Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 4
ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2012
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/11454
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2010 -Tribunal d'Instance de PARIS 05 - RG n° 11-10-00041
APPELANT
Monsieur [M] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
REPRÉSENTÉ PAR Me Bruno NUT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0351
ASSISTÉ DE Me Wolfgang LENERZ, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE,
toque : PN 718
INTIMÉS
Syndicat des coprop.
[Adresse 2] -
[Localité 3] représenté
par son Syndic la SARL GESTION PASSION
C/o SARL GESTION PASSION
[Adresse 4]
[Localité 3]
REPRÉSENTÉ PAR la SCP NABOUDET - HATET (Me Caroline HATET-SAUVAL), avocats au barreau de PARIS, toque : L0046
ASSISTÉ DE Me Gabriel TOLEDANO substitué par Me Anne Marie MASSON, avocats au barreau de PARIS, toque : C 623
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Novembre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et Madame Marie KERMINA, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Marie KERMINA, Conseillère
Madame Sabine LEBLANC, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Béatrice PIERRE-GABRIEL
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, présidente et par Madame Paule HABAROV, greffier présent lors du prononcé.
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 8] (le syndicat des copropriétaires) a acquis le 17 octobre 2005 les lots n° 6 et n° 7 de l'état descriptif de division de l'immeuble occupés par M. [L] en vertu d'un bail du 10 mai 1978.
Le 17 novembre 2005, le syndicat des copropriétaires a notifié à M. [L] un congé pour motif légitime et sérieux.
Les lots n° 6 et n° 7 ont été transformés en parties communes par modification de l'état descriptif de division en date du 4 juin 2007.
Le 10 février 2010, M. [L] a assigné le syndicat des copropriétaires devant le tribunal d'instance aux fins de le voir condamner à faire effectuer sous astreinte tous travaux de réparation sur la canalisation de gaz alimentant son logement.
Par jugement du 15 avril 2010, le tribunal d'instance de Paris (5e arrondissement) a :
- débouté M. [L] de ses demandes,
-débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné M. [L] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de
800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [L] aux dépens.
M. [L] a interjeté appel de ce jugement le 31 mai 2010.
Par arrêt du 16 décembre 2010 devenu irrévocable, la cour d'appel de Paris
(pôle 4-chambre 3) a annulé le congé du 17 novembre 2005.
Par arrêt du 5 juin 2012, la cour présentement saisie de l'appel de M. [L] a sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par lui.
Par arrêt du 11 septembre 2012, la cour d'appel de Paris (pôle 4-chambre 4) a dit n'y avoir lieu à transmettre la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation et a rejeté l'exception d'inconventionnalité soulevée par le syndicat des copropriétaires.
Par conclusions signifiées et déposées le 20 février 2012, M. [L] demande à la cour, réformant le jugement, de condamner le syndicat des copropriétaires 'tant en sa qualité de bailleur que de représentant de la masse des copropriétaires' à effectuer tous travaux de réparation sur la canalisation de gaz alimentant (son) logement et la remise en service des appareils fonctionnant au gaz' sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt, de le condamner à lui payer la somme de
20 000 euros à titre de dommages et intérêts, à lui remettre les quittances de loyers à compter du mois d'octobre 2010 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt et à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.
Par conclusions signifiées le 26 mars 2012, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de déclarer l'appel irrecevable, de débouter M. [L] de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Considérant que le grief du syndicat des copropriétaires pris de l'absence de visa des textes de procédure civile justifiant l'assignation à bref délai devant le premier juge est sans incidence sur la recevabilité des demandes ;
Considérant que l'absence prétendue d'urgence, de fondement juridique des prétentions, l'absence de visas de textes dans les conclusions ou le défaut prétendu d'allégations factuelles ne sont pas sanctionnés par l'irrecevabilité des demandes ;
Que la fin de non recevoir soulevée par le syndicat des copropriétaires tirée de l'irrecevabilité des demandes de M. [L] sera rejetée ;
Considérant qu'en recherchant la responsabilité du syndicat des copropriétaires en tant que représentant de la masse des copropriétaires et tant que bailleur, M. [L] fonde juridiquement ses demandes sur l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 et sur l'article 1719 du code civil ;
Considérant que l'arrêt de la cour d'appel de Paris (pôle 1- chambre 3), statuant sur l'appel d'une ordonnance de référé, comme tel dépourvu de l'autorité de la chose jugée, a dit irrecevable à défaut de lien suffisant avec la prétention originaire la demande de M. [L] tendant à la condamnation du syndicat des copropriétaires à réaliser les travaux de remise en état de la canalisation de gaz alimentant son logement ;
Que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 décembre 2010 précité, saisi par
M. [L] d'une demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice né de l'absence de réparation de la canalisation de gaz et d'un harcèlement causé par le syndicat des copropriétaires, a condamné celui-ci à payer à M. [L] la somme de 1 500 euros au titre de son indemnisation ;
Qu'en conséquence, aucune décision de justice n'a tranché la demande d'exécution de travaux formée par M. [L] ;
Considérant que bien que constituant un branchement individuel, la canalisation litigieuse, installée en façade, passant à travers le gros oeuvre et dont le robinet commandant la coupure est situé sur une colonne extérieure, est destinée à alimenter en gaz des locaux ayant depuis 2007 le statut de parties communes (pièces n ° 7 et n° 8 de l'appelant);
Qu'en application de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, et faute pour le syndicat des copropriétaires se prévaloir d'éventuelles stipulations contraires du règlement de copropriété, la canalisation est elle-même une partie commune ;
Considérant qu'en vertu de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux tiers par le défaut d'entretien des parties communes ;
Que les clauses du bail, qui exonèrent le bailleur de toute garantie des vices affectant la chose louée et de toute obligation d'entretien, notamment des canalisations d'eau et de gaz sans distinguer selon qu'elles sont communes ou privatives, à les supposer licites, et qui rappellent que le preneur supporte l'entretien de la chaudière, ne font pas obstacle à la mise en oeuvre de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Considérant que M. [L], locataire, est un tiers au sens de l'article 14 ;
Considérant qu'il résulte des pièces produites par M. [L] (n° 3 et n° 7) que l'agent technique de l'Unité Réseau Gaz Paris, appelé par M. [L], a constaté le 28 mai 2009 une fuite de la canalisation au niveau de sa pénétration en façade justifiant la coupure de l'alimentation ;
Qu'il est en conséquence établi que la canalisation avait subi un dommage lorsque M. [L] a pris l'initiative, qu'on ne saurait lui reprocher, d'appeler les services techniques de l'Unité Réseau Gaz Paris ;
Que le syndicat des copropriétaires, sur lequel pèse la charge de la preuve, ne démontre pas que l'état de la canalisation relève de la force majeure ou est imputable à la faute de M. [L], l'allégation selon laquelle M. [L] serait absent plusieurs mois par an du logement étant, à la supposer même établie, sans incidence ;
Considérant que la demande de M. [L] tendant à la réparation de la canalisation étant fondée, le syndicat des copropriétaires, comme constituant la collectivité des copropriétaires, sera condamné à exécuter sous astreinte les travaux nécessaires pour remettre en état la canalisation dans les termes du dispositif ci-après ; que le jugement sera réformé en ce sens ;
Considérant que les lieux loués sont équipés d'une chaudière à gaz fournissant le chauffage et l'eau chaude (pièces n° 37 de l'intimé et n° 15 de l'appelant) ; que
M. [L], qui invoque 'les appareils fonctionnant au gaz', n'allègue pas que les équipements du logement mis à la disposition du locataire par le bailleur comprendraient des appareils autres que la chaudière ;
Qu'il est constant que cette installation, qui constitue un équipement privatif, ne fonctionne pas depuis le 28 mai 2009 en raison des désordres affectant la canalisation d'alimentation en gaz ;
Qu'il s'ensuit que sa remise en état n'incombe pas à M. [L] au titre des réparations locatives mais au bailleur, sur lequel pèse, en application de l'article 1719 du code civil, l'obligation d'entretenir la chose louée en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'assurer la jouissance paisible du locataire;
Que la demande de M. [L] tendant à la remise en service 'des appareils fonctionnant au gaz', plus précisément la chaudière, étant fondée, le syndicat des copropriétaires, en qualité de bailleur, sera condamné à exécuter sous astreinte les travaux nécessaires à cette fin dans les termes du dispositif ci-après ; que le jugement sera réformé en ce sens ;
Considérant que le syndicat des copropriétaires prouve qu'à la date de la signification de ses dernières conclusions, il a remis à M. [L] les quittances courant depuis octobre 2010 jusqu'en février 2012 ; que M. [L], qui forme sa demande en février 2012, sera débouté de sa demande de délivrance de quittances sous astreinte depuis octobre 2010 ; que le jugement sera complété en ce sens ;
Considérant que M. [L] demande l'indemnisation d'un préjudice matériel et moral, également subi par sa mère qu'il héberge, résultant de la privation de gaz depuis 2009, de la privation d'eau pendant un mois entre octobre et novembre 2010 et de l'impossibilité de bénéficier de l'allocation logement causé par la carence, la résistance abusive et la mauvaise foi du syndicat des copropriétaires ;
Mais considérant que la mère de M. [L] n'est pas partie au litige et que nul ne peut plaider par procureur ;
Considérant que si l'inaction du syndicat des copropriétaires dans le rétablissement de l'alimentation en gaz n'est pas fautive en l'état du débat jusqu'alors non tranché sur son caractère commun ou privatif, il reste que sa carence en tant que bailleur à entretenir les lieux loués conformément à leur usage et à en faire jouir paisiblement le locataire est objectivement établie ;
Considérant que les circonstances dans lesquelles M. [L] a été privé d'eau en octobre/novembre 2010 étant confuses, la faute éventuellement commise par le syndicat des copropriétaires n'est pas établie ;
Considérant que l'arrêt du 16 décembre 2010 ayant été frappé d'un pourvoi non suspensif, le syndicat des copropriétaires est mal fondé à soutenir qu'il était justifié de sa part d'attendre l'arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012 (rejetant le pourvoi) pour délivrer les quittances postérieurement au 30 septembre 2010 alors que, compte tenu de l'annulation du congé, M. [L] disposait d'un titre d'occupation; que l'abstention du syndicat des copropriétaires est fautive ;
Considérant que le comportement du syndicat des copropriétaires, qui ne donnait aucune suite aux mises en demeure de M. [L] de novembre et décembre 2010 (ses pièces n° 16, n° 17, n° 25) tout en sollicitant concomitamment, et obtenant, l'autorisation de juge (arrêt du 5 octobre 1010) pour pénétrer dans les lieux afin d'étudier les modalités de leur aménagement en loge de gardien alors que le litige sur la validité du congé était pendant, ne traduit pas à proprement parler de la mauvaise foi mais contribue à caractériser le préjudice moral subi par M. [L];
Considérant qu'il n'est pas démontré que le syndicat des copropriétaires a commis une faute de nature à dégénérer en abus en résistant à la demande ;
Considérant que compte tenu des termes de l'arrêt du 16 décembre 2010, évaluant à la date à laquelle la cour a statué le préjudice de M. [L] dont la demande portait pour partie sur l'indemnisation du dommage matériel dont il saisit présentement la cour, son préjudice de ce chef ne peut être apprécié que dans la limite d'une privation de chauffage durant l'hiver 2011/2012 à compter du 17 décembre 2010 et d'eau chaude depuis le 17 décembre 2010 ;
Que M. [L] prouve qu'il a été privé de la possibilité d'une étude de l'ouverture de ses droits à l'aide au logement à partir de janvier 2012, susceptible d'améliorer sa situation financière, faute de pouvoir dès cette date fournir les quittances de 2011 (sa pièce n° 29) ;
Considérant qu'au vu des éléments d'appréciation soumis à la cour, il y a lieu de fixer à la somme de 5 000 euros l'indemnisation du préjudice matériel et moral subi par M. [L] ; que le syndicat des copropriétaires sera condamné au paiement de cette somme, le jugement étant réformé en ce sens ;
Considérant que le syndicat des copropriétaires ne prouve pas que les faits qu'ils reprochent à M. [L], à les supposer établis, l'empêche de faire aboutir son projet de réunir le logement de celui-ci à la loge de la gardienne ; qu'il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Considérant qu'il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [L] dans les termes du dispositif ci-après, les dispositions du jugement le condamnant de ce chef étant réformées ;
PAR CES MOTIFS
Rejette la fin de non recevoir soulevée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 8] tirée de l'irrecevabilité des demandes de M. [L] ;
Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf celles déboutant le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 8] de sa demande de dommages et intérêts ;
Ajoutant au jugement :
Déboute M. [L] de sa demande de remise de quittances sous astreinte depuis octobre 2010 ;
Statuant à nouveau sur les chefs de dispositif réformés :
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 8] à effectuer les travaux de remise en état de la canalisation de gaz alimentant les lieux loués à M. [L] dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant trois mois à compter de l'expiration dudit délai ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 8] à effectuer la remise en service de la chaudière à gaz équipant les lieux loués à M. [L] dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant trois mois à compter de l'expiration dudit délai ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 8] à payer à M. [L] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 8] à payer à M. [L] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 8] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 8] aux dépens de première instance et aux dépens d'appel avec, pour les dépens d'appel, droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT