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16/01/2013 | FRANCE | N°11/20628

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 16 janvier 2013, 11/20628


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 16 JANVIER 2013



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/20628



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/00120







APPELANT





Monsieur [G] [D] [I] [V]

[Adresse 12]

[Localité 10]





Représenté par Me Luc COUTURIER de la SELARL HANDS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061, postulant

assisté de Me Nadège RINDERMANN substituant Me Sylvain MAIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1110, p...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 16 JANVIER 2013

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/20628

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/00120

APPELANT

Monsieur [G] [D] [I] [V]

[Adresse 12]

[Localité 10]

Représenté par Me Luc COUTURIER de la SELARL HANDS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061, postulant

assisté de Me Nadège RINDERMANN substituant Me Sylvain MAIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1110, plaidant

INTIMÉS

1°) Monsieur [N] [S] [M]

né le [Date naissance 11] 1949 à [Localité 14]

[Adresse 8]

[Localité 14]

2°) Monsieur [F] [Y] [A] [M]

né le [Date naissance 7] 1944 à [Localité 14]

[Adresse 16]

[Localité 19]

3°) Madame [R] [T] [W] [M]

née le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 14]

[Adresse 13]

[Localité 15]

Représentés par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090, postulant

assistés de Me Dominique TOUSSAINT de la SELARL DOMINIQUE TOUSSAINT, avocat au barreau de RENNES, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 05 décembre 2012, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Pascal CHAUVIN, président,

Madame Nathalie AUROY, conseiller

Madame Monique MAUMUS, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

[I] [V], veuf en premières noces de [L] [H], est décédé le [Date décès 2] 2000 à [Localité 32], en laissant pour lui succéder :

- Mme [K] [Z], veuve en premières noces de [Y] [M], sa seconde épouse avec laquelle il s'était marié sans contrat le [Date mariage 9] 1988 à [Localité 24] (Suisse), donataire de l'usufruit de l'universalité des biens composant sa succession, selon acte reçu le 18 mars 1988 par Me [P], notaire à [Localité 29], et légataire de la quotité disponible sur l'ensemble de ses biens situés en France, selon testament olographe daté du 9 juin 1987 et confirmé par testament olographe daté du 22 septembre 1990,

- M. [G] [V], son fils né de son premier mariage.

1.- Le règlement de la succession a donné lieu à un contentieux judiciaire entre M. [V] et Mme [Z], d'une part en Suisse, au sujet de la gestion de deux sociétés immobilières (les sociétés Angle-Vieux-Billard et [Adresse 30], ayant leur siège à [Localité 24]) dont [I] [V] était actionnaire majoritaire, à hauteur respective de 68 % et 51 %, d'autre part en France.

Par ordonnance rendue le 9 mai 2001 et déclarée exécutoire en Suisse par jugement rendu le 31 juillet 2002 par le tribunal de première instance de [Localité 24] et confirmé par arrêt rendu le 10 octobre 2002 par la cour de justice de [Localité 24], le président du tribunal de grande instance de Paris a, sur la requête de M. [V], désigné M. [U] [O] en qualité d'administrateur provisoire de la succession.

Par actes des 22 et 28 mai 2002, Mme [Z] a assigné M. [V] et M. [O] ès qualités en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession.

Par jugement du 12 février 2004, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré la loi française applicable aux biens immobiliers et mobiliers dépendant de la succession et a sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par M. [V] contre X... entre les mains du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Rennes des chefs d'abus de confiance, recel, vol, abus de faiblesse, faux et usage de faux et complicité.

Par arrêt du 19 mai 2005 (pourvoi rejeté par arrêt du 30 octobre 2006), après que, par arrêt du 10 mars 2005 (pourvoi déclaré non admis par décision du 10 janvier 2006), la cour d'appel de Rennes a confirmé une ordonnance de non-lieu rendue le 8 décembre 2004 par le juge d'instruction, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du 12 février 2004 sur la loi applicable.

Par arrêt du 10 décembre 2008 (pourvoi rejeté par arrêt du 15 décembre 2010), la même juridiction, infirmant un jugement du 6 mars 2008 ayant ordonné une mesure d'expertise à l'effet de vérifier l'attribution à [I] [V] du testament du 9 juin 1987 et d'un codicille du 20 juin 1987, a déclaré valables le testament et le codicille et, pour le surplus, a renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 9 décembre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :

- rejeté la demande de sursis à statuer,

- ordonné qu'aux requêtes, poursuites et diligences de Mme [Z], en présence de M. [V], il soit procédé par le président de la chambre interdépartementale des notaires de paris, avec faculté pour lui de déléguer tout membre de sa chambre et de le remplacer en cas de nécessité, aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [I] [V],

- dit que le notaire désigné sera chargé de la mission habituelle en la matière, avec application des dispositions de l'article 259-3 du code civil et de l'article L. 143 du livre des procédures fiscales, et possibilité pour lui de s'adjoindre tout expert de son choix,

- dit que le notaire devra dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an,

- nommé le président du tribunal ou tout juge par lui désigné, juge commissaire au partage et pour faire rapport sur l'homologation de l'état liquidatif en cas de difficulté,

- dit que la mission de l'administrateur provisoire, M. [O], désigné par ordonnance du 9 mai 2001, cessera avec la désignation du notaire délégué par le président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris et que les frais et honoraires de l'administrateur judiciaire entreront en frais généraux de partage,

- dit que la donation intervenue le 18 mars 1988 au profit de Mme [Z] est soumise à la loi française et qu'elle est parfaitement valable,

- dit que Mme [Z] bénéficie de l'usufruit des parts de société civile de droit suisse et que les dividendes versés par ces sociétés peuvent être rapatriés en France,

- dit qu'il appartiendra au notaire chargé de procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, de déterminer la quotité disponible bénéficiant à Mme [Z] et qu'en attente de ce calcul il convient de surseoir à statuer sur les demandes en réduction présentées par M. [V],

- déclaré M. [V] irrecevable en toutes ses demandes concernant les membres de la famille [M],

- rejeté, en l'état des éléments du dossier, la demande tendant à voir ordonner des investigations en Suisse en vue de vérifier les retraits et mouvements de fonds opérés depuis 1986 sur le compte de dépôt personnel de Mme [Z] à l'Union des Banques Suisses,

- débouté M. [V] de sa demande tendant à voir condamner Mme [Z] à restituer en nature ou en valeur des meubles, bibelots, antiquités ou bijoux de famille ayant appartenu à son père, à sa mère ou à sa grand-mère,

- dit qu'il appartiendra à M. [V] de fournir au notaire chargé de procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession tous éléments susceptibles d'établir une créance à son profit du chef des valeurs mobilières figurant dans la succession de sa mère,

- donné acte aux parties de leur accord concernant la vente amiable de la villa située à [Localité 33] (Vendée), ainsi que de l'emplacement de parking situé [Adresse 1] et [Adresse 25],

- dit que Mme [Z] est pleinement propriétaire du bien situé à [Localité 35] sans qu'il y ait lieu à rapport à la succession,

- dit n'y avoir eu quelque donation déguisée que ce soit faite par [I] [V] au profit de Mme [Z], soit antérieurement soit postérieurement au mariage,

- dit que les dons manuels de fonds de [I] [V] à Mme [Z] et lui ayant permis d'acquérir le bien situé à [Localité 20] (Suisse), le bien situé à [Adresse 18]), les terrains situés à [Localité 22] (Côtes d'Armor), ainsi que l'appartement situé [Adresse 4], sont valables jusqu'à concurrence de la quotité disponible,

- dit qu'il appartiendra à Mme [Z] de justifier auprès du notaire chargé de procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, de l'utilisation de la somme de 150 000 francs, soit 22 867 euros, transférée à son profit quelques jours après le décès de [I] [V],

- dit n'y avoir eu recel successoral,

- déclaré Mme [Z] irrecevable en sa demande concernant la prise en charge des travaux de remise en état des canalisations sanitaires de l'immeuble situé [Adresse 30],

- déclaré que sont prématurées les demandes de licitation de l'appartement situé [Adresse 4], ainsi que des terrains situés à [Adresse 23],

- déclaré M. [V] irrecevable en ses demandes concernant les appartements situés [Adresse 17],

- dit qu'il appartiendra à M. [V] de justifier auprès du notaire, pièces à l'appui, du paiement des cotisations de la police d'assurance relative au véhicule personnel de Mme [Z],

- rejeté toutes les autres demandes,

- ordonné l'emploi des dépens, qui comprendront les frais et honoraires de l'administrateur provisoire, en frais généraux de partage, dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans la succession et accordé aux avocats de la cause le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par arrêt du 18 janvier 2012, la cour d'appel de Paris a :

- infirmé le jugement du 9 décembre 2010 en ce qu'il a :

* dit que le notaire liquidateur devra dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an,

* dit que la mission de l'administrateur provisoire cessera avec la désignation du notaire liquidateur et que les frais et honoraires de l'administrateur judiciaire entreront en frais généraux de partage,

* dit que, dans l'attente du calcul de la quotité disponible, il convient de surseoir à statuer sur les demandes en réduction présentées par M. [V],

* dit qu'il appartiendra à M. [V] de fournir au notaire liquidateur tous éléments susceptibles d'établir une créance à son profit du chef des valeurs mobilières figurant dans la succession de sa mère et de justifier auprès du notaire liquidateur, pièces à l'appui, du paiement des cotisations de la police d'assurance relative au véhicule personnel de Mme [Z],

* dit qu'il appartiendra à Mme [Z] de justifier auprès du notaire liquidateur de l'utilisation de la somme de 150 000 francs, soit 22 867 euros, transférée à son profit quelques jours après le décès de [I] [V],

* dit que les dépens comprendront les frais et honoraires de l'administrateur provisoire,

- statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

- dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'action opposant M. [V] aux enfants de Mme [Z],

- débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes relatives aux enfants de Mme [Z],

- débouté M. [V] de sa demande au titre du codicille du 20 juin 1987,

- dit que le notaire liquidateur portera la somme de 205 162,49 francs, soit 31 276,81 euros, au passif de la succession de [I] [V] au titre d'une créance de M. [V],

- débouté M. [V] de sa demande tendant à voir ordonner, à titre conservatoire, la licitation des terrains d'[Localité 22] et de l'appartement de [Localité 14],

- constaté que les parties s'accordent sur la mise en vente amiable, aux conditions actuelles du marché, de la maison d'habitation située à [Localité 33], de l'appartement situé [Adresse 3] et de l'emplacement de parking situé [Adresse 1],

- dit qu'à cet effet, M. [O] remettra au notaire liquidateur les clefs de ces biens, que les parties signeront un mandat non exclusif de vente au profit d'agences immobilières, que le notaire liquidateur accomplira les formalités préalables aux ventes et qu'une fois les ventes réalisées, il en affectera le prix aux comptes de la succession,

- en l'absence d'accord des parties sur les modalités des ventes dans le délai de trois mois à compter du présent arrêt, ordonne la licitation de ces biens devant le tribunal de grande instance de Paris, sur les clauses et conditions du cahier des charges déposé au greffe des criées par l'avocat poursuivant, sur les mises à prix respectives de 150 000 euros (maison de Saint-Hilaire-de-Riez), 200 000 euros (appartement de Paris) et 15 000 euros (emplacement de parking de Neuilly-sur-Seine),

- débouté M. [V] de sa demande au titre de la somme de 150 000 francs, soit 22 867,35 euros,

- dit que les époux [V] étaient soumis au régime matrimonial légal suisse de la participation aux acquêts,

- dit que la donation consentie le 18 mars 1988 par [I] [V] à Mme [Z] est soumise à la loi française,

- dit que Mme [Z] est en droit de percevoir les dividendes distribués par les sociétés immobilières Angle-Vieux-Billard et [Adresse 30] dont [I] [V] était l'actionnaire majoritaire,

- dit que ces dividendes ne constituent pas des libéralités et ne sont donc pas rapportables à la succession de [I] [V],

- débouté M. [V] de sa demande relative aux cotisations d'assurance,

- dit que la mission de M. [O] cessera lors de la signature de l'acte de partage de la succession,

- condamné M. [V] à verser à Mme [Z] la somme de 62 168,23 euros au titre de sa participation aux dépenses exposées par M. [O],

- dit qu'il appartiendra au notaire liquidateur de déterminer, d'une part, la masse successorale, d'autre part, la masse de calcul en vue d'une éventuelle réduction des libéralités consenties par [I] [V],

- dit qu'il appartiendra au notaire liquidateur de prendre en compte les frais et honoraires de M. [O], sans être tenu d'en faire vérifier le montant par un expert,

- déclaré irrecevable la demande formée par M. [V] et tendant à se voir allouer un euro à titre de dommages et intérêts,

- débouté M. [V] de sa demande tendant à se voir allouer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné M. [V] à verser à Mme [Z] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- dit que les frais et honoraires de M. [O] seront mis à la charge de l'indivision successorale et seront supportés par les indivisaires en proportion de leurs droits dans l'indivision,

- dit que le notaire liquidateur portera au passif de l'indivision successorale la somme de 29 366,81 euros correspondant à des honoraires taxés de M. [O],

- dit toutefois que, si Mme [Z] justifie devant le notaire liquidateur que M. [O] a prélevé cette somme sur les dividendes perçus des sociétés immobilières suisses, le notaire liquidateur portera cette somme à l'actif du compte d'indivision de Mme [Z], sauf à en référer à la cour en cas de difficultés,

- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande de M. [V] et le condamne à verser la somme de 10 000 euros à Mme [Z],

- condamné M. [V] aux dépens de la procédure d'appel, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

2. Le règlement de la succession a donné lieu également à un contentieux judiciaire entre M. [V] et les trois enfants de Mme [Z] issus de son premier mariage, M. [F] [M], M. [N] [M] et Mme [R] [M].

Par acte des 8 et 18 décembre 2006, M. [V] a assigné Mme et MM. [M].

Par jugement du 30 septembre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré irrecevables les demandes formées par M. [V] et tendant à l'annulation de donations ou au remboursement de prêts,

- déclaré recevables les demandes de réduction formées par M. [V] en application des dispositions de l'ancien article 920 du code civil, mais sursis à statuer sur le bien fondé de ces demandes jusqu'à ce que le notaire chargé des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession ait calculé la quotité disponible, étant entendu que le notaire désigné est chargé de la mission habituelle en la matière avec application des dispositions de l'article 259-3 du code civil et de l'article L. 143 du livre des procédures fiscales et a la possibilité de s'adjoindre tout sachant de son choix,

- dans l'attente d'une proposition de calcul de la quotité disponible par le notaire, retiré l'affaire du rôle,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,

- dit que les demandes à titre de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront examinées avec celles en réductions de donations,

- réservé les dépens.

Par deux déclarations du 17 novembre 2011, M. [V] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 13 décembre 2011, le président de la chambre a joint les instances.

Dans ses dernières conclusions déposées le 20 novembre 2012, M. [V] demande à la cour de :

- de le recevoir en son appel, l'y déclarer bien fondé et y faisant droit,

- débouter les consorts [M] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- en conséquence,

- constater que les sommes remises aux enfants [M] et aux petits-enfants [M] du vivant de [I] [V] sont bien constitutives de donations, lesquelles n'ont pas été rédigées en la forme authentique ainsi que l'exige la loi,

- prononcer, en tant qu'elle n'a pas été régularisée en la forme authentique comme l'exige la loi, la nullité de la procuration sous seing privé prétendument accordée par [I] [V] à Me [P], notaire à [Localité 29], à l'effet de remettre à M. [F] [M] la somme de 354 960 francs,

- prononcer la nullité des donations faites aux consorts [M] par [I] [V] sur le fondement des articles 931 (ancien), 1099, alinéa 2 (ancien), et 1100 (ancien) du code civil,

- lui donner acte de ce que l'application de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 à la présente instance a violé ses droits découlant de l'article 1er du Protocole n° 1 combiné avec l'article 6-1 de la Convention européenne sur la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- condamner à ce titre Monsieur [F] [M] et Madame [R] [M] à lui verser a minima la somme en principal de 2 138 700 francs, soit 326 042,71 euros, avec intérêts de droit au taux légal en vigueur à compter du jour des donations litigieuses, soit Ia date retenue par Me [P] dans ses 'états comptables',

- condamner M. [N] [M] à lui payer la somme en principal de 600 000 francs, soit 91 470 euros, ainsi que celle de 1 514 000 francs, soit 230 807 euros, avec intérêts de droit au taux légal en vigueur, sous réserve de la justification de l'origine de son patrimoine mobilier et immobilier qu'il appartiendra au notaire liquidateur d'établir dans le cadre de l'expertise demandée par lui,

- dire qu'à défaut de nullité, ces dernières donations seront réductibles à concurrence de la quotité disponible de Mme [K] [Z], mère des enfants [M],

- dire que le notaire liquidateur devra recenser et procéder à l'évaluation de toutes ces donations, sachant que, de l'aveu même de Me [P], elles ont servi à des placements mobiliers et à des investissements immobiliers, et pourra, si besoin, s'adjoindre tout expert de son choix, aux fins notamment, sur le fondement de l'article 860, alinéas 1er et 2 (ancien) du code civil :

* de faire évaluer les biens et droits immobiliers sis à [Localité 19] et à [Localité 15] appartenant respectivement à M. [F] [M] et à Mme [R] [M], suivant leur valeur vénale actuelle aux conditions du marché dans leur ressort territorial respectif, d'après leur valeur effective à la date des donations litigieuses,

- de faire évaluer le compte de placement de la famille [M] suivant sa valeur boursière actuelle d'après sa valeur boursière au jour de la donation litigieuse telle qu'elle figure dans l'état comptable de Me [P], soit 500 000 francs ou 76 224 euros, en date du 4 novembre 1991,

* de rechercher la destination des sommes de 60 000 francs ou 9 147 euros et de 423 740 francs ou 64 599 euros, qui ont été remises à M. [F] [M], respectivement en date des 1er juillet 1991 et 2 mars 1999 par l'intermédiaire du notaire de sa mère,

* de rechercher l'origine des fonds ayant permis tant l'acquisition de l'appartement sis à [Localité 31] que l'ouverture du compte de placement à la Société Générale appartenant à M. [N] [M],

* de faire évaluer les biens et droits immobiliers sis à [Localité 31] appartenant à M. [N] [M] suivant leur valeur vénale actuelle aux conditions du marché d'après leur valeur vénale à la date de leur acquisition,

* de faire évaluer le compte de placement de M. [N] [M] à la Société Générale suivant sa valeur boursière actuelle d'après sa valeur boursière à la date de son ouverture,

* de rechercher l'origine des fonds ayant permis l'achat au comptant par les enfants [M] d'immeubles par destination,

- dire qu'en application des dispositions des articles 259-3 du code civil et L. 143 du livre des procédures fiscales, le notaire liquidateur pourra se faire communiquer par l'administration fiscale, la préfecture de police, les organismes sociaux, ainsi que les établissements bancaires, en particulier le Crédit Lyonnais et la Société Générale, tous renseignements utiles sur les autres libéralités en espèces dont auraient pu bénéficier les membres de la famille [M], sans que puisse lui être opposé le secret bancaire,

- dire qu'à défaut d'intention libérale de [I] [V], ces remises de deniers seront considérées comme des prêts, lesquels devront lui être intégralement remboursés,

- condamner solidairement les enfants [M] à lui payer à une somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, une somme de 3 euros pour atteinte à la vie privée et une somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, avec bénéfice de l'article 699 du même code.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 11 avril 2012, M. [N] [M], M. [F] [M] et Mme [R] [M] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par M. [V] et tendant à l'annulation de donations ou au remboursement de prêts et déclaré recevables les demandes en réduction formées par M. [V],

- si par extraordinaire la cour déclarait recevable la demande de nullité formée par M. [V], la dire mal fondée et l'en débouter,

- constater qu'ils ont reçu de [I] [V] une somme de 326 042,71 euros,

- dire que le notaire devra prendre en compte cette somme lors du calcul de la quotité disponible,

- dire n'y avoir lieu à évaluation des biens immobiliers leur appartenant et n'ayant pas fait l'objet de donations de la part du de cujus,

- débouter M. [V] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamner M. [V] à leur payer une somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 novembre 2012.

Dans des conclusions de procédure déposées le 29 novembre 2012, M. [N] [M], M. [F] [M] et Mme [R] [M] demandent à la cour de rejeter des débats les conclusions signifiées le 20 novembre 2012 par M. [V].

Dans des conclusions de procédure déposées le 5 décembre 2012, M. [V] demande à la cour de révoquer l'ordonnance de clôture et de fixer une nouvelle date de clôture et de plaidoirie.

A l'audience du 5 décembre 2012, l'incident a été joint au fond.

SUR CE, LA COUR,

- sur la procédure

Considérant qu'en l'absence de cause grave, au sens de l'article 784, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de révoquer l'ordonnance de clôture ;

Considérant qu'après que les consorts [M] ont conclu le 11 avril 2012, M. [V], qui avait précédemment conclu le 8 mars 2012, a conclu le 20 novembre 2012, jour du prononcé de l'ordonnance de clôture ;

Que, toutefois, ses dernières conclusions ne comportent ni moyens nouveaux ni demandes nouvelles et ne diffèrent pas sensiblement des précédentes, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les déclarer irrecevables ;

- sur la recevabilité de l'action

Considérant que M. [V] sollicite, à titre principal, la nullité des donations consenties par [I] [V] aux consorts [M], subsidiairement, leur réduction ;

Considérant que, par ordonnance 9 mai 2001, le président du tribunal de grande instance de Paris a désigné M. [O] en qualité d'administrateur provisoire de la succession de [I] [V] avec mission notamment de 'représenter tant en demande qu'en défense la succession dans toutes les instances dont l'objet entre dans les limites de ses pouvoirs d'administrateur, à l'exclusion de celles qui concernent le partage de la succession' ;

Considérant que, dès lors qu'elle tend à voir annuler ou réduire des donations, l'action diligentée est une action qui concerne le partage de la succession au sens de l'ordonnance précitée, de sorte que M. [V] avait qualité, à l'exclusion de M. [O], pour l'introduire ;

Qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action irrecevable ;

- sur la nullité des donations

Considérant que M. [V] prétend d'abord que les donations consenties aux consorts [M] sont nulles au motif qu'elles n'ont pas été passées devant notaires, en contravention à l'article 931 du code civil ;

Mais considérant que des dons manuels, réalisés en l'espèce par des virements opérés en faveur des consorts [M] par l'intermédiaire de Me [P], notaire, sur instructions de [I] [V] qui a agi manifestement dans une intention libérale envers les enfants de son épouse, et par conséquent par une tradition réelle assurant la dépossession du donateur et l'irrévocabilité des actes, représentent une exception au formalisme édicté par le texte précité ;

Considérant que M. [V] prétend ensuite que les donations consenties aux consorts [M] sont nulles au motif qu'elles constituent des donations déguisées ou des donations faites à personnes interposées dont Mme [Z] a été la bénéficiaire ;

Considérant qu'à défaut de mention expresse de rétroactivité, les dispositions de la loi du 26 mai 2004 abrogeant l'article 1099, alinéa 2, du code civil, selon lequel, entre époux, les donations déguisées ou faites à personnes interposées étaient nulles, ne sont pas applicables aux donations conclues avant le 1er janvier 2005, de sorte que, les donations litigieuses ayant été consenties avant cette date, l'article 1099, alinéa 2, demeure applicable en l'espèce, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal ;

Considérant que l'article 1100 du code civil, qui instaurait une présomption (jugée irréfragable) d'interposition de personnes en ce qui concerne notamment les donations faites par un époux aux enfants de l'autre issus d'un autre mariage, a été abrogé par l'article 10 de la loi du 4 mars 2002 ;

Que M. [V] demande qu'il lui soit donné acte 'de ce que l'application de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 à la présente instance a violé ses droits découlant de l'article 1er du Protocole n° 1 combiné avec l'article 6-1 de la Convention européenne sur la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales' ; que, cependant, outre qu'une mesure de donner acte n'est pas constitutive de droits, il doit être relevé que, lors de l'introduction de la présente instance, qui résulte de l'acte d'huissier délivré les 8 et 18 décembre 2006 et non de la requête en désignation de l'administrateur provisoire déposée le 3 mai 2001, l'article 1100 du code civil était abrogé, de sorte que M. [V] n'est pas fondé à invoquer, non sans ambiguïté, 'l'application de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 à la présente instance' ou encore à se prévaloir de l'article 11-I de la loi précitée, selon lequel les dispositions de l'article 10 sont applicables aux instances en cours qui n'ont pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée ;

Considérant qu'il en résulte qu'il appartient à M. [V] de démontrer que les donations consenties aux consorts [M] constituent des donations déguisées ou des donations faites à personnes interposées dont Mme [Z] a été la bénéficiaire ;

Qu'à cet égard, force est de constater qu'il ne rapporte aucunement une telle preuve ; qu'en particulier, contrairement à ce qu'il prétend, les donations litigieuses ne peuvent s'analyser en des donations déguisées au motif qu'elles auraient présenté un caractère occulte ; qu'elles ne pourraient être considérées comme telles que si elles avaient consisté en des actes à titre gratuit dissimulés sous des actes à titre onéreux ;

Que, dans ces conditions, il y a lieu de débouter M. [V] de sa demande en nullité ;

- sur la réduction des donations

Considérant que, selon l'article 922 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 et applicable en la cause : 'La réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur. On y réunit fictivement, après en avoir déduit les dettes, ceux dont il a été disposé par donation entre vifs d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l'époque de l'aliénation et, s'il y a eu subrogation, de la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverture de la succession. On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer' ;

Considérant qu'il résulte de ce texte que la réduction éventuelle des donations impose préalablement de calculer le montant de la quotité disponible et par conséquent de déterminer le périmètre exact et donc le montant précis des donations entre vifs ;

Considérant qu'en l'espèce, si les consorts [M] admettent avoir reçu de [I] [V] des donations à concurrence de la somme totale de 326 042,71 euros, M. [V] prétend qu'au moyen de fonds donnés, d'un montant supérieur à celui reconnu, les consorts [M] ont réalisé différents placements mobiliers et investissements immobiliers ;

Qu'il sollicite en conséquence que le notaire liquidateur évalue ces différents placements et investissements et qu'en outre il recherche l'origine et la destination de fonds qui auraient été remis à MM. [F] et [N] [M] ;

Mais considérant que, de la sorte, M. [V] demande en réalité à voir transformer le notaire liquidateur en expert, ce qui se vérifie par le fait qu'il propose que le notaire s'adjoigne 'tout expert de son choix' ;

Qu'à cet égard, il doit être rappelé que, selon l'article 146, alinéa 2, du code de procédure civile, en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve et il y a lieu de constater qu'en l'espèce, M. [V] ne fournit pas d'éléments suffisants de nature à justifier la mesure d'expertise qu'il sollicite ; qu'en particulier, les attestations que lui ont délivrées Mme [J] [B], ex-épouse de M. [N] [M], et par M. [G] [C], ex-époux de Mme [R] [M], ne peuvent, à elles seules, faire la preuve des faits qu'elles rapportent, outre qu'elles sont suspectes de partialité ;

Que, toutefois, dès lors que Mme [R] [M] a été gratifiée le 24 novembre 1992 d'une somme de 800 000 francs et qu'elle a acquis le 3 décembre 1992 une maison d'habitation située [Adresse 13] à [Localité 15] au prix de 980 000 francs et dès lors que M. [F] [M] a lui-même été gratifié le 13 novembre 1996 d'une somme de 354 960 francs et qu'il a acquis le 26 novembre 1996 un appartement situé [Adresse 6] au prix de 460 000 francs, il y a lieu de considérer, eu égard à la relative proximité des dates, que ces biens ont été partiellement acquis au moyen des fonds donnés ;

Considérant en conséquence que, s'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur le bien fondé de la demande en réduction jusqu'à ce que le notaire chargé des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession ait calculé la quotité disponible, il y a lieu de lui ajouter la précision indispensable selon laquelle le notaire liquidateur prendra en compte, au titre des donations consenties aux consorts [M], la somme totale de 983 740 francs (60 000 francs + 500 000 francs + 423 740 francs) soit 149 970,19 euros, ainsi que, conformément à la règle précitée selon laquelle, en cas de subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverture de la succession, la valeur, au [Date décès 2] 2000, des biens immobiliers situés à [Localité 15] et à [Localité 19] à proportion des sommes investies dans leur acquisition, soit 800 000 francs ou 121 959,21 euros pour le premier et 354 960 francs ou 54 113,30 euros pour le second, sauf à en référer à la cour en cas de difficultés ;

- sur les dommages et intérêts

Considérant que M. [V], qui ne démontre aucun comportement fautif de la part des consorts [M] et aucune atteinte à la vie privée commise par ceux-ci à son égard, doit être débouté de sa demande en dommages et intérêts ;

PAR CES MOTIFS :

Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture,

Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les conclusions signifiées par M. [V] le jour du prononcé de l'ordonnance de clôture,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par M. [V] et tendant à l'annulation de donations ou au remboursement de prêts,

Statuant à nouveau,

Déclare recevable l'action de M. [V],

Déboute M. [V] de sa demande en nullité des donations consenties par [I] [V] aux consorts [M],

Y ajoutant,

Dit que, en vue du calcul de la quotité disponible, le notaire liquidateur prendra en compte, au titre des donations consenties aux consorts [M], la somme totale de 149 970,19 euros, ainsi que la valeur, au [Date décès 2] 2000, des biens immobiliers situés à [Localité 15] et à [Localité 19] à proportion des sommes investies dans leur acquisition, soit 121 959,21 euros pour le premier et 54 113,30 euros pour le second,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. [V] aux dépens,

Accorde à l'avocat postulant des consorts [M] le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/20628
Date de la décision : 16/01/2013

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°11/20628 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-16;11.20628 ?
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