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28/11/2012 | FRANCE | N°11/06609

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 1, 28 novembre 2012, 11/06609


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 28 NOVEMBRE 2012

(no 295, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 06609

Décision déférée à la Cour :
Jugement du 14 février 2011- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 11575

APPELANTE

SAS SEEM représentée par son président en exercice et tous représentants légaux
12 bis Place Henri Bergson
75008 PARIS

représentée et assistée de Me

Laurence TAZE BERNARD (avocat au barreau de PARIS, toque : D1817) et de Me Jean Michel PERARD (avocat au barreau de PARIS, toque : A68...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 28 NOVEMBRE 2012

(no 295, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 06609

Décision déférée à la Cour :
Jugement du 14 février 2011- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 11575

APPELANTE

SAS SEEM représentée par son président en exercice et tous représentants légaux
12 bis Place Henri Bergson
75008 PARIS

représentée et assistée de Me Laurence TAZE BERNARD (avocat au barreau de PARIS, toque : D1817) et de Me Jean Michel PERARD (avocat au barreau de PARIS, toque : A680)

INTIMES

Monsieur Patrice X...
...
75008 PARIS

représenté et assisté de Me Jean-Loup PEYTAVI (avocat au barreau de PARIS, toque : B1106) et de Me Christophe CABANES de la SELARL SELARL Cabinet CABANES-CABANES NEVEU Associés (avocat au barreau de PARIS, toque : R262)

Madame Marie-Aline Y...
...
75009 PARIS

représentée et assistée de la SCP GALLAND-VIGNES (Me Philippe GALLAND) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0010) et de Me Jean-Pierre FARGES de la SDE ASHURST LLP (avocat au barreau de PARIS, toque : J034)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 octobre 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques BICHARD, Président
Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

ARRET :
- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, président
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques BICHARD, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

Au cours du premier trimestre 2005, la société SEEM, laquelle a pour objet la gestion de l'énergie et des services énergétiques et répond notamment aux appels d'offres des collectivités locales concernant les marchés publics et les délégations de services publics portant sur leur réseau de chauffage, désireuse de s'implanter sur la région de Nancy, a pris attache avec le cabinet d'avocats X..., composé de M. Patrice X...et de Mme Marie-Aline Y..., pour être assistée dans des opérations de croissance externe et se voir assurer une veille juridique, en droit de la concurrence notamment.

Avant de prendre un quelconque engagement, en accord avec la SEEM informée de cette démarche, M. X...a interrogé la société Veolia et sa filiale, la société Dalkia, ses clientes dans les mêmes secteurs d'activités, lesquelles ont confirmé ne voir aucun inconvénient à la conclusion d'un contrat entre la SEEM et ce cabinet d'avocats, estimant que la SEEM n'était pas leur concurrent direct.

C'est ainsi que Mme Y...et la SEEM ont signé le 30 mai 2005 une convention de services et d'honoraires pour une durée d'une année, éventuellement renouvelable, moyennant une rémunération forfaitaire de 96000 € HT payable en 4 trimestrialités sur présentation des notes d'honoraires, les missions de Mme Y..., à laquelle la SEEM se réservait de confier des missions plus spécifiques, étant ainsi définies :
- assurer une assistance juridique en matière de négociation et de mise en oeuvre des différents types de relations,
- assurer pour la société SEEM une veille stratégique de la réglementation française et communautaire ainsi que de la politique des autorités françaises et communautaires dans le domaine de la concurrence et des opérations de concentration du secteur de l'énergie et des services associés à sa gestion.

M. Z..., directeur général de la SEEM ayant été informé verbalement le 2 février 2006 lors d'une réunion de travail par Mme Y...que cette dernière entendait mettre fin au contrat de prestation de services au motif qu'il existerait désormais un conflit d'intérêt avec M. X..., a adressé à ce dernier un courrier du 3 février 2006 dans lequel il s'est insurgé contre ce procédé en raison notamment du fait que Mme Y...avait nécessairement connaissance de données que la SEEM souhaitait voir rester confidentielles et par courrier recommandé du 7 février 2006, Mme Y...lui confirmait sa décision de rompre le contrat la liant à la SEEM, à laquelle elle retournait le chèque, non encaissé, adressé le 5 janvier précédent en règlement de la dernière note d'honoraires.

Le 7 février 2006, M. X...écrivait à M. A..., directeur général de la SEEM que ce dernier lui aurait appris, lors d'un déjeuner ayant eu lieu le 5 janvier 2006, que "... vous étiez en conflit à Lyon avec la filiale énergie de mon client, le groupe Véolia " et lui indiquait que " tirant, comme je vous l'avais annoncé, les conséquences du litige vous opposant à Lyon, j'ai demandé à Mme Y...début janvier de mettre un terme à ses liens avec votre société ".

La société SEEM a considéré qu'il s'agissait d'un prétexte dès lors que ce litige avec la société Veolia concernait la signature d'un contrat de délégation de service public de production et d'exploitation du réseau de distribution de chaleur et de froid urbain sur les communes de Lyon et Villeurbanne avait démarré en 2004, qu'elle travaillait sur divers projets, en particulier à préparer l'offre destinée à obtenir la délégation de service public de Vandoeuvre-les-Nancy, que plusieurs réunions avaient été organisées avec l'intervention de M. X...pour une rencontre de l'un des dirigeants de la SEEM avec les responsables de la communauté urbaine de Nancy en novembre 2005, que Mme Y...était d'ailleurs saisie d'un dossier relatif à un marché d'exploitation du chauffage du Centre Psychothérapique de Nancy dans le cadre duquel la société SEEM était opposée à la société Dalkia, que la réalité était que M. X...venait de signer une convention de prestation de services et d'honoraires avec la société Dalkia le 2 janvier 2006, comportant une clause d'exclusivité par laquelle M. X...s'engageait à " décliner toute intervention qui pourrait le mettre en situation de conflit d'intérêt avec la société Dalkia et ses filiales pour la durée de la présente convention, dans le domaine décrit à l'article 1 ci-dessus ".

Sur réclamation déontologique de la SEEM auprès de M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, la plaignante craignant que les informations désormais connues par M. X...ne profitent à sa concurrente directe, la société Dalkia, ont été rendus par la Commission Restreinte de Déontologie deux premiers avis couverts par la confidentialité, les 13 et 19 décembre 2006, puis un troisième avis le 18 septembre 2007 par lequel il était fait interdiction à M. X...de se charger de la défense des intérêts de la société Dalkia, ainsi que de ceux de la société mère Veolia " que ce soit dans l'affaire de la communauté urbaine de Nancy ou dans d'autres affaires ".

La procédure d'attribution du marché de Vandoeuvre les Nancy, démarrée en décembre 2005 était achevée, la société SEEM a fait valoir qu'elle n'a pu bénéficier des conseils de l'avocat qu'elle avait choisi pour préparer et répondre aux appels d'offre en cours et qu'elle n'a pas obtenu, alors que sa candidature avait été agréée, le contrat de délégation de service public pour le réseau de chauffage de Vandoeuvre les Nancy, lequel a été en revanche attribué le 27 mars 2007 à la société Dalkia, assistée de M. X....

C'est dans ce contexte que la société SEEM a assigné le 17 juillet 2009 devant le tribunal de grande instance de Paris Mme Y...et M. X...en recherchant leur responsabilité et qu'elle a demandé leur condamnation in solidum à lui verser la somme de
282 000 € à titre de dommages et intérêts outre une indemnité de procédure, soutenant que la rupture brutale par le cabinet d'avocats du contrat qui les liait a été motivée par la volonté de favoriser les intérêts de la société Veolia à l'occasion des opérations d'appels d'offres de Vandoeuvre les Nancy, qu'une telle convention n'aurait pas dû être signée par des avocats qui étaient déjà les conseils de la société Dalkia et qui n'auraient pas dû accepter sa clientèle en raison du risque évident de conflit d'intérêts, que cette rupture lui a fait perdre le bénéfice du travail de ses conseils trois trimestres durant et le montant des honoraires versés pour la rémunération des avocats, d'un montant de 72 000 €, et qu'elle a également subi un préjudice distinct résultant de la diminution de ses chances d'obtenir la délégation de service public du chauffage urbain de Nancy, évalué à 210 000 €.

Par jugement en date du 14 février 2011, le tribunal a :
- rejeté l'exception de nullité de l'assignation,
- débouté la société SEEM de ses demandes,
- débouté Mme Y...et M. X...de leurs demandes en dommages intérêts,
- condamné la société SEEM à payer à Mme Y...et M. X...chacun la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société SEEM aux dépens.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 6 avril 2011 par la société SEEM,

Vu les conclusions déposées le 29 février 2012 par l'appelante qui demande de débouter M. X...et Mme Y...de leur appel incident, d'infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation et débouté M. X...et Mme Y...de leur demande de dommages intérêts, statuant à nouveau, de constater que Mme Y...et M. X...ont engagé l'un et l'autre leur responsabilité contractuelle à son égard, voire, pour M. X..., sa responsabilité délictuelle, qu'ils ont tous deux concouru indivisément à la réalisation du dommage et lui ont causé un préjudice lors de la dénonciation brutale du contrat d'assistance juridique en date du 30 mai 2005 qui les liait à elle, de condamner solidairement et à défaut in solidum M. X...et Mme Y...à lui verser la somme de 500 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis, la somme de 30 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens de première instance et d'appel,

Vu les conclusions déposées le 3 janvier 2012 par M. X...qui demande de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société SEEM de ses demandes, et formant appel incident, de condamner la société SEEM à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à lui payer les entiers dépens,

Vu les conclusions déposées le 6 septembre 2011 par Mme Y...qui demande de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société SEEM de toutes ses demandes, de condamner la société SEEM à lui payer, sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, la somme de 15000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens.

SUR CE :

Considérant que la société SEEM reproche au jugement déféré de l'avoir déboutée de ses demandes en disant n'y avoir lieu à examiner les fautes reprochées à chacun des avocats dès lors qu'elle n'établissait pas la réalité du préjudice par elle invoqué ;

Considérant qu'elle soutient que Mme Y...et M. X...ont commis des fautes dans l'exécution de la convention, consistant d'ailleurs dans une absence d'exécution de ladite convention ; qu'elle précise que son préjudice économique est la perte de chance d'obtenir le marché de délégation de service public de la ville de Vandoeuvre les Nancy ;

Considérant que l'appelante estime que Mme Y..., seule signataire de la convention à durée déterminée en cours d'exécution, M. X...n'apparaissant à aucun moment sur les documents et Mme Y...n'étant ni associée ni collaboratrice de M. X..., a commis une faute pour avoir rompu brutalement et unilatéralement, sans motif légitime, le lien contractuel avant le terme convenu soit le 30 mai 2006, engageant ainsi sa responsabilité contractuelle, d'autant qu'elle s'est fondée sur un prétendu conflit d'intérêt auquel un autre avocat, avec lequel elle partage des locaux, était confronté et qui ne la concernait pas personnellement ; que s'agissant de M. X..., non signataire du contrat, il a engagé sa responsabilité à son égard en raison de ses agissements personnels dès lors que c'est lui qui a provoqué la rupture du contrat et que du fait de l'opacité sur la nature de ses relations professionnelles avec Mme Y..., les deux avocats ont agi dans le cadre d'une association de fait et doivent être solidairement responsables ;

Considérant que l'appelante reprend devant la cour le bénéfice de son argumentation, qui consiste essentiellement à soutenir que les circonstances de fait telles que précisément sus-rappelées, établissent que les motifs de la rupture tels qu'invoqués par les avocats intimés ne sont pas crédibles, la procédure lyonnaise existant déjà en février 2005 et n'ayant pas été retenue comme pouvant constituer un conflit d'intérêt lorsque les parties se sont engagées, l'accord de la société Veolia et de sa filiale Dalkia ayant d'ailleurs été alors demandé et obtenu ; qu'elle affirme, quand bien même les intimés le dénient ce qui a conduit, selon elle, à l'appréciation erronée des premiers juges sur ce point, que l'objet du contrat signé le 30 mai 2005 incluait qu'elle soit assistée dans la conclusion des contrats publics et en particulier celui de Vandoeuvre les Nancy ; que la note d'honoraires du 30 novembre 2005 mentionne expressément qu'elle concerne les " dossiers d'appels d'offres " et que Mme Y...a reconnu avoir travaillé dans le dossier relatif à l'attribution du marché d'exploitation de chauffage du Centre Psychothérapique de Nancy, éléments suffisants à démontrer que la SEEM lui a également confié le dossier de Vandoeuvre les Nancy, dès lors qu'il s'agit du même type de marché, intervenant à peu près au même moment, dans la même communauté urbaine et contre le même concurrent ; que de plus, de manière générale, le cabinet de M. X...est réputé pour ses interventions auprès des collectivités territoriales et des pouvoirs publics pour promouvoir les intérêts de ses clientes ; qu'elle affirme qu'il a privilégié la clientèle de la société Dalkia, filiale d'un grand groupe et représentant un plus gros volume d'affaires et s'appuie sur les termes qu'elle considère comme très éclairants de l'avis déontologique ;

Considérant que Mme Y..., intimée, soutient qu'aucune faute ne peut être invoquée à l'encontre d'un avocat qui est libre de mettre un terme à sa mission, même en l'absence d'une clause contractuelle prévoyant cette faculté, dès lors qu'il informe son client en temps utile pour que les intérêts de celui-ci soient sauvegardés ; qu'elle ajoute que, contrairement aux affirmations contraires de la SEEM, elle était, lors de la résiliation, seulement saisie d'une mission de veille juridique et non d'un dossier particulier, qu'ainsi la résiliation intervenue n'a pu causer aucun préjudice à la SEEM ; qu'elle fait encore valoir que c'est sans aucune preuve ni même commencement de preuve que l'appelante croit pouvoir avancer que la convention d'assistance avait pour objet d'optimiser les chances de la SEEM d'obtenir la délégation du service public du chauffage urbain de Vandoeuvre Les Nancy, alors que s'agissant d'un marché public, la licéité d'une convention ayant un tel objet aurait été douteuse, outre le fait que le droit administratif n'entrait pas dans les compétences du cabinet ; que les factures des 2 août et 30 novembre 2005 par elle établies et mentionnant " Etude des dossiers Liévin, Nancy, Vénissieux, Villeneuve d'Ascq " ne visent pas l'opération de Vandoeuvre Les Nancy mais un autre dossier, situé certes à Nancy, relatif au centre Psychothérapique de Nancy, pour lequel elle a conseillé la SEEM, non pas sur un dépôt d'appel d'offres, mais sur les aspects de droit de la concurrence ; que les accusations de la SEEM sur les motifs de la résiliation, aux fins de pouvoir conseiller la société Dalkia, sont totalement infondées puisque dès l'entrée en relation, Mme Y...et M. X...ont informé la SEEM qu'ils étaient les conseils de ladite société Dalkia, ce que M. Z...lui-même a écrit dans son courrier du 3 février 2006 ; que le juge administratif a validé la délibération de délégation du service public de Vandoeuvre les Nancy à la société Dalkia ; que l'avis donné par le Conseil de l'Ordre, seul compétent pour apprécier l'aspect déontologique, n'a été suivi d'aucune décision et ne peut permettre de caractériser une faute de M. X...et a fortiori de Mme Y..., non concernée par l'avis et à laquelle il n'est pas opposable, d'autant qu'elle n'a jamais été l'avocat de Dalkia depuis lors ; que l'intimée observe encore que la SEEM lui apparaît de mauvaise foi, dès lors qu'elle avait connaissance depuis l'origine de la possibilité d'un conflit d'intérêts à être le conseil de deux sociétés concurrentes mais s'est parfaitement accommodée de cet état de fait ; que subsidiairement, la SEEM ne démontre pas l'existence d'un préjudice direct et certain découlant d'une prétendue faute ;

Considérant que M. X..., intimé, souligne qu'il n'a pas signé de contrat avec la SEEM, conteste avoir, dans le dossier à l'origine du litige allégué, prêté son concours à la société concurrente Dalkia ; qu'il fait valoir que l'appelante opère une dénaturation de la convention d'assistance juridique du 30 mai 2005, qu'elle tente d'exploiter la rédaction nécessairement synthétique d'une note d'honoraires, qu'il n'est pas, ni Mme Y..., un conseil en droit des marchés publics ou en droit des contrats administratifs, qu'il n'a pas, malgré l'action navrante de la SEEM, été sanctionné au plan déontologique, que le jugement du 22 décembre 2009 du tribunal administratif de Nancy a rejeté tous les griefs formés par la SEEM contre le déroulement de la procédure de consultation organisée par la Communauté Urbaine du Grand Nancy, l'appel d'offres étant publié depuis le 19 décembre 2005 avec délai limite de dépôt des candidatures au 9 février 2006, période pendant laquelle la SEEM ne peut justifier avoir contacté les deux avocats qu'elle met en cause, ayant d'ailleurs participé régulièrement à la mise en concurrence, outre qu'elle n'allègue pas avoir recherché un autre conseil ;

Considérant, sur la faute invoquée par la SEEM et tenant au caractère brutal de la rupture par les avocats du contrat conclu le 30 mai 2005 avec Mme Y..., que s'il est constant que la question de la possibilité et ou du risque d'un conflit d'intérêt a été clairement abordée dès l'entrée en relation des parties, pour autant c'est légitimement que M. Z..., directeur général de la SEEM s'est étonné de l'information qui lui a été donnée le 2 février 2006, à l'occasion d'une réunion de travail sur la décision de Mme Y...de mettre fin, pour des raisons de conflits d'intérêts, à ses prestations ; qu'ainsi, il écrit dans son courrier du 3 février à M. X...:
" Il m'a été indiqué que votre décision était liée au fait que vous aviez contracté des engagements avec un groupe concurrent au nôtre, interdisant la poursuite de nos relations.
Cette situation, pour le moins surprenante, mérite quelques rappels.
Lorsqu'au cours du premier trimestre de l'année 2005, nous avons évoqué, tous les deux, la possibilité de conclure un contrat de prestations de services, dont l'objet..., vous avez souhaité alors vérifier préalablement, auprès du groupe Veolia, maison mère de Dalkia, un de nos principaux concurrents, si notre collaboration n'était pas de nature à créer une quelconque difficulté au regard des relations que vous entreteniez avec ce groupe.
Vous avez, en ma présence, pris téléphoniquement l'attache de M. Eric de B..., auquel vous avez soumis la question,.. "
Fort de l'agrément verbal de votre interlocuteur, vous m'avez alors donné, sans ambiguïté aucune, votre accord pour la mise en place d'une convention de prestations de services et d'honoraires, ce qui a été formalisé le 30 mai 2005....
Aujourd'hui, et sous réserve des informations que vous pourriez me communiquer.., force est de m'interroger sur les conséquences qui pourraient résulter d'une telle situation.
Il ne m'appartient pas naturellement, de me prononcer sur les aspects déontologiques au cas où l'existence d'un conflit d'intérêts viendrait à se confirmer.... " ;

Considérant que ce revirement est effectivement intervenu brutalement et de manière fautive, dès lors qu'il s'explique certes par la survenance d'un conflit d'intérêt qui est opposé par les deux avocats à la SEEM mais qui trouve son origine dans le fait qu'il est établi, ce qui n'est pas contesté par M. X..., que ce dernier a, unilatéralement et par la suite, soit le 2 janvier 2006, conclu une convention de prestation de services et d'honoraires avec la société Dalkia, comportant au surplus une clause d'exclusivité, ce qui l'a conduit à cesser ses relations avec son client SEEM ; que ces circonstances caractérisent la faute commise par M. X...et Mme Y...dans l'exécution de leur mission, laquelle permet à la SEEM d'engager leur responsabilité civile professionnelle et de faire valoir à ce titre son préjudice moral, pour lequel les intimés seront solidairement condamnés à payer in solidum à la SEEM la somme de 10 000 € de dommages et intérêts ;

Considérant que sur le surplus de l'argumentation de la SEEM qui invoque la faute contractuelle plus précisément de Mme Y...dans l'exécution de la mission confiée à cette dernière, par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont pu constater le manque de pertinence de la thèse de cette dernière au regard de l'objet même de la mission confiée à Mme Y...; qu'en effet, la SEEM ne rapporte pas la preuve de ses affirmations ; que c'est exactement que Mme Y...rappelle qu'elle n'était pas saisie du dossier particulier relatif à la délégation du service public du chauffage urbain de Vandoeuvre les Nancy, relevant au surplus d'un marché public ; que l'objet de sa mission, ci-dessus rappelé, relevait d'une veille juridique et non d'une assistance au niveau des appels d'offres ; que la SEEM ne fournit aucun élément, notamment aucun écrit ni aucune instruction, qui soit susceptible d'étayer ses dires lorsqu'elle prétend que les parties avaient commencé à travailler sur divers projets et en particulier sur celui concernant le service public de Vandoeuvre les Nancy ; que plus particulièrement, comme souligné dans le jugement déféré, la simple mention de la ville de Nancy dans les factures produites, ne saurait, en l'absence d'autres éléments, démontrer l'existence d'une mission concernant la ville de Vandoeuvre les Nancy, laquelle fait partie de la communauté urbaine du Grand Nancy ; qu'en revanche la mention de Nancy s'explique par le dossier confié à Mme Y...pour étudier, mais en droit de la concurrence, le dossier du marché d'exploitation du chauffage du centre psychothérapique de Nancy ;

Considérant que l'appelante ne fait que reprendre pour le surplus sans y apporter aucun élément nouveau et utile les moyens et arguments auxquels il a déjà été pertinemment répondu par les premiers juges en des motifs que la cour approuve ;

Sur les demandes de M. X...et de Mme Y...:

Considérant que les intimés ont présenté des demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive en se référant, s'agissant de Mme Y..., plus particulièrement aux dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile et en soulignant l'intention de nuire et la malveillance de la société SEEM proférant à leur endroit des accusations mensongères ;

Considérant que les circonstances du présent litige et les motifs ci-dessus retenus ne permettent pas de considérer que la société SEEM ait abusé de son droit d'ester en justice ; que les intimés seront déboutés de toutes leurs demandes reconventionnelles ;

Considérant que l'équité commande de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelante dans les termes du dispositif ci-après ;

Considérant que les intimés, dont la faute est retenue, supporteront les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation et débouté Mme Y...et M. X...de leurs demandes de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

Constate la faute commise par Mme Y...et M. X...lors de la rupture brutale de la convention conclue le 30 mai 2005 par Mme Y...avec la SEEM,

Condamne in solidum Mme Y...et M. X...à payer à la SEEM la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

Déboute la SEEM du surplus de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne in solidum Mme Y...et M. X...à payer à la SEEM la somme de 4000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme Y...et M. X...à payer les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/06609
Date de la décision : 28/11/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2012-11-28;11.06609 ?
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