RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 15 Novembre 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/00484 - MEO
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Octobre 2010 par le conseil de prud'hommes de MEAUX section encadrement RG n° 09/00229
APPELANTE
SAS BOFROST FRANCE DISTRIBUTION
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Me Christine ETIEMBRE, avocat au barreau de LYON, toque : 688
INTIME
Monsieur [E] [R]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Marianne DUMEIGE ISTIN, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 450
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
Ayant précédemment travaillé en qualité de vendeur indépendant disposant d'un mandat de la Sas Bofrost France Distribution depuis le 2 juillet 2007, M. [E] [R] a été engagé par la société à compter du 7 août 2007, en qualité de directeur d'agence, statut cadre dirigeant.
Un avertissement a été notifié à M. [R] le 22 juillet 2008 au motif qu'il remettait en cause les directives de sa hiérarchie et en raison de plaintes émanant de certains de ses collaborateurs lui reprochant d'être autoritaire et irrespectueux à leur égard. Cet avertissement n'a fait l'objet d'aucune contestation par la voie judiciaire.
Par courrier du 31 octobre 2008, M. [R] a adressé sa démission à son employeur.
Par courrier en date du 10 novembre 2008, pendant l'exécution de son préavis, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 21 novembre suivant, et mis à pied à titre conservatoire. Par courrier en date du 27 novembre 2008, la Sas Bofrost France Distribution , requalifiant sa démarche, a mis fin au préavis pour faute grave.
L'entreprise compte plus de 10 salariés.
La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective du commerce de gros.
Contestant les conditions de la rupture, M. [R] a saisi le conseil des Prud'Hommes de Meaux d'une demande tendant en dernier lieu à obtenir notamment le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'un rappel de salaire, de dommages et intérêts à divers titres, d'une indemnité pour non respect de la période d'essai, d'une indemnité pour non respect de la visite médicale d'embauche, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par décision en date du 7 octobre 2010, le conseil des Prud'Hommes, faisant partiellement droit à la demande du salarié, a condamné la Sas Bofrost France Distribution à lui payer les sommes suivantes :
- 12 518 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 1 251,80 € au titre des congés payés afférents
- 2 920 € à titre de rappel de salaire du 13ème mois
- 292 € au titre des congés payés afférents
- 20 811,54 € à titre de dommages et intérêts pour perte d'un droit à percevoir les indemnités de chômage
- 500 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée conventionnelle de la période d'essai
- 300 € à titre de dommages et intérêts pour absence de convocation à la visite médicale d'embauche
- 900 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Soutenant le bien fondé de la rupture, la Sas Bofrost France Distribution a fait appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation. Elle demande à la cour de juger bien fondée la rupture en cause et de débouter M. [R] de toutes ses demandes. Elle réclame, en outre, la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [R] conclut à la confirmation du jugement déféré et, en conséquence, à la condamnation de la Sas Bofrost France Distribution à lui payer les sommes suivantes :
- 14 622,83 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 146,22 € au titre des congés payés afférents
- 2 614,24 € à titre de rappel de salaire après requalification de la prime exceptionnelle
- 261,42 € au titre des congés payés afférents
- 15 226,16 € au titre de la prime STKP DA
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de l'audience de conciliation, et la société devant supporter toutes charges sociales éventuelles, même salariales auxquelles elles donneraient lieu. Subsidiairement, le salarié sollicite de voir ordonner une expertise comptable aux fins de déterminer le montant de la prime due.
Il réclame, en outre, le paiement des sommes suivantes :
- 13 409,48 € pour brusque rupture du préavis
- 800 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée conventionnelle de la période d'essai
- 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour absence de convocation à la visite médicale d'embauche
- 20 811,54 € à titre de dommages et intérêts pour perte d'un droit quant à la durée d'indemnisation du salarié par les Assedic
- 15 397,27 € pour perte d'un droit à indemnisation par les Assedic quant à la base journalière retenue sur la durée d'indemnisation qui a été de 9 mois
- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour plainte injurieuse
- 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Soutenant que la présente juridiction n'avait pas à connaître de la demande de dommages et intérêts pour plainte injurieuse, la Sas Bofrost France Distribution conclut à son incompétence.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 9 octobre 2012, reprises et complétées lors de l'audience.
MOTIVATION
- Sur la plainte pour dénonciation injurieuse :
M. [R] reproche à la Sas Bofrost France Distribution d'avoir déposé une plainte pour faux témoignage, et sollicite réparation.
C'est à juste titre, que la Sas Bofrost France Distribution soutient qu'il reviendra à la juridiction compétente, de juger du bien fondé de ladite demande, intimement liée au sort de la procédure pénale et qui n'est pas directement liée à la relation de travail en cause.
La présente juridiction est, en conséquence, incompétente pour en connaître.
- Sur la prétendue violation de la période d'essai :
Rappelant avoir été engagé en qualité de vendeur indépendant, puis en qualité de directeur d'agence, M. [R] fait valoir qu'au titre de la première relation il a subi une période d'essai déguisée, tandis qu'au titre de la seconde, l'employeur lui a imposé une période d'essai d'une durée excessive de 7 mois.
La cour relève, avec l'appelante, qu'à défaut d'apporter des éléments établissant que la fonction de M. [R] dans ces deux relations, a été la même, les dispositions contractuelles afférentes à la première ne valent pas pour la seconde dont elle se distingue par sa nature même.
Il s'ensuit que M. [R] ne peut être suivi lorsqu'il se prévaut d'une période d'essai déguisée au titre de son contrat de mandat.
En revanche, la cour relève que le contrat de travail prévoit une période d'essai de 3 mois renouvelable pour une même durée, si les parties en conviennent, en imposant finalement au salarié une période d'essai d'une période de 6 mois dès sa conclusion.
Cette disposition paradoxale qui tend en définitive à imposer une période d'essai renouvelée d'une période totale de 6 mois, n'est pas conforme à la convention collective et l'accord du 5 juillet 1993 applicable aux produits surgelés, qui prévoient une période d'assai d'une durée de 3 mois renouvelable pour une même durée, d'un commun accord, ni aux dispositions légales relatives à la période d'essai dont la durée doit être raisonnable et suffisante pour apprécier les qualités professionnelles, ce à quoi contrevient le renouvellement décidé 'ab initio' dont se prévaut à tort la Sas Bofrost France Distribution .
En l'espèce, le contrat de travail s'est poursuivi au-delà de la période d'essai.
Toutefois, imposer dans le contrat de travail une disposition tendant à faire supporter au salarié une période d'essai déterminée de manière illicite, lui cause nécessairement un préjudice que la cour, compte-tenu des éléments produits aux débats, est en mesure d'évaluer à 500 €, à l'instar des premiers juges qu'il convient donc de confirmer sur ce point.
- Sur la prétendue violation des dispositions relatives à la visite médicale d'embauche :
M. [R] fait le reproche à son employeur de ne pas l'avoir soumis à un examen médical d'embauche, ce que la Sas Bofrost France Distribution conteste en lui opposant qu'il n'a pas honoré la convocation qui lui a été adressée à cette fin.
Toutefois, la Sas Bofrost France Distribution qui ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, de ce que M. [R] a bien été convoqué à la visite médicale d'embauche, ne s'est pas conformée à son obligation, rappelée à l'article 10 du contrat de travail.
La violation de cette disposition, qui a pour objet également la protection du salarié, lui a nécessairement causé un préjudice, que la cour est en mesure d'évaluer à la somme de 300 €, à l'instar des premiers juges qu'il convient donc de confirmer sur ce point.
- Sur le rappel de salaire (prime exceptionnelle et prime STKP et le 13ème mois)
Sur la période antérieure à la rupture de la relation de travail, M. [R] réclame, en premier lieu, le paiement d'un rappel de prime d'un montant de 2 614,56 €, pour les mois de septembre et les 4 premiers jours de novembre 2008, au motif qu'une prime lui a été versée par son employeur , mensuellement, d'avril à août 2008, puis en octobre 2008. Il précise que le montant mensuel de cette prime s'établit à 1 300 €.
Faisant valoir son intention de motiver M. [R] dès le début de sa prise de fonction, la Sas Bofrost France Distribution admet lui avoir versé une prime exceptionnelle, qui ne constitue pas un usage et qu'elle s'est estimée libre d'interrompre, avec l'application qui lui a succédé, de la prime STKP, qui s'analyse en un complément variable de rémunération, ce conformément aux termes du contrat de travail.
Il ressort de la lecture des bulletins de salaire de M. [R] produits aux débats, que celui-ci, embauché à compter du mois d'août 2007, a perçu une 'prime exceptionnelle' de 1 300 € mensuels pour chacun des mois d'avril à juillet 2008 et octobre 2008, et d'un montant de 258,75 € au titre du mois d'août 2008.
Le contrat de travail prévoit qu'à compter de mars 2008, M. [R] perçoit une rémunération mensuelle fixe de 2 700€, complétée d'une partie variable, dont les modalités de calcul apparaissent en annexe 3 du contrat. Ce contrat ne prévoit pas le versement de prime exceptionnelle.
Compte-tenu cependant de ce que sur cette même période, M. [R] n'a pas perçu d'autre rémunération que la partie fixe et ladite prime exceptionnelle, dont le montant constant sur certains mois a varié en août 2008, il convient de considérer que celle-ci correspond à la partie variable de sa rémunération.
Il s'en déduit, avec la Sas Bofrost France Distribution , que ladite prime est exclusive de celle, dite STKP, de montant supérieur au demeurant, qui sera servie au salarié, au titre des mois de septembre et de novembre 2008, selon les bulletins de salaire produits.
Il résulte de ce qui précède que M. [R] a perçu une prime variable mensuelle à compter du mois de mars 2008, dont, au demeurant, il ne conteste pas les modalités de calcul. Il s'ensuit qu'il a été rémunéré conformément aux termes de son contrat de travail.
Il ne peut donc qu'être débouté de sa demande de ce chef, tant au titre de la prime exceptionnelle que de la prime STKP.
Enfin, la Sas Bofrost France Distribution conteste devoir un 13ème mois au salarié.
Il résulte du contrat de travail produit aux débats que la rémunération mensuelle de M. [R] , est prévue 'sur une base mensuelle brute de 3 000 € sur 13 mois'.
Il s'ensuit que la Sas Bofrost France Distribution qui doit se conformer aux dispositions du contrat de travail, doit régler la rémunération convenue. Le conseil des Prud'Hommes a donc alloué à juste titre à M. [R] la somme de 2 920 € outre 292 € au titre des congés payés afférents, correspondant au 13 ème mois. Il convient donc de le confirmer sur ce point.
- Sur la rupture de la période de préavis
* sur la procédure
En premier lieu, M. [R] reproche à son employeur d'avoir, à tort, alors qu'il avait déjà démissionné, engagé une procédure de licenciement pendant son préavis. Il se plaint, en outre, de n'avoir pu s'expliquer sur les fautes reprochées lors de l'entretien préalable. Estimant avoir subi un préjudice, il sollicite le paiement de la somme de 5 204,74 € à titre de dommages et intérêts.
Il ressort des débats que par courrier remis en main propre au salarié, le 10 novembre 2008, la Sas Bofrost France Distribution a convoqué M. [R] à un entretien préalable à son éventuel licenciement, courrier que l'employeur a immédiatement corrigé par un envoi du même jour fixant au salarié un entretien préalable en vue de rompre éventuellement la période de préavis dans laquelle, à la suite de sa démission, M. [R] se trouvait effectivement engagé.
M. [R] ne fait valoir aucun moyen, ni n'apporte aucun élément justifiant qu'il puisse se prévaloir de l'erreur de son employeur, erreur au surplus immédiatement rectifiée, pour obtenir le paiement de dommages et intérêts en réparation d'un prétendu préjudice qu'il ne démontre pas.
En outre, il ne produit aucun élément établissant que l'entretien préalable s'est déroulé en violation de ses droits, comme il le prétend.
En conséquence, M. [R] ne peut qu'être débouté de sa demande de dommages et intérêts.
* sur le bien fondé de la rupture
En application de l'article L1234-1 du code du travail, la faute grave commise au cours du préavis justifie l'interruption de celui-ci.
En l'espèce, le courrier de l'employeur, en date du 27 novembre 2008, interrompt le préavis au motif que M. [R] a outrepassé ses pouvoirs de directeur en faisant des 'pressions injustifiées et répétées' sur les salariés travaillant sous son autorité, occasionnant ainsi 'un détournement et un excès d'autorité'. Ce même courrier fait état encore de 'comportement changeant et agressif à l'égard des collaborateurs à l'origine d'altercations multiples'.
Au soutien des griefs invoqués, la Sas Bofrost France Distribution produit aux débats 3 attestations de MM.[Y], et [S] et de Mme [V], qui sont peu circonstanciées et peu précises, ces témoins se bornant à affirmer l'existence de pressions et d'un mal être à travailler sous la direction de M. [R] .
A défaut d'éléments sérieux produits, les faits reprochés à M. [R] ne sont pas établis. Bien au contraire, ils sont démentis par les attestations circonstanciées et précises que celui-ci verse aux débats, notamment celle de M. [B] qui témoigne de son professionnalisme.
Il s'ensuit que la faute grave alléguée à l'encontre de M. [R] n'est pas établie et que c'est à tort que l'employeur a mis fin, de façon anticipée, à la période de préavis de M. [R].
Cette situation donne droit à celui-ci à percevoir une indemnité compensatrice pour la période de préavis restant à courir, soit la somme de 12 518 € allouée avec les congés payés afférents, à juste titre, par le conseil des Prud'Hommes, qu'il convient en conséquence de confirmer sur ce point.
M. [R] , qui réclame, au surplus, une indemnité pour rupture brutale de préavis sans préciser le fondement juridique de sa demande, et sans justifier d'un préjudice spécifique subi à ce titre, ne peut qu'être débouté de sa demande de ce chef.
- Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la perte d'un droit quant à la durée d'indemnisation et sur la demande de dommages et intérêts pour perte d'un droit à indemnisation quant à la base journalière retenue.
Il ressort de ce qui précède que c'est à tort que l'employeur a procédé à la rupture anticipée de la période de préavis.
Cette rupture fautive de préavis n'a pas pour autant pour effet de modifier la nature de la rupture de la relation de travail, qui constitue, en l'espèce, une démission, laquelle fait obstacle à la perception d'indemnités de chômage, dont il est constant que le montant dépend du montant du salaire précédemment perçu par la salariée.
En tout état de cause, le courrier de Pôle Emploi en date du 6 avril 2009 qui notifie à M. [R] un avis de prise en charge au titre de l'aide au retour à l'emploi (ARE), qui diffère d'une indemnité de chômage, et les relevés de situation du salarié pour la période d'avril 2009 à janvier 2010, qui ne détaillent pas le mode de calcul retenu pour la prestation servie, ne démentent en rien ce qui précède et n'offrent aucun crédit aux allégations de M. [R] formulées au soutien de ses demandes de dommages et intérêts pour une prétendue perte de droits au regard des prestations versées par pôle Emploi.
M. [R] ne peut donc qu'être débouté de ses demandes de ce chef.
Le jugement déféré est en conséquence partiellement confirmé.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne sa disposition relative aux dommages et intérêts pour perte d'un droit à percevoir les indemnités de chômage,
L'infirme sur ce point,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déboute M. [E] [R] de ses demandes de dommages et intérêts pour perte d'un droit à percevoir les indemnités de chômage,
Se déclare incompétente à statuer sur la demande de dommages et intérêts au titre de la dénonciation calomnieuse,
Déboute M. [R] de toutes ses demandes nouvelles,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [R] aux dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,