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01/02/2013 | FRANCE | N°12/14115

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 01 février 2013, 12/14115


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 1er FÉVRIER 2013



(n°2013- , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/14115



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Juillet 2012 -Juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/04538



ARRÊT STATUANT SUR LE DÉCLINATOIRE DE COMPÉTENCE



APPELANTS:

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Monsieur [U] [B]

[Adresse 5]

[Localité 1]



Monsieur [C] [I]

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentés par la SELARL MEZERAC - CHEVRET & Associés (Me Samuel CHEVRET) (avocats au barreau d...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 1er FÉVRIER 2013

(n°2013- , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/14115

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Juillet 2012 -Juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/04538

ARRÊT STATUANT SUR LE DÉCLINATOIRE DE COMPÉTENCE

APPELANTS:

Monsieur [U] [B]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Monsieur [C] [I]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentés par la SELARL MEZERAC - CHEVRET & Associés (Me Samuel CHEVRET) (avocats au barreau de PARIS, toque : A0729)

assistés de Maître Romuald PALAO (avocat au barreau d' AVIGNON)

INTIMÉE:

AGENCE FRANÇAISE DE LUTTE CONTRE LE DOPAGE (AFLD)

[Adresse 2]

[Localité 6]

assignée et défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Anne VIDAL ayant préalablement été entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Décembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Anne VIDAL, Présidente de chambre

Françoise MARTINI, Conseillère

Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Elisabeth VERBEKE

MINISTÈRE PUBLIC: qui a eu connaissance du dossier de procédure et a formulé un avis écrit le14 décembre 2012

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et par Guénaëlle PRIGENT, Greffier.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte d'huissier en date du 7 mars 2012, M. [B], joueur de basket-ball, et M. [I], joueur de football, ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris l'Agence Française de Lutte contre le Dopage pour demander à être retirés du groupe cible du contrôle anti-dopage, à la suite de leur désignation le 9 septembre 2011, et obtenir la condamnation de la défenderesse à leur verser une somme de 15.000 € à chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et des troubles occasionnés dans leurs conditions d'existence, outre une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d'incident en date du 21 mai 2012, l'Agence Française de Lutte contre le Dopage a soulevé l'incompétence du juge judiciaire pour statuer sur les demandes présentées par M. [B] et M. [I] et a demandé au juge de la mise en état de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, de dire n'y avoir lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par les demandeurs et de les condamner à lui verser une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 6 juillet 2012, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent au profit de la juridiction administrative et renvoyé les parties à mieux se pourvoir. Il a rejeté toutes les autres demandes et condamné M. [B] et M. [I] in solidum aux dépens. Il a retenu, d'une part, que la question prioritaire de constitutionnalité ne pouvait être posée que par le juge compétent rationae materiae, d'autre part que l'Agence Française de Lutte contre le Dopage est une autorité publique dont les décisions sont de nature administrative et que l'obligation pour le sportif appartenant au groupe cible de donner chaque jour sa localisation pendant un créneau de soixante minutes entre 6 heures et 21 heures pendant lequel un préleveur agréé par l'Agence peut effectuer un prélèvement ne constitue pas une mesure privative de liberté dont il a été reconnu qu'elle requière l'intervention du juge judiciaire.

M. [B] et M. [I] ont interjeté appel de cette décision suivant déclaration électronique en date du 24 juillet 2012.

---------------------

Suivant déclinatoire de compétence en date du 6 août 2012, le Préfet de la Région Ile de France a requis le renvoi des parties devant le juge administratif, rappelant qu'en cas de rejet du déclinatoire et conformément aux dispositions de l'ordonnance du 1er juin 1828, il incomberait à la juridiction judiciaire saisie de surseoir à statuer jusqu'à la décision du Tribunal des Conflits saisi sur élévation du conflit. Il rappelle que l'Agence Française de Lutte contre le Dopage a été créée par la loi du 5 avril 2006 comme une autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale dont les décisions sont de nature administrative et relèvent en cas de contestation de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat en vertu de l'article R 311-1 4° du code de justice administrative. Il ajoute que l'action engagée par M. [B] et M. [I] méconnaît le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire posé par les lois des 16 et 24 août 1790 qui interdit au juge judiciaire de connaître de la légalité des actes de l'administration.

M. [B] et M. [I], suivant conclusions déposées le 30 novembre 2012, demandent à la cour de :

- rejeter le déclinatoire de compétence du Préfet,

- en toute hypothèses, surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil Constitutionnel sur la question prioritaire de constitutionnalité déposée par eux,

- condamner l'Agence Française de Lutte contre le Dopage à leur verser la somme de 2.000 € à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Ils soutiennent que l'obligation de localisation sanctionnée par l'article L 232-25 du code du sport constitue une atteinte à la liberté individuelle qui peut être assimilée à une surveillance de sûreté telle que le bracelet électronique et qu'il appartient au juge judiciaire, en application de l'article 66 de la constitution, d'en assurer la protection ; que les sportifs n'ont d'autre choix que de se localiser à leur domicile pour permettre au contrôle et au prélèvement de sang et d'urine d'être opérés, ce qui constitue une atteinte à l'inviolabilité de leur domicile dont le juge judiciaire a à connaître ; que l'atteinte, aussi minime soit-elle, à la liberté individuelle ou à l'inviolabilité du domicile, renvoie nécessairement au juge judiciaire pour connaître du litige, avant d'apprécier, dans un second temps, le caractère proportionné et nécessaire de l'atteinte.

Ils ajoutent qu'ils ont posé une question prioritaire de constitutionnalité visant des moyens relatifs à l'application de l'article 66 de la constitution.

L'Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD), bien que régulièrement assignée et destinataire de la signification des conclusions d'appelant, n'a pas comparu en appel.

Le Parquet Général, suivant avis en date du 14 décembre 2012, conclut au bien- fondé du déclinatoire de compétence, à l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire et au renvoi des parties à mieux se pourvoir. Il rappelle que, si la cour entendait rejeter le déclinatoire du préfet, il y aurait lieu de surseoir à statuer conformément aux dispositions des articles 2 et 8 de l'ordonnance du 1er juin 1828.

Il indique que l'AFLD est une autorité publique indépendante dont les décisions ne peuvent faire l'objet de recours que devant le Conseil d'Etat ; qu'aucune voie de fait commise par cette autorité n'est alléguée de nature à justifier la compétence des juges judiciaires ; que, si l'article 66 de la constitution pose le principe selon lequel le juge judiciaire est le gardien de la liberté individuelle et en assure le respect, aucune atteinte à la liberté individuelle telle qu'elle est conçue dans ce texte ne peut être retenue ; enfin que le Conseil d'Etat, saisi de la légalité de l'ordonnance du 14 avril 2010 et des dispositions relatives à l'obligation de localisation des sportifs a considéré qu'elles ne faisaient pas obstacle à la liberté d'aller et venir et ne portaient à la liberté individuelle qu'une atteinte proportionnée aux objectifs d'intérêt général poursuivis.

La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 17 décembre 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Considérant que la présente décision porte exclusivement sur la question de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour statuer, le dossier distinct ouvert sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par les appelants devant être évoqué ultérieurement par la cour si elle s'estime compétente ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 232-15 du code du sport « Sont tenus de fournir des renseignements précis et actualisés sur leur localisation permettant la réalisation de contrôles mentionnés à l'article L 232-5, les sportifs constituant le groupe cible, désignés pour une année par l'Agence Française de Lutte contre le Dopage parmi les sportifs inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau ou sur la liste des sportifs Espoir au sens du même code, ou les sportifs ayant été inscrits sur l'une de ces listes au moins une année durant les trois dernières années, et les sportifs professionnels licenciés des fédérations agréées ou ayant été professionnels au moins une année durant les trois dernières années. » ;

Que MM. [B] et [I] ont été désignés par l'Agence Française de Lutte contre le Dopage, suivant décision en date du 9 septembre 2011, pour faire partie du groupe cible, ce qui les contraint à procéder à leur localisation pour permettre des contrôles anti-dopage pendant les manifestations sportives, mais également hors des manifestations sportives et hors des périodes d'entraînement y préparant ;

Qu'ils contestent cette décision et demandent à être retirés de ce groupe cible, estimant que les obligations qui en résultent portent atteinte à leurs libertés individuelles ; qu'ils ont saisi de leur demande le tribunal de grande instance de Paris et que, par ordonnance en date du 6 juillet 2012, le juge de la mise en état, saisi d'une exception d'incompétence soulevée par l'AFLD, a déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour statuer sur les demandes et renvoyé M. [B] et M. [I] à mieux se pourvoir ;

Considérant que M. [B] et M. [I] ont interjeté appel de cette décision et soutiennent que le juge judiciaire serait compétent, s'agissant de faire respecter les libertés individuelles et d'assurer la protection de l'inviolabilité du domicile ;

Que le Préfet de la Région Ile de France a présenté un déclinatoire de compétence afin d'élever le conflit ; qu'il en résulte que, si la cour rejette le déclinatoire et déclare le juge judiciaire compétent, elle doit surseoir à statuer au fond de sorte que le Préfet puisse élever le conflit et saisir le Tribunal des conflits ;

Considérant que la loi du 5 avril 2006 a donné à l'AFLD le statut d'autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale ayant pour mission de mettre en 'uvre les actions de lutte contre le dopage et que c'est dans l'exercice de ses missions que l'AFLD, par l'intermédiaire de son directeur des contrôles, désigne les sportifs astreints à une obligation de localisation ;

Que les décisions prises par l'AFLD ont la nature de décisions administratives dont la contestation ressortit, aux termes de l'article R 311-1 4° du code de justice administrative, à la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat ;

Que la décision de désignation de M. [B] et M. [I] pour faire partie du groupe cible soumis à l'obligation de localisation entre dans l'exercice normal par l'AFLD des missions qui lui sont confiées et qu'il ne peut donc être argué de l'existence d'une voie de fait justifiant la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

Considérant que c'est en vain que M. [B] et M. [I] prétendent sortir des règles de compétence édictées par le code de justice administrative en soutenant que la décision critiquée porterait atteinte à leur liberté d'aller et venir et au principe de l'inviolabilité du domicile et relèverait dès lors de la compétence du juge judiciaire, en application des dispositions de l'article 66 de la constitution, s'agissant de la protection des libertés individuelles ;

Qu'en effet, la protection de la liberté individuelle par la juridiction judiciaire ne l'emporte sur le principe de séparation des pouvoirs que lorsqu'est en cause la « sûreté » individuelle ; que l'article 66 de la constitution n'a pas pour objet ou pour effet de permettre à l'autorité judiciaire de connaître de l'ensemble des mesures portant atteinte aux libertés, mais se limite aux mesures susceptibles d'être qualifiées de « détentions arbitraires » ; qu'à cet effet, le Conseil Constitutionnel distingue la liberté individuelle mentionnée à l'article 66 de la constitution de la notion de liberté personnelle fondée sur les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme à laquelle il rattache la liberté d'aller et venir, le respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile ;

Que dès lors les atteintes aux libertés et à la protection du domicile invoquées par M. [B] et M. [I] n'entrent pas dans le champ de l'article 66 de la constitution et ne donnent donc pas vocation au juge judiciaire à intervenir ;

Considérant dès lors qu'il convient de faire droit au déclinatoire de compétence du Préfet de la Région Ile de France et de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle a déclaré ce tribunal incompétent pour connaître de la contestation de la décision de l'AFLD du 9 septembre 2011 opposée par M. [B] et M. [I] et renvoyé ces derniers à mieux se pourvoir ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,

Fait droit au déclinatoire de compétence soulevé par le Préfet de la Région Ile de France ;

Confirme la décision du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne M. [B] et M. [I] aux dépens de l'appel qui seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/14115
Date de la décision : 01/02/2013

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°12/14115 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-02-01;12.14115 ?
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