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12/11/2012 | FRANCE | N°12/06549

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1, 12 novembre 2012, 12/06549


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 1



ARRET DU 12 NOVEMBRE 2012



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/06549



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Mars 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/50063





APPELANTS



SARL CABINET 3E CONSULTANTS agissant en la personne de son gérant

[Adresse 1]

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Représentée par: Me Chantal-rodene BODIN CASALIS (avocat postulant au barreau de PARIS, toque : L0066)

Représentée par : Me Caroline SUBSTELNY de la SCP CHALON & SUBSTELNY (avocat plaid...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1

ARRET DU 12 NOVEMBRE 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/06549

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Mars 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/50063

APPELANTS

SARL CABINET 3E CONSULTANTS agissant en la personne de son gérant

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par: Me Chantal-rodene BODIN CASALIS (avocat postulant au barreau de PARIS, toque : L0066)

Représentée par : Me Caroline SUBSTELNY de la SCP CHALON & SUBSTELNY (avocat plaidant au barreau de REIMS)

Etablissement CE DU CENTRE NUCLEAIRE DE PRODUCTION D'ELECTRICITE représenté par son sécrétaire dûment mandaté

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par : Me Chantal-rodene BODIN CASALIS (avocat au barreau de PARIS, toque: L0066)

Représenté par : Me Caroline SUBSTELNY de la SCP CHALON & SUBSTELNY (avocat plaidant au barreau de REIMS)

INTIMEE

SA EDF ELECTRICITE DE FRANCE agissant poursuites et diligences en la personne de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

75008 PARIS

Représentée par : Me Frédéric BURET (avocat postulant au barreau de PARIS, toque : D1998)

Représentée par: Me Guillaume NAVARRO (avocat plaidant au barreau de PARIS, toque: B1004)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Septembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Irène CARBONNIER, Président de chambre

Madame Claire MONTPIED, Conseillère

Mme Claude BITTER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Nathalie GIRON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Irène CARBONNIER, Président de chambre, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Irène CARBONNIER, président et par Mme Nathalie GIRON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire .

Vu l'appel interjeté, par déclaration au greffe enregistrée le 10 avril 2012, par

la SARL Cabinet 3E Consultants , agissant en la personne de son gérant, et par l'établissement du CE du Centre Nucléaire de Production d'Electricité, représenté par son secrétaire dûment mandaté, à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 27 mars 2012

qui a :

- rejeté l'exception d'incompétence,

- reçu le comité d'établissement du CNPE en son intervention volontaire,

- débouté la société Cabinet 3E Consultants de sa demande,

- débouté le CE du CNPE CATTENOM de sa demande provisionnelle de dommages et intérêts,

- rejeté les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société 3 E Consultants aux dépens ;

Vu les conclusions signifiées le 28 août 2012 aux termes desquelles

la SARL Cabinet 3E Consultants et le CE du Centre Nucléaire de Production d'Electricité

(CNPE) de [Localité 6] demandent à la Cour de :

au visa des articles L 2323-8, L 2325-18, L 2325-36, L2325-37 et L 2327-15 du code du travail ,

- dire les appels recevables ,

en conséquence,

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle les a débouté de leurs demandes,

y faisant droit et statuant à nouveau ,

- ordonner à la société EDF la remise de l'ensemble des données sollicitées et jugées utiles par la société d'expertise comptable dans le cadre de sa mission d'examen annuel des comptes de l'établissement CNPE de CATTENOM de l'année 2010, telles qu'énoncées dans le dispositif de ses conclusions,

- ordonner à EDF la remise de l'ensemble des documents demandés, sous astreinte de

5.000€ par jour de retard à compter du 5ème jour suivant la signification de l'ordonnance à venir,

- condamner EDF à payer, à titre de provision, au CE du CNPE CATTENOM 5.000€ à titre de dommages et intérêts,

- condamner EDF à payer tant au CE, qu'à la société d'expertise comptable la somme de

4.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre la condamnation aux entiers dépens qui seront recouvrés dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile par Me Bodin Casalis ;

Vu les conclusions signifiées le 16 juillet 2012 aux termes desquelles, EDF, entend voir:

- confirmer la décision dont appel,

et en conséquence,

- débouter le Cabinet 3E Consultants et le CE du CNPE de CATTENOM de l'intégralité de leurs demandes et prétentions ,

- condamner ces derniers à verser chacun à la société EDF , la somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens qui pourront être recouvrés par Me Frédéric Buret dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

vu l'ordonnance de clôture du 10 septembre 2012 ;

SUR CE LA COUR

Considérant qu'il est constant qu'EDF est composée d'un certain nombre d'établissements dont le Centre Nucléaire de Production d'Electricité de CATTENOM ( CNPE CATTENOM);

que, par délibération du 12 avril 2011, prise sur le fondement de l'article L 2325-35 du code du travail, le Comité d'établissement du CNPE CATTENOM désignait le Cabinet 3E Consultants afin de l'assister dans le cadre de l'examen annuel des comptes clos au 31 décembre 2010 ;

qu'ainsi désigné, le Cabinet 3E Consultants prenait contact avec la direction de l'établissement pour établir sa lettre de mission ;

qu'EDF ne donnait pas suite à cette demande , mettant en cause cette mission, motifs pris qu'étant une entreprise 'verticalement intégrée', ses établissements n'avaient pas d' autonomie économique, financière et comptable et ne possédaient pas de comptes propres;

qu'en l'absence de réponse de la part d'EDF, le Cabinet 3E Consultants établissait sa lettre de mission et lui réclamait les documents qu'il estimait utiles à sa mission ;

que par courrier du 17 août 2011, EDF, sans s'opposer au droit du comité d'établissement de recourir à un expert comptable, indiquait être dans l'impossibilité de fournir les éléments demandés, en l'absence de comptes annuels propres à l'établissement ;

que malgré les échanges ultérieurs, EDF maintenait sa position et ne transmettait au Cabinet 3E Consultants aucun des éléments réclamés ;

Considérant que, dans ce contexte, le Cabinet 3E Consultants saisissait en référé le Tribunal de Grande Instance de Paris, aux fins de faire cesser ce qu'il estimait être un trouble manifestement illicite et qu'il soit ordonné à EDF de lui communiquer les documents utiles à l'accomplissement de sa mission ; que le Comité d'établissement concerné, s'est porté intervenant volontaire, pour obtenir le respect de son droit propre à être assisté d'un expert comptable ;

Considérant qu'au soutien de leur appel le Cabinet 3E Consultants et le comité d'établissement soutiennent que le juge des référés est en l'espèce compétent à raison de l'existence d'un trouble manifestement illicite ;

que le comité d'établissement est doté d'un pouvoir propre indépendamment de celui du comité central d'entreprise;

que l'expert est maître des documents qu'il estime nécessaires à sa mission ;

que faute pour EDF d'avoir judiciairement contesté la mission de l'expert, l' obstruction à cette mission constitue un trouble manifestement illicite ;

que l'existence d'un comité d'établissement suppose que le chef d'établissement dispose d'une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et de conduite de l'activité de l'établissement , ce qui est le cas en l'espèce, les chef d'établissements- directeurs de centres- étant autonomes en matière de gestion du personnel et de gestion financière, à raison de la large délégation de pouvoir dont ils bénéficient , notamment quant au pouvoir d'engager des sommes'jusqu'à 6 millions d'euros' ;

que l'ensemble des documents réclamés doit permettre de mettre en perspective la situation de l'établissement avec celle de l'entreprise ;

que l'expert doit avoir accès à tous les documents, peu important qu'ils soient établis au niveau du siège, dès lors qu'ils le renseignent sur la situation de l'établissement ;

qu'EDF n'a prétendu que tardivement que de telles informations n'existaient pas, alors que dans un premier temps elle avait indiqué que les informations réclamées n'existaient pas au niveau de l'établissement , sans dire qu'elle n'existaient pas au niveau de l'entreprise;

Considérant, pour sa part, qu'EDF, ne reprenant pas devant la Cour l'exception d'incompétence soulevée en première instance, oppose, sans contester la faculté pour un comité d'établissement de se faire assister d'un expert comptable pour l'examen annuel des comptes propres à l'établissement, que cette faculté supposait, à la fois , que l'établissement considéré dispose de comptes annuels et que l'expertise ne porte que sur les domaines compris dans la limite des pouvoirs confiés au chef d'établissement ;

qu'en l'espèce la comptabilité est établie exclusivement au niveau central de l'entreprise, de sorte que les établissements ne disposent pas de comptabilité propre ;

que les documents réclamés par l'expert doivent être nécessaires à la compréhension des comptes ainsi qu'à l'appréciation de la situation de l'établissement ;

que le CNPE de CATTENOM est une unité de production d'énergie nucléaire rattachée à la Direction de la Production Nucléaire ( DPN) , qui n'a pas de comptes propres, tels que définis par le code de commerce, ses dépenses de maintenance des installations, de personnel d'exploitation et d'investissement de maintien ou de développement du patrimoine étant comptabilisées dans les comptes d''EDF SA' ;

que les documents sollicités par les appelants sont étrangers à l'intelligence des comptes et à l'appréciation de la situation de l'établissement et doivent être limités au seul examen annuel des comptes, tel que prévu par les articles L 2325-35 et L 2323-8 du code du travail ainsi que par l'article L 225-100 du code de commerce ;

que les seuls documents existants sont les organigrammes des emplois par service, un document intitulé 'documentation économique' reprenant les budgets globaux, achats et investissements , hors main d'oeuvre , un bilan social de l'établissement présenté annuellement au comité d'établissement , un document 'bilan et perspectives de l'emploi

'mentionnant les effectifs détaillés par métiers et services', des plans et bilans de formation, des PV de réunions des comités d'établissement , des accords collectifs relatifs à l'aménagement du travail, un agenda social des négociations collectives ;

que les documents réclamés n'existent pas et qu'une telle demande excède les pouvoirs du juge des référés ;

Considérant qu'en application des articles L 2325 et L 2325-36 du code du travail, le droit du comité central d'entreprise d'être assisté d'un expert pour l'examen annuel des comptes de l'entreprise dans les conditions prévues à l'article L 2323-8 du même code, ne prive pas, en vertu de l'article 2327-15 du code du travail, le comité d'établissement du même droit, dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs d'établissements, de sorte qu'un comité d'établissement peut se faire assister d'un expert-comptable ;

que l'article 2325-36 du code du travail précise que la mission de l'expert comptable porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise ; qu'il en est de même de l'établissement ;

Considérant, en l'espèce, que force est de constater qu'EDF n'a pas judiciairement contesté la délibération par laquelle le comité d'établissement du CNPE de CATTENOM a décidé de recourir à l'expertise ;

que dès lors, en l'absence d'une telle contestation , il appartient au seul expert, désigné sur le fondement de l'article L 2325-35 du code du travail, en vue de l'examen annuel des comptes, d'apprécier les éléments utiles à sa mission ;

que rien n'autorise le refus d'EDF de communiquer à l'expert les documents se rapportant aux comptes de la société EDF, fussent-ils établis au niveau de l'entreprise, alors même que le chef d'établissement du CNPE de CATTENOM dispose d'une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et de conduite de l'activité économique de l'établissement et doit pouvoir apprécier la situation de son établissement par rapport à celle de l'entreprise ; qu'un tel refus constitue un trouble manifestement illicite ;

Considérant dès lors, qu'il convient , infirmant l'ordonnance dont appel, de condamner la société EDF à fournir les éléments d'ordre économique, social et financier, nécessaires à la compréhension de la situation de l'établissement du CNPE de CATTENOM, tels que demandés par l'expert et dont la liste est visée dans sa lettre de mission du 7 juillet 2011, précision faite que si les documents requis n'existent pas au niveau de l'établissement, il conviendra de transmettre ceux établis au niveau l'entreprise ;

Considérant que la demande de provision des appelants , laquelle n'est en rien justifiée, sera rejetée ;

Considérant enfin que le sens de la décision commande de condamner EDF à payer, outre les dépens de première instance et d'appel, tant au CE qu'à l'expert , la somme de 1.500€ à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant en revanche que la demande d' EDF sur le même fondement sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire ,

Infirme l'ordonnance dont appel,

Statuant à nouveau ,

Constate l'existence d'un trouble manifestement illicite ,

Condamne EDF à fournir les renseignements et documents demandés par la société Cabinet 3 E consultants, en annexe de sa lettre de mission du 7 juillet 2011, fussent-ils établis au seul niveau de l'entreprise et ce, sous astreinte de 50€ par renseignement ou document omis et par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt ,

Dit n'y avoir lieu à se réserver la liquidation de l'astreinte ,

Condamne EDF à payer à 1.500€ tant à la société 3 E Consultants qu' au CE de l'établissement du CNPE de CATTENOM sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,

Rejette la demande de provision ,

Condamne EDF aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Bodin Casalis .

LE PRESIDENT, LE GREFFIER,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 12/06549
Date de la décision : 12/11/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K1, arrêt n°12/06549 : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-12;12.06549 ?
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