ayant rejeté le contredit de compétence formé par la société SABEC à l'encontre du jugement du conseil des prud'hommes de Paris en date du 10 septembre 2010,

dit que cette juridiction était compétente pour connaître de l'ensemble du litige concernant le licenciement de M. [S], qu'il y avait lieu d'évoquer et, après avoir écarté le moyen de la société SABEC tiré d'une omission de la tentative de conciliation par les premiers juges, renvoyé les parties à une audience ultérieure pour qu'il soit statué sur le fond,

Vu l'arrêt du 21 novembre 2012 ayant

- rejeté la requête de la société SABEC, appelante, aux fins de « rabat » de l'arrêt du 7 avril 2011 ainsi que ses conclusions aux fins de sursis à statuer jusqu'à l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles saisie de l'appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 3 février 2011,

- ordonné la disjonction de la procédure concernant le licenciement de M. [S] par le GIE des Hôtels Ibis et renvoyé ces parties devant le conseil des prud'hommes de Paris,

- renvoyé l'examen au fond de la procédure de licenciement de M. [S] par la société SABEC à l'audience du 28 novembre,

Vu les conclusions récapitulatives déposées à cette audience par lesquelles la société SABEC demande,

à titre principal, de juger que le licenciement pour motif économique de M. [S] repose sur une cause réelle et sérieuse et de débouter ce dernier de toutes ses demandes, de le condamner, sur sa demande reconventionnelle, à lui rembourser la provision de 20.000€ versée en exécution de l'arrêt du 26 novembre 2009, ainsi qu'à lui payer 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire, de limiter le montant des condamnations au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Vu les conclusions déposées à l'audience par l'avocat de M. [N] [S], tendant à

- juger qu'il a été victime de discrimination syndicale et de harcèlement moral, non seulement de la part du GIE Ibis jusqu'au 31 décembre 2008, ce dont la cour n'est pas saisie, mais également de la part de la société SABEC à compter du 1er janvier 2009 et condamner cette dernière à lui payer pour ces faits la somme de 100.000€ de dommages et intérêts,

- constater que la société SABEC n'a pas réintégré son directeur depuis la décision du ministre en date du 31 décembre 2008 d'autoriser son transfert et que cela a nécessairement causé un préjudice au salarié, condamner en conséquence la société SABEC à lui payer à ce titre la somme de 50.000€,

- juger nuls les licenciements décidés par la société SABEC les 29 août 2009 et 30 mars 2010 pour avoir été décidés en violation des articles L 2141-5 et L. 1132-1 du code du travail,

- ordonner la réintégration de M. [S] à son poste de directeur sous astreinte de 10.000€ par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt dont la cour se réservera la liquidation,

- condamner la société SABEC à payer à M. [S] la somme de 182.571, 71€ au titre des salaires dus à compter du 1er avril 2010 jusqu'au 31 octobre 2012, sans préjudice des salaires à échoir jusqu'à sa réintégration effective, outre la somme de 18.257, 17€ au titre des congés payés afférents,

- ordonner la remise des bulletins de paye conformes à l'arrêt, sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt dont la cour se réservera la liquidation,

- condamner la société SABEC à payer au salarié la somme de 100.000€ de dommages et intérêts pour licenciement nul,

très subsidiairement, dans l'hypothèse où les licenciements ne seraient pas tenus pour nuls, dire qu'ils sont dépourvus de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer la somme de 300.000€,

- condamner la société SABEC à lui payer la somme de 20.000€ de dommages intérêts sur le fondement des articles 32-1 du code de procédure civile et 1382 du code civil,

- condamner la société SABEC et le GIE des Hôtels Ibis ou l'une à défaut de l'autre aux dépens et à lui payer la somme de 8.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les intérêts légaux courront à compter de la saisine du conseil des prud'hommes le 24 novembre 2008 et seront capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil,

Considérant que le conseil de M. [S] rappelle que celui-ci, directeur de l'hôtel Ibis de Champ-sur-Marne et représentant syndical, élu dans le collège cadre du comité d'entreprise, avait initialement saisi le conseil des prud'hommes de Paris pour s'opposer au transfert de son contrat de travail de la société Ibis à la société SABEC et obtenir la condamnation de la première à lui verser des dommages et intérêts pour discrimination syndicale et harcèlement moral ; qu'à la suite de l'annulation par le ministre du travail du refus de l'inspection du travail d'autoriser le transfert de son contrat de travail, décision soumise à recours actuellement pendant devant la cour administrative d'appel, d'un refus de licenciement par l'inspecteur du travail, suivi d'un licenciement pour cause économique prononcé le 28 août 2009, M. [S] a saisi le conseil des prud'hommes de Meaux statuant en référé ; que cette procédure a donné lieu à un arrêt infirmatif du 26 novembre 2009 ayant dit que ce licenciement était nul en raison d'une discrimination syndicale, ordonné la réintégration du salarié et condamné la société SABEC à lui payer une provision de 20.000€ ; qu'ayant fait l'objet d'un nouveau licenciement économique le 30 mars 2010, M. [S] en soutient la nullité pour être intervenu en raison de son appartenance syndicale, le motif invoqué par son employeur étant totalement mensonger ;

Considérant que la société SABEC s'oppose à la demande ; qu'elle soutient en effet que le licenciement de M. [S] n'est que la conséquence du refus de l'appelant de rejoindre la société SABEC et que c'est en raison de ce refus qu'elle a d'abord été contrainte de recruter une autre salariée pour occuper le poste de directeur, puis le supprimer, sa situation financière ne pouvant supporter la charge de deux directeurs ; qu'elle fait valoir l'existence des difficultés économiques incontestables ayant justifié que le GIE Ibis ait opté pour la cession et la mise en franchise de l'hôtel dont elle a repris le fonds de commerce à compter du 5 août 2008 ; qu'elle relève que, depuis cette date, son résultat courant avant impôt est déficitaire, ses pertes s'élevant à 100 532€ pour la période d'août à décembre 2008 et à 400 162€ fin décembre 2009, le montant de ses dettes à court terme à 882 063€ à la même date; qu'elle observe que sa situation économique courant 2010 était devenue si critique qu'elle a dû convoquer le 30 juin une assemblée générale extraordinaire pour délibérer du maintien de son activité ; qu'elle produit enfin le registre des entrées et sorties du personnel pour démontrer que le poste de directeur a bien été supprimé à la suite du licenciement de M. [S] ;

Considérant, selon les observations du Défenseur des droits développées à l'audience par son représentant, que M. [S] a fait l'objet, depuis le mois de mai 2008, d'une tentative et de deux procédures de licenciement discriminatoires à raison de ses activités syndicales, prohibées par l'article L. 1132-1 du code du travail, ainsi que d'un harcèlement discriminatoire à raison de ses activités syndicales tout au long de l'exécution de son contrat de travail en violation de l'article L. 1132-1 du code du travail et de l'article 1er de la loi n° 2008 ' 496 du 27 mai 2008 ;

Considérant qu'en application des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1132-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure disciplinaire, directe ou indirecte, en raison de ses activités syndicales ou de l'exercice normal du droit de grève ; qu'aux termes de l'article L.1134-1, lorsqu'un litige survient en raison de la méconnaissance des dispositions susvisées, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; qu'au vu de ces éléments, il appartient à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Considérant qu'il est acquis aux débats que, le 1er janvier 1989, [N] [S] a été engagé en qualité de directeur d'hôtel par le GIE des Hôtels Ibis dépendant du groupe ACCOR ; qu'il a été affecté en dernier lieu à l'hôtel Ibis situé à [Localité 4] ; qu'il était, par ailleurs, représentant syndical CGT au sein du comité d'entreprise du GIE des hôtels Ibis; que le 5 août 2008, le GIE des hôtels Ibis a cédé le fonds de commerce constitué par l'hôtel de [Localité 4] à la société SABEC qui l'exploite en franchise et que, conformément à la loi, il a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de transférer le contrat de travail de Monsieur [S] à la société SABEC ; que le 18 août 2008, l'inspection du travail a refusé l'autorisation de transfert en expliquant qu'il existait un lien entre la décision de transfert et le mandat de [N] [S] ; que le 31 décembre 2008, sur recours hiérarchique du GIE, le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le transfert du salarié à la société SABEC ; que le 14 janvier 2009, le GIE Ibis a donc invité M. [S] à se mettre en relation avec la société SABEC et que, le 19 janvier 2009, le salarié a écrit à celle-ci se tenir à sa disposition ; que la société ne lui a, néanmoins, fourni aucune activité, tout en le rémunérant, et lui a écrit le 26 janvier 2009 qu'elle avait dû remplacer le poste de directeur de l'hôtel Ibis parce qu'il souhaitait rester dans le groupe Accor et qu'il n'y avait pas d'autre poste de directeur dans son établissement ;

Qu'après une rencontre avec la société SABEC M. [S] a adressé, le 26 janvier 2009, à son employeur un courrier recommandé, par lequel il prenait acte de ce que ce dernier le dispensait d'activité jusqu'à une reprise de son poste de directeur ;

Que, en janvier 2009, il a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour cause économique, entretien fixé au 6 février 2009, reporté au 14 février ; qu'eu égard à la qualité de salarié protégé de l'appelant, l'employeur a sollicité, le 18 avril 2009, de l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier, mais que celui-ci, par décision en date du 19 juin 2009, a refusé cette autorisation pour les motifs suivants :

« Considérant que la demande introduite par l'entreprise SABEC est motivée par des difficultés économiques et, dans ce cadre, l'impossibilité de maintenir deux postes qui se trouvent en sureffectif ; Considérant le poste de M. [S], à savoir directeur ;
Considérant que le demandeur n'a pas été en mesure d'établir ni de justifier de l'existence de réelles difficultés économiques, et que les quelques documents fournis à l'Inspecteur dans le cadre de l'instruction ne permettent pas d'établir la réalité des difficultés économiques ; Considérant que le choix des critères pris en considération pour établir l'ordre des licenciements ainsi que leur cotation ont conduit à écarter de fait Monsieur [S] ; Considérant que la pondération des critères légaux a conduit à écarter Monsieur [S] avec une ancienneté de plus de vingt ans au profit de l'autre directrice, nouvellement embauchée ayant moins d'un an d'ancienneté ; que plus largement, sur les critères légaux, la pondération des trois critères a conduit à cibler Monsieur [S] ;

Considérant que le critère de la compétence professionnelle sous-divisé en trois a une pondération qui le fait prévaloir sur la somme des trois critères légaux et d'ordre public; Considérant que, pour l'appréciation de ces derniers critères, les périodes prises en considération pour établir la comparaison sont différentes et, par voie de conséquence, ne permettent pas une comparaison objective ; Considérant qu'il ressort de l'enquête et de l'intégralité de ce dossier que Monsieur [S] était inéluctablement le salarié qui serait concerné par la mesure de licenciement ; Considérant l'investissement fort de Monsieur [S] en sa qualité de représentant du personnel ; Considérant que la demande est étroitement liée au mandat et aux responsabilités de. représentant du personnel du salarié; L'autorisation de licenciement de Monsieur [N] [S] est refusée » ;

Considérant que, malgré cette décision contre laquelle la société SABEC n'a exercé aucun recours, le salarié dont la protection avait expiré le 30 juin 2009, a été convoqué à un nouvel entretien préalable qui s'est tenu le 30 juillet 2009 et a été licencié le 28 août 2009 aux motifs, identiques à ceux qui avaient été rejetés par l'inspecteur du travail, que « La société subit actuellement des pertes financières et des difficultés de trésorerie tout à fait significatives, me permettant de craindre pour sa pérennité. En effet, ces difficultés s'avèrent durables et préoccupantes dans la mesure où la situation ne semble pas proche de se redresser à raison du contexte économique général actuellement détérioré. Il en résulte des comptes déficitaires, qui pour les mois d'août à décembre 2008, font apparaître des pertes cumulées d'environ 100.000 € et, de janvier à avril 2009, d'environ 30.000 € par mois ; Le résultat avant impôt était de -100 532 € au mois de décembre 2008 pour atteindre 202 672 € au mois Juillet 2009 ; Sachant que les perspectives de fin d'année ne sont guère meilleures puisque les réservations pour les mois à venir sont en recul de 5 % par rapport à celles enregistrées, à là même période, l'année dernière. Cette situation me conduit malheureusement à supprimer votre poste de travail. Comme je vous l'avais précisé dans la lettre de convocation à entretien préalable du 22 Juillet 2009, aucune solution de reclassement n'a pu être trouvée ; La situation financière obérée de l'établissement - telle que ci-dessus décrite ' rendait le maintien des deux Directeurs absolument dispendieux et économiquement non viable et m'imposait d'envisager le licenciement pour motif économique de l'un d'entre vous » ;

Considérant que l'identité de motifs de la décision de licenciement, les conditions dans lesquelles elle a été prise alors que l'employeur ne fournissait pas de travail à son salarié depuis plusieurs mois, enfin la date à laquelle elle est intervenue, peu après le refus de l'inspecteur du travail et quelques semaines après la cessation de la période de protection du salarié, sont de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination, ainsi que l'a retenu la cour d'appel statuant en référé par sa décision du 26 novembre 2009 ;

Considérant qu'alors que le licenciement intervenu de façon discriminatoire au préjudice de M. [S] a été jugé nul aux termes de l'arrêt susvisé et qu'était ordonnée la réintégration de ce dernier, non seulement la société SABEC n'a pas réintégré son salarié, mais elle a diligenté une nouvelle procédure de licenciement pour motif économique, lequel a été notifié à l'intéressé par lettre du 31 mars 2010 ;

Considérant que pour justifier ces licenciements, la société SABEC a successivement invoqué le refus de l'appelant de travailler pour son compte, la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée d'embaucher un autre salarié pour assumer la fonction de directeur de l'établissement, puis les difficultés économiques faisant obstacle à ce qu'elle ait deux postes de directeur, puis un seul ; que, pour justifier ses difficultés économiques, la société appelante produit notamment l'acte notarié de vente du 5 août 2008, ainsi que ses comptes d'exploitation pour 2007, 2008 et 2009 faisant ressortir une perte de 420.162 € pour un exercice de 17 mois arrêté au 31 décembre 2009, tous documents lui permettant d'établir les difficultés économiques qu'elle invoque ;

Mais considérant, tout d'abord, que la preuve du refus du salarié de travailler pour compte de la société SABEC n'est nullement rapportée, [N] [S] justifiant, au contraire, avoir pris contact avec elle dès le 12 janvier 2009 et la société l'ayant rémunéré sans lui fournir d'activité jusqu'à son licenciement d'août 2009 ; que le fait pour le salarié d'avoir postulé à un autre emploi en mai 2008, soit avant la cession du fonds, et d'avoir formé un recours gracieux contre la décision du ministre du travail du 31 décembre 2008 ne permettent pas de caractériser ce refus ; qu'en revanche, force est de constater que la société SABEC ne verse pas le moindre élément aux débats pour justifier l'embauche, suivant contrat à durée indéterminée du 26 mai 2008 avec prise de fonction effective à la date du rachat de l'hôtel, de Mme [H] au poste de directeur de l'hôtel Ibis ; qu'elle ne se justifie davantage ni sur les critères d'ordre de licenciement retenus pour licencier [N] [S] de préférence à Mme [H], le tableau soumis à la représentante du personnel ne permettant pas de comprendre la préférence donnée au choix par l'employeur du critère familial sur celui de l'ancienneté, ni sur l'absence d'offres sérieuses de reclassement, ni sur le refus d'embaucher M. [S] après le licenciement de Mme [H] le 4 décembre 2009 ;

Qu'en ce qui concerne, par ailleurs, ses difficultés économiques, il y a lieu de relever que, si les comptes sociaux de la société SABEC font apparaître les pertes invoquées de 2005 à 2009, celles-ci sont en baisse régulière au fil des exercices et que c'est en cet état que la société, qui connaissait pourtant particulièrement bien le fonds de commerce d'hôtel de Champ sur Marne, s'en est portée acquéreur au mois d'août 2008 ; qu'au reste, le chiffre d'affaire de la société est en hausse constante sur la même période, que la rémunération brute totale de la présidente et associée de la société pour l'exercice 2009 était de 29.700 €, qu'une provision pour risque « litige prudhommes » a fait l'objet d'une dotation exceptionnelle de 125.000 € pour l'exercice 2010 et que la perte comptable n'était plus que de 76.463 € au 31 mars 2010, ce qui dénote une bonne vitalité et ne permet pas d'invoquer sérieusement des difficultés économiques à l'époque des licenciements ;

Qu'il y a, dès lors, lieu de juger que les licenciements de M. [S] en date du 28 août 2009 et 31 mars 2010 sont à raison de son appartenance syndicale, les déclarer nul en application de l'article L. 1132-4 du code du travail et de faire droit à la demande de réintégration formulée par le salarié, sous l'astreinte prévue au dispositif ; qu'il sera alloué au représentant syndical une somme correspondant à la réparation de la totalité de son préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires et congés payés afférents dont il aura été privé depuis le 1er avril 2010 jusqu'au jour de sa réintégration, déduction faite des revenus tirés par le salarié d'une autre activité ou d'un revenu de remplacement ; qu'il convient d'ordonner la remise des bulletins de paye conformes à l'arrêt, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt dont la cour se réservera la liquidation ;

Que le comportement de la société SABEC, qui caractérise également des faits de harcèlement moral commis par l'employeur, qu'il s'agisse de la répétition de procédures, du refus de fourniture de travail durant des mois, puis du refus de réintégration, avec pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel selon la définition qu'en donne l'article L. 1152-1 du code du travail, ont nécessairement causé un préjudice à M. [S] ; qu'il convient de condamner la société appelante à lui payer à ce titre la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts, comprise la réparation du préjudice tiré du défaut de réintégration de M. [S] de sa non réintégration en date du 1er janvier 2009 jusqu'à la date du licenciement du 30 mars 2010 ;

Considérant qu'il est établi que la société SABEC a tout mis en oeuvre pour retarder l'issue de la procédure, ce qui a causé un préjudice à M. [S] qui sera évalué à la somme de

5.000 € ;

Considérant que les circonstances de l'espèce conduisent à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'appelant à hauteur de la somme de 2.000 euros;

Que la société SABEC qui succombe en prétentions sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

la cour

dit le licenciement de [N] [S] nul,

ordonne à la société SABEC de réintégrer M. [N] [S] dans son poste de directeur sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt,

condamne la société SABEC au paiement à M. [N] [S] du montant total des salaires et congés payés afférents dont il a été privé depuis le 1er avril 2010, déduction faite des revenus tirés par le salarié d'une autre activité ou d'un revenu de remplacement, lui ordonne la remise des bulletins de paye conformes à l'arrêt, le tout sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt dont la cour se réservera la liquidation, et renvoie les parties à établir leurs comptes sauf à la partie la plus diligente à saisir la cour en cas de difficultés,

condamne la société SABEC à payer à M. [N] [S] la somme de 50.000€ de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi jusqu'à la date de son licenciement et celle de 5 000 € pour procédure abusive et dilatoire,

déboute les parties du surplus de leurs demandes,

condamne la société SABEC à payer à [N] [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/09791
Date de la décision : 20/02/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K1, arrêt n°10/09791 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-02-20;10.09791 ?
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