Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRET DU 23 NOVEMBRE 2012
(n° 280, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/16558.
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2011 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 3ème Section - RG n° 09/17561.
APPELANTE :
Société de droit américain ALLERGAN Inc.
prise en la personne de ses représentants légaux,
ayant son siège social [Adresse 3] (ETATS UNIS D'AMERIQUE),
représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU PELIT-JUMEL en la personne de Maître PELIT JUMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111,
assistée de Maître Isabelle LEROUX de la SCP SALANS & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0372.
INTIMÉES :
- SARL LABORATOIRES SOINS EXPERTS anciennement LDA COSMETIQUES
prise en la personne de ses gérants en exercice, Mr [V] [X] et Mme Dominique [G],
ayant son siège [Adresse 2],
- SARL BIO EXTEND
prise en la personne de ses gérants en exercice, Mr [V] [X] et Mme Dominique [G],
ayant son siège social [Adresse 1] et aussi [Adresse 4]
représentées par la SELARL HANDS en la personne de Maître Luc COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061,
assistées de Maître Marie-Sophie VINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1858.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 octobre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,
Monsieur Dominique COUJARD, président de chambre,
Madame Sylvie NEROT, conseillère.
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.
ARRET :
Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
La société Allergan Inc. qui commercialise un produit composé de toxine botulique ayant des effets thérapeutiques mais aussi cosmétiques puisqu'il permet de combattre les rides d'expression, le Botox, est titulaire de la marque 'Botolift' déposée le 17 décembre 2007, n° 07 3 544 503, pour désigner en classes 3 et 5 les produits suivants :
'cosmétiques, crèmes et lotions, savons, parfumerie, huile essentielle, lotions pour les cheveux, dentifrices. Produits pharmaceutiques, produits hygiéniques pour la médecine ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; produits vétérinaires'.
Estimant qu'en dépit du vif succès rencontré par ce produit sa racine 'boto' pas plus que son nom 'Botox' n'étaient libres d'usage et ayant tour à tour constaté :
- que la société LDA Cosmétiques commercialisait notamment sur son site internet un sérum antirides destiné à combler les rides d'expression dénommé 'Botoperfect' avec, pour le caractériser, la mention 'Boto Like',
- que la société Bioextend, qui a acquis le 28 mars 2008 la totalité des parts composant le capital de la société LDA, avait déposé, le 25 septembre 2008, une demande d'enregistrement de la marque 'Botoperfect' afin de désigner des produits similaires ou identiques aux produits couverts par sa propre marque,
- qu'en dépit de l'accueil partiel, selon décision du 30 juin 2009, de l'opposition à l'enregistrement de cette marque qu'elle a formée devant le directeur l'INPI sur le fondement de sa marque antérieure 'Botolift' et qui visait les cosmétiques, la société LDA Cosmétiques poursuivait la commercialisation, sous le nom de 'Botoperfect', de son produit antirides imitant, selon elle, la marque 'Botolift',
elle a fait pratiquer, dûment autorisée, une saisie-contrefaçon, dans les locaux de ces deux sociétés, le 06 octobre 2009, mais les a trouvés vides avant de les assigner, le 17 novembre 2009, en contrefaçon de sa marque du fait de l'utilisation de la dénomination 'Botoperfect' et au titre du parasitisme en raison de l'utilisation, par ces sociétés, de la renommée du produit 'Botox' pour vanter les qualités de leur produit cosmétique.
Par jugement contradictoire rendu le 18 mars 2011, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande fondée sur le défaut de caractère distinctif de la marque 'Botolift' n° 07 3 544 503, débouté la société Allergan Inc. de ses demandes au titre de la contrefaçon ainsi que de ses demandes au titre des agissements parasitaires en la condamnant à verser aux deux défenderesses la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 1er août 2012, la société de droit de l'Etat du Delaware Allergan Inc., appelante, demande en substance à la cour, au visa des articles L 711-4, L 713-3 et L 714-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 1382 du code civil et L 121-8 du code de la consommation :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu le caractère distinctif de sa marque mais de l'infirmer pour le surplus,
- de considérer que les intimées ont commis des actes de contrefaçon par imitation et de les condamner à lui verser la somme indemnitaire de 100.000 euros,
- de considérer qu'en commercialisant le produit 'Botoperfect' et en se référant, implicitement ou explicitement, au produit 'Botox', elles ont commis des actes de concurrence parasitaire et de les condamner à lui verser la somme indemnitaire de 100.000 euros,
- de prononcer, sous astreinte, les mesures d'interdiction et de retrait d'usage ainsi que diverses mesures de publication,
- de prononcer la nullité partielle de l'enregistrement 'Botoperfect' n° 3 600 727 pour les services de 'chirurgie esthétique ; maisons de convalescence ou de repos' en application de l'article L 714-3 du code de la propriété intellectuelle avec inscription au Registre national des marques,
- de débouter les intimées de leur demande en réparation de leur préjudice économique et de leurs pertes d'exploitation ainsi que de leurs entières prétentions,
- de condamner 'solidairement' les intimées à lui verser la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter tous les dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 19 septembre 2012, la SARL Unipersonnelle Société Laboratoires Soins Experts (anciennement LDA Cosmétics) et la SARL Bio Extend demandent à la cour, au visa des articles L 711-2, L 711-4 et L 714-6 du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil, formant appel incident, demandent en substance à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Allergan Inc. de ses entières demandes indemnitaires, de l'infirmer pour le surplus et :
- de constater la déchéance pour dégénérescence de la marque française 'Botox', de prononcer l'extension de cette déchéance au préfix 'Boto' et de prononcer, en conséquence, la déchéance des droits de la société Allergan Inc. sur la marque 'Botolift' n° 07 3 544 503,
- subsidiairement, de constater que la marque française 'Botolift' a été déposée frauduleusement et d'en prononcer la nullité,
- en toute hypothèse, de condamner l'appelante à leur verser la somme indemnitaire de 300.000 euros réparant le préjudice subi du fait des pertes d'exploitation résultant de la présente procédure et de leur préjudice économique, outre celle de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
SUR CE,
Sur la déchéance pour 'dégénérescence' de la marque verbale 'Botolift' :
Considérant que les sociétés intimées, formant appel incident, poursuivent l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de nullité au motif que cette marque constituait un terme valable au sens de l'article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
Qu'elles soutiennent que sont dépourvus de distinctivité les signes ou dénominations qui sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit, dans le langage courant ou professionnel, et qu'il convient de se pencher sur les termes composant le signe ;
Qu'elles font valoir que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la marque 'Botolift' tire la plus grande partie de sa distinctivité de la marque 'botox' dont la chambre commerciale de la Cour de cassation a prononcé la déchéance, par arrêt du 27 janvier 2009, en évoquant à la fois l'absence d'usage sérieux de la marque et l'absence d'usage du terme à titre de marque afin de désigner l'origine du produit ; que cette dernière aurait tout aussi bien pu se fonder sur l'article L 714-6 du code de la propriété intellectuelle et prononcer la dégénérescence de la marque, déjà acquise, puisque le terme 'botox' (entré dans le dictionnaire en 2013) désignait le produit lui-même et non la marque, laquelle, au demeurant, était la marque 'Vistabel' couvrant l'application cosmétique de la toxine botulique en France ;
Qu'elles poursuivent en soutenant que cette dégénérescence a des conséquences sur le préfixe 'boto', préfixe usuel et nécessaire puisqu'il n'existe pas, dans le langage courant, d'autres termes visant à définir la toxine botulique en tant que référence comparative ; que, comme la désignation dont il découle et dont il constitue la forme raccourcie, il est dépourvu de distinctivité; que le terme 'lift' est, quant à lui, usuel et faiblement distinctif en matière cosmétique, qu'il ne peut être admis à l'enregistrement d'une marque que s'il est adjoint à un terme fortement distinctif et que tel n'est pas le cas en l'espèce ;
Qu'invoquant, enfin, l'article L 711-2 b) du code la propriété intellectuelle, elles se prévalent en outre du caractère descriptif de la marque Botolift, dépourvu de caractère arbitraire au regard des produits et services visés à l'enregistrement, puisque l'association de 'Botox' et de 'Lift' décrira, pour le consommateur, un produit cosmétique à base de Botox entrant en jeu dans un acte chirurgical visant à raffermir la peau et à corriger les rides ;
Considérant, ceci rappelé, qu'aux termes de l'article L 714-6 du code de la propriété intellectuelle 'Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue de son fait : a) la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service' ;
Que, s'agissant de la condition objective posée par ce texte, la déchéance suppose que le signe constituant la marque soit 'devenu' - au moment où la demande en déchéance est formée et non point, comme l'énonce le tribunal, à la date du dépôt de la marque - usuel ou générique à l'égard des produits ou services que celle-ci désigne, soit, en l'espèce, des produits cosmétiques et qu'il ne soit, par conséquent, plus apte à exercer la fonction de la marque considérée comme un indicateur d'origine ;
Qu'à juste titre, la société Allergan Inc. fait valoir que la 'dégénérescence' de la marque Botox n'a jamais été prononcée par la Cour de cassation ; que la lecture de cet arrêt révèle, en effet, que la société Allergan Inc. invoquait dans son pourvoi les dispositions de l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle relatives au défaut d'usage réel et sérieux de la marque ;
Que les conséquences que tirent les intimées de cette présentation erronée sur le sort du préfixe 'boto' sont, par conséquent, dénuées de pertinence, tout comme l'est leur argumentation selon laquelle ce préfixe serait la désignation nécessaire et usuelle du principe actif du produit pharmaceutique, à savoir la toxine botulique, alors que 'botu' correspondrait davantage à l'abréviation de botulique ;
Qu'en toute hypothèse, un signe verbal exclusivement composé d'éléments eux-mêmes descriptifs ou usuels n'est considéré lui-même comme descriptif ou usuel que s'il correspond exactement à la façon dont le public concerné désigne habituellement le produit ou le service ou l'une de ses caractéristiques ; que les intimées qui se prévalent de la 'banalité' du terme alors que cette question relève du contentieux du droit d'auteur ne démontrent nullement que le consommateur ne percevra pas un écart dans la formulation du syntagme 'Botolift' par rapport à la terminologie couramment employée pour désigner les produits visés à l'enregistrement ou leurs caractéristiques essentielles ; que cette marque doit, par conséquent, être considérée comme distinctive ;
Que, s'agissant par ailleurs de la condition subjective posée par ce texte, à savoir le'fait' du titulaire ou 'l'activité ou l'inactivité de son titulaire', selon les termes de l'article 12 § 2. a) de la directive (CE) n° 89/104 à la lumière de laquelle doit être interprété le droit interne, que la société Allergan Inc. démontre qu'elle a agi pour lutter contre l'usage de la racine 'boto' que ce soit en amont, lors de l'enregistrement de multiples marques, telles les marques 'Botosilk', 'Botoline', 'Botolina', 'Botoderm','Isobot', 'Botoliss', 'Botoina', 'Botorelax' (pièce 41) ou judiciairement (pièces 25 et 35) ;
Qu'il suit que la marque 'Botolift' ne saurait encourir la déchéance et que le jugement mérite, sur ce point, confirmation ;
Sur le caractère frauduleux du dépôt de la marque 'Botolift' par la société Allergan Inc. :
Considérant qu'à titre subsidiaire, les sociétés intimées poursuivent la nullité de la marque 'Botolift' ;
Qu'elles entendent voir juger qu'après le prononcé de la décision de la cour d'appel du 19 janvier 2007 et celle de la Cour de cassation précitée, le dépôt de la marque 'Botolift' en décembre 2007 portant sur des produits cosmétiques et pharmaceutiques en classes 3 et 5 avait 'visiblement' pour but de contourner cette déchéance en tentant de maintenir un droit privatif sur la 'particule Boto' dans certains domaines d'activité et que ce dépôt est 'indéniablement' frauduleux en ce qu'il tente de contourner une décision de justice afin de maintenir un monopole sur un signe déchu et d'empêcher ainsi indûment 'ses concurrents' de l'utiliser ;
Considérant, ceci exposé, qu'il convient d'observer que l'intention frauduleuse qu'elles prêtent à la société Allergan Inc., qui a été déchue de ses droits sur la marque 'Botox' au motif qu'elle ne pouvait justifier de son exploitation réelle et sérieuse durant cinq années pour les produits et services considérés, ne reposent que sur leurs assertions ;
Qu'il y a lieu, par ailleurs, de relever que nul ne plaide par procureur et que les intimées ne peuvent à la fois affirmer que le produit dénommé 'Botoperfect' aurait fait l'objet d'une exploitation confidentielle (§ I, 6ème page de leurs écritures) et qu'en déposant cette marque la société Allergan Inc. poursuivait le dessein d'entraver une exploitation dont elles ne peuvent justifier qu'en produisant une fiche d'un centre anti-poison de février 2004 - laquelle, au demeurant, ne saurait constituer une preuve d'exploitation dans la vie des affaires - ;
Qu'avec pertinence, enfin, la société Allergan Inc. précise que, dans le cadre de la présente procédure, elle ne se prévaut d'aucun droit de marque sur la dénomination 'Botox' mais entend rappeler la notoriété mondiale du produit antirides qu'elle exploite activement ;
Que le jugement qui a rejeté cette demande mérite confirmation ;
Sur l'antériorité d'usage invoqué par la société Bio Extend :
Considérant que les sociétés intimées soutiennent également que l'article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle donne une liste non exhaustive des signes dont l'antériorité permet de faire obstacle à l'enregistrement d'une marque ou d'en poursuivre la nullité et que la dénomination du sérum opalescent fluide qu'elles ont créé et commercialisé sous le nom de 'Botoperfect' constitue une antériorité ; elles estiment, pour ce faire, qu'un nom de produit est 'littéralement' un nom commercial ;
Considérant, ceci rappelé, que l'emploi de l'adverbe 'notamment' dans le texte précité permet effectivement d'envisager des antériorités d'usage se rapportant à d'autres signes que ceux qu'il vise, tel un nom de domaine qui n'existait pas lors de l'adoption de ce texte, le 04 janvier 1991 ;
Que, toutefois, pour que cette antériorité d'usage soit opposable au titulaire d'une marque identique ou similaire postérieurement déposée, encore faut-il que ce signe ait effectivement fait l'objet d'une exploitation antérieure et qu'il y soit porté atteinte par la création d'un risque de confusion ;
Qu'en l'espèce, à supposer que la simple dénomination d'un produit (qui ne saurait avoir la qualification juridique bien précise de 'nom commercial', comme le soutient justement la société Allergan Inc.) puisse figurer au rang des antériorités d'usage visées par ces dispositions, les intimées ne peuvent prétendre que ces conditions sont satisfaites puisqu'elles évoquent, par ailleurs, dans leurs écritures, une faible exploitation de ce produit, comme il a été dit précédemment, et, argumentant sur les faits de contrefaçon qui leur sont reprochés, estiment qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les signes 'Botolift' et 'Botoperfect' (§ III, 16ème à 20ème page de leurs dernières conclusions) ;
Que ces nouvelles contradictions qui mettent à mal le sérieux de leurs prétentions conduisent à les rejeter et à confirmer le jugement de cet autre chef ;
Sur la contrefaçon de la marque 'Botolift' par le signe 'Botoperfect' :
Considérant que la société Allergan Inc. reproche au tribunal d'avoir rejeté sa demande à ce titre en portant une appréciation erronée sur la marque 'Botolift' qu'il a considérée comme faiblement distinctive alors qu'elle est composée d'une racine qui n'est pas commune ; qu'elle fait référence au terme 'botox', lequel n'est pas un terme du langage courant mais la dénomination d'un produit notoire ;
Que les sociétés intimées rétorquent que la décision de la Cour de cassation déjà évoquée qui a déchu l'appelante de son droit sur la marque 'Botox' la prive de tout droit privatif sur cette marque ; que c'est, de plus, de manière inopérante que l'appelante invoque la décision rendue par le directeur de l'INPI qui a accueilli l'opposition à l'enregistrement de la marque 'Botoperfect'formée par la société Allergan Inc. puisqu'elle est antérieure à la décision de la Cour de cassation ; qu'à juste titre, selon elles, le tribunal a considéré qu'il existait une faible similitude entre les signes opposés ;
Considérant, ceci exposé, que le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque 'Botolift', il convient de rechercher s'il n'existe pas entre les deux signes un risque de confusion (lequel comprend le risque d'association) qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ;
Que, visuellement, les deux signes verbaux ont, certes, une physionomie différente puisque leurs longueurs diffèrent ; que, toutefois, la présence commune, en attaque, de la séquence 'boto', peu usitée dans la langue française selon ce que révèle le contenu de divers dictionnaires, tend à les rapprocher ; qu'il est, en outre, constant que le consommateur attache au début d'un signe une importance bien plus grande qu'à sa désinence (TPICE, 16 mars 2005, L'Oréal, points 64 et suivants, TPICE, 28 oct. 2009, X-Technology, point 33) ;
Que, phonétiquement, si ces deux signes appellent une prononciation différente, selon un rythme distinct, en raison de la longueur de leurs désinences respectives, et si chacun sera prononcé comme un tout, il n'en demeure point moins que la séquence qu'ils ont en commun sera la première à être prononcée et sera susceptible d'avoir un impact plus important que le reste du signe ;
Que, conceptuellement, la désinence de chacun des signes opposés est constituée par des termes élémentaires de la langue anglaise dont une bonne part du public pertinent, doté de connaissances de base dans cette langue, percevra la signification ; qu'il pourra ainsi traduire le terme 'lift' par une intervention sur la peau et le terme 'perfect' par un perfectionnement, tous deux faiblement distinctifs dans le domaine de la cosmétique ;
Que ces termes n'auront donc qu'un caractère secondaire au sein des signes opposés ; que leur alliance avec le radical commun 'boto', distinctif en ce qu'il n'est ni un préfixe usuel dans la langue française ni le préfixe nécessaire de 'botulique' mais fait référence au produit connu sous le nom de fantaisie qu'est le 'Botox', conduira le consommateur à rapprocher et à associer ces deux signes et à considérer que les produits qu'ils couvrent proviennent de la même entreprise développant, comme il est fréquent dans le domaine considéré, une gamme de produits désignés selon une déclinaison comportant la même racine, ou d'entreprises liées économiquement ;
Qu'il suit que l'impression d'ensemble qui se dégage de la comparaison des signes en présence est propre à générer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur qui sera conduit à les confondre ou, à tous le moins, à les associer et à leur attribuer une origine commune ; qu'il le sera d'autant plus que les produits en cause sont identiques ou similaires ;
Que l'appelante est, par conséquent, fondée à prétendre qu'en fabricant et commercialisant un produit antirides dénommé 'Botoperfect' ou une dénomination similaire pour désigner des produits ou services identiques ou similaires à ceux visés par l'enregistrement de la marque 'Botolift' revendiquée, les sociétés intimées ont commis des actes de contrefaçon ;
Que le jugement sera par conséquent infirmé de ce chef ;
Sur la demande de nullité partielle de l'enregistrement de la marque 'Botoperfect' en ce qu'elles désigne les services de 'chirurgie esthétiques, maisons de convalescence' :
Considérant que, visant les dispositions des articles L 711-4 et L 714-3 du code de la propriété intellectuelle, la société Allergan forme devant la cour une demande tendant à voir prononcer la nullité partielle de la marque contestée, ceci en conséquence des faits de contrefaçon de sa marque ainsi retenus ;
Mais considérant qu'elle ne développe au soutien de sa demande aucun moyen venant, en particulier, contredire l'appréciation du Directeur de l'INPI qui, dans sa décision du 30 juin 2009 (pièce 7), a, avec pertinence, considéré que les services de 'chirurgie esthétique ; maisons de convalescence ou de repos' de la demande d'enregistrement ne présentent pas de lien étroit et obligatoire avec 'produits pharmaceutiques, produits hygiéniques pour la médecine' de la marque antérieure, la prestation des premiers n'impliquant pas l'emploi des seconds, lesquels ne participent pas nécessairement à la réalisation des premiers ;
Qu'en l'absence, par conséquent, d'éléments venant contredire cette appréciation, la cour ne saurait accueillir la demande de ce chef ;
Sur les faits de concurrence déloyale et parasitaire :
Considérant que l'appelante poursuit, par ailleurs, l'infirmation du jugement à ce titre et relève une série d'erreurs d'appréciation qu'aurait commises le tribunal qui a d'abord considéré qu'en raison de son usage courant, il n'était pas fautif de faire référence au produit Botox, la presse évoquant elle-même 'l'effet botox', qui a, en outre, estimé que le fait que l'application cosmétique du 'botox' soit commercialisée en France sous la marque 'Vistabel' suffit à justifier la référence indue par ses concurrents à son produit 'Botox'et qui a analysé les mentions figurant sur le produit 'Botoperfect' comme une publicité comparative licite ;
Qu'exposant que le Botox, 'produit à succès', fait l'objet d'un suivisme dégénérant en abus et, par conséquent, en parasitisme, la société Allergan Inc. incrimine d'abord la mention figurant sur le produit litigieux, à savoir : 'L'alternative aux injections de Botox !' ; qu'elle considère comme fautif le profit que tirent indûment les intimées de la notoriété du produit 'Botox' et de l'image de marque de la société Allergan Inc., laboratoire mondialement connu, sur le site puisqu'y figure la mention 'Botox Like' ; que cette mention, ajoutée au fait que la société LDA Cosmétiques se présente comme un 'Laboratoire', abuse, selon elle, le consommateur et que ces pratiques commerciales trompeuses relèvent des dispositions de l'article L 121-8 du code de la consommation ;
Qu'en réplique, les intimées qualifient de surabondante l'argumentation de l'appelante en évoquant à nouveau la déchéance de ses droits sur le produit 'Botox' prononcée par la Cour de cassation en 2009 et sollicitent la confirmation du jugement dont elles s'approprient les motifs ;
Considérant, ceci exposé, que les pièces versées aux débats et les explications non contestées de l'appelante établissent que la société Allergan Inc. commercialise un composé de la toxine botulique de type A, aux applications à la fois thérapeutiques et cosmétiques, qui a fait l'objet, en France, de deux autorisations de mise sur le marché distinctes ; que la commercialisation de ce produit a été autorisée pour son application thérapeutique sous la dénomination de fantaisie de 'Botox'(adoptée en 1990) et, pour son application cosmétique, sous la dénomination de 'Vistabel', devenue, comme elle l'explique, résiduelle du fait du large succès remporté au delà des frontières par cette seconde application sous le nom de 'Botox' ;
Que les pièces produites démontrent également la valeur économique et le rayonnement du produit 'Botox', la société Allergan Inc. ayant notamment investi plus de 1,3 milliards de dollars dans la recherche et le développement de ce produit et affichant des ventes mondiales de ce produit en progression constante, de 90,1 millions US $ en 1997 à 1.419,4 millions US $ en 2010 ( pièce 38, § 33 et 41) ;
Que les moyens tirés de la dégénérescence de ce terme 'Botox' ne sauraient être valablement opposés à la société Allergan Inc., compte tenu de la teneur du présent arrêt ; que le fait que la société Allergan Inc.ne dispose pas de droits privatifs en France sur ce nom ne saurait faire obstacle à une action fondée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil tendant à voir sanctionner des agissements présentés comme des pratiques contrevenant aux usages loyaux et honnêtes du commerce ;
Qu'à cet égard, les intimées qui commercialisent un produit ne contenant pas de toxine botulique et qui ont, par conséquent, sans nécessité apposé sur ce produit la mention suivante : 'L'alternative aux injections de Botox !' (qui plus est en dotant le terme 'Botox' d'une majuscule, ce qui tend à démontrer qu'elles distinguent ce vocable d'un simple nom commun) ou ont assuré leur communication avec le slogan 'Like Botox' ont implicitement mais nécessairement cherché à créer un lien dans l'esprit du consommateur entre l'image positive véhiculée par le produit 'Botox' (qui, par sa formule et son dosage se distingue de produits concurrents comme de Dysport d'Ipsen ou le Xeomin de Merz) et le produit commercialisé sous le nom de 'Botoperfect' afin de tirer profit de la force d'attraction du produit commercialisé par la société Allergan Inc. ;
Qu'il peut être considéré que le détournement de clientèle résultant de ces agissements se trouve aggravé par l'ajout de mentions sécurisantes ou rassurantes telles les indications 'Laboratoire LDA Cosmétiques' ou 'alternatives aux injections' que rien n'imposait et que la société Allergan Inc., soulignant à juste titre qu'elles ne reposent sur aucune réalité, associe à des manoeuvres trompeuses ;
Qu'en outre, le fait de laisser entendre que le produit commercialisé sous le nom de 'Botoperfect' a des effets comparables à ceux du produit cosmétique 'Botox' a pour effet de le banaliser et de le déprécier et porte, de ce fait, atteinte à sa valeur économique ;
Qu'il suit que la société Allergan Inc. doit être déclarée fondée en sa demande à ce titre et que le jugement doit être infirmé sur ce point ;
Sur les mesures réparatrices :
Considérant que la société Allergan Inc. poursuit la réparation de son préjudice au titre de la contrefaçon en l'évaluant à la somme de 100.000 euros, précisant, toutefois, qu'elle n'a pu avoir accès aux comptes des intimées, malgré la saisie-contrefaçon qu'elle était autorisée à pratiquer, du fait de leur brusque déménagement ;
Que les intimées, qui expliquent que leur déménagement est sans lien avec la présente procédure, juge cette demande disproportionnée en regard du chiffre d'affaires réalisé du fait de la vente du produit 'Botoperfect' en 2009 et 2010 (soit environ 4.000 euros, ainsi que cela résulte de leurs pièces 4 et 5), qu'elles ajoutent que le produit litigieux n'est plus commercialisé et qu'un constat d'huissier établi le 17 janvier 2011 (pièce 7) atteste de l'absence de toute référence au Botox ou au Botoperfect sur le site de la société LDA ;
Qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments qui ne permettent pas de connaître précisément la masse contrefaisante, le préjudice subi qui doit tenir compte du gain réalisé, des bénéfices perdus mais aussi à l'avilissement résultant des faits de contrefaçon retenus, sera réparé par l'allocation d'une somme de 15.000 euros ;
Considérant que pour solliciter la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale, la société Allergan Inc. se prévaut d'une double atteinte tenant à la fois au profit indû tiré de la notoriété du 'Botox' et à sa présentation sous un jour défavorable ;
Que si les intimées tentent vainement de jeter le discrédit sur la société Allergan Inc. en produisant deux articles de presse isolés étrangers à la présente affaire, il n'en demeure pas moins que les éléments soumis à l'appréciation de la cour relatifs à la durée et à l'intensité des pratiques commerciales contraires à la probité incriminées ne permettent pas d'évaluer le préjudice subi au montant de la somme réclamée ; que les sociétés intimées seront, en conséquence, condamnées in solidum au paiement de la somme de 20.000 euros à ce titre ;
Qu'il sera fait droit, par ailleurs, aux demandes d'interdiction et de retrait sollicitées selon les modalités précisées au dispositif ;
Que ces mesures réparant à suffisance le préjudice subi, il n'y a pas lieu de faire droit aux autres demandes de mesures réparatrices en nature et, particulier, aux mesures de destruction et de publication ;
Que la solution donnée au présent litige conduit à rejeter la demande indemnitaire des intimées motivée par le dépôt frauduleux de la marque 'Botolift', qui n'est que prétendu, ou par les conséquences néfastes d'une action à leur encontre qu'elles qualifient, à tort, d'infondée ;
Sur les demandes accessoires :
Considérant que l'équité conduit à infirmer le jugement en ce qu'il à condamné la société Allergan Inc. à verser aux sociétés Bioextend et LDA Cosmétiques la somme de 5.000 euros au titre de leurs frais non répétibles et à condamner in solidum les sociétés intimées à verser à la société Allergan la somme de 12.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que les sociétés intimées qui succombent supporteront les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement entrepris sauf en sa disposition rejetant la demande fondée sur le défaut de caractère distinctif de la marque 'Botolift' n° 07 3 544 503 et, statuant à nouveau ;
Dit qu'en détenant, fabriquant, exportant, important, offrant à la vente, distribuant et commercialisant des produits cosmétiques sous la dénomination 'Botoperfect', les sociétés à responsabilité limitée Bio Extend et LDA Cosmétiques (nouvellement dénommée Société Laboratoires Soins Experts) ont commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque 'Botolift', n° 07 3 544 503, déposée le 17 décembre 2007 par la société de droit de l'Etat du Delaware Allergan Inc. au préjudice de cette dernière ;
Dit qu'en commercialisant et en faisant la promotion du produit 'Botoperfect'en faisant référence de manière explicite ou implicite au produit 'Botox', ceci, notamment sur le produit en tant que tel et sur le site www.lda-cosmetiques.com$gt;, en s'y comparant de manière fautive et trompeuse dans le but d'assurer la promotion de leur produit 'Botoperfect', les sociétés Bio Extend et LDA Cosmétiques (nouvellement dénommée Société Laboratoires Soins Experts) ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Allergan Inc ;
Condamne, en conséquence, in solidum, les sociétés à responsabilité limitée Bio Extend et LDA Cosmétiques (nouvellement dénommée Société Laboratoires Soins Experts) à verser à la société Allergan Inc. la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon et celle de 20.000 euros en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
Fait interdiction aux sociétés Bio Extend et LDA Cosmétiques (nouvellement dénommée Société Laboratoires Soins Experts) :
- d'utiliser la dénomination 'Botoperfect', sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, pour tous produits identiques ou similaires à ceux visés au libellé de la marque française 'Botolift' n° 07 3 544 503,
- de faire référence de manière implicite ou explicite au produit 'Botox' sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, à l'exception des cas prévus par la loi, pour tout produit pharmaceutique ou cosmétique,
ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, huit jours après la signification du présent arrêt, étant précisé que l'interdiction s'étend à tous les produits litigieux qui se trouveraient déjà stockés chez des distributeurs ou clients qu'il appartiendra aux sociétés Bio Extend et LDA Cosmétiques (nouvellement dénommée Laboratoires Soins experts) d'informer ;
Ordonne le retrait immédiat de tous produits emballages, notices et publicités litigieux constitutifs de contrefaçon de marque ou d'actes déloyaux et parasitaires aux frais des sociétés Bio Extend et LDA Cosmétiques (nouvellement dénommée Laboratoires Soins experts) ;
Rejette le surplus des prétentions de la société Allergan Inc. au titre des mesures réparatrices ;
Déboute la société Allergan Inc de sa demande tendant à voir prononcer l'annulation partielle de l'enregistrement de la marque 'Botoperfect' n° 3 600 727 pour les services de 'chirurgie esthétique ; maisons de convalescence ou de repos' sur le fondement de l'article L 714-3 du code de la propriété intellectuelle et de sa demande d'inscription au registre des marques subséquente ;
Déboute les sociétés Bio Extend et LDA Cosmétiques (nouvellement dénommée Laboratoires Soins Experts) de leurs demandes indemnitaires et de leurs entières prétentions ;
Condamne in solidum les sociétés à responsabilité limitée Bio Extend et LDA Cosmétiques (nouvellement dénommée Société Laboratoires Soins Experts) à verser à la société Allergan Inc. la somme de 12.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,Le Président,