Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRET DU 20 DECEMBRE 2012
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/18681
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Octobre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/82122
APPELANT
Monsieur [V] [Y]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
Représenté par Me Bruno NUT, avocat au barreau de PARIS (toque : C0351)
Dossier déposé par Me Alain DIKOR, avocat au barreau de PARIS (toque : A0588)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/011986 du 28/03/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMES
Maître [R] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par la SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES en la personne de Me Paul-Albert IWEINS, avocats au barreau de PARIS (toque : J010)
Assisté de Me Constance DE GARIDEL-THORON, avocat au barreau de PARIS (toque : J010)
Société TELEPERFORMANCE FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS (toque : J125)
Assistée de la société d'avocats HV ASSOCIES en la personne de Me Catheline MODAT, avocats au barreau de PARIS (toque : P0584)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Alain CHAUVET, Président
Madame Martine FOREST-HORNECKER, Conseiller
Madame Hélène SARBOURG, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Emilie GUICHARD
MINISTERE PUBLIC : dossier transmis au ministère public et avis signifié le 24 avril 2012
ARRET CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile
- signé par Monsieur Alain CHAUVET, président et par Madame Emilie GUICHARD, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Par arrêt du 05 janvier 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé un arrêt rendu le 27 novembre 2008 par la cour d'appel de Versailles, renvoyé l'affaire devant la même Cour autrement composée et condamné "la société Infomobile du groupe Téléperformance" à payer à Monsieur [V] [Y] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Monsieur [Y] a mandaté un huissier, Maître [R] [L], pour exécuter cette décision.
Maître [L] s'est alors rendu compte que 'la société INFOMOBILE' avait été dissoute le 05 février 2009, ensuite de la réunion de toutes les parts sociales en la seule main de l'associé unique TELEPERFORMANCE TECHNICAL HELP, en vertu de l'article 1844-5 du Code Civil. Estimant se trouver face à une difficulté, il en a saisi le juge de l'exécution en vertu de l' article 19 alinéa 2 de la loi du 19 juillet 1991, alors en vigueur et abrogé par l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 relative à la partie législative du code des procédures civiles d'exécution.
Par jugement rendu le 04 octobre 2011, le juge de l'exécution de PARIS a :
- écarté des débats les pièces communiquées en cours de délibéré par Monsieur [V] [Y],
- dit que l'exécution de la condamnation de la société INFOMOBILE du groupe TELEPERFORMANCE à payer à Monsieur [V] [Y] la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles 700 du Code de Procédure Civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, par arrêt en date du 05 janvier 2011 de la Chambre sociale de la Cour de cassation, est impossible, et laissé les dépens à la charge du Trésor Public.
Par dernières conclusions du 26 octobre 2012, identiques à celles déposées le 30 avril 2012, Monsieur [V] [Y], appelant, demande à la Cour de :
- le juger recevable et bien fondé en son appel,
Vu l'article 122 du code civil, Vu les articles 34 à 37 du décret du 31 juillet 1992,Vu l'article 19 alinéa 2 de la loi du 9 juillet 1991
- juger Maître [R] [L] irrecevable en son action,
- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives à la condamnation aux dépens à la charge du Trésor Public.
Vu le dispositif de l'arrêt rendu le 05 janvier 2011 par la Cour de cassation suite à l'introduction du pourvoi X.09-71.333,
Vu les articles 33 à 38 de la Loi n°91 portant réforme des procédures civiles d'exécution, l'article 1146 du Code Civil et les articles 81 à 86 du décret n°92-755 du 31 juillet 1992 pour l'application de la Loi n°91-650 du 9 juillet 1991, vu l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- ordonner ou condamner à la saisie sur compte de la société TELEPERFORMANCE France du GROUPE TELEPERFORMANCE (RCS 353380793) la somme de 2 500 euros suite à la condamnation rendue à son encontre par la Cour de cassation le 05 janvier 2011,
- ordonner ou condamner à la saisie sur compte de la société TELEPERFORMANCE France du GROUPE TELEPERFORMANCE (RCS 353380793) la somme de 10 000 euros en dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1146 du Code Civil et de 1 000 euros par jour de retard du paiement de la condamnation depuis le 10 janvier 2011 sur le fondement de l'article 1146 du Code Civil et des articles 81 à 86 du décret du 31 juillet 1992 pour Monsieur [V] [Y],
- ordonner ou condamner à la saisie sur compte de la société TELEPERFORMANCE France du GROUPE TELEPERFORMANCE (RCS 353380793) à une astreinte de 1 000 euros par jour de retard du paiement de la condamnation depuis le 10 janvier 2011 pour la Trésor Public,
- ordonner ou condamner à la saisie sur compte de la société TELEPERFORMANCE France du GROUPE TELEPERFORMANCE (RCS 353380793) la somme de 5 000 euros pour le paiement des frais autre que les dépens sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour Monsieur [V] [Y],
- ordonner ou condamner à la saisie sur compte de la société TELEPERFORMANCE France du GROUPE TELEPERFORMANCE (RCS 353380793) la somme de 5 000 euros pour le paiement des frais autre que les dépens sur le fondement de l'article 37 de la Loi du 10 juillet 1991 pour Maître Bruno NUT,
- condamner la société TELEPERFORMANCE France du GROUPE TELEPERFORMANCE (RCS 353380793) aux dépens conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile,
- ordonner la production des pièces de Maître [R] [L] qui prouvent qu'il a été trompé en sa religion,
Subsidiairement,
Considérant la déontologie des huissiers de justice en France,
Vu le décret du 29 février 1956, la Loi du 9 juillet 1991, l'article 226-13 du Code Pénal, l'article R 198 du Code de Procédure Pénale, l'ordonnance 45-2592 du 2 novembre 1945,
- ordonner la radiation de Maître [R] [L], [Adresse 3] avec ses deux clercs principaux,
- débouter tous contestants de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
Par dernières écritures du 19 mars 2012, Maître [R] [L], intimé, demande à la Cour de:
- dire recevable son action, intentée devant le juge de l'exécution,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'existence d'une difficulté d'exécution,
- dire que la demande tendant à voir radier Maître [L] est irrecevable car nouvelle en appel,
En conséquence,
- débouter l'appelant de l'ensemble des demandes qu'il forme à l'encontre de Maître [L] devant la Cour,
A titre subsidiaire,
- dire que la demande tendant à voir radier Maître [L] est vexatoire et mal fondée,
- débouter l'appelant de l'ensemble des demandes qu'il forme à l'encontre de Maître [L] devant la Cour,
A titre reconventionnel, condamner Monsieur [Y] à verser à Maître [L] la somme de 5 000 euros pour procédure vexatoire et abusive, et en tout état de cause, celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
L'affaire a été communiquée à Monsieur le Procureur général, lequel, par avis signifié le 24 avril 2012, demande à la Cour de déclarer irrecevable la demande de Monsieur [V] [Y] tendant à voir ordonner la radiation de Maître [R] [L] et ses deux clercs principaux.
Par dernières conclusions en date du 24 mai 2012, la société TELEPERFORMANCE, intimée, demande à la cour de :
- constater que le titre exécutoire de Monsieur [Y] est postérieur à la radiation de la société INFOMOBILE,
- constater que l'exécution du titre est donc impossible,
- dire que le non règlement de l'article 700 du Code de Procédure Civile par la société TELEPERFORMANCE FRANCE n'est pas abusif,
- débouter Monsieur [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, confirmer le jugement et condamner Monsieur [Y] à verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.
SUR CE, LA COUR
Qui se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à leurs écritures et au jugement déféré,
Sur la demande principale
Considérant qu'il sera d'abord observé que Maître [L] verse aux débats le procès-verbal de difficultés qu'il a dressé le 24 mai 2011, antérieurement à la saisine du juge de l'exécution ; que le moyen soulevé à ce titre par Monsieur [Y] manque en fait ; que par ailleurs les développements de Monsieur [Y] sur l'inexistence d'une difficulté, qui rendrait irrecevable l'action de l'huissier devant le juge de l'exécution, ne peuvent prospérer alors même que le juge de l'exécution a admis, même à tort, qu'une difficulté existait ;
Considérant qu'il est exposé que Monsieur [Y] a été employé par la société INFOMOBILE du 24 novembre 2005 au 05 juin 2006, date à laquelle il a été licencié ; qu'il a saisi le conseil des prud'hommes de VERSAILLES le 12 juin 2006 pour contester son licenciement, puis interjeté appel, lequel a été déclaré irrecevable par arrêt du 27 novembre 2008 ;
Considérant que, par son arrêt du 05 janvier 2011, la Cour de cassation a cassé ledit arrêt, rendu par la cour d'appel de Versailles entre "la société INFOMOBILE du groupe TÉLÉPERFORMANCE" et Monsieur [Y], ancien employé de cette société, renvoyé l'affaire devant la même cour autrement composée et condamné la société INFOMOBILE du groupe TÉLÉPERFORMANCE à payer à Monsieur [Y] la somme de 2 500 euros ;
Considérant que le litige est toujours pendant puisqu'il est précisé que la cour de renvoi est saisie ;
Considérant qu'il ressort des débats et des pièces produites que la société INFOMOBILE a été dissoute le 25 novembre 2008, avec publication au registre du commerce le 05 février 2009, ensuite de la réunion de toutes les parts sociales en une seule main, celle de l'associé unique "SOCIÉTÉ TÉLÉPERFORMANCE TECHNICAL HELP", cette société ayant elle-même été absorbée le 1er janvier 2012 avec les autres sociétés du groupe par la maison mère TELEPERFORMANCE FRANCE ;
Considérant que Maître [L] et la société TELEPERFORMANCE FRANCE, celle-ci déclarant elle-même "venir aux droits de la société INFOMOBILE", soutiennent que l'exécution de la condamnation serait "impossible", dès lors que, l'arrêt ayant été prononcé postérieurement à la dissolution de la société, le titre exécutoire aurait été délivré "à l'encontre d'une personne morale n'existant plus";
Mais considérant que l'article 1844-5 du Code Civil dispose qu' "en cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique", lequel, substitué à la société dissoute, de même qu'il a recueilli en sa qualité d'ayant cause universel de la société dissoute les créances et les dettes antérieurement nées dans le patrimoine social au titre des contrats régulièrement conclus par la société dissoute, acquiert de plein droit la qualité de partie aux instances judiciaires en cours, peu important que l'arrêt, qui est la suite de l'instance engagée antérieurement à la dissolution, ait été prononcé postérieurement à celle-ci ;
Qu'il s'ensuit que la décision rendue le 05 janvier 2011 à l'encontre de la société dissoute est opposable à l'associé unique TÉLÉPERFORMANCE TECHNICAL HELP, et donc à la société TELEPERFORMANCE FRANCE qui a absorbé cette société ;
Que l'huissier pouvait donc poursuivre l'exécution de la condamnation à l'encontre de TELEPERFORMANCE FRANCE ; que le jugement entrepris sera en conséquence infirmé ;
Sur les autres demandes de Monsieur [Y]
Considérant que la procédure de "radiation" d'un huissier de justice relève au premier chef des juridictions disciplinaires et du tribunal de grande instance, en application de l'article 5 de l'ordonnance du 28 juin 1945, et non du juge de l'exécution ou de la cour d'appel statuant avec les mêmes pouvoirs que celui-ci ; qu'en tout état de cause il est constant que cette demande est nouvelle en appel, ainsi que le relève l'intimé ; qu'elle sera déclarée irrecevable, tant en ce qu'elle est dirigée contre Maître [L] que contre ses "clercs principaux", qui au demeurant ne sont ni nommés, ni attraits à l'instance ;
Considérant qu'il n'appartient pas à la cour d'ordonner la saisie de quelque somme que ce soit, les demandes en ce sens devant être rejetées comme dépourvues de fondement légal ; que, Monsieur [Y] possédant, en l'arrêt du 05 janvier 2011, un titre exécutoire, il n'y a pas lieu de condamner la société TELEPERFORMANCE FRANCE à lui payer la somme de 2 500 euros fixée par cet arrêt ;
Considérant que la société TELEPERFORMANCE FRANCE, qui ne conteste pas que l'arrêt du 05 janvier 2011 lui ait été signifié, ne pouvait sérieusement opposer à Monsieur [Y] l'argumentation qu'elle persiste à soutenir, selon laquelle, quoique 'venant aux droits' de la société INFOMOBILE ainsi qu'elle le reconnaît, elle ne serait pas débitrice de la condamnation frappant cette société dans les conditions sus-décrites ; qu'elle a ce faisant abusivement résisté à une demande légitime, occasionnant à Monsieur [Y] un préjudice constitué notamment, outre les tracas liés à l'obligation de devoir agir judiciairement, par la privation de la jouissance de cette somme depuis plusieurs mois alors qu'il se trouve en situation économique précaire ; qu'en réparation, elle sera condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Considérant que les demandes d'astreinte ne sont pas justifiées et seront rejetées ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la production de pièces qui ne sont pas utiles à la solution du litige ;
Sur les demandes des autres parties
Considérant que Maître [L] qui s'est mépris sur la difficulté alléguée ne saurait obtenir des dommages-intérêts de la part de Monsieur [Y], étant observé que la demande de 'radiation' pour mal fondée qu'elle soit n'apparaît pas dictée par une intention vexatoire, mais par le désarroi dans lequel s'est trouvé l'appelant ; que cette demande sera rejetée ;
Considérant que Maître [L] et la société TELEPERFORMANCE FRANCE, succombant au principal, conserveront la charge des frais irrépétibles qu'ils ont exposés, supporteront in solidum les dépens de première instance et d'appel et verseront à Monsieur [V] [Y] sous la même solidarité une somme de 2 000 euros en application des articles 700 du Code de Procédure Civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement
DÉCLARE irrecevable la demande visant la 'radiation' de Maître [L] et de ses deux clercs principaux ;
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
DIT que l'huissier pouvait poursuivre l'exécution de la condamnation résultant de l'arrêt du 05 janvier 2011 à l'encontre de la société TELEPERFORMANCE FRANCE ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société TELEPERFORMANCE FRANCE à payer à Monsieur [V] [Y] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
CONDAMNE Maître [R] [L] et la société TELEPERFORMANCE FRANCE, in solidum, à payer à Monsieur [V] [Y] la somme de 2 000 euros en application des articles 700 du Code de Procédure Civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
REJETTE toute autre demande ;
CONDAMNE Maître [R] [L] et la société TELEPERFORMANCE FRANCE, in solidum, aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,