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12/12/2012 | FRANCE | N°11/05810

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 1, 12 décembre 2012, 11/05810


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 12 DECEMBRE 2012

(no 312, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 05810

Décision déférée à la Cour :
jugement du 18 février 2011- Tribunal de Grande Instance d'EVRY-RG no 10/ 01077

APPELANTE

Madame Martine X... veuve Y...
...
91130 RIS ORANGIS

représentée par la SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034)



INTIMES

Maître Piotr A...
...
75012 PARIS

Maître Sébastien Z...
...
75116 PARIS

représentés et assistés de la SCP BOMMA...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 12 DECEMBRE 2012

(no 312, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 05810

Décision déférée à la Cour :
jugement du 18 février 2011- Tribunal de Grande Instance d'EVRY-RG no 10/ 01077

APPELANTE

Madame Martine X... veuve Y...
...
91130 RIS ORANGIS

représentée par la SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034)

INTIMES

Maître Piotr A...
...
75012 PARIS

Maître Sébastien Z...
...
75116 PARIS

représentés et assistés de la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (Me Edmond FROMANTIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151) et de Me François MORETTE (avocat au barreau de PARIS, toque : A583)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 octobre 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques BICHARD, Président
Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

ARRET :
- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, président
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Noëlle KLEIN, greffier présent lors du prononcé.

******************

Le 29 juin 2002, Mme Martine X... veuve Y... perdant le contrôle du véhicule qu'elle conduisait, loué à la société Hertz, a été victime, sur la RN 4 entre Paris et Nancy, sur la commune de Menil la Horgne, d'un accident lui causant diverses blessures.

Mme Y... a, aux termes d'une convention de prestation de services en date du 19 octobre 2002, chargé M. Piotr A..., avocat, de la défense de ses intérêts, l'a ensuite dessaisi du dossier pour avoir seulement demandé une copie du procès-verbal au parquet, puis elle s'est adressée en Juillet 2006 à M. Sébastien Z..., avocat, lequel a aussitôt écrit à la société Hertz, qui a refusé dans une lettre du 13 juillet 2006 de reconnaître sa responsabilité en faisant valoir que le rapport de gendarmerie avait conclu à un défaut de maîtrise et non à une défaillance technique du véhicule, ce qui a conduit M. Z...à indiquer à sa cliente dans une correspondance du 23 octobre 2006 que toute expertise judiciaire était impossible le véhicule ayant été revendu et détruit en septembre 2002 et que toute procédure serait vouée à l'échec.

C'est dans ces circonstances que Mme Y... a assigné M. A... et M. Z...devant le tribunal de grande instance d'Evry, pour, sur le fondement des articles 1991 et 1992 du code civil, rechercher leur responsabilité du fait de manquements dans leurs diligences, faisant valoir que le délai de prescription permettant d'engager la responsabilité de la société Hertz s'était écoulé sans qu'aucun des avocats ne lui ait indiqué les recours à introduire ni ne l'ait informée sur l'étendue de ses droits, la privant ainsi de toute possibilité d'indemnisation, et, s'estimant victime d'une perte de chance, Mme Y... a demandé leur condamnation solidaire à lui verser une provision de 50 000 €, la désignation à leurs frais d'un expert médical ayant mission de décrire les blessures subies et leurs conséquences, la condamnation de MM. A... et Z...à lui payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens.

Par jugement en date du 18 février 2011, le tribunal a débouté Mme X... veuve Y... de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à payer à M. A... et M. Z...chacun la somme de 1000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive outre celle de 1500 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 25 mars 2011 par Mme X... veuve Y...,

Vu les conclusions déposées le 28 septembre 2011 par l'appelante qui demande de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, MM A... et Z...étant, en raison de leurs fautes, responsables du préjudice par elle subi, de les condamner solidairement à lui verser une provision de 50 000 €, de désigner, aux frais des intimés, un expert chargé, prenant connaissance des dossiers hospitaliers et médicaux, de dire quelles ont été et quelles sont les conséquences de l'accident du 29 juin 2002, de décrire les blessures subies, de dire quelles en sont les conséquences actuelles, de condamner solidairement MM. A... et Z...à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise,

Vu les conclusions déposées le 28 juillet 2011 par M. A... qui demande de confirmer le jugement entrepris et formant appel incident, de condamner Mme Y... à lui payer la somme de 3000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens,

Vu les conclusions déposées le 9 août 2011 par M. Z...qui demande de confirmer le jugement entrepris et formant appel incident, de condamner Mme Y... à lui payer la somme de 3000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens.

SUR CE :

Considérant que l'appelante, estimant n'avoir commis aucune faute de conduite et ne pas être pas responsable de l'accident, soutient que la cause de ce dernier relevait nécessairement d'un problème mécanique affectant le véhicule qu'elle avait loué à la société Hertz France ; qu'elle pouvait donc engager une action en responsabilité contractuelle visant à la désignation d'un expert judiciaire et au versement d'une indemnité provisionnelle, la société Hertz France étant tenue d'une obligation de sécurité et contre laquelle pesait une présomption de responsabilité en cas d'incident technique comme cela a été le cas, d'autant plus en raison de la destruction du véhicule sans expertise préalable, ne pouvant d'invoquer l'absence de défaut technique, qu'ainsi son action n'était nullement vouée à l'échec, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, quand bien même la société Hertz France a refusé de prendre en charge le sinistre ;

Considérant que l'appelante reproche en conséquence à M. A... son inaction et sa négligence, n'ayant quasiment rien fait pendant la durée de son mandat, alors que l'état de santé de sa cliente était particulièrement préoccupant, s'abstenant notamment fautivement d'engager une action judiciaire contre la société Hertz France, ce qui l'a conduite à mettre fin à la mission de cet avocat, ce qui n'exonère pas pour autant ce professionnel de sa responsabilité ; que de même M. Z...s'est révélé fautif au regard de ses obligations de mandataire, pour s'être contenté, à la suite du refus de prise en charge du sinistre par la société Hertz France, de lui avoir affirmé que toute procédure était vouée à l'échec, alors qu'il lui incombait de contester la position de ladite société et d'engager l'action judiciaire souhaitée par la cliente ;

Considérant que M. A... conteste avoir commis un quelconque manquement pour avoir, étant saisi en octobre 2002, demandé sans succès la copie du procès-verbal de l'accident, puis avoir été dessaisi très rapidement soit dès le mois de Janvier 2003, adressant à la cliente une lettre du 18 janvier 2003 lui confirmant son retrait et l'archivage de son dossier ; qu'il fait valoir qu'il ignore la nature des actes qu'il aurait dû, selon l'appelante, effectuer ainsi que de la prescription évoquée de manière imprécise par Mme Y..., étant alors dans l'impossibilité, en l'état du dossier, d'engager une procédure supposant la rédaction d'une assignation ; qu'il est intervenu de manière entièrement distincte de son confrère Z...;

Considérant que M. Z..., saisi au mois de juillet 2006 dans le cadre d'une convention de prestation de service d'avocat, soit quatre ans après les faits, expose qu'il a pris contact avec la société Hertz, laquelle lui a opposé une fin de non-recevoir ; qu'il a relevé que le rapport de gendarmerie concluait à la seule responsabilité de Mme Y... qu'il a alors avisée de la position de la société Hertz, précisant que Mme Y... lui fait part de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de régler les honoraires d'une éventuelle procédure, que dans ces conditions, il a procédé au classement du dossier en octobre 2006 ; que par la suite, Mme Y... ne s'est plus manifestée auprès de lui ; qu'ainsi il conteste être resté saisi et inactif,
alors qu'il avait avisé Mme Y... de son analyse et de sa décision de classer le dossier, ayant en conséquence rempli ses obligations ; qu'il est intervenu séparément de son confrère A... sans qu'aucun lien de droit n'existe entre eux ;

Considérant que par des motifs pertinents que la cour fait siens les premiers juges ont relevé qu'il n'était pas démontré l'existence d'un manquement de l'avocat à ses obligations professionnelles durant la mission de M. A... qui n'a duré que trois mois, période durant laquelle il a demandé la copie du procès-verbal de l'accident, étant non contesté qu'il a été ensuite déchargé du dossier en janvier 2003 ; qu'ils ont ensuite retenu que M. Z..., saisi seulement 4 ans après les faits, s'est aussitôt adressé à la société Hertz France, à laquelle il a envoyé une lettre circonstanciée et motivée ; que la cour relève en outre que cet avocat a reçu une réponse rapide et précise de la société Hertz, qui n'avait pas été auparavant destinataire d'une quelconque déclaration d'accident de la part de Mme Y..., locataire du véhicule, ni d'une mise en cause sur une défaillance technique, le véhicule ayant été vendu début septembre 2002 ; que la société Hertz France s'appuyait sur le fait qu'aucun élément extérieur ne pouvait justifier l'accident, notamment qu'aucun autre véhicule n'était impliqué et que d'après le contenu du procès-verbal de gendarmerie, la perte de contrôle serait dûe à un défaut de maîtrise de la vitesse ou à un choc contre la glissière de sécurité ; qu'il lui apparaissait que Mme Y... ne pouvait prétendre à aucune indemnisation ; que M. Z...a, dès le 23 octobre 2006, informé dans une lettre sa cliente, lui joignant copie de la réponse de la société Hertz France et lui faisant part des difficultés auxquelles se heurterait une action en justice, l'ancienneté des faits rendant toute investigation impossible et notamment la possibilité de rapporter la preuve d'une défaillance du véhicule ayant entraîné le sinistre ; qu'il concluait que " toute procédure juridique serait vouée à l'échec " ;

Considérant que les premiers juges ont pertinemment retenu que Mme Y... était dès parfaitement informée de la possibilité d'une action mais également de son échec prévisible et que l'avocat avait donc rempli son devoir de conseil, sans qu'aucun manquement ne puisse lui être imputé ; qu'après la lettre du 23 octobre 2006, Mme Y... ne s'est plus manifestée, ce qu'elle ne dément pas dans ses écritures qui ne donnent d'ailleurs aucune précision à ce sujet ; qu'ainsi le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme Y... de toutes ses demandes ;

Considérant, sur le caractère abusif de la présente action engagée par Mme Y..., que les circonstances de l'espèce et l'évidente légèreté avec laquelle cette dernière a recherché la responsabilité de ses conseils alors qu'elle a disposé de toutes les informations utiles relève de l'abus de droit ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit pour ce motif à la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par chacun des avocats ; que toutefois l'exercice par une partie d'une voie de recours, tel l'appel, n'est pas constitutif d'un abus justifiant l'allocation de dommages et intérêts complémentaires et que les intimés seront déboutés de leurs demandes incidentes de ce chef ; que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intimés dans les termes du dispositif ci-après.

Considérant que l'appelante succombant en toutes ses prétentions supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Déboute les intimés de leurs demandes incidentes de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Y ajoutant,

Condamne Mme Martine X... veuve Y... à payer à M. Piotr A... et M. Sébastien Z...chacun la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme Martine X... veuve Y... à payer les dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/05810
Date de la décision : 12/12/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2012-12-12;11.05810 ?
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