La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2012 | FRANCE | N°11/02489

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 13 décembre 2012, 11/02489


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 13 Décembre 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/02489 - MEO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Janvier 2011 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL section encadrement RG n° 09/00387



APPELANT

Monsieur [E] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Norbert GOUTMANN, avocat au barre

au de VAL-DE-MARNE, toque : PC 2



INTIMEE

SAS GGBA - SVAC RENAULT

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-Luc HAUGER, avocat au barreau de LILLE



COMPOSITION...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 13 Décembre 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/02489 - MEO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Janvier 2011 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL section encadrement RG n° 09/00387

APPELANT

Monsieur [E] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Norbert GOUTMANN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 2

INTIMEE

SAS GGBA - SVAC RENAULT

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-Luc HAUGER, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [E] [M] a été engagé par un contrat à durée indéterminée écrit le 3 septembre 1979 par la Sas GGBA-SVAC Renault. Il a évolué régulièrement au sein de l'entreprise pour devenir en dernier lieu directeur de l'établissement de [Localité 3], moyennant une rémunération mensuelle brute de 6 845 €.

Le 22 janvier 2009, il a fait l'objet d'une mutation sur l'établissement de [Localité 7] à compter du 1er février suivant.

M. [M] a refusé cette mutation.

Convoqué le 30 janvier 2009 à un entretien préalable fixé au 9 février suivant, M. [M] a été licencié le 16 février 2009.

L'entreprise compte plus de 10 salariés.

La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective de l'automobile.

Contestant les conditions de son licenciement, M. [M] a saisi le conseil des Prud'Hommes de Créteil d'une demande tendant en dernier lieu à obtenir le paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre la remise des documents sociaux conformes et l'exécution provisoire de droit. A titre reconventionnel, la Sas GGBA-SVAC Renault a réclamé le paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du 18 janvier 2011, le conseil des Prud'Hommes a jugé fondé le licenciement de M. [M] qu'il a débouté de toutes ses demandes et qu'il a condamné aux dépens. Il a rejeté, en outre, la demande reconventionnelle formulée par la Sas GGBA-SVAC Renault .

M. [M] a fait appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Il demande à la cour de juger que la mutation infligée comporte un caractère disciplinaire, qu'elle n'est pas justifiée et que le licenciement subséquent est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il demande, en conséquence, à la cour de condamner la Sas GGBA-SVAC Renault à lui payer les sommes suivantes :

- 246 420 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Estimant le licenciement de M. [M] fondé, la Sas GGBA-SVAC Renault conclut à la confirmation du jugement déféré et, en conséquence, au débouté du salarié et à sa condamnation à lui payer la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 16 novembre 2012, reprises et complétées lors de l'audience.

MOTIVATION :

Sur la qualification de la mutation :

Aux termes de l'article L 1331 du code du travail, 'constitue une sanction, toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif'. En application de l'article L 1332-1 du code du travail, aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui et que la procédure prévue à l'article L 1332-2 du code du travail ne soit appliquée.

En application de l'article L.1333-1 du même code, en cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si, au vu des éléments fournis par l'employeur et le salarié, les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. Le juge forme sa conviction après avoir, au besoin, ordonné des mesures d'instruction. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, l'employeur a adressé à son salarié le courrier comportant la mutation de celui-ci, dont la teneur suit :

'dans les avenants du 31 janvier 2007 et du 31 janvier 2008 à votre contrat de travail, il est précisé :' nous attirons votre attention sur le fait qu'eu égard à votre qualification professionnelle, la réalisation de tous les objectifs qui vous sont fixés est une condition essentielle à la poursuite de notre collaboration. En conséquence, nous vous invitons à être particulièrement vigilant sur ce point qui pour nous est déterminant'.

A fin décembre 2008, le nombre de VN et de VO vendus a baissé respectivement de 8% et de 35% en un an. Le taux de résultat demi net du VN est passé en un an de 1,97 % à 0,84%. Celui du VO est passé de 5,38% à -2,16%. Le chiffre d'affaires de l'après-vente a baissé de 7% et le demi net de 22%. Le résultat d'exploitation de la concession était positif de 642 K€ en 2007 pour devenir négatif de 161 K€ en 2008.

Vous comprendrez que nous ne pouvons accepter de telles contre performances qui sont notamment dues aux difficultés que vous rencontrez à stabiliser vos équipes. En conséquence, nous ne pouvons vous maintenir en poste à [Localité 3].

Pour tenir compte de votre ancienneté, nous avons choisi de vous laisser une nouvelle chance. Nous avons donc décidé de vous muter comme directeur de la concession de [Localité 7] à compter du 1er février 2009...'.

Il ressort de la lecture de ce document que l'employeur qui, après avoir rappelé que la réalisation des objectifs était une 'condition essentielle de la poursuite de notre collaboration', mentionné la chute des résultats de la concession de [Localité 3] dirigée par M. [M] , qualifié cette chute de 'contre performance' imputable au management défaillant de M. [M] , consent une 'nouvelle chance' à son salarié en le mutant, prononce à son encontre une sanction au sens de l'article précité, la mutation intervenant en réponse à un comportement du salarié jugé fautif par l'employeur, susceptible, en outre, de constituer un précédent dont celui-ci aurait pu, le cas échéant, se prévaloir.

Le compte-rendu de l'entretien préalable, dont le contenu n'est pas sérieusement contesté par l'employeur, corrobore le caractère fautif aux yeux de l'employeur du management de M. [M] auquel sont imputés les mauvais résultats recensés.

C'est donc, en vain, au vu des termes clairs de la lettre du 21 janvier 2009, que l'employeur soutient que la mutation prononcée consistait en une mesure de d'organisation de l'entreprise comportant une simple modification des conditions de travail du salarié.

Dans ces conditions, l'employeur ne saurait tirer argument de l'acceptation de la mesure par le salarié qui n'a pas lieu d'être, par nature en matière disciplinaire, alors, au surplus, que cette sanction a été prononcée sans suivre la procédure prévue par les textes précitée, et que la prétendue acceptation du salarié ne saurait sérieusement être déduite de la mention sibylline et rétractée quelques jours plus tard 'reçu en main propre contre décharge le 22/01/2009 lu et approuvé', apposée, à sa réception, sur le courrier de mutation par M. [M] , manifestement sur instructions de l'employeur, qui lui a transmis ce courrier accompagné d'un papier portant la mention 'reçu en main propre contre décharge le M. [M]/M. [M]/M. [M] lu et approuvé + signature', laissant le soin au salarié de compléter la date et de signer.

Il résulte de ce qui précède que la mutation prononcée contre M. [M] s'analyse bien en une sanction.

Il ressort des débats qu'alors même que le bien fondé de cette sanction est contesté par le salarié, l'employeur s'est dispensé de produire aux débats les éléments attestant de la réalité des griefs invoqués contre son salarié dans la lettre du 21 janvier 2009, privant ainsi la cour de la possibilité d'en apprécier le bien fondé.

Il s'en déduit donc que la sanction infligée n'est pas fondée.

Dans ces conditions, l'employeur ne pouvait valablement prononcer le licenciement de M. [M] sur la base du refus opposé par celui-ci, qui n'était pas fautif, à se voir appliquer une sanction non fondée.

Il se déduit de ce qui précède que le licenciement de M. [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Cette situation donne droit à M. [M] au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que compte-tenu des éléments produits aux débats et en particulier de son ancienneté, des conséquences pécuniaires de la perte de son emploi, la cour est en mesure d'évaluer à la somme de 165 000 €.

Le jugement déféré est, en conséquence, infirmé

Compte-tenu de ce qui précède, il convient d'ordonner d'office, en application de l'article L 1235-4 du code du travail, et dans la limite posée par cette disposition, le remboursement par la Sas GGBA-SVAC Renault, de toutes les indemnités de chômage payées à M. [M].

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. [E] [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la Sas GGBA-SVAC Renault à payer à M. [M] la somme de 165 000 € à titre d'indemnité en application de l'article L1235-3 du code du travail, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Ordonne d'office, en application de l'article L 1235-4 du code du travail, et dans la limite posée par cette disposition, le remboursement par la Sas GGBA-SVAC Renault, de toutes les indemnités de chômage payées à M. [M],

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sas GGBA-SVAC Renault à payer à M. [M] la somme de 2 000 €,

La déboute de sa demande de ce chef,

Condamne la Sas GGBA-SVAC Renault aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/02489
Date de la décision : 13/12/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°11/02489 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-13;11.02489 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award