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21/12/2012 | FRANCE | N°12/13232

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 21 décembre 2012, 12/13232


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2012



(n° 2012- , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/13232



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Juillet 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/01461



APPELANTE:



S.A. CAPITALES TOURS

agissant en la personne de son Président

ayant son siège social [Adr

esse 16]



représentée par Maître Chantal-Rodene BODIN CASALIS (avocat au barreau de PARIS, toque : L0066)

assistée de Maître Caroline GARRELUN, pour le Cabinet SCP HMN & PARTNERS ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2012

(n° 2012- , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/13232

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Juillet 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/01461

APPELANTE:

S.A. CAPITALES TOURS

agissant en la personne de son Président

ayant son siège social [Adresse 16]

représentée par Maître Chantal-Rodene BODIN CASALIS (avocat au barreau de PARIS, toque : L0066)

assistée de Maître Caroline GARRELUN, pour le Cabinet SCP HMN & PARTNERS (avocats au barreau de PARIS, toque : P581)

INTIMES:

Monsieur [C] [RG]

Madame [S] [RG]

tous deux demeurant [Adresse 8]

Monsieur [B] [A]

Madame [BX] [A]

tous deux demeurant [Adresse 25]

Madame [L] [P]

Monsieur [D] [P]

tous deux demeurant [Adresse 47]

Monsieur [E] [G]

demeurant [Adresse 52]

Monsieur [RO] [K]

Madame [RT] [RH]

tous deux demeurant [Adresse 22]

[Localité 11]

Monsieur [W] [N]

Madame [RT] [N]

tous deux demeurant [Adresse 42]

Monsieur [RS] [RB]

Madame [RC] [RB]

tous deux demeurant [Adresse 67]

Monsieur [RA] [RR]

Madame [T] [RR]

tous deux demeurant [Adresse 45]

Monsieur [CA] [J]

Madame [M] [J]

tous deux demeurant [Adresse 19]

Monsieur [BU] [Z]

Madame [DH] [Z]

tous deux demeurant [Adresse 34]

[Localité 37]

Madame [U] [RJ] prise tant en son nom personnel qu'es-qualité de représentante légale de sa fille mineure née le [Date naissance 7] Melle [RI] [RJ]

Monsieur [V] [RJ]

tous trois demeurant [Adresse 33]

Monsieur [E] [Y]

Madame [RF] [Y]

tous deux demeurant [Adresse 55]

Madame [DE] [RK]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 43]

Mademoiselle [RT] [RK]

demeurant [Adresse 62] - (ALLEMAGNE)

Monsieur [RA] [RK]

demeurant [Adresse 29]

Madame [RM] [RL]

Monsieur [I] [RD] [RL]

Monsieur [RP] [RL]

tous demeurant [Adresse 24]

Mademoiselle [O] [RL]

demeurant [Adresse 17]

Monsieur [X] [RE]

demeurant [Adresse 49]

Monsieur [R] [RE]

demeurant [Adresse 31]

Monsieur [PY] [RE]

demeurant [Adresse 39]

Monsieur [F] [BI]

Madame [H] [BI]

tous deux [Adresse 60]

Mademoiselle [RN] [AW]

demeurant [Adresse 32]

(GRANDE BRETAGNE)

représentés par Maître Yves HUDINA (avocat au barreau de PARIS, toque : C1601)

assistés de Maître Jean-Marie TOMASI (avocat au barreau de PARIS, toque : C289)

S.A. GAN EUROCOURTAGE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 50]

SOCIÉTÉ ALFORT VOYAGES

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 4]

SOCIÉTÉ TEKER

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 23]

représentées par Maître Olivier BERNABE (avocat au barreau de PARIS, toque : B0753)

ayant pour avocat Maître Pauline KORVIN

S.A. GAN ASSURANCES

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 50]

représentée par Maître Nathalie LESENECHAL (avocat au barreau de PARIS, toque : D2090)

assistée de Maître Bérangère MONTAGNE, pour le Cabinet AGMC AVOCATS (avocats au barreau de PARIS, toque : P430)

S.A.R.L. MAGICLUB VOYAGES

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 26]

S.A. GENERALI IARD,

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 46]

S.A. BELLE PLANETE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 54]

représentées par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Belgin PELIT-JUMEL) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111)

assistées de Maître Julie VERDON, pour le Cabinet HASCOET & ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS, toque : P577)

SOCIÉTÉ TOURNOR exerçant sous l'enseigne THOMAS COOK

prise en la personne de son représentant légal

prise en son établissement secondaire situé [Adresse 28]

ayant son siège social [Adresse 27]

représentée par Maître Chantal-Rodene BODIN CASALIS (avocat au barreau de PARIS, toque : L0066)

et ayant pour avocat Maître GARRELON

SOCIÉTÉ PREVOST CAR (USO INC)

prise en la personne de tous ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 58]

[Adresse 1])

représentée par Maître François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)

C.P.A.M. DES INDUSTRIES ELECTRIQUE ET GAZIÈRE-CAMIEG

assureur social de M. [J] et subrogée dans ses droits

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Localité 56]

C.P.A.M. DES BOUCHES DU RHONE - CPAM 13

assureur social des Consorts [RB] [RC] et [RS]

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 38]

représentées par la SCP HOCQUARD ET ASSOCIES (Me Jean-Michel HOCQUARD) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0087)

S.A.S. VOYAGES SUR MESURES - VSM

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 40]

représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

assistée de Maître Jasmine BEAU, avocat au barreau de PARIS, pour la SCP SALANS & ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS, toque : P372) et substituant Maître Pierre LEVEQUE, avocat au barreau de PARIS, toque P 372

C.P.A.M. D'ORLEANS

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 69]

C.P.A.M. D'AUXERRE

assureur social de Monsieur [RL]

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

C.P.A.M. DU JURA

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 48]

C.P.A.M. DU LOIR ET CHER

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 41]

représentées par Maître Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : R295)

ENTREPRISE 3099-6177 QUEBEC INC ayant comme nom commercial CONTACT AMERIQUE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 20])

représentée par L' AARPI BIRD & BIRD (Me Vonnick LE GUILLOU) (avocats au barreau de PARIS, toque : R255)

assistée de Maître Jonathan RUBINSTEIN, pour L' AARPI BIRD & BIRD (avocats au barreau de PARIS, toque : R255)

C.P.A.M. DE LILLE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 14]

représentée et assistée par Maître Rachel LEFEBVRE, de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES(avocats au barreau de PARIS, toque : D1901)

C.P.A.M. DE ROUBAIX TOURCOING

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 13]

représentée par Maître Rachel LEFEBVRE, de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES(avocats au barreau de PARIS, toque : D1901),

assistée de Maître Rachel LEFEBVRE, de la SELARL KATO & LEFEBVRE, toque D 1901, substituant Maître de BERNY (avocat au barreau de LILLE)

SOCIÉTÉ CIRCUIT ET COMPAGNIE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 51]

SOCIÉTÉ CONSEIL VOYAGE ATLANTIQUE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 6]

SOCIÉTÉ VPG

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 44]

SOCIÉTÉ GO VOYAGES

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 9]

SOCIÉTÉ KARAVEL

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 10]

S.A.R.L. HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED venant aux droits de la SOCIÉTÉ HISCOX ASSURANCE SERVICE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 12]

SOCIÉTÉ HISCOX INSURANCE COMPANY LIMITED

(partie intervenante volontaire)

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 12]

représentées par la SCP BOLLING DURAND LALLEMEENT (Maître Didier BOLLING)

(avocats au barreau de PARIS, toque P 480)

assistées de Maître David MEHEUT, pour le Cabinet CLYDE & CO LLP (avocats au barreau de PARIS, toque : P429)

C.P.A.M. DU VAL D'OISE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 15]

assignée et défaillante

C.P.A.M. DU VAR

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 30]

assignée et défaillante

C.P.A.M. D'EPERNAY

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 35]

assignée et défaillante

C.P.A.M. DE BEAUVAIS

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 3]

assignée et défaillante

RECTORAT DE L'ACADÉMIE DE POITIERS

pris en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 18]

assigné et défaillant

MUTUELLE GÉNÉRALE DE L'EDUCATION NATIONALE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 36]

assignée et défaillante

CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 21]

assignée et défaillante

SOCIÉTÉ WEEKS ENTERPRISES INC

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 53])

assignée et défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Anne VIDAL ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Novembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Anne VIDAL, Présidente de chambre

Françoise MARTINI, Conseillère

Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Narit CHHAY

ARRÊT :

- par défaut

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et par Guénaëlle PRIGENT, Greffier.

****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La Société CAPITALES TOURS, tour opérateur ayant son siège social à Paris, organise des voyages et des séjours notamment aux USA, avec les services d'un agent de réservation au Canada, la société 3099-6177 QUEBEC INC, ayant pour nom commercial CONTACT AMERIQUE, qu'elle vend, soit directement aux voyageurs, soit indirectement par l'intermédiaire d'agences de voyage. Elle a organisé, en avril 2009, un voyage en Californie dénommé « Dans le Grand Ouest Américain » et a confié le transport terrestre de ses passagers à une société d'autocars WEEKS ENTERPRISES INC, société californienne exerçant sous l'enseigne ORION PACIFIC. Le car utilisé avait été fabriqué par la filiale américaine PREVOST CAR (US) INC.

Le 28 avril 2009, l'autocar de ORION PACIFIC s'est renversé sur un pont à Soledad (Californie) et l'accident a entraîné le décès de quatre voyageurs et occasionné des blessures à trente autres participants. Les victimes ou leurs ayants droits ont saisi le tribunal de Monterey en Californie qui a fait droit aux exceptions d'incompétence soulevées par les agences de voyage, la procédure se poursuivant devant lui entre les victimes et CAPITALES TOURS, CONTACT AMERIQUE, ORION PACIFIC et PREVOST CAR, appelée en garantie par CAPITALES TOURS. Cependant, à la suite d'une transaction intervenue en mai 2011 entre les victimes, ORION PACIFIC et PREVOST CAR, ces deux sociétés sont sorties de la procédure américaine.

Les victimes ont demandé à la juridiction américaine de faire application du droit français et CAPITALES TOURS a présenté une motion de « forum non conveniens » au motif que le litige n'intéressait plus que des victimes françaises et des défendeurs français et canadien. Le tribunal de Monterey a considéré que la juridiction française serait plus adéquate pour connaître du litige mais a prononcé un sursis à statuer jusqu'au 24 août 2012 afin de vérifier si, à cette date, une juridiction française s'était déclarée compétente. Cette décision a été frappée d'appel par les victimes.

C'est dans ces circonstances que CAPITALES TOURS a fait assigner, le 16 décembre 2011, devant le tribunal de grande instance de Paris :

toutes les victimes de l'accident, ainsi que leurs caisses d'assurance maladie, à savoir les CPAM du Loir et Cher, du Jura, d'Auxerre, de Lille, de Roubaix/Tourcoing, des Bouches du Rhône, de Beauvais, de Pontoise, du Var, d'Epernay et d'Orléans, ainsi que la Caisse Nationale Militaire de sécurité sociale, la Caisse Primaire des Industries Electriques et Gazières (CAMIEG), le Rectorat de l'Académie de Poitiers, la Mutuelle Générale de l'Education Nationale (MGEN),

les agences de voyage auprès desquelles les victimes avaient acquis leur voyage et leurs compagnies d'assurance, à savoir la société ALFORT Voyages, la société TEKER et la Cie GAN Eurocourtage, la société MAGICLUB VOYAGES, la société GENERALI IARD et la société BELLE PLANETE, la SA TOURNOR, et la société VPG, la société HISCOX Assurance Services, la société GO VOYAGES, la société KARAVEL, la société CONSEIL VOYAGES ATLANTIQUE et la société CIRCUIT et COMPAGNIE,

ainsi que la société WEEKS ENTERPRISES (ORION PACIFIC), la société PREVOST CAR et la société QUEBEC INC (CONTACT AMERIQUE),

aux fins notamment de prendre acte de ce que les agences de voyages étaient responsables de plein droit à l'égard des victimes, de surseoir à statuer sur la liquidation des préjudices et d'ordonner une expertise médicale.

Les victimes ont saisi le juge de la mise en état d'une exception de litispendance et de connexité, au regard de la procédure américaine, et lui ont demandé :

de constater la listispendance et l'existence d'une connexité internationale,

de constater l'indisponibilité du for français,

de dire que CAPITALES TOURS était dépourvue d'intérêt à agir à l'encontre des victimes de l'accident et de déclarer ses demandes irrecevables,

en tout état de cause, de prononcer une disjonction entre, d'une part l'instance opposant CAPITALES TOURS aux agences de voyage, ainsi qu'à PREVOST CAR, CONTACT AMERIQUE et ORION PACIFIC, d'autre part l'instance opposant CAPITALES TOURS aux victimes.

Par ordonnance en date du 5 juillet 2012, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a :

fait droit à l'exception de litispendance en raison de l'instance déjà engagée devant un tribunal étranger également compétent,

dit en conséquence que l'action engagée par CAPITALES TOURS à l'encontre des victimes était irrecevable,

dit que le moyen tiré de l'indisponibilité du for français était dès lors sans objet,

constaté que le juge de la mise en état n'était pas compétent, aux termes de l'article 771 du code de procédure civile, pour statuer sur les fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt à agir soulevées par d'autres défendeurs,

renvoyé l'affaire à l'audience du 5 septembre 2012 pour plaidoirie sur l'incident de provision et expertise qui avait été présenté par les CPAM de Lille et de Roubaix/Tourcoing,

condamné CAPITALES TOURS à payer aux victimes une somme globale de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CAPITALES TOURS a interjeté appel de cette décision.

---------------------------

CAPITALES TOURS, aux termes de ses dernières conclusions en date du 15 novembre 2012, demande à la cour :

de constater que le juge de la mise en état a omis de se prononcer sur sa demande tendant à voir dire que le tribunal de grande instance de Paris était compétent rationae materiae et rationae loci sur l'action exercée par elle, de remédier à cette omission de statuer et de constater que la compétence est une condition préalable à l'application des articles 100 et suivants du code de procédure civile,

de constater qu'il n'y a pas identité de parties entre la procédure diligentée en Californie et celle pendante devant le tribunal de grande instance de Paris,

de constater que le tribunal de grande instance de Paris étant compétent, cette compétence met fin à l'ombre de procédure qui existe aux USA à la suite du « forum non conveniens », cette compétence ne pouvant exister que si la juridiction française n'était pas compétente,

de dire qu'il n'y a pas de litispendance et d'infirmer l'ordonnance déférée,

de faire application des dispositions de l'article 568 du code de procédure civile, d'évoquer la cause et de renvoyer les parties à conclure au fond,

de condamner tout contestant à lui verser une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient, pour l'essentiel :

que le tribunal de grande instance de Paris est compétent pour statuer, en application des articles 2 et 4 du règlement communautaire 44/2001 du 22 décembre 2000 et de l'article 42 du code de procédure civile,

qu'il n'y pas de litispendance avec l'instance américaine en l'état des dispositions du jugement du tribunal de Monterey qui a admis la motion de « forum non conveniens» en considérant qu'il ne serait compétent que si aucune juridiction française n'était compétente,

qu'il n'existe pas d'identité des parties entre les deux instances puisque la procédure américaine ne concerne que les victimes, CAPITALES TOURS et CONTACT AMERIQUE,

que la décision du tribunal de Monterey produit tous ses effets, nonobstant l'appel,

que la décision du juge de la mise en état est surprenante dans la mesure où il se déclare compétent pour connaître des demandes de provision et d'expertise formulées par les organismes sociaux,

que l'arrêt de la cour de cassation du 7 décembre 2011 invoqué par les victimes pour voir dire que leur choix de juridiction devrait être privilégié n'est pas transposable à l'espèce, cette décision ayant été rendue dans le cadre de l'application de la convention de Montréal en matière de transport aérien qui consacre le droit d'option de la victime.

Elle ajoute que la fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir soulevée par MAGIC CLUB et Générali Assurance ne relève pas du juge de la mise en état et qu'en tout état de cause, les tours opérateurs, qui ne sont responsables que pour faute prouvée, disposent d'un recours contre les agences de voyage.

La société 3099-6177 QUEBEC INC (CONTACT AMERIQUE), suivant écritures en date du 4 octobre 2012, conclut dans le même sens que l'appelante en demandant à la cour :

de dire que le juge de la mise en état a omis de statuer sur la demande de CAPITALES TOURS et de CONTACT AMERIQUE visant à le voir se déclarer compétent pour statuer sur l'action exercée par CAPITALES TOURS, de remédier à cette omission et de dire que le tribunal de grande instance de Paris était compétent sur l'instance engagée par CAPITALES TOURS,

de dire que l'existence d'une situation de litispendance internationale requiert, outre deux instances pendantes devant deux juridictions également compétentes, une triple identité de parties, d'objet et de cause,

de dire que, compte tenu de la décision de « forum non conveniens » rendue par le tribunal de Monterey, il n'existe pas deux instances pendantes devant deux juridictions également compétentes, et de dire qu'il n'y a pas identité de parties dans les deux instances,

en conséquence,

de dire que les conditions de la litispendance internationale ne sont pas réunies,

d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état déférée,

d'évoquer la cause et de renvoyer les parties à conclure au fond,

de condamner tout succombant à lui verser une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les trente-sept victimes, en l'état de leurs dernières écritures déposées et signifiées le 19 novembre 2012, demandent à la cour :

In limine litis,

de dire que le litige est toujours pendant devant les juridictions californiennes, qu'il existe une situation de litispendance, de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a fait droit à l'exception de litispendance et de dire que les demandes de CAPITALES TOURS sont donc irrecevables devant le tribunal de grande instance de Paris,

Y ajoutant,

de dire qu'il existe une connexité internationale,

de dire l'indisponibilité du for français,

de dire contradictoires les demandes formulées par CAPITALES TOURS au détriment des victimes,

de dire que CAPITALES TOURS est dépourvue d'intérêt à agir dans le cadre de la présente instance à l'encontre des victimes et de déclarer en conséquence irrecevables les demandes formulées par celle-ci contre elles,

Plus subsidiairement,

d'ordonner la disjonction de la présente instance en deux instances distinctes, l'une opposant CAPITALES TOURS aux agences de voyages, aux sociétés PREVOST, CONTACT AMERIQUE et ORION PACIFIC, l'autre opposant CAPITALES TOURS aux victimes de l'accident,

En tout état de cause,

de condamner CAPITALES TOURS à leur verser la somme de 30.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles font valoir, pour l'essentiel :

que l'exception de litispendance peut être valablement soulevée devant une juridiction française en raison d'une instance engagée devant un tribunal étranger ;

que la caractérisation de la litispendance n'implique pas que le juge saisi en second lieu se reconnaisse compétent, mais seulement détermine s'il est susceptible de connaître du litige, ce qu'a fait le juge de la mise en état ;

que le tribunal de Monterey a sursis à statuer pour laisser la possibilité aux victimes de saisir une juridiction française, sans se déclarer incompétent ; que l'appel interjeté contre cette décision a pour effet de suspendre les effets de celle-ci, de sorte que le tribunal de Monterey reste bien compétent pour statuer sur l'action des victimes contre CAPITALES TOURS ;

que l'article 100 du code de procédure civile exige une identité de litige et non une identité de parties dans le litige ; que l'action engagée par CAPITALES TOURS soumet à la cour plusieurs litiges, mais que celui opposant CAPITALES TOURS aux victimes est pendant devant le tribunal de Monterey et que les victimes ne sont pas concernées par le litige opposant CAPITALES TOURS aux agences de voyages ; que la CJCE a jugé, dans un cas de litispendance internationale où plusieurs parties n'étaient pas présentes dans les deux instances, que la seconde juridiction devait se dessaisir au profit de la première pour les parties concernées par les deux procédures, et conserver le litige opposant les autres parties ;

que la cour doit, à défaut de constater la litispendance, constater la connexité internationale, renforcée par l'action intentée par le Ministère des Transports de l'Etat de Californie contre CAPITALES TOURS et ORION PACIFIC et celle engagée par l'agent de recouvrement du transporteur en hélicoptère contre certaines victimes pour obtenir paiement du coût de leur transport sanitaire, et renvoyer la cause devant le Tribunal de Monterey pour qu'il connaisse du droit à indemnisation des victimes ;

que le tribunal de grande instance de Paris est au demeurant incompétent pour statuer en raison de l'indisponibilité du for, les victimes disposant, en application de l'article 46 du code de procédure civile, d'un droit d'option en matière délictuelle ; que la cour de cassation dans son arrêt du 7 décembre 2011 a constaté l'indisponibilité du for français en dépit d'une décision de sursis à statuer de la juridiction américaine qui ne peut être opposée au droit d'option des victimes ;

que CAPITALES TOURS a mis en place une stratégie déloyale en présentant des demandes manifestement contradictoires, notamment en saisissant le tribunal de Monterey d'une demande en garantie contre ORION PACIFIC et PREVOST Car, puis en soutenant une motion de « forum non conveniens », puis en assignant ces deux sociétés devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir leur garantie des éventuelles condamnations mises à sa charge, et que les victimes sont bien fondées à invoquer le principe de l'Estoppel ;

que CAPITALES TOURS a engagé une procédure parfaitement dilatoire dans laquelle elle n'a pas d'intérêt à agir contre les victimes, s'agissant uniquement pour elle de voir statuer sur la compétence de la juridiction française, ce qui constitue une fin de non-recevoir sanctionnée par l'article 122 du code de procédure civile ;

très subsidiairement, que les victimes ne sont pas intéressées à l'instance engagée par CAPITALES TOURS contre les agences de voyage et qu'il convient de procéder à une disjonction d'instance.

La Société MAGICLUB, la Société GENERALI IARD et la Société Belle Planète, par conclusions en réponse déposées le 19 novembre 2012, demandent à la cour de leur donner acte de ce qu'elles s'en rapportent à justice sur la question de la compétence matérielle et territoriale du tribunal de grande instance de Paris pour connaître de l'action introduite par CAPITALES TOURS mais de débouter CAPITALES TOURS de sa demande d'évocation en ce que cela priverait l'ensemble des parties du double degré de juridiction. Subsidiairement, si la cour évoquait, elles demandent qu'il leur soit donné acte de leur argument, soulevé in limine titis, d'irrecevabilité de l'action engagée par CAPITALES TOURS contre elles pour défaut d'intérêt à agir et de rouvrir les débats pour permettre aux parties de conclure sur la recevabilité des demandes de l'appelante et sur le fond.

La Cie GAN Assurances, par écritures déposées le 12 novembre 2012, s'en rapporte également à justice sur l'appréciation de la compétence du tribunal de grande instance de Paris pour connaître de l'action engagée par CAPITALES TOURS mais s'oppose en toute hypothèse à la demande d'évocation et subsidiairement, demande à ce que l'affaire soit renvoyée à la mise en état pour permettre aux parties de conclure au fond. Elle réclame la condamnation de CAPITALES TOURS à lui verser une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

La société Voyages sur Mesure (société VSM), en l'état de ses écritures déposées et signifiées les 8,13 et 19 novembre 2012, demande aussi à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel formé par CAPITALES TOURS à l'encontre de l'ordonnance du juge de la mise en état et de rejeter la demande d'évocation présentée par l'appelante et sollicite la condamnation de CAPITALES TOURS à lui verser une somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Société ALFORT VOYAGES, la Société TEKER et la société GAN EUROCOURTAGE, suivant conclusions en date du 6 novembre 2012, concluent dans le même sens et réclament la condamnation de tout succombant à leur verser une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Société TOURNOR, suivant écritures en date du 15 novembre 2012, indique s'en rapporter à justice sur les mérites de l'appel.

Les sociétés VPG, KARAVEL, GO VOYAGES, Conseil Voyages Atlantique et Circuits et Compagnie, ainsi que HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED, venant aux droits de HISCOX ASSURANCES SERVICES, intimées, et HISCOX INSURANCE COMPANY LIMITED, intervenante volontaire, aux termes de leurs conclusions déposées et signifiées le 16 novembre 2012 et le 19 novembre 2012 demandent à la cour :

de prononcer la mise hors de cause de HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED et de recevoir HISCOX INSURANCE COMPANY LIMITED en son intervention,

de leur donner acte de ce qu'elles s'en remettent à l'appréciation de la cour sur sa compétence,

de rejeter la demande d'évocation de CAPITALES TOURS en application de l'article 568 du code de procédure civile,

subsidiairement,

de déclarer l'action de CAPITALES TOURS à leur encontre irrecevable,

en tout état de cause,

de la condamner à payer à HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED une somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM du Loir et Cher, la CPAM du Jura, la CPAM d'Auxerre et la CPAM d'Orléans, par écritures en date du 31 octobre 2012, concluent également dans le même sens, s'en rapportant sur le mérite de l'appel, s'opposant à l'évocation du litige et réclamant la condamnation de tous succombants solidairement à leur verser une somme de 2.000 € à chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM de Lille (organisme de sécurité sociale de M. et Mme [N]), suivant conclusions déposées et signifiées le 26 octobre 2012, demande à la cour :

de statuer ce que de droit sur les mérites de l'appel et sur les exceptions de litispendance et de compétence soulevées,

de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande de provision de la CPAM,

y ajoutant en tant que de besoin,

de déclarer le tribunal de grande instance de Paris compétent pour connaître de l'action récursoire exercée par la CPAM de Lille pour les prestations servies dans l'intérêt des époux [N], s'agissant d'une action relevant la compétence des juridictions françaises même si la cour estimait que les juridictions françaises sont incompétentes pour statuer sur l'action des victimes contre CAPITALES TOURS,

de dire que les intimés ne seront maintenus dans la cause qu'à fin d'expertise s'il devait y être recouru,

en conséquence,

de renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Paris pour qu'il soit statué sur sa demande de provision,

de condamner CAPITALES TOURS à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM des Bouches du Rhône et la CPAM des Industries Electriques et Gazières (CAMIEG), suivant conclusions en date du 7 novembre 2012, demandent à la cour :

- de statuer ce que de droit sur les mérites de l'appel,

- de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes de provision présentées par les caisses,

- de constater que CAPITALES TOURS est redevable de l'indemnité forfaitaire prévue par l'alinéa 9 de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale dont le montant a été actualisé par arrêté du 29 novembre 2011 à 997 € et de la condamner à en sassurer le versement tant auprès de la CPAM des Bouches du Rhône que de la CAMIEG,

- de la condamner à payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant à la CPAM des Bouches du Rhône qu'à la CAMIEG.

La CPAM de ROUBAIX-TOURCOING a déposé des conclusions en date du 19 novembre 2012 lesquelles, à défaut de dispositif, ne saisissent la cour d'aucune demande.

La Société PREVOST CAR INC a constitué avocat mais n'a pas conclu.

La Société WEEKS ENTERPRISES (ORION PACIFIC), assignée le 20 septembre 2012, n'a pas comparu.

La CPAM de Pontoise, la CPAM du Var, la CPAM d'Epernay, et la CPAM de Beauvais, ainsi que la Caisse Nationale Militaire, le Rectorat de l'Académie de Poitiers et la Mutuelle Générale de l'Education Nationale (MGEN), assignées à personne habilitée, n'ont pas comparu.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 20 novembre 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la litispendance :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 100 du code de procédure civile, il y a litispendance lorsque deux instance identiques sont simultanément pendantes entre les mêmes parties devant deux tribunaux également compétents pour en connaître ; qu'il y a litispendance internationale, dans les mêmes conditions qu'en droit interne, lorsqu'il y a dualité d'instances en cours entre les mêmes parties ayant le même objet et la même cause soumises à un tribunal français et à un tribunal étranger également compétents ;

Considérant que l'admission de la litispendance - qui suppose qu'un procès soit pendant devant un tribunal étranger qui est toujours saisi du litige et ne s'est pas encore prononcé au fond - impose au juge français devant lequel l'exception de litispendance internationale est soulevée de vérifier tout à la fois sa propre compétence et celle du tribunal étranger à la lumière des règles françaises de compétence internationale ; que ces conditions sont réunies en l'espèce puisqu'il apparaît que le tribunal français est bien compétent et que le tribunal étranger est tout à la fois compétent et saisi du litige ;

Qu'en effet, c'est à juste titre que CAPITALES TOURS fait valoir que le juge français est compétent pour statuer sur le litige en ce qu'il l'oppose, d'une part, à des touristes français et des agents de voyage français à la suite d'un accident, certes, survenu aux USA, mais dans le cadre d'un voyage vendu en France et organisé par un tour-opérateur français, d'autre part à des sociétés étrangères à l'égard desquelles l'article 14 du code civil doit trouver application, celles-ci ayant contracté, même à l'étranger, des obligations envers des Français ; que le tribunal de grande instance de Paris est compétent rationae materiae, compte tenu de l'objet du litige, et rationae loci en application de l'article 42 alinéa 2 du code de procédure civile, le demandeur ayant le choix de la juridiction du lieu du domicile de l'un des défendeurs ;

Que par ailleurs, si le tribunal de Monterey, premier saisi, s'est déclaré incompétent pour statuer sur le litige opposant CAPITALES TOURS aux agents de voyage, en l'absence d'un lien de rattachement avec les Etats Unis, et s'il a ensuite mis WEEKS ENTERPRISES INC (ORION PACIFIC) et PREVOST CAR hors de cause, en l'état des transactions signées avec les victimes la procédure s'est poursuivie entre celles-ci, CAPITALES TOURS et la société 3099-6177 QUEBEC INC (CONTACT AMERIQUE) ; que ce tribunal ne s'est pas déclaré incompétent pour statuer sur l'instance qui lui était soumise, s'agissant d'un accident survenu sur son territoire mais que, suivant décision en date du 24 août 2011, il a admis la motion de « forum non conveniens » qui avait été déposée par CAPITALES TOURS, considérant que le litige n'opposait plus que des parties françaises (hors la société 3099-6177 QUEBEC INC, de droit canadien) et que les demandeurs sollicitaient l'application du droit français ; qu'il a donc déclaré que la France constituait une juridiction alternative adéquate et que les considérations relatives aux intérêts privés et publics plaidaient en défaveur d'une procédure en Californie ; que c'est ainsi, que, sans se dessaisir, il a, par ordonnance en date du 21 septembre 2011, accepté la suspension des instances et dit que celles-ci seraient rejetées pour forum non conveniens si la France acceptait d'être compétente pour entendre les plaintes des demandeurs dans le cadre de cette action ;

Considérant toutefois que les instances pendantes devant le tribunal français et devant le tribunal américain ne concernent pas les mêmes parties puisque la juridiction américaine, ainsi qu'il a été vu plus haut, s'est déclarée incompétente pour statuer sur les recours contre les agents de voyage et leurs assureurs et que les organismes sociaux dont la présence est pourtant indispensable, au regard de l'application du droit français invoqué par les victimes, en matière de réparation du préjudice corporel, n'ont pas été appelés en cause à la procédure américaine pour faire connaître leurs créances ;

Que c'est en vain que les victimes invoquent la jurisprudence de la CJCE ayant admis dans le cadre de la litispendance internationale, lorsque plusieurs parties ne sont pas simultanément présentes dans les deux instances, que la juridiction saisie en second lieu se dessaisisse au profit de la première pour les seules parties concernées par les deux procédures, cette jurisprudence ne s'imposant pas en l'espèce dès lors qu'il ne s'agit pas d'appliquer un règlement européen, la juridiction étrangère étant une juridiction américaine ;

Que dès lors, c'est à tort que le juge de la mise en état, pour admettre la litispendance et déclarer les demandes de CAPITALES TOURS irrecevables à l'égard des victimes, a considéré que les parties étaient les mêmes dans les deux instances, tout en retenant que le procès se poursuivrait devant le juge français entre la demanderesse et les parties non appelées devant la juridiction américaine ;

Que la décision déférée doit être réformée et l'exception de litispendance rejetée ;

Sur la connexité :

Considérant qu'en application de l'article 101 du code de procédure civile, s'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction ;

Que la connexité internationale est admise lorsqu'il existe un lien tellement étroit entre les deux instances en cours qu'il ferait ressortir un risque de contrariété de décisions ;

Que les victimes invoquent, à l'appui de leur exception de connexité, non seulement l'instance engagée par elles devant le tribunal de Monterey, ayant donné lieu à la motion de forum non conveniens, mais également l'existence d'instances engagées par le Ministère des Transports de l'Etat de Californie contre CAPITALES TOURS et ORION PACIFIC en réparation des dommages matériels causés à la voie publique et par l'agent de recouvrement du transporteur médical par hélicoptère contre neuf des victimes en paiement des frais de transport en urgence ; mais que la cour note que ces deux instances peuvent être jugées indépendamment de celle opposant les victimes à CAPITALES TOURS, les fondements juridiques étant totalement différents ; que, par contre, il existe en France des procédures engagées, notamment par les organismes de sécurité sociale, présentant un lien étroit de connexité avec celle opposant CAPITALES TOURS aux victimes en ce qu'elles tendent à obtenir, par la voie de la subrogation, le remboursement des frais médicaux et débours engagés au profit des différentes victimes ;

Que l'exception de connexité de la présente instance avec celles pendantes en Californie sera donc rejetée ;

Sur l'indisponibilité du for :

Considérant que les victimes invoquent l'indisponibilité du for en raison du choix qu'elles ont formulé explicitement de saisir la juridiction californienne de leurs demandes en responsabilité et en indemnisation contre CAPITALES TOURS et font état, au soutien de leur argumentation, de la dernière jurisprudence de la cour de cassation ;

Que la cour observe cependant que la décision de la cour de cassation du 7 décembre 2011 invoquée par les victimes a été rendue sur le fondement de la Convention de Montréal qui prévoit, dans le domaine du transport aérien international, des règles de compétence juridictionnelle qui ouvrent au demandeur à une action en responsabilité une option de compétence entre plusieurs fors limitativement énumérés, et que la solution retenue par la cour de cassation est fondée sur les principes d'interprétation des conventions internationales et sur la considération des objectifs poursuivis par cette convention qui consacre une option de compétence sur le plan international donnant au choix du demandeur un caractère impératif et exclusif ;

Que la décision de la cour de cassation ne peut être transposée en l'espèce, l'option de compétence offerte aux victimes résultant uniquement d'une règle de procédure civile de droit interne, l'article 46 du code de procédure civile ;

Sur les fins de non-recevoir soulevées par les victimes à l'encontre des demandes de CAPITALES TOURS en application du principe de l'Estoppel et par les agences de voyage pour défaut d'intérêt à agir :

Considérant que la cour est saisie en appel d'une ordonnance du juge de la mise en état et qu'elle ne dispose, en application de l'effet dévolutif de l'appel, que des pouvoirs du juge de la mise en état ; qu'aux termes de l'article 771 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance, mais n'a pas le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir ; que la cour n'est donc pas compétente pour trancher les moyens d'irrecevabilité présentés par les victimes et par les agents de voyage ;

Sur la demande d'évocation :

Considérant que les conditions de l'évocation du litige au fond posées par les articles 89 et 568 du code de procédure civile ne sont pas réunies en l'espèce, la cour n'étant saisie que de l'appel d'une ordonnance du juge de la mise en état intervenue dans une procédure qui n'était pas en état d'être jugée au fond et l'évocation sollicitée étant de nature à priver les parties du double degré de juridiction dans une affaire complexe et dont les enjeux sont importants, ce qui serait contraire à une bonne administration de la justice ;

Que la demande d'évocation présentée par CAPITALES TOURS sera donc rejetée ;

Considérant qu'il n'est pas de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de procéder à la disjonction de l'instance ;

Considérant que l'intervention volontaire de HISCOX INSURANCE COMPANY LIMITED est recevable mais que la cour, saisie dans les limites des pouvoirs du juge de la mise en état, n'est pas compétente pour statuer sur la demande de mise hors de cause de HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED à défaut de désistement partiel de CAPITALES TOURS à son égard ;

Considérant que le juge de la mise en état ne s'est pas prononcé sur la recevabilité des demandes de la CPAM de Lille et de la CPAM de Roubaix-Tourcoing mais a renvoyé les demandes sur incident à une prochaine audience de mise en état ;

Qu'en l'état de la procédure, les demandes de la CPAM des Bouches du Rhône et de la CAMIEG au titre de l'application de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale sont prématurées ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par défaut,

Constate que le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a renvoyé les CPAM de Lille et de Roubaix-Tourcoing à plaider leurs demandes sur incident à une prochaine audience de mise en état ;

Confirme la décision en ce qu'elle a retenu que le juge de la mise en état n'était pas compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt à agir ;

Infirme la décision pour le surplus de ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate que le tribunal de grande instance de Paris est compétent rationae materiae et rationae loci pour connaître du litige qui lui a été soumis par la Société CAPITALES TOURS ;

Rejette les exceptions de litispendance et de connexité soulevées par les victimes de l'accident, demanderesses en responsabilité et en indemnisation dans la procédure américaine ;

Constate que la cour, saisie en appel d'une ordonnance du juge de la mise en état, n'est pas compétente pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par les victimes contre la société CAPITALES TOURS en application de la théorie de l'Estoppel ;

Constate que la cour n'est pas compétente pour statuer sur la demande de mise hors de cause de HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED ;

Dit n'y avoir lieu à évocation de l'affaire au fond et renvoie la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à disjonction de l'instance ;

Déclare l'intervention volontaire de HISCOX INSURANCE COMPANY LIMITED recevable ;

Déclare les demandes de la CPAM des Bouches du Rhône et de la CAMIEG au titre de l'application de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale prématurées ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les victimes, demanderesses à l'incident, aux dépens de l'incident de première instance et aux dépens de l'appel qui seront recouvrés dans les formes set conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/13232
Date de la décision : 21/12/2012

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°12/13232 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-21;12.13232 ?
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