RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 13 Décembre 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06260 - MAC
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/08279
APPELANT
Monsieur [M] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Sylvain ROUMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2081 substitué par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1843
INTIMEE
SA AUDIOVISUELLE EXTERIEURE DE LA FRANCE (AEF) venant aux droits de la SOCIETE NATIONALE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI)
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Franck BLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168 substitué par Me Céline GORTYCH, avocat au barreau de PARIS, toque : K168
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Novembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine MÉTADIEU, Présidente
Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [X] a collaboré avec la société RFI, Radio France Internationale à compter de décembre 1999, en qualité de journaliste et était rémunéré comme pigiste.
Il réalisait des chroniques au sein de la rédaction albanaise de la radio, essentiellement en fin de semaine et le week-end.
À la fin du mois d'octobre 2006, la rédaction albanaise a cessé ses émissions week-end et a concentré son activité sur les cinq jours ouvrés de la semaine.
En raison de la réduction des besoins de la rédaction albanaise, la direction de RFI a décidé qu'un seul des journalistes pigistes intervenant au sein de cette rédaction serait intégré dans le cadre d'un accord collectif d'entreprise du 12 avril 2006 prévoyant deux étapes d'un plan d'intégration de ces salariés. À raison de son ancienneté, de la régularité de ces piges, et du volume de sa collaboration, c'est M. [W], qui a été intégré en janvier 2007.
À compter d'octobre 2006, tout en recherchant un poste à lui proposer, la société RFI a dispensé M. [X] de toute activité en lui versant mensuellement 1500 € brut à titre de compensation salariale.
De nombreux échanges ont alors eu lieu entre les parties.
Début 2007, la société RFI a proposé à M. [X] de poursuivre leur collaboration dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée avec reprise de son ancienneté.
Les parties ont poursuivi leurs discussions concernant le calcul de l'ancienneté et les conditions d'affectation du salarié.
Ont été envisagées successivement son affectation au pôle économie, puis au pôle international, enfin au pôle Europe.
Par une lettre du 13 mars 2008, M. [X] a été convoqué pour le 26 mars 2008 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Cet entretien s'est tenu le 31 mars 2008.
Par lettre recommandée du 18 avril 2008, la société RFI a notifié à M. [X] son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Contestant son licenciement, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de:
- voir qualifier son contrat de travail de contrat de travail à durée indéterminée à compter d'avril 1999,
- juger qu'il devait bénéficier de l'indice 2129 en qualité de responsable d'édition ou de rédacteur reporteur 2 en vertu de l'accord du 17 Mai 2000 conclu à RFI en application des accords nationaux dits Servat,
- voir la société RFI condamnée à lui verser des rappels de salaires, à titre subsidiaire, des dommages-intérêts pour inexécution du contrat de travail, en tout état de cause, des rappels de prime d'ancienneté, de fin d'année, de primes exceptionnelles,
- voir dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et par suite de voir condamner la société à lui verser des indemnités de rupture, une indemnité de requalification, des dommages-intérêts.
Par un jugement du 25 janvier 2006, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a condamné la société RFI à verser à M. [X] les sommes suivantes :
- 73 968,46 € au titre du rappel de salaire,
- 7396,84 € au titre des congés payés afférents,
- 5485,24 € au titre du rappel d'une prime d'ancienneté,
- 548,52 € au titre des congés payés afférents,
- 6440,95 € au titre du rappel d'une prime de fin d'année,
- 644,09 € au titre des congés payés afférents,
- 21 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. [X] a été débouté du surplus de ses demandes.
Appelant de ce jugement, M. [X] en demande la confirmation en ce que le contrat de travail a été qualifié de contrat de travail à durée indéterminée à temps plein depuis décembre 1999, et en ce qu'il a été jugé qu'il devait bénéficier des dispositions de l'accord d'entreprise du 17 mai 2000 et notamment de sa grille de rémunération.
Il conclut néanmoins à sa réformation en ce qu'il soutient que l'indice 2129, correspondant à la qualification de responsable d'édition, de rédacteur-rapporteur 2 devait lui être appliqué.
Il demande en conséquence que le montant du rappel de salaire soit porté à la somme de 99 451,50 € sur la période non prescrite, les congés payés afférents fixés à la somme de 9945,17 € et le rappel du 13 ème mois à 8287,64 €.
À titre subsidiaire, il réclame des dommages-intérêts pour inexécution des obligations découlant des accords Servat à hauteur de 117 000 à 684,51 €.
À titre infiniment subsidiaire il soutient qu'à tout le moins lui restent dû des rappels du salaire de base du fait de l'absence de paiement de l'intégralité des piges effectuées et en raison de l'impossibilité pour l'employeur de diminuer unilatéralement le volume d'activité, soit les sommes de :
- 52 023,15 € pour la période de juin 2003 à novembre 2006 outre les congés payés afférents et une somme de 4335,26 € au titre du 13e mois,
- 21 885,90 € pour la période de juin 2003 à décembre 2007 outre les congés payés afférents et 1821,33 € au titre du rappel d'un 13e mois.
Il conclut également à la condamnation de la société RFI à lui régler un rappel de prime d'ancienneté de décembre 2004 au 20 avril 2008 soit 5955,44 € outre les congés payés afférents et la somme de 496,29 € au titre du 13e mois, ainsi qu'un rappel sur une prime exceptionnelle de 396,67 € outre les congés payés afférents.
Il demande la confirmation du jugement ayant condamné la société RFI à lui verser une somme de 6440,95 € à titre de rappel sur prime de fin d'année ainsi que les congés payés afférents.
Sur la base d'un salaire mensuel de 3971,79 €, il demande aussi à la cour de condamner la société RFI à lui verser les sommes suivantes :
- 2825,76 € à titre de rappel sur indemnités de préavis outre les congés payés afférents,
- 235,48 € au titre du rappel du 13e mois,
- 95 310 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 47 655 € à titre de dommages et intérêts spécifiques sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail, toutes ces condamnations étant assorties des intérêts au taux légal, avec capitalisation de ces intérêts.
En tout état de cause, il sollicite la remise par la société RFI des bulletins de paie et des documents sociaux conformes sous astreinte de 250 € par jour de retard et par document ainsi que la régularisation par la société RFI auprès des organismes sociaux des cotisations correspondant aux condamnations prononcées et ce, sous astreinte de 250 € par jour et par organisme, la cour se réservant le contentieux de la liquidation des astreintes.
Il entend voir la société RFI condamnée à lui verser une indemnité de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA AEF venant aux droits de la société RFI conclut à l'infirmation du jugement déféré.
Elle réclame une indemnité de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire, elle propose de voir limiter le montant des rappels de salaires et de primes à :
- 1195,40 € au titre de la prime d'ancienneté,
- 6440,95 € outre 644,09 € au titre des congés payés afférents pour la prime de fin d'année.
À titre infiniment subsidiaire, elle propose de voir limiter le montant de l'indemnité de requalification la somme de 3029,27 €.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS,
Sur la qualification de la relation de travail depuis décembre 1999 :
La société RFI a effectivement conclu avec les organisations syndicales un accord collectif d'entreprise le 12 avril 2006 prévoyant l'intégration de salariés n'étant pas en contrat de travail à durée indéterminée, travaillant occasionnellement.
Elle fait écrire et soutenir à l'audience que M. [X] relevait de ce dispositif.
Elle admet ainsi qu'elle ne considérait pas M. [X] comme salarié travaillant dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis l'origine.
Ce constat est confirmé par le fait qu'elle admet elle-même avoir proposé à M. [X] un contrat de travail à durée indéterminée à compter de février 2007, avec reprise d'ancienneté.
C'est vainement que la SA AEF s'appuie sur les dispositions conventionnelles pour soutenir qu'il y a lieu de distinguer le recours aux journalistes dans le cadre de piges, du recours aux journalistes dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée.
En effet, le journaliste rémunéré à la pige bénéficie d'une présomption de contrat de travail.
Dans la mesure où dans le cas d'espèce, et ainsi que cela a été précédemment relevé, que la société RFI elle-même a considéré qu'un processus d'intégration du salarié conformément à l'accord du 12 avril 2006 ou qu'une proposition de contrat de travail à durée indéterminée étaient nécessaires, dans le courant de l'année 2006 ou début 2007, il s'en déduit que la société considérait M. [X] comme salarié non-inscrit dans inscrit dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, mais dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs.
Or, en l'absence de contrat écrit, lors des différentes collaborations antérieures à octobre 2006, ces contrats à durée déterminée étaient irréguliers. Une requalification des relations s'impose depuis décembre 1999, le droit à l'indemnité de requalification étant ouvert à la date du premier contrat de travail à durée déterminé irrégulier.
Toute discussion sur le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs à raison du caractère par nature temporaire de l'emploi est inopérant, dans le présent débat, d'une part en raison de l'irrégularité des contrats en l'absence d'écrit définissant la nature et la durée de la mission et d'autre part, du fait que la SA AEF admet avoir fourni régulièrement du travail à M. [X] pendant une longue période et en avoir fait en tout état de cause un collaborateur régulier, depuis décembre 1999.
L'indemnité de requalification doit correspondre au dernier salaire reçu par le salarié, soit à la somme de 3029,27 €.
Le jugement sera réformé en ce qu'il n'a pas accordé au salarié l'indemnité de requalification.
Sur la demande de qualification du contrat de travail à temps plein :
En l'absence de contrat écrit fixant la répartition hebdomadaire ou mensuelle des horaires, le contrat de travail est réputé conclu à temps plein.
S'agissant d'une présomption simple, il appartient l'employeur de démontrer d'une part de la durée exacte convenue et de la répartition sur la semaine ou sur le mois et d'autre part du fait que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment la disposition de l'employeur.
La SA AEF ne conteste pas en réalité que M. [X] était engagé dans le cadre d'un contrat de travail à temps plein, les tableaux de service fournis par elle montrant que M. [X] pouvait effectivement travailler non seulement les samedis et dimanches mais également d'autres jours de la semaine.(Cf les tableaux communiqués pour la période du 26 décembre 2005 au 10 septembre 2006.)
Ce constat selon lequel M. [X] était engagé depuis décembre 1999 dans le cadre d'un travail à temps plein conduit, en application des dispositions de l'article 21 de la convention collective des journalistes applicables à retenir que M. [X] revendiquait à bon droit une ancienneté de sept ans lorsque l'employeur lui a proposé un contrat de travail à durée indéterminée en février 2007.
La SA AEF ne peut en effet proratiser au nombre de jours travaillés sous le couvert du travail réalisé et rémunéré comme pigiste.
Sur les demandes de rappels de salaires :
Sur la question de la classification :
Revendiquant les dispositions de l'accord du 17 mai 2000, M. [X] soutient qu'avant même la suspension de son activité à compter de novembre 2006, il était amené à exercer les fonctions de responsable d'édition dans la mesure où il présentait les journaux ainsi que les relevés de presse, qu'il était ainsi à même de coordonner le travail de journalistes et de techniciens.
Il considère que ses fonctions correspondaient à la définition d'un responsable d'édition telles que définies par la convention nationale applicable.
Il en déduit qu'il devait bénéficier de l' indice 2129 eu égard à l'ancienneté de plus de huit années qu'il pouvait revendiquer dans ce type de poste.
Force est de relever que M. [X] communique aux débats les nombreux échanges épistolaires et de courriels entre les parties montrant la persistance de leurs désaccords sur la classification à retenir ainsi que sur la rémunération.
D'après la convention collective nationale de travail des journalistes, le rédacteur-reporteur est « le journaliste apte à passer au micro ou devant la caméra, n'ayant d'autres responsabilités que son propre travail ; il est appelé soit à dire au micro ou devant la caméra un texte dont il est l'auteur soit à concevoir et effectué des reportages et des entretiens».
Le responsable d'édition est « un journaliste de très grande expérience chargé sous l'autorité d'un supérieur hiérarchique de mettre en oeuvre et de coordonner le travail des équipes techniques rédactionnelles durant la préparation d'une émission. Il s'assure de son bon déroulement pendant sa diffusion où il peut être appelé à prendre des décisions d'ordre rédactionnel».
L'accord d'entreprise du 17 mai 2000 montre que trois filières ont été créées, les « services et reportages », la « présentation » et « l'encadrement ». Les systèmes de rémunération relatifs à chacune de ces filières ont été joints à l'accord et définissent de nouveaux indices minimaux pour chacune des fonctions au regard de l'ancienneté dans l'entreprise.
Les journalistes stagiaires 1 ou 2, les rédacteurs-reporteurs ou journalistes bilingues et les journalistes spécialisés apparaissent dans les deux filières « présentation » et « service et reportages. »
À l'indice 1430, se trouvent « chef d'édition » dans la filière « présentation » et le « responsable de rubrique, rédacteur- reporter1 », dans la filière « services et reportages ».
À l'indice 1590, se trouvent « responsable d'édition » dans la filière « présentation » et « grand reporteur 2, responsable de rubrique 2, dans la filière « services et reportages »
Sont aussi annexées à cet accord la grille de rémunération par filières professionnelles et la grille de rémunération par fonction exprimées en points d'indice en fonction de l'ancienneté.
Le chef d'édition 1, le responsable de rubrique, le rédacteur-rapporteur peuvent prétendre à l'indice 1980 lorsque l' ancienneté est supérieure à 8 années et inférieure à 12 années, tandis que le responsable d'édition, le responsable de rubrique 2, le grand reporteur 2 peuvent prétendre à l'indice 2129 dans le créneau de la même ancienneté.
D'après les tableaux de service de la rédaction pour la période fin 2005 jusqu'au mois d'aout 2006, versés aux débats, il est patent que M. [X] assumait principalement des missions ayant trait aux :
- élément info,
- soutien de production,
- magazine.
Il intervenait ponctuellement comme présentateur.
En tout état de cause, il ne ressort pas de ces tableaux, ni de documents objectifs qu'il aurait lui-même communiqués, qu'il assumait la coordination du travail des équipes techniques rédactionnelles durant la préparation d'une émission, ni qu'il s'assurait de son bon déroulement pendant sa diffusion et qu'il pouvait être appelé à prendre des décisions d'ordre rédactionnel.
Au surplus, la mention rédacteur-rapporteur 2 figurant sur les bulletins de salaire courant juin 2008 est sans conséquence dès lors d'une part, que les autres mentions du bulletins de salaire sont inchangées, qu'aucune modification sensible des missions n'est intervenue et qu'enfin, cette mention ne figure pas dans les grilles sus évoquées et ne peut en aucun cas correspondre à Grand Reporter 2 ou responsable d'édition.
C'est donc par des motifs pertinents que la cour reprend que les premiers juges ont considéré que M. [X] ne pouvait prétendre à être placé à un niveau supérieur dans la filière professionnelle et donc dans la grille de rémunération à celle correspondant à rédacteur- reporteur1.
Toutefois, dans la mesure où il convient de considérer que M. [X] travaillait à temps plein dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée depuis décembre 1999 et puisqu'en 2000, l'indice correspondant à la classification de rédacteur reporteur 1 était à 1430, M. [X] pouvait prétendre avec trois ans d'ancienneté, fin 2002 à l'indice 1815, puis à l'indice 1905 fin 2004. avec une ancienneté de 8 ans à compter de janvier 2008, à l'indice 1980, les premiers juges ont procédé à un calcul exact du différentiel de rémunération devant revenir au salarié en fixant à la somme de 73 968,46 €, en ce compris les 13 èmes mois, le montant que la SA AEF de lui verser depuis 2003.
Les premiers juges ont aussi et à juste titre accordé les congés payés afférents.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur la prime d'ancienneté :
Pour s'opposer au versement d'une prime d'ancienneté, la SA AEF fait valoir que l'article 20 de la convention collective des journalistes dispose que le taux de la prime pour une ancienneté comprise entre 5 et 10 ans est de 3 % dans la profession justifiée par la détention de la carte de presse, de 2 % dans l'entreprise, ces deux taux pouvant se cumuler, que, dans le cas d'espèce, M. [X] ne justifie nullement être détenteur de la carte de presse.
Or, il ressort d'une lettre adressée par la société RFI à M. [X] dans le cadre des négociations au cours de l'année 2007 que l'employeur a établi un tableau pour reprendre les éléments essentiels de la rémunération de M. [X] et a expressément évoqué la prime d'ancienneté de 5 %.
Au surplus, M. [X] justifie avoir été détenteur de la carte de presse en produisant aux débats la carte de presse 2004.
Dans ces conditions, et dans la mesure où M. [X] a perçu une prime d'ancienneté pour l'année 2008, les premiers juges, ont, à bon escient sur la base d'une rémunération mensuelle de 2812,94 € sur 13 mois arrêté à la somme de 5485,24 € outre les congés payés afférents, le montant de la prime d'ancienneté à lui revenir.
Le jugement déféré sera confirmé.
Sur la prime de fin d'année :
La SA AEF fait écrire ne pas contester la demande formulée en ce sens par M. [X] dès lors que bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée avec reprise d'ancienneté, il était fondé à prétendre au versement de cette prime.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la prime exceptionnelle :
C'est en vain que la SA AEF soutient qu' à la date de l'accord de 2004, M. [X] collaborait sous forme de piges, qu'il n'était pas éligible au versement de la prime exceptionnelle n'étant pas encore en contrat de travail à durée indéterminée, puisqu'il a été précédemment jugé que M. [X] est réputé avoir travaillé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis décembre 1999.
Il sera fait droit à la demande formulée par M. [X] au titre d'un rappel sur prime exceptionnelle à hauteur de 396,67 € ainsi qu'aux congés payés afférents à concurrence de la somme de 39,66 €.
Sur le licenciement :
En application des dispositions de l'article L. 1235 -1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties...si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement du 18 avril 2008 qui circonscrit le litige est ainsi rédigée:
« Au cours de cet entretien, il a été rappelé qu'après de longues discussions relatives à votre positionnement indiciaire et votre affectation, vous nous avez indiqué désirer travailler au sein du pôle économie, du pôle international, du pôle €pe. Après un test de présentation de journal, il s'est avéré que vous ne disposiez pas des compétences requises pour travailler au sein du pôle économie où chaque journaliste doit présenter alternativement le « journal de l'économie ».
Le 12 décembre dernier, nous vous avons donc proposé une affectation au pôle international. Vous avez accepté le 24 décembre. Par courrier du 3 janvier 2008, il vous a été indiqué que vous deviez prendre vos fonctions le 7 janvier 2008 et pour cela, vous rendre à cette date auprès d'[R] [O], secrétaire général adjoint des antennes.
Il s'est avéré que n'ayant pris connaissance de ce courrier que le 7 janvier 2008, vous avez pris vos fonctions au sein du pôle international que le 8 janvier.
À l'issue d'une période d'un mois, le constat établi par votre hiérarchie a fait apparaître que :
- vos productions nécessitaient constamment d' être revues et corrigées,
- vous aviez des difficultés à accepter les remarques et argumentiez indéfiniment lorsque vos propositions n'étaient pas retenues,
- vous aviez des difficultés à respecter les formats éditoriaux,
- votre niveau de français n'était pas celui attendu.
[T] [U], secrétaire général des antennes vous a donc reçu le 15 février 2008 afin de vous faire part de ses constatations. Vous lui avez indiqué avoir rencontré quelques difficultés à vous adapter et fait valoir que vos compétences seraient mieux utilisées au pôle €pe. Le 18 février, [T] [U] vous a alors notifié votre affectation à ce pôle et vous a indiqué qu'il ferait un nouveau point d'étape avec vous.
À l'issue d'une période de trois semaines de présence dans ce pôle, il s'est avéré que les mêmes avis sur votre travail étaient formulés: votre production demandait à être constamment vérifiée et refaite, vous ne maîtrisiez pas les bases du métier comme celle de la structuration d'un papier et votre maîtrise de la langue n'était pas suffisante.
Je suis au regret de constater que vos compétences professionnelles ne correspondent pas à celles attendues et ne me permettent pas d'envisager votre évolution de notre société. Dès lors, je me vois contrainte de prononcer votre licenciement pour insuffisance professionnelle.[...]
Pour établir l'insuffisance professionnelle de M. [X], l'employeur communique aux débats plusieurs pièces.
Par un courrier du 19 novembre 2007, M. [R] [O] explique que M. [X] a fait un test, qu'il n'est pas bon, même s'il est loin d'être nul, qu'il a pour lui d'être dans le timing. Sa hiérarchisation de l'info est correcte, en tout cas conforme à ce que l'on peut attendre sur RFI. À son désavantage : il bute, il hésite, il ânonne, il « fait des blancs », ses phrases sont trop longues et trop écrites et il n'a aucune présence.
Le 1er février 2008, Mme [N] [P] a adressé un courrier à la M. [U] dans les termes suivants :
« [M] [X] a été chargé de produire 2' 30 pour le pôle international. Une tâche dont il n'a pu s'acquitter que grâce à un membre du service. Il a fallu 10 jours à [X] pour produire ce petit module m'a expliqué en substance ce journaliste dont la patience a, semble-t-il, été mis à rude épreuve. De correction en correction, ce membre du pôle international reconnaît avoir perdu deux journées entières de travail pour essayer d'épauler son confrère qui ne s'est pas montré très coopératif. [X] qui se considère comme francophone accompli refuse en effet toute critique portant sur ses fautes de français et passe beaucoup de temps à argumenter pour défendre sa façon de traiter le sujet. Le produit final n'a, semble-t-il, pas grand-chose à voir avec les premières ébauches, qui n'ont pas été jugé diffusables».
Le 10 mars 2008, M. [T] [U] a écrit :
« [E] j'ai donc fait ce lundi avec [C] [S], rédactrice en chef, le bilan de trois semaines de présence au pôle Europe d'[M] [X]. Il en ressort que celui-ci n'est pas un bon journaliste. Sa production demande à être vérifiée et refaite. [M] [X] ne connaît même pas les bases du métier comme la structure d'un papier ( accroche-corps-chute). Par ailleurs, il n'est pas autonome en matière de pratique de la langue».
Le 20 octobre 2009, [T] [U] expliquait que «M. [X] n'avait pas la pratique du reportage, ne savait pas faire un papier au format de l'info en français, ne connaissait pas le rythme de renouvellement de l'info du «tout actu» mais bien plutôt un mode de fonctionnement somme toute assez routinie».
Toutefois, les premiers juges ont relevé à bon escient qu'à partir de novembre 2006, et alors qu'il collaborait depuis décembre 1999, M. [X] s'est retrouvé sans aucun travail à fournir, l'entreprise l'ayant dispensé de toute activité dans l'attente d'une nouvelle affectation, qu'elle a mis plus d'un an à lui retrouver un emploi, après lui avoir confirmé qu'elle l'intégrerait dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en Février 2007 et que l'employeur ne justifie pas avoir fourni à M. [X] les outils d'adaptation et de formation nécessaires pour s'adapter à ces nouveaux postes.
Dans ce contexte, si les reproches étaient justifiés, ils ne présentaient pas le caractère sérieux justifiant le licenciement.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. [X] sans cause réelle et sérieuse et a fait droit à la demande en découlant s'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, son préjudice a été exactement évalué la somme de 21 000 €.
De même, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [X] de toute demande de versement d'un complément d' indemnité compensatrice de préavis, le préavis ayant été justement calculé sur la base des derniers salaires versés à M. [X].
Sur les intérêts :
Les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes. Les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
La capitalisation des intérêts telle que la prévoit l'article 1154 du code civil est régulièrement demandée.
Il sera fait droit à cette demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235 -4 du code du travail :
L'article L.1235-4 du code du travail dispose que dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11 le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Les dispositions sus évoquées ont vocation à recevoir application, dans la présente espèce.
La société sera condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M [X] dans la limite de six mois.
Sur les demandes relatives à la communication des documents sociaux :
La demande de remise de bulletins de salaire et d'une attestation Pôle Emploi conformes aux termes du jugement est légitime. Il y sera fait droit.
Aucune astreinte ne sera pour autant prononcée, aucune circonstance particulière ne le justifiant.
Sur la demande tendant à imposer à la société de régulariser la situation auprès des organismes sociaux :
Les sommes allouées au titre des rappels de salaires et primes sont soumises à cotisations, ce que n'ignore pas l'employeur
Il n'y a pas lieu à prononcer l'injonction sollicitée, a fortiori sous astreinte.
Sur les demandes d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité commande de débouter les deux parties de leurs demandes respectives d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant contradictoirement et publiquement;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande d'indemnité de requalification,
L'infirme sur ce point,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SA AEF à verser à M. [X] les sommes suivantes :
- 3029,27 € au titre de l'indemnité de requalification,
- 396, 67 € à titre de rappel sur la prime exceptionnelle outre les congés payés afférents de 39,66 €;
Dit que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.
Dit que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
Prononce la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
Ordonne la délivrance des bulletins de salaire et une attestation Pôle emploi conformes À la présente décision,
Constate que les rappels de salaires et de primes accordées sont soumis à cotisations,
Condamne la SA AEF à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M [X] dans la limite de six mois.
Déboute les parties de leurs demandes respectives d'indemnités en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA AEF aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,