Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2012
(n°2012- , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/18966
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/18436
APPELANT:
POLE EMPLOI SERVICES venant aux droits du GROUPEMENT DE L'ASSEDIC DE LA REGION PARISIENNE 'GARP', de l'ASSEDIC DE LA GUYANE, DE L'ASSEDIC DE LA REGION GUADELOUPE, DE L'ASSEDIC DE LA RÉGION MARTINIQUE ET DE L'ASSEDIC DE LA RÉGION RÉUNION.
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Maître Pascal GOURDAIN (avocat au barreau de PARIS, toque : D1205)
assisté de Maître Richard TORRENTE (avocat au barreau de PARIS, toque : D 1205), plaidant pour Maître Pascal GOURDAIN
INTIMÉE:
SOCIÉTÉ FRANCE TELEVISIONS venant aux droits de la SOCIÉTÉ FRANCE 2, et du RÉSEAU FRANCE OUTRE MER
prise en la personne de ses représentants légaux.
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)
assistée de Maître Emmanuelle SAPENE de la SCP DEFLERS ANDRIEU & ASSOCIÉS (avocat au barreau de PARIS, toque : R047)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Octobre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Anne VIDAL, Présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Anne VIDAL, Présidente de Chambre
Françoise MARTINI, Conseillère
Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
Greffier, lors des débats : Guylaine BOSSION
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et par Guénaëlle PRIGENT, Greffier
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant acte d'huissier en date du 15 décembre 2008, le GARP (groupement des Assedic de la Région parisienne) aux droits de qui vient POLE EMPLOI, considérant que les sociétés France Télévisions, France 2, France 3 et RFO, du fait de leur forme commerciale, étaient tenues d'assurer leurs salariés contre le risque de non-paiement de leurs salaires en cas de procédure de sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, les a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre. Par ordonnance du juge de la mise en état de cette juridiction en date du 15 septembre 2009, l'affaire a été renvoyée devant le tribunal de grande instance de Paris.
Devant le tribunal de grande instance de Paris, POLE EMPLOI a sollicité la condamnation de la Société France Télévisions, venant aux droits des sociétés France 2, France 3 et RFO, à lui fournir les déclarations des salaires versés à ses salariés sous contrat de droit privé depuis le 1er janvier 2006, sous astreinte de 15.000 € par jour de retard, et à lui verser une somme provisionnelle de 51.000 €, portée en cours d'instance à la somme de 542.000 € comme venant aux droits de France 2, de 1.389.000 € comme venant aux droits de France 3 et de 153.000 € comme venant aux droits de RFO, sauf à parfaire.
Par jugement en date du 7 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la Société France Télévisions pour autorité de chose jugée, considérant que les demandes de POLE EMPLOI ne recouvraient pas la même période que celles qui avaient fait l'objet de la procédure antérieure achevée par l'arrêt de rejet de la cour de cassation du 16 décembre 1987.
Il a déclaré POLE EMPLOI irrecevable en ses demandes à l'encontre de la Société France Télévisions et de France 3, à défaut de mise en demeure régulière, ainsi qu'à l'encontre de RFO, sauf pour les demandes relatives aux mois de janvier et février 2008.
Sur le fond, il a jugé que France 2, ne pouvait, aussi bien avant 2009, alors qu'elle était une société du groupe France Télévisions, que depuis le 1er janvier 2009, date de la fusion absorption des Sociétés France 2, France 3, France 5 et RFO à la Société France Télévisions, faire l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, de sorte que ses salariés n'étaient pas soumis au risque prévu par l'article L 3253-6 du code du travail au titre duquel POLE EMPLOI appelait ses cotisations et qu'il en était de même pour RFO dont les actions étaient, depuis le 1er janvier 2004, intégralement détenues par France Télévisions et ne pouvait être dissoute qu'en vertu de la loi. Il a donc rejeté les demandes de POLE EMPLOI à l'encontre de France 2 et de RFO.
Il a condamné POLE EMPLOI à verser à chacune des sociétés France Télévisions, France 2, France 3 et RFO la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
POLE EMPLOI a interjeté appel de cette décision suivant déclaration déposée au greffe le 23 septembre 2010 à l'encontre de la Société France Télévisions venant aux droits de la Société France 2, de la Société France 3 et de RFO.
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POLE EMPLOI, aux termes de ses conclusions déposées et signifiées le 1er juillet 2011, sollicite l'infirmation partielle du jugement déféré et demande à la cour :
de condamner la Société France Télévisions, venant aux droits de la Société France 2, à lui fournir les déclarations des salaires versés depuis le 1er janvier 2006 à ses salariés sous contrat de droit privé, sous astreinte de 15.000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, et à lui payer la somme provisionnelle de 542.000 €, sauf à parfaire,
de condamner la Société France Télévisions, venant aux droits de RFO, à lui fournir les déclarations des salaires versés pour les mois de janvier et février 2008 à ses salariés sous contrat de droit privé, sous astreinte de 15.000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, et à lui payer la somme provisionnelle de 6.268,90 €, sauf à parfaire pour ces deux mois,
de la condamner, comme venant aux droits de la société France 2 et de RFO, à lui payer une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
de débouter la Société France Télévisions de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Il fait valoir, pour l'essentiel de ses explications :
que les conditions de l'article 1351 du code civil permettant d'opposer l'autorité de chose jugée ne sont pas remplies en l'espèce puisque POLE EMPLOI est une personne différente des AGS et des ASSEDIC, que la création de France 2 est postérieure à cette décision, que l'objet du litige est différent puisque les périodes concernées par les appels de cotisations sont différentes et que les textes applicables sont différents ;
que c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par France 2 pour défaut de mise en demeure préalable, la société ayant été en mesure, à réception des mises en demeure des 10 mars et 14 mai 2008, de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, étant rappelé que les cotisations AGS relèvent d'un régime déclaratif et que c'est à la société débitrice de fournir les déclarations permettant de calculer le montant des cotisations ;
sur le fond, que la Société France Télévisions ne peut contester avoir la qualité de personne morale de droit privé qui la soumet au régime de l'article L 3253-6 du code du travail et qu'il s'agit d'une condition nécessaire et suffisante ; qu'ainsi, la cour de cassation, dans un arrêt de revirement en date du 29 février 2000 concernant la société TSFE, exploitant la chaîne publique « La Cinq », a retenu que cette société, étant une société anonyme de droit privé, était soumise aux cotisations, sans que puissent être pris en considération l'origine de son capital, la nature de ses ressources et le contrôle économique de l'Etat auquel elle était soumise ; que, selon le droit communautaire également, la Société France Télévisions est assujettie au financement de la garantie des salaires, dès lors que les dispositions en vigueur prévoient qu'elle peut, en sa qualité de personne morale de droit privé, être soumise aux procédures de redressement et de liquidation judiciaire.
La Société France Télévisions, venant aux droits de France 2, en l'état de ses écritures signifiées le 15 décembre 2011, sollicite :
A titre principal, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, l'irrecevabilité des demandes de POLE EMPLOI, au titre de l'autorité de chose jugée et à défaut de mise en demeure préalable à toute poursuite judiciaire,
A titre subsidiaire, au visa de la directive européenne n°80/987 du 20 octobre 1980 et de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986, la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions,
A titre très subsidiaire, le rejet de toutes les demandes de POLE EMPLOI postérieures au 31 décembre 2008,
En tout état de cause, la condamnation de POLE EMPLOI à verser à la Société France 2 une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose, pour l'essentiel de ses explications :
Que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 26 novembre 1985 est revêtu de l'autorité de chose jugée, à la suite de l'arrêt de rejet de la cour de cassation du 16 décembre 1987 ; qu'il a tranché définitivement la question du principe de l'assujettissement de France 2 au versement des cotisations de l'AGS et que ce principe est opposable aux parties, qui sont les mêmes puisque POLE EMPLOI vient aux lieu et place du GARP qui n'était autre que les Assedic et que France 2 est la même entité que Antenne 2, par suite d'un changement de dénomination ; que la législation est la même et qu'il importe peu que les périodes ne soient pas les mêmes ;
Que les lettres des 10 mars et 14 mai 2008 adressées à France 2 ne valent pas mise en demeure à défaut de mentionner le montant à verser et la période pouvant se rapporter à la réclamation et d'énoncer la règle permettant à France 2 de calculer les cotisations réclamées ;
Sur le fond, qu'aux termes de la directive européenne, l'employeur n'est tenu de cotiser qu'à la double condition de l'existence de créances salariales et de la possibilité de se trouver en état d'insolvabilité, ce qu'a confirmé la CJUE dans l'arrêt Francovitch du 9 novembre 1995 ; qu'aux termes de l'article L 3253-6 du code du travail, l'employeur couvre ses salariés contre son propre risque de procédure collective et qu'il n'est pas instauré une cotisation généralisée quels que soient la nature et le statut de l'employeur ; que la cour de cassation, dans la ligne de la position communautaire, a toujours recherché si la société était susceptible d'être mise en état d'insolvabilité, au regard de son capital social ; que, pour ce qui concerne France 2, ses actions ne peuvent appartenir qu'à la Société France Télévisions dont la totalité du capital est détenu par l'Etat, de sorte que son statut est dérogatoire par rapport à celui des sociétés anonymes ; qu'elle ne peut être soumise à une procédure collective puisque le décret du 14 novembre 2000 dispose qu'elle ne peut être dissoute que par la loi ;
Qu'à titre très subsidiaire, les demandes de POLE EMPLOI à l'encontre de France 2 ne sont pas recevables pour la période postérieure au 31 décembre 2008 à raison de la disparition de France 2 à effet du 1er janvier 2009.
La Société France Télévisions, venant aux droits de RFO, en l'état de ses écritures signifiées le 15 décembre 2011, sollicite :
-Au visa de la directive européenne n°80/987 du 20 octobre 1980 et de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986, la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et le rejet de toutes les demandes de POLE EMPLOI,
-La condamnation de POLE EMPLOI à verser à la Société RFO une somme
de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle reprend la même argumentation que celle développée au fond par la Société France Télévisions venant aux droits de France 2 sur l'application de la directive communautaire et sur la jurisprudence de la cour de cassation prise en application des dispositions du code du travail, au regard du statut particulier de la Société RFO et de la Société France Télévisions.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 4 octobre 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'autorité de chose jugée de la décision du 26 novembre 1985 :
Considérant que l'article 1351 du code civil dispose que l'autorité de chose jugée n'a lieu que sous la condition que la demande soit fondée sur la même cause, qu'elle soit entre les mêmes personnes et formée par elles et contre elles en la même qualité et que la chose demandée soit la même ;
Que la Société France Télévisions venant aux droits de France 2 invoque l'autorité de chose jugée de la décision définitive rendue le 26 novembre 1985 par la cour d'appel de Paris ;
Qu'il est constant que la cour d'appel de Paris a, par arrêt confirmatif en date du 26 novembre 1985 devenu définitif à la suite de l'arrêt de la cour de cassation du 16 décembre 1987 rejetant le pourvoi, statué dans le litige opposant l'AGS et le GARP (groupement des Assedic de la Région Parisienne) à la Société Nationale de Télévision en couleur Antenne 2 et considéré que les conditions d'assujettissement de cette société à l'assurance de garantie des salaires, telles que définies par l'article L 143-11 du code du travail alors en vigueur, n'étaient pas réunies en ce qui concerne les salariés de radiodiffusion et de Télévision française ; qu'elle a en effet retenu que la mission dévolue au syndic par la loi du 13 juillet 1967 apparaissait incompatible avec la mission de service public et d'intérêt général dont ces sociétés de programme étaient investies ;
Que force est toutefois de constater que les conditions de l'autorité de chose jugée ne sont pas remplies en l'espèce dès lors que, comme l'a relevé le tribunal, l'objet est différent puisque les cotisations en cause portent sur des périodes différentes, mais qu'en outre, les parties sont différentes, la société France 2 venant aux droits de la société Antenne 2 mais sur des statuts nouveaux, approuvés par décret en date du 14 novembre 2000, et la cause est différente puisque les textes appliqués ont été modifiés, notamment ceux relatifs aux procédures collectives auxquelles peuvent être soumises les sociétés employeurs, à la suite de l'entrée en vigueur des lois successives sur le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire ;
Que c'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée ;
Sur la régularité des mises en demeure adressées à France 2 :
Considérant que les cotisations dont POLE EMPLOI réclame le paiement doivent être recouvrées dans les conditions édictées par l'article L 5422-15 du code du travail ; qu'il résulte de ces dispositions que les poursuites engagées par l'organisme de recouvrement contre un employeur doivent être précédées d'une mise en demeure qui doit permettre au redevable de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation ;
Que POLE EMPLOI a adressé deux courriers recommandés à France 2 les 10 mars 2008 et 14 mai 2008 ;
Que le courrier du 10 mars 2008, portant pour objet 'assujettissement à l'Assurance de Garantie des Salaires', ne fait qu'énoncer le principe selon lequel le groupe France Télévision, étant une société anonyme, serait redevable de la cotisation AGS, sans plus de précision sur les cotisations appelées ;
Que la lettre du 14 mai 2008 explicite et développe le principe de l'assujettissement de la Société France Télévisions à la cotisation de Garantie des Créances des Salariés et ajoute une véritable mise en demeure, dans les termes suivants :
'En conséquence, nous vous mettons en demeure de nous retourner les bordereaux joints, à effet du 01/01/2006 afin de régulariser votre situation au regard de l'AGS. A défaut de réponse de votre part dans les 15 jours suivant la réception de la présente, nous nous réservons le droit d'engager des poursuites à votre encontre.' ;
Que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que ce courrier valait mise en demeure régulière de la Société France Télévisions venant aux droits de France 2 en ce que celle-ci, en lecture de ce courrier avait connaissance de la nature et de la cause des droits réclamés (cotisations AGS en application de l'article L 143-11-1 du code du travail) ainsi que de leur étendue, la réclamation portant sur la période postérieure au 1er janvier 2006, étant ajouté que le montant des cotisations dues dépendait de la déclaration des salaires réclamée par l'organisme à l'employeur ;
Que les poursuites de POLE EMPLOI contre la Société France Télévisions venant aux droits de France 2 doivent en conséquence être déclarées recevables pour la période courant du 1er janvier 2006 au 14 mai 2008 ;
Considérant que la régularité des mises en demeure adressées par POLE EMPLOI à RFO les 17 mars et 8 avril 2008 pour avoir paiement des cotisations dues au titre des salaires des mois de janvier et février 2008 n'est pas discutée ;
Sur l'assujettissement de la Société France Télévisions aux cotisations de l'AGS :
Considérant que l'article L 3253-6 du code du travail (ancien article L 143-11-1 du code du travail) dispose :
'Tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés mentionnés à l'article L 5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.' ;
Que POLE EMPLOI réclame le versement des cotisations dues au titre de cette assurance des salaires à France 2 et à RFO à raison de leur forme de sociétés de droit privé, alors que la Société France Télévisions, venant aux droits de ces sociétés depuis le 1er janvier 2009, soutient au contraire qu'elles n'y étaient pas assujetties en raison de la particularité de leur statut et de leur mission de service public ;
Qu'il ressort de la jurisprudence de la cour de cassation, après le revirement opéré en 2000 à propos de la société TSFE, exploitant la chaîne publique 'La Cinq', que le critère de l'assujettissement de l'employeur, personne morale de droit privé, à l'obligation d'assurance des salariés ne tient plus compte ni de la mission de service public confiée à la personne morale, ni de l'origine de son capital, ni de la possibilité pour elle d'être effectivement soumise à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, la seule condition devant être retenue étant celle de sa nature de personne morale de droit privé ;
Qu'il n'est pas discuté que, pour la période qui intéresse le litige, la Société France 2 avait le statut d'une société anonyme ; que la particularité de ses statuts - qui prévoient qu'elle ne peut être dissoute que par l'effet de la loi - la participation exclusive de l'Etat dans la composition de son capital social - qui permet d'exclure qu'elle puisse être en état de cessation des paiements et soumise à une procédure collective - et la nature de sa mission de service public ne sont pas de nature à la dispenser du paiement de cette cotisation obligatoire ; qu'il en est de même pour RFO ;
Que c'est en vain que la Société France Télévisions souligne que le texte de l'article L 3253-6 du code du travail prévoit que les cotisations sont dues par l'employeur pour assurer 'ses' salariés contre le risque de non-paiement de leurs salaires et qu'il s'agirait dès lors d'une assurance individualisée dont les cotisations ne pourraient être appelées contre un employeur dont les salariés ne courraient pas ce risque ; qu'en effet, l'utilisation de l'article possessif 'ses' vise à définir l'assiette des cotisations dues par l'employeur et non à déterminer un droit individuel de chaque salarié à l'assurance de garantie des salaires, POLE EMPLOI rappelant à juste titre que le mécanisme d'assurance est collectif puisque le droit des salariés est garanti indépendamment du paiement effectif des cotisations par leur employeur ;
Que c'est également en vain que la Société France Télévisions invoque le droit communautaire, la directive n°80/987 énonçant, dans ses considérants, qu'elle a pour objet de rapprocher les législations en vue de protéger les salariés en cas d'insolvabilité de leur employeur pour leur garantir le paiement de leurs créances impayées, mais renvoyant les Etats membres, dans son article 5, à fixer les modalités de l'organisation, du financement et du fonctionnement des institutions de garantie ; que la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne ne va pas à l'encontre de cette liberté des Etats membres dans le financement de la garantie des salaires;
Qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris déféré et de dire :
- que la Société France Télévisions venant aux droits de France 2 devra fournir à POLE EMPLOI, pour la période du 1er janvier 2006 au 14 mai 2008, les déclarations des salaires versés à ses salariés de droit privé, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, sous peine d'une astreinte de 5.000 € par jour de retard passé ce délai, et lui verser une somme provisionnelle de 320.000 € correspondant à l'estimation faite par POLE EMPLOI pour les années 2006 et 2007, sauf à parfaire,
- que la Société France Télévisions venant aux droits de RFO devra fournir à POLE EMPLOI les déclarations des salaires versés à ses salariés de droit privé pour les mois de janvier et février 2008, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, sous peine d'une astreinte de 5.000 € par jour de retard passé ce délai, et lui verser une somme provisionnelle de 6.268,90 € correspondant à l'estimation faite par POLE EMPLOI pour ces périodes et non contredite par la Société France Télévisions ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement,
en matière civile et en dernier ressort,
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris déféré en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de POLE EMPLOI à l'encontre de la Société France Télévisions venant aux droits de France 2 au titre de la mise en demeure du 14 mai 2008 et de la Société France Télévisions venant aux droits de RFO au titre des mises en demeure adressées les 17 mars et 8 avril 2008 au titre des mois de janvier et février 2008 ;
L'infirme en toutes ses autres dispositions relatives aux relations entre POLE EMPLOI et la Société France Télévisions venant aux droits de France 2 et de RFO et sur les dépens ;
Condamne la Société France Télévisions venant aux droits de France 2 à fournir à POLE EMPLOI, pour la période du 1er janvier 2006 au 14 mai 2008, les déclarations des salaires versés à ses salariés de droit privé, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, sous peine d'une astreinte de 5.000 € par jour de retard passé ce délai et à lui verser une somme provisionnelle de 320.000 € à valoir sur les cotisations dues par France 2 pour cette période ;
Condamne la Société France Télévisions venant aux droits de RFO à fournir à POLE EMPLOI les déclarations des salaires versés à ses salariés de droit privé pour les mois de janvier et février 2008, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, sous peine d'une astreinte de 5.000 € par jour de retard passé ce délai et à lui verser une somme provisionnelle de 6.268,90 € à valoir sur les cotisations dues pour ces deux mois ;
Condamne la Société France Télévisions à payer à POLE EMPLOI une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT