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14/12/2012 | FRANCE | N°10/20955

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 14 décembre 2012, 10/20955


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2





ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2012



(n° 2012- , 1 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 10/20955



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/14673





APPELANT:



Monsieur [O] [U]

[Adresse 3]

[Localité 6]

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représenté par la SCP AUTIER (Me Jean-philippe AUTIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0053)

assisté de Maître Laurent DIXSAUT (avocat au barreau de PARIS, toque : B1139)



INTIMES:



S.A. BNP PARIBAS

pris...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2012

(n° 2012- , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/20955

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/14673

APPELANT:

Monsieur [O] [U]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par la SCP AUTIER (Me Jean-philippe AUTIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0053)

assisté de Maître Laurent DIXSAUT (avocat au barreau de PARIS, toque : B1139)

INTIMES:

S.A. BNP PARIBAS

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES (Me Michel GUIZARD) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0020)

assistée de Maître Sébastien ZIEGGLER (avocat au barreau de PARIS, toque : C2258)

Monsieur [J] [F]

[Adresse 5]

[Localité 9]

représenté par Maître Laurence TAZE BERNARD (avocat au barreau de PARIS, toque : L0068)

assisté de Maître Philippe BATAILLE, plaidant pour la SCP BATAILLE ET ROVAULT (avocats au barreau de VERSAILLES, toque : T 135)

Madame [C] [A] [V] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par la SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034)

ayant pour avocat Maître Philippe BOCQUILLON, avocat au barreau de PARIS, toque E 1085

Monsieur [X] [D]

[Adresse 15]

[Localité 8]

représenté par la SCP MONIN - D'AURIAC (Me Patrice MONIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J071)

assisté de Maître Emmanuel de LAAGE, plaidant pour la SELARL LABARTHE - de LAAGE (avocats au barreau de PARIS, toque : K150)

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame [N] [I] ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Novembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Anne VIDAL, Présidente de chambre

Françoise MARTINI, Conseillère

Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Narit CHHAY

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et par Guénaëlle PRIGENT, Greffier.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [O] [U], légataire universel de M. [P], décédé le [Date décès 4] 2002, a fait assigner M. [X] [D], successivement mandataire spécial puis gérant de tutelle du de cujus entre janvier 2001 et son décès, devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de contester les actes accomplis par celui-ci en sa qualité de gérant de tutelle. Il a également fait assigner M. [J] [F], expert qui avait évalué l'appartement de M. [P] avant sa vente de gré à gré, Mlle [C] [Z], acquéreur de cet appartement, et la banque BNP PARIBAS auprès de laquelle M. [P] disposait d'un coffre clôturé par son gérant de tutelle. Il leur réclamait le versement de diverses sommes, au titre du préjudice subi du fait de la vente et de la location illicites de l'appartement de la fermeture illicite des coffres bancaires et du détournement des sommes qui s'y trouvaient ainsi que de la perte de la bibliothèque scientifique de M. [P].

Par jugement en date du 21 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :

Rejeté la demande de Mlle [C] [Z] en nullité de l'assignation,

Débouté M. [O] [U] de toutes ses demandes et prononcé sa condamnation à verser les sommes suivantes :

A M. [X] [D], les sommes de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A Mlle [C] [Z], les sommes de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A M. [J] [F], les sommes de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A la BNP PARIBAS, la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Et ce avec le bénéfice de l'exécution provisoire.

Il a rejeté les demandes de M. [O] [U] au titre de la vente de l'appartement en considérant que celle-ci n'était pas intervenue de manière illicite et au titre de la perte de loyers en retenant que leur versement avait été interrompu du fait de l'obstruction de M. [O] [U] à la vente. Il a également rejeté les demandes relatives à la fermeture du coffre à la BNP PARIBAS en constatant que M. [O] [U] ne rapportait pas la preuve que ce coffre ' ouvert en présence de deux témoins et dont le contenu avait été confié à un notaire qui l'avait inventorié ' contenait des pièces d'or qui auraient été détournées par M. [X] [D] ou par Mlle [C] [Z]. Il a enfin considéré que la preuve de la grande valeur de la bibliothèque scientifique de M. [P] n'était pas rapportée, M. [O] [U] ayant refusé d'en supporter les frais de transport à son domicile, sans s'enquérir de son devenir.

M. [O] [U] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration déposée au greffe le 26 octobre 2010.

-------------------------

M. [O] [U], aux termes de ses conclusions déposées et signifiées le 7 novembre 2012, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

condamner M. [X] [D], M. [J] [F] et Mlle [C] [Z] in solidum à lui payer la somme de 63.285 €, sauf à parfaire, au titre du préjudice subi du fait de la vente illicite de l'appartement,

subsidiairement,

Condamner M. [X] [D], M. [J] [F] et Mlle [C] [Z] in solidum à lui verser 63.285 €, sauf à parfaire, au titre de la perte de chance de vendre l'appartement à sa valeur vénale réelle, ainsi que la somme de 59.249,37 €, sauf à parfaire, au titre de la location illicite de l'appart et celle de 15.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral du fait de la vente illicite de l'appartement,

Condamner M. [X] [D] et la BNP PARIBAS in solidum à lui payer la somme de 150.000 €, sauf à parfaire, au titre du préjudice subi du fait de la fermeture illicite des coffres bancaires de M. [P] et du détournement des biens qui s'y trouvaient,

Condamner M. [X] [D] la somme de 150.000 €, sauf à parfaire, au titre du préjudice subi du fait de la perte de la bibliothèque scientifique de M. [P], outre celle de 15.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de cette perte,

à titre subsidiaire,

De désigner un expert pour évaluer la bibliothèque scientifique et d'une façon plus générale de déterminer les responsabilités et d'évaluer les préjudices subis,

De débouter les intimés de toutes leurs demandes

à titre infiniment subsidiaire,

De faire injonction à M. [X] [D] de produire, sous astreinte 300 € par jour de non-faire à compter de la décision à intervenir :

l'inventaire des biens de M. [X] [D] tel que visé en pièce adverse 12,

les documents contractuels de remise de la bibliothèque à la Sté PRO CLEAN et les documents justificatifs de ses diligences afin d'en obtenir restitution,

l'original des bordereaux de visite de M. [X] [D] au coffre-fort de M. [P], notamment le bordereau 338040K,

de faire injonction à BNP PARIBAS, sous la même astreinte, de produire l'original des bordereaux de visite de M. [X] [D] au coffre, notamment le bordereau 338040K,

de faire injonction à Mlle [C] [Z] d'avoir, sous la même astreinte, la justification de son adresse actuelle précisant l'étage et la porte,

de condamner M. [X] [D], Mlle [C] [Z], M. [J] [F] et la BNP PARIBAS in solidum à lui verser une somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient, pour l'essentiel, en ce qui concerne la vente et la location de l'appartement :

que la vente de l'appartement de M. [P] est intervenue de manière illicite car elle aurait dû, aux termes de l'article 459 ancien du code civil, être faite impérativement aux enchères publiques ou avec l'autorisation du conseil de famille ; que le juge des tutelles a excédé ses pouvoirs en autorisant la vente de l'appartement et que le tuteur a agi en dehors des dispositions légales en concluant la vente de gré à gré, a fortiori au profit de Mlle [C] [Z], concubine de son voisin de palier, engageant ainsi sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; que, de même, l'article 1271 du code de procédure civile prévoit que la vente judiciaire des biens d'un majeur sous tutelle ne peut être ordonnée qu'au vu d'une délibération du conseil de famille ;

que la vente est intervenue en dehors de toute expertise judiciaire et dans des conditions manifestement frauduleuses, de même que la location du bien, consentie par M. [X] [D] sans aucune autorisation et pour un prix dérisoire, étant ajouté que Mlle [C] [Z] et M. [G] y étaient présentés à la fois comme les bailleurs et les locataires ; que cette vente a été conclue au profit de M. [X] [D] lui-même, Mlle [C] [Z] n'ayant été qu'un prête-nom, en violation des articles 1596 du code civil et de l'article 432-12 du code pénal qui sanctionne la prise illégale d'intérêt ;  

que M. [J] [F] a commis une faute en rendant un rapport dans lequel il fondait son évaluation, non pas sur des prix de référence du marché immobilier mais sur quelques petites annonces non fiables, qu'il a manifestement procédé à une sous-estimation de l'ordre de 40%, au regard des conclusions de l'expertise judiciaire de M. [S], qu'il a manqué à son obligation d'information complète des parties et que ses négligences engagent sa responsabilité civile délictuelle à l'égard des tiers au contrat ;

que Mlle [C] [Z] ne pouvait contracter un bail dans lequel elle intervenait à la fois comme bailleur et comme locataire, moyennant un loyer dérisoire qu'elle a cessé rapidement de régler alors qu'elle a occupé le bien jusqu'à la réitération authentique.

Il fait valoir, en ce qui concerne le coffre ouvert à la BNP PARIBAS, que M. [X] [D] se serait rendu au coffre deux fois, le 10 (et non le 30 octobre), soit avant l'autorisation donnée par le juge, et le 9 novembre 2001, qu'il n'a pas procédé à un inventaire contradictoire du coffre et qu'il n'avait pas le pouvoir de procéder à sa clôture ; qu'il ne fait pas la preuve de son obligation de restitution du contenu du coffre par la remise au notaire de quelques papiers et pièces étrangères, alors qu'il ressort de l'attestation de M. [R] que M. [P] y détenait des pièces d'or pour environ 280.000 F et des billets de banque pour 300.000 F ; que la BNP PARIBAS a eu un comportement fautif, tant en omettant de vérifier l'exécution de l'ordonnance du juge qu'en mentant sciemment sur les visites de M. [X] [D] au coffre.

Il termine en indiquant que les livres de la bibliothèque de M. [P] ont été restitués par la société PRO CLAN à M. [X] [D] qui les a détournés ; qu'en tout état de cause la disparition de cette bibliothèque, dont la valeur scientifique est inestimable, résulte de la violation par celui-ci de son obligation de gérer en bon père de famille, que sa responsabilité en tant que dépositaire de cette bibliothèque se trouve engagée et que son obligation de restitution est une obligation de résultat à laquelle il ne peut se soustraire en invoquant la faute de la Société PRO CLEAN.

M. [X] [D], suivant ses conclusions en date du 2 octobre 2012, demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à porter le montant de l'indemnisation due par M. [O] [U] au titre du caractère abusif de son action en justice à la somme de 50.000 €, outre la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, il sollicite la condamnation de M. [J] [F], sur le fondement de l'article 1147 du code civil, à le relever et garantir de toutes condamnations prononcées au titre de la sous-évaluation du prix de cession du bien expertisé par lui.

Il soutient que la vente de l'immeuble est intervenue dans des conditions régulières puisqu'il est établi que M. [P] ne pouvait plus revenir habiter dans son appartement, que l'autorisation du juge des tutelles a été donnée, au vu de l'estimation faite par M. [J] [F], et qu'en l'état d'une gérance de tutelle et de l'absence de tout conseil de famille, cette autorisation était parfaitement régulière ; que le prix correspond à l'évaluation faite par M. [J] [F] et à l'avis donné par Me [H], notaire à [Localité 12], au regard de la surface de l'appartement et de son état de vétusté et de saleté ; que le bail qu'il a accepté au profit de Mlle [C] [Z], l'acquéreur, entre le 1er octobre 2002 et la date de réitération prévue, le 22 novembre 2002, prévoyait un loyer dont le montant était justifié compte tenu de l'état de l'appartement et que l'origine du retard dans la réitération authentique de la vente est du fait de M. [O] [U].

Il indique qu'il a été autorisé par ordonnance du juge des tutelles du 11 octobre 2001 à faire procéder à l'ouverture du coffre de M. [P] en présence de deux témoins, ce qu'il a fait le 9 novembre en présence d'un représentant de la banque et de M. [G] ; que le coffre ne contenait que des devises étrangères et sans valeur remises à Me [B], notaire ; qu'en tout état de cause, l'attestation de M. [R] ne suffit pas à établir le contenu prétendu du coffre.

Il fait enfin valoir que M. [O] [U], invité en octobre 2001 à venir chercher la documentation scientifique de M. [P], n'est pas venu alors qu'il savait que M. [X] [D] vidait l'appartement pour le vendre ; que les documents ont été enlevés en avril 2002 par la Société PRO CLEAN qui ne justifie pas avoir procédé à leur restitution ; que la preuve de la valeur marchande de cette bibliothèque n'est pas rapportée et que la mesure d'instruction sollicitée ne peut être ordonnée à défaut d'éléments concrets susceptibles d'être soumis à l'expert.

M. [J] [F], en l'état de ses conclusions récapitulatives et en réplique du 16 mars 2012, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a mis hors de cause et en ce qu'il lui a alloué des dommages et intérêts dont il sollicite, dans le cadre d'un appel incident, qu'ils soient portés à la somme de 10.000 €. Il réclame également la condamnation de M. [O] [U] à lui verser une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il explique que la responsabilité de l'expert amiable ne peut être recherchée que dans le cadre d'une obligation de moyens et qu'il a accompli son travail de manière diligente, après s'être rendu sur place et avoir constaté l'état de vétusté et de saleté de l'appartement, en procédant par comparaison avec des offres de vente, étant rappelé qu'en 2001 il n'existait aucune publication des prix de vente, en dehors de la banque de données des notaires à laquelle il n'avait pas accès. Il ajoute que Me [H], notaire, qui avait accès à ce fichier, a fourni une évaluation similaire et que le juge des tutelles a validé cette estimation.

Mme [C] [Z], suivant écritures déposées le 18 juillet 2011, conclut, elle aussi, à la confirmation jugement et demande à la cour de rejeter toutes les demandes de M. [O] [U], de porter le montant des dommages et intérêts alloués pour procédure abusive à la somme de 15.000 € et d'y ajouter une somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle s'oppose au paiement de toute somme au titre de la vente en soutenant que le prix payé était celui du marché immobilier et que M. [O] [U] a régularisé la vente devant notaire le 28 novembre 2008 sans réserves. Elle conteste le caractère illicite du bail qui ne devait durer que quelques semaines entre le 1er octobre 2002 et la réitération prévue le 22 novembre 2002 mais qui n'a eu lieu qu'en 2008 par le fait de M. [O] [U] lui-même qui a refusé d'honorer les engagements pris dans le compromis ; que M. [O] [U] n'a d'ailleurs pas sollicité le paiement du loyer.

La BNP PARIBAS, suivant conclusions en date du 8 novembre 2012, sollicite la confirmation du jugement, le rejet des demandes formées par M. [O] [U] à son encontre et sa condamnation à lui verser une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose qu'elle n'a pas commis de faute dans l'ouverture du coffre car celle-ci était autorisée par le Juge, qu'il n'existe pas de lien entre la résiliation du contrat et l'hypothétique disparition des biens qui s'y trouvaient et surtout que la preuve n'est pas rapportée de la nature et de la valeur des biens contenus dans ce coffre.

-------------------------

Suivant conclusions d'incident en date du 13 novembre 2012, M. [O] [U] a demandé au conseiller de la mise en état, au visa des articles 132 et suivants du code de procédure civile et en considération des sommations et itératives sommations de communiquer délivrées aux intimés, d'ordonner la production sous astreinte des pièces suivantes :

par M. [X] [D] : des comptes de tutelle, de l'inventaire visé par sa pièce n°12, des documents contractuels de remise de la bibliothèque de M. [P] à la société PRO CLEAN et ses diligences afin d'en obtenir restitution,

par la BNP PARIBAS : de l'original du bordereau de visite de M. [X] [D] au coffre de M. [P],

par Mme [C] [Z] : des justificatifs de son adresse actuelle en précisant l'étage et la porte.

M. [X] [D] a répondu par voie de conclusions en date du 15 novembre 2012 et réclamé le rejet des demandes en indiquant que les comptes de tutelle étaient consultables au tribunal d'instance du 10ème arrondissement, que la pièce n°12 ne faisait pas état d'un inventaire et qu'il avait communiqué le devis de la société PRO CLEAN du 5 avril 2002 et sa facture du 17 avril 2002.

La BNP PARIBAS a également répondu le 15 novembre 2012 en sollicitant le rejet de la demande de communication de M. [O] [U], soutenant que la production de l'original du bordereau, plus de 10 ans après la visite, était sans utilité pour l'issue du litige puisqu'en tout état de cause il ne permettait pas de rapporter la preuve du contenu du coffre en question.

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La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 15 novembre 2012.

Mme [C] [Z] a déposé, le jour de l'audience, des conclusions de procédure par lesquelles elle sollicitait le renvoi du calendrier de procédure et à défaut le rejet des conclusions et pièces signifiées par M. [O] [U] depuis le 7 novembre 2012, indiquant, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile, qu'elle n'était pas en mesure matérielle de répondre dans un délai aussi court.

M. [O] [U] a soutenu que les conclusions de réponse à incident de M. [X] [D] et de la BNP PARIBAS ne lui avaient pas été communiquées avant l'ordonnance de clôture.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les questions de procédure :

Considérant qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice, afin d'éviter un retard dans l'examen du dossier, de joindre au fond l'incident de communication de pièces formé par M. [O] [U] suivant conclusions en date du 13 novembre 2012, l'appréciation de l'utilité des pièces réclamées pouvant aisément être portée par la cour dans le cadre de l'examen au fond de chacune des demandes de l'appelant ;

Que c'est en vain que M. [O] [U], responsable de la tardiveté du dépôt de cet incident, prétend ne pas avoir eu connaissance des conclusions en réponse déposées par ses contradicteurs, M. [X] [D] et la BNP PARIBAS, lesquels justifient avoir, dans l'urgence, fait signifier par huissier leurs écritures sur incident le 15 novembre 2012, soit donc avant la clôture ;

Considérant que la clôture, prévue à la date du 8 novembre 2012, a été reportée au 15 novembre 2012 en l'état des conclusions de fond qui venaient d'être déposées par M. [O] [U] et par la BNP PARIBAS ; que si plusieurs des parties étaient alors d'accord pour solliciter le renvoi de l'audience et éventuellement le retrait du rôle de l'affaire, il apparait que le conseil de M. [X] [D] s'y est légitimement opposé, compte tenu de l'ancienneté du litige et de l'âge de son client ;

Que les dernières conclusions de fond de M. [O] [U] ont été signifiées le 7 novembre 2012, soit huit jours avant la date de la clôture reportée, ce qui laissait à Mme [C] [Z] un délai suffisant pour y répondre si elle l'estimait utile ; qu'au demeurant, Mme [C] [Z] ne sollicite le rejet que des conclusions et pièces déposées par M. [O] [U] « depuis le 7 novembre 2012. », c'est-à-dire les conclusions d'incident du 13 novembre 2012, lesquelles, en ce qu'elles visent les injonctions de communiquer du 4 octobre 2012 auxquelles Mme [C] [Z] n'a pas jugé utile de répondre et en ce qu'elles concernent des pièces réclamées sous astreinte dans les conclusions du 7 novembre 2012 ne constituent pas des éléments nouveaux ayant pris l'intimée par surprise ;

Que la demande de Mme [C] [Z]  sera donc rejetée ;

Sur le fond :

Considérant que M. [P], atteint de la maladie d'Alzheimer, a fait l'objet d'une mesure de protection juridique, le juge des tutelles du 10ème arrondissement de [Localité 12] ayant décidé, le 9 janvier 2001, de le placer sous sauvegarde de justice, puis le 5 juin 2001, de la placer sous tutelle ; que M. [X] [D] était désigné, dans un premier temps, mandataire spécial de M. [P] puis, à partir du 5 juin 2001, gérant de tutelle, eu égard à la consistance des biens à gérer ;

Que M. [P] est décédé le [Date décès 4] 2002 en l'état d'un testament désignant M. [O] [U] comme son légataire universel ;

Que dans les quelques mois précédant son décès, M. [X] [D] avait signé un compromis de vente de l'appartement de M. [P] au profit de Mme [C] [Z], avait fait libérer cet appartement de son contenu et avait clôturé le coffre de l'intéressé à la BNP ;

Que M. [O] [U], contestant les conditions dans lesquelles le gérant de tutelle avait rempli sa mission et pris ces dispositions, après avoir résisté à la réitération authentique de l'acte de vente et vainement engagé une procédure en tierce opposition contre l'ordonnance du juge des tutelles ayant autorisé cette vente, a fait assigner M. [X] [D], ainsi que Mme [C] [Z], M. [F], expert, et la BNP PARIBAS en octobre 2007 en responsabilité et en indemnisation des préjudices résultant des actes passés pendant les derniers mois de vie de M. [P] ;

Considérant que, pour appuyer ses demandes à l'encontre de M. [X] [D], l'appelant réclame, plus de 5 ans après l'engagement de la procédure et plus de 10 ans après la clôture du dossier de tutelle, la communication forcée par celui-ci de l'inventaire des biens de M. [P] et des comptes de tutelle ; que la cour considère, outre le fait que cette demande est fort tardive et que M. [O] [U] aurait pu en obtenir la communication auprès des archives du tribunal d'instance, qu'elle est sans utilité sur la solution du litige puisque les griefs formulés par M. [O] [U] contre M. [X] [D] concernent, pour les premiers les conditions de vente et de location de l'appartement, figurant nécessairement dans l'inventaire du patrimoine de M. [P], seule sa valeur étant l'objet d'une discussion, pour le second les conditions d'ouverture d'un coffre dont le contenu ne pouvait être porté à l'inventaire tant qu'il n'avait pas été ouvert et pour les derniers le défaut de restitution d'une bibliothèque dont le contenu ne pouvait être précisément inventorié par M. [X] [D], s'agissant de documents à caractère scientifique dont il ne pouvait connaître l'importance et la valeur et dont il est rapporté par un témoin qu'ils avaient, au surplus, été passablement déclassés par M. [P] au début de sa maladie ;

Que l'utilité des sommations de communiquer faites à M. [X] [D] à propos de l'enlèvement de la bibliothèque scientifique de M. [P], à Mme [C] [Z] sur la justification de l'appartement qu'elle occupe et à la BNP PARIBAS concernant la visite du coffre sera examinée en même temps que les différentes questions de fond auxquelles elles se rapportent ;

1 - Sur la vente de l'appartement de M. [P] :

Considérant que suivant acte sous seing privé en date du 4 septembre 2002 signé en l'étude de Me [B], notaire, M. [X] [D], agissant en qualité de gérant de tutelle de M. [P] en vertu d'une autorisation donnée par le juge des tutelles par ordonnance en date du 13 août 2002, a vendu à Mme [C] [Z] l'appartement de M. [P], situé au 6ème étage de l'immeuble du [Adresse 2], moyennant le prix de 106.715 €, sous diverses conditions suspensives dont celle de l'obtention par l'acquéreur d'un prêt, la réitération authentique devant intervenir avant le 22 novembre 2002 ;

Considérant que M. [O] [U] soutient au principal que la vente de gré à gré ainsi intervenue serait illégale au motif que les articles 459 et 468 anciens du code civil, applicables à la tutelle des majeurs en vertu des dispositions de l'article 495, imposent que les ventes d'immeubles se fassent aux enchères publiques, la vente amiable ne pouvant être autorisée que par le conseil de famille ;

Mais que force est de constater que ces dispositions ne sont pas applicables en l'espèce, M. [P] ayant été placé, ainsi qu'il a été vu plus haut, non pas sous tutelle, mais sous gérance de tutelle, de sorte, d'une part qu'il n'avait pas été constitué de conseil de famille auprès duquel l'autorisation aurait pu être sollicitée, d'autre part que l'article 500 ancien alinéa 2 du code civil recevait application et qu'il permettait au juge des tutelles, pour tous les actes devenus nécessaires et outrepassant ceux normalement dévolus au gérant de tutelle et définis par l'alinéa 1er, soit de les autoriser, soit de décider de constituer un conseil de famille ;

Que dès lors, l'autorisation du juge des tutelles donnée par ordonnance en date du 13 août 2002 au regard de l'impossibilité pour le majeur protégé de vivre seul dans son domicile attestée par un certificat médical et de l'avis d'estimation établi par M. [J] [F], expert près la cour d'appel de Versailles, consulté par le gérant de tutelle, était parfaitement valable et que le gérant de tutelle n'a agi, en signant le compromis de vente, ni en dehors de ses pouvoirs, ni au-delà des dispositions légales applicables ;

Que le tribunal a donc justement rejeté les demandes de M. [O] [U] au titre de l'illicéité prétendue de la vente de gré à gré ;

Considérant que M. [O] [U] réclame subsidiairement l'indemnisation du préjudice résultant de la sous-estimation fautive du bien immobilier, mettant en avant l'évaluation réalisée par l'expert judiciaire, M. [S], désigné en référé en 2006, qui a estimé le bien en valeur juin 2001 à 153.000 € et en valeur septembre 2002 à 170.000 €, alors que M. [J] [F] retenait une valeur de 600.000 F soit 91.469,41 € et que la vente est intervenue à 106.715 € ;

Qu'il convient, dans un premier temps, d'écarter l'argumentation de M. [O] [U] selon laquelle le gérant de tutelle aurait dû solliciter une expertise judiciaire et ne pas se contenter d'une expertise amiable, ni les textes ni la pratique ne posant une telle obligation ;

Qu'il y a lieu, dans un second temps, de rejeter l'allégation, non étayée et purement gratuite, selon laquelle M. [X] [D] aurait fait appel à M. [J] [F], expert immobilier inscrit sur la liste de [Localité 17] et non de [Localité 12], pour des raisons de connivence ;

Que l'estimation donnée par M. [J] [F] n'était ni fantaisiste ni manifestement erronée puisque Me [H], notaire, donnait, le 29 octobre 2001, un avis de valeur sensiblement identique et même inférieur, son appréciation, au regard de l'état du bien, étant entre 550.000 et 600.000 F ;

Que cette valeur a été également validée par le juge qui, exerçant dans le 10ème arrondissement comme juge des tutelles mais également comme juge des loyers, avait une parfaite connaissance des valeurs vénales et locatives de ce type de bien ;

Qu'il ne peut donc pas être retenu que la valeur proposée par l'expert [F] aurait été très inférieure à la valeur effective du bien et que celui-ci aurait pu être vendu dans des conditions beaucoup plus favorables et au prix estimé cinq ans plus tard par l'expert judiciaire, de sorte qu'il y a lieu de rejeter la demande de M. [O] [U] en paiement d'une somme de 63.284 € correspondant à la différence entre le prix fixé dans le compromis de vente et l'estimation faite par M. [S], improprement qualifiée par le demandeur de « perte de chance de vendre l'appartement à sa valeur vénale réelle »;

Que la demande ne peut pas plus prospérer à l'encontre de Mme [C] [Z], acquéreur du bien, M. [O] [U] n'ayant pas engagé contre elle d'action pour vil prix ou lésion à raison de la sous-évaluation prétendue du prix de vente ;

Considérant que M. [O] [U] ne peut rechercher la responsabilité de M. [J] [F] à raison de cette sous-évaluation prétendue du bien sur le fondement contractuel, étant, comme l'a retenu le tribunal, un tiers à l'expertise et qu'il ne peut invoquer le non-respect par l'expert de son obligation de conseil et de son devoir de mise en garde sur les difficultés rencontrées au cours de l'expertise ; qu'il doit démontrer que l'expert aurait commis une faute caractérisée sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

Que la lecture du rapport de M. [J] [F] ne fait pas apparaître l'existence de négligences particulières commises par l'expert ou d'un manque de sérieux avéré dans son travail ; qu'en effet, celui-ci s'est rendu sur les lieux, qu'il a apprécié la situation de l'immeuble, qu'il en a fait une description précise, tant dans ses parties communes que dans ses parties privatives et qu'il a étudié le marché immobilier à la vente ; que, certes, les termes de comparaison retenus par lui étaient des offres de biens à la vente dont le prix au m² n'était qu'indicatif et pouvait justement être revu à la baisse, compte tenu de la marge de négociation entre le vendeur et les futurs acquéreurs ; mais que l'expert [F] ne disposait pas, à cette époque des banques de données immobilières dont l'expert [S] a pu profiter cinq ans plus tard et qui lui ont permis de raisonner sur des prix effectifs et non sur des offres ;

Que M. [J] [F] a tenu compte de l'état de vétusté et de saleté de l'appartement dont il a donné, au travers de son descriptif, une image très dégradée, mettant l'accent sur l'installation électrique hors normes et sur la nécessité, avant toute occupation, de procéder à des travaux de remise en état d'habitabilité, alors que M. [S] n'a affecté la valeur retenue d'aucun coefficient de vétusté, l'appartement étant lors de sa visite, six ans plus tard, à l'examen des photos intégrées dans son rapport, en état normal d'habitabilité, les peintures ayant manifestement été reprises, rien n'étant dit sur l'état de l'électricité ;

Que le tribunal a fort justement retenu qu'une discussion pouvait s'engager sur les méthodes de calcul et les valeurs retenues par chacun des experts, mais que la différence de prix ressortant de leurs estimations ne pouvait suffire à caractériser une faute de M. [J] [F] dans l'accomplissement de son travail ;

Considérant enfin que les accusations de fraude portées par M. [O] [U] à l'encontre de M. [X] [D] à qui il impute une prise illégale d'intérêt dont Mme [C] [Z] se serait rendue complice ont été rejetées à bon droit par les premiers juges ;

Que le fait que M. [X] [D] ait pu connaître Mme [C] [Z], s'agissant de la concubine de son voisin, [Adresse 15], ne caractérise pas la fraude ou la connivence au détriment du majeur protégé ;

Que c'est à l'appui de ses allégations de fraude et de connivence entre M. [X] [D] et Mme [C] [Z] que M. [O] [U] réclame en cause d'appel la communication forcée par celle-ci des éléments justifiant de l'emplacement exact de l'appartement qu'elle occupe dans l'immeuble du [Adresse 2] ; que M. [O] [U] avance en effet que Mme [C] [Z] aurait servi de prête-nom à M. [X] [D] pour qu'il acquière le bien à son profit ; qu'il sous-entend qu'elle occuperait le 7ème étage et non le 6ème et que ce serait M. [X] [D] qui occuperait l'appartement du 6ème ayant appartenu à M. [P] ; mais qu'il prétend, parallèlement, que M. [X] [D] occuperait l'appartement situé au 7ème étage du même immeuble ayant appartenu à un autre majeur protégé dont les intérêts lui étaient confiés, Mme [E], et qu'il aurait fait acquérir par une SCI à laquelle il ne justifierait pas régler les loyers, ce qu'il présente comme une opération frauduleuse mais qui n'est pas l'objet de notre litige ; qu'en l'état de ces éléments, rien ne permet de considérer que Mme [C] [Z] n'occuperait pas l'appartement du 6ème étage qu'elle a acheté à M. [P] et que la sommation d'avoir à justifier de la situation exacte de son appartement dans l'immeuble, au 6ème ou au 7ème étage de l'immeuble, est sans intérêt sur la solution du litige, la situation de l'appartement occupé par celle-ci en 2012 étant sans incidence sur la démonstration de la spoliation de M. [P] prétendument organisée par M. [X] [D] en 2002 ;

2 - Sur la location de l'appartement :

Considérant que M. [X] [D], ès qualité de gérant de tutelle de M. [P], a signé, le 1er octobre 2002, un contrat de bail d'habitation sur l'appartement objet de la vente au profit de Mme [C] [Z] et de M. [K] [G], son concubin, moyennant le prix de 2.500 F par mois ;

Que M. [O] [U] sollicite la condamnation in solidum de M. [X] [D], de Mme [C] [Z] et de M. [J] [F] à lui verser une somme de 59.249,37 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire, en réparation du préjudice résultant de la « location illicite » de cet appartement et de la perte de jouissance qu'il estime égale à la valeur locative du bien depuis sa mise en location ;

Que ce contrat de location est, certes, particulièrement mal formulé puisque les consorts [Z]-[G] y figurent à la fois comme bailleurs et comme locataires, mais que la signature donnée pour le bailleur est bien celle de [X] [D] alors que Mme [C] [Z] et M. [K] [G] ont signé pour les locataires ; qu'il n'est pas pour autant illicite, le gérant de tutelle ayant le pouvoir de consentir seul un contrat de location ; qu'il doit être ajouté qu'il s'agissait pour lui de donner l'appartement à bail au futur acquéreur dans l'attente de la signature de l'acte authentique qui devait intervenir quelques semaines plus tard ; qu'il n'est pas établi que le loyer convenu aurait été dérisoire, comme le soutient M. [O] [U], au regard de l'état de l'appartement tel que décrit par l'expert [F] ;

Que M. [O] [U] réclame le versement d'une somme correspondant à la perte de loyers entre le 1er octobre 2002 et le 28 novembre 2008, date de la signature de l'acte authentique, sur la base d'un loyer de 812 € par mois ; mais qu'il convient de constater, d'une part qu'il ne justifie pas avoir réclamé à Mme [C] [Z] et à M. [K] [G] le paiement du loyer prévu au bail, d'autre part que la vente aurait dû être signée le 22 novembre 2002, les conditions suspensives ayant été réalisées avant même le décès de M. [P], et que ce n'est que par l'effet de la résistance opposée par l'appelant que la signature a été reportée au 28 novembre 2008, situation dont il est responsable et dont il ne peut arguer pour prétendre au versement de dommages et intérêts ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] [U] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la location de l'appartement ;

3- Sur l'ouverture du coffre et le détournement de biens et valeurs contenus dans ce coffre :

Considérant que M. [X] [D] a été autorisé par ordonnance du juge des tutelles en date du 11 octobre 2001 à faire procéder à l'ouverture du coffre dont M. [P] était titulaire à la BNP en présence de deux témoins (famille, personnel de la banque ou tiers), s'agissant de faire l'inventaire de son contenu ;

Que Me [B], notaire, certifie avoir reçu de M. [X] [D], sans précision de date, dix enveloppes qui étaient, aux dires de M. [K] [G], les seuls objets trouvés dans le coffre de M. [P] à la BNP et qui contenaient des billets de banque de monnaies étrangères de faible valeur ;

Que M. [O] [U] prétend que M. [X] [D] se serait fait ouvrir le coffre avant d'avoir l'autorisation du juge des tutelles et qu'il aurait détourné les valeurs qui y étaient contenues ; qu'il sollicite en conséquence la condamnation de M. [X] [D] et de la banque in solidum à lui verser une somme de 150.000 € au titre du préjudice en résultant ;

Que, pour appuyer sa demande, il réclame la communication forcée de l'original du bon de visite au coffre dont une copie lui a été remise et qui porte, dit-il, la date du 10 octobre 2001, surchargée pour faire figurer celle du 30 octobre, postérieure à l'autorisation du juge ; que cette production permettrait, il est vrai de vérifier la date de passage de M. [X] [D] au coffre, mais que force est de constater :

- d'une part, que la demande formulée est vouée à l'échec dès lors que la pièce demandée est ancienne de plus de dix ans et la banque n'est pas tenue d'en conserver un exemplaire compte tenu de la durée de conservation des archives,

- d'autre part, que la production de cet élément est en tout état de cause dépourvue de toute utilité pour apprécier le bien-fondé de la demande en dommages et intérêts, à défaut de preuve de l'existence de valeurs, pièces d'or ou billets de banque, contenues dans le coffre, cette preuve ne pouvant résulter de la seule attestation de M. [R], ami de M. [P], qui ne fait état d'aucune constatation personnelle mais rapporte seulement les dires de l'intéressé qui lui avait indiqué posséder, dans son coffre, des pièces d'or pour 280.000 F et des billets de banque pour 300.000 F et dont les déclarations ne sont confortées par aucun autre élément de preuve ou de présomption ;

Qu'il convient, dès lors, de rejeter la demande de communication forcée de M. [O] [U] et de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le demandeur ne démontrait pas la réalité des détournements allégués et l'existence d'un quelconque préjudice consécutif à l'ouverture du coffre ;

4- sur la bibliothèque scientifique :

Considérant qu'il est avéré que le R.P. [P], grand connaisseur de la littérature patristique grecque, chercheur de grande qualité et éditeur de textes anciens, était propriétaire d'une importante bibliothèque composée de livres, périodiques, manuscrits et correspondances ainsi que de microfilms et avait réuni des documents représentant des années de travail et de recherche ayant une valeur scientifique reconnue ;

Que les attestations de MM. [L] et [T], Directeurs de recherche au CNRS, établissent que M. [P] avait en sa possession des reproductions de manuscrits grecs et des travaux manuscrits ou dactylographiés s'y rapportant qu'il destinait, après sa mort, au CNRS ou à la communauté scientifique ;

Considérant qu'il est avéré que les livres et documents ont été enlevés, à la demande de M. [X] [D], par la société PRO CLEAN, dans le cadre des opérations de libération de l'appartement avant sa vente, et qu'ils n'ont pas été représentés à la succession après le décès de M. [P] ;

Que, M. [O] [U], estimant que M. [X] [D] ne se serait pas suffisamment expliqué sur l'enlèvement des livres, sollicite la communication forcée par M. [X] [D] de tous les documents contractuels de remise de la bibliothèque à la société PRO CLEAN et des justificatifs de ses diligences pour en obtenir la restitution ; que ce dernier a communiqué le devis et une facture du 17 avril 2002 portant sur l'enlèvement de « divers cartons et livres » dans l'appartement de M. [P] ; qu'il ne peut lui être réclamé, en novembre 2012, soit plus de dix ans après les faits, la production d'éléments complémentaires qu'il dit ne pas avoir en sa possession et qui ne peuvent être retrouvés auprès de la société PRO CLEAN, placée en procédure collective ; que la demande de communication forcée sera donc rejetée et que la cour appréciera la responsabilité de M. [X] [D] au regard des éléments qu'il a communiqués, complétés par ceux remis par M. [O] [U] lui-même ;

Considérant que M. [O] [U] ne démontre pas que la bibliothèque de M. [P] aurait été restituée à M. [X] [D] par la Société PRO CLEAN, la télécopie de cette société faisant état d'une telle restitution à la date du 21 septembre 2001, date à laquelle le gérant de tutelle cherchait, au contraire, à les faire enlever, étant dépourvue de force probante ;

Que, par contre, il est avéré que M. [O] [U] avait manifesté son intérêt pour la reprise de cette bibliothèque en répondant à M. [X] [D] le 30 octobre 2001 : « Faisant suite à votre courrier daté du 8 octobre ainsi qu'à mon appel téléphonique d'aujourd'hui, je vous confirme mon intention de prendre en charge les livres et travaux de recherche du Père [M] [P]. A l'exception des frais de transport, cet accord ne suppose aucune obligation financière de ma part. » ; que, contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, il ressort de cette correspondance que M. [O] [U] était disposé, en dépit des frais de transport, à prendre en charge la bibliothèque de M. [P] ; qu'il a d'ailleurs renouvelé son intérêt pour cette bibliothèque, dans un courrier adressé à M. [X] [D] le 15 décembre 2001, insistant pour connaître l'endroit dans lequel les livres et documents avaient été entreposés et rappelant leur valeur scientifique considérable ;

Qu'en faisant appel à la Société PRO CLEAN pour prendre les livres, au mépris des préoccupations et sollicitations de M. [O] [U], et en négligeant de lui communiquer les informations qu'il réclamait et qui lui auraient permis de récupérer les livres et documents de valeur, M. [X] [D] a eu un comportement fautif directement à l'origine de la disparition du fonds documentaire ;

Considérant que M. [O] [U] réclame le versement d'une somme de 150.000 €, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi, et sollicite subsidiairement la désignation d'un expert ;

Que les éléments qu'il produit, s'ils établissent que la bibliothèque de M. [P] présentait une valeur scientifique inestimable, ne permettent pas d'en apprécier la valeur marchande, l'estimation faite par Mme [Y], responsable de la librairie « The Classics Bookroom », étant dépourvue de valeur probante dès lors que l'intéressée n'a jamais eu l'occasion de voir la collection de livres de M. [P] ; que la mise en place d'une expertise ne pourrait être d'aucune utilité puisque le contenu de la bibliothèque au moment de l'ouverture de la mesure de protection confiée à M. [X] [D] n'est pas connu ;

Qu'il ressort au demeurant des attestations des chercheurs et amis de M. [P] que les livres et documents scientifiques composant cette bibliothèque étaient destinés au CNRS et à la communauté scientifique et que le testament de M. [P] donnait pour mission à M. [O] [U] de les remettre à des savants capables d'en tirer profit ;

Que dans ces conditions, seule sera retenue l'indemnisation d'un préjudice moral subi par M. [O] [U] pour n'avoir pu exécuter les volontés de M. [P] et transmettre ses travaux et recherches, le préjudice scientifique subi par l'ensemble de la communauté des savants et chercheurs destinataires de ces ouvrages ne pouvant être réparé dans le cadre du présent litige ; que M. [X] [D] sera condamné à lui verser une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Sur les demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts :

Considérant que le tribunal a condamné M. [O] [U] à verser à Mme [C] [Z] et à M. [J] [F] des dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de l'action qu'il avait engagée à leur encontre, jugée abusive, et des accusations qu'il avait portées contre eux, estimées calomnieuses et malveillantes ;

Que M. [O] [U] a en effet mis en cause de manière grave la probité et l'honneur de Mme [C] [Z] et de M. [J] [F], les accusant d'avoir été complices de détournements opérés par M. [X] [D] dans le cadre de ses fonctions de gérant de tutelle, la première pour avoir servi de prête-nom à une vente présentée comme frauduleuse et lésionnaire, le second pour avoir sciemment établi un rapport sous-évalué permettant de réaliser cette opération ; qu'il a été vu que les spéculations de M. [O] [U] étaient sans fondement ; que le préjudice résultant de ces accusations a été justement évalué par le tribunal aux sommes de 10.000 € pour Mme [C] [Z] et de 5.000 € pour M. [J] [F] qu'il n'y a pas lieu de majorer en appel ;

Considérant que le tribunal a également estimé que l'action engagée et les accusations portées par M. [O] [U] contre M. [X] [D] caractérisaient un comportement fautif et justifiaient sa condamnation à lui verser des dommages et intérêts ;

Que, certes, il a été vu que les accusations de spoliation et de détournement des biens de M. [P] n'étaient pas fondées ; que la cour note toutefois que les soupçons formulés par M. [O] [U] ont été favorisés par l'inertie, voire la réticence de M. [X] [D] à l'informer, dès 2001, des diligences qu'il accomplissait dans les intérêts de M. [P] et à répondre, en 2003 et 2004, aux sollicitations répétées du notaire chargé de la succession et aux interrogations de M. [O] [U] et de son conseil ; qu'il convient en conséquence de réformer le jugement et de rejeter la demande de M. [X] [D] en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que les dépens devront être supportés par moitié par M. [O] [U] qui succombe sur la majorité de ses demandes et par M. [X] [D] à l'égard duquel l'action est partiellement fondée ;

Qu'il serait inéquitable que Mme [C] [Z], M. [J] [F] et la BNP PARIBAS conservent la charge de leurs frais irrépétibles en appel ;  

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

Rejette la demande de Mme [C] [Z] visant à voir écarter les conclusions et pièces déposées par M. [O] [U] après le 7 novembre 2012 ;

Ordonne la jonction au fond de l'incident de communication de pièces présenté par M. [O] [U] ;

Déboute M. [O] [U] de sa demande de communication forcée ;

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris déféré en ce qu'il a débouté M. [O] [U] de sa demande en dommages et intérêts au titre de la disparition de la bibliothèque de M. [P] et condamne M. [X] [D] à lui verser une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

L'infirme en ce qu'il a condamné M. [O] [U] à verser à M. [X] [D] une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et déboute M. [X] [D] de toutes ses demandes ;

L'infirme également sur les dépens ;

Le confirme pour le surplus et y ajoutant,

Déboute Mme [C] [Z] et M. [J] [F] de leur appel incident en majoration des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne M. [O] [U] à verser à Mme [C] [Z], à M. [J] [F] et à la BNP PARIBAS une somme de 1.200 € à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié par M. [O] [U] et par M. [X] [D].

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 10/20955
Date de la décision : 14/12/2012

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°10/20955 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-14;10.20955 ?
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