Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRET DU 09 NOVEMBRE 2012
(n° 261, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/23316.
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2011 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 2ème Section - RG n° 09/17076.
APPELANTE :
SA D'EXPLOITATION DE L'HEBDOMADAIRE LE POINT - S.E.B.D.O
prise en la personne de son Président,
ayant son siège [Adresse 2],
représentée par Maître Chantal-Rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0066,
assistée de Maître Renaud LE GUNEHEC de la SCP NORMAND & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141.
INTIMÉS :
- SARL THE WEB FAMILY
prise en la personne de ses représentants légaux,
ayant son siège social [Adresse 1],
- Monsieur [E] [C]
demeurant [Adresse 1],
représentés par Maître Anne GRAPPOTTE-BENETREAU la SCP GRAPPOTTE- BENETREAU-JUMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111,
assistés de Maître Roland PEREZ de la SELARL GOZLAN PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0310.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 5 octobre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,
Monsieur Dominique COUJARD, président de chambre,
Madame Sylvie NEROT, conseillère.
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.
ARRET :
Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
La Société d'Exploitation de l'Hebdomadaire Le Point (SEBDO) édite le magazine Le Point ainsi que le site internet www.lepoint.fr dont la rubrique Média 2.0 propose des informations sur les médias.
Reprochant à [E] [C] d'avoir, depuis 2006, repris intensivement plusieurs de ses articles sur son site www.[05].com , la société SEBDO a, par acte du 3 novembre 2009, assigné celui-ci ainsi que l'éditeur de son site, la société à responsabilité limitée The Web Family, devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d'auteur et de marques, concurrence déloyale.
Par jugement contradictoire du 28 octobre 2011, non assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a
- dit que la société The Web Family et Monsieur [E] [C], bénéficiant de l'exception de revue de presse, n'ont pas commis d'actes de contrefaçon des droits d'auteur de la sociéte d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point (Sebdo) en publiant les articles suivants :
- Piaf contre Taxi 4,
- Fremantle à prendre,
- [O] [A] ampute [S],
- [T] [M] exige la couverture de Paris Match,
- M6 veut retenir ses cerveaux,
- Endemol : [L] succéderait à [Z],
- En Corse, [F] [D] rompt le pain avec [G] [I],
- dit que la société The Web Family et [E] [C] n'ont pas commis d'actes de contrefaçon des marques Le Point,
- rejeté les demandes formées par la société SEBDO au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,
- débouté la société SEBDO de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,
- débouté la société The Web Family et [E] [C] de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts,
- condamné la société SEBDO aux dépens et à payer à la société The Web Family et [E] [C] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté par la société SEBDO, le 30 décembre 2011,
Vu ses dernières écritures signifiées les 27 et 28 septembre 2012, par lesquelles la société SEBDO demande à la cour, au visa des articles L 112-2 9°, L 113-5, L 121-1,L 122-4, L 122-5 3°, L 713-2 du code de la propriété intellectuelle et la directive DADVSI du 22 mai 2001 :
- d'infirmer le jugement déféré,
' sur la contrefaçon de droit d'auteur :
- de déclarer irrecevables les demandes nouvelles de [E] [C] et de la société The Web Family tendant à faire déclarer les articles contrefaisants dénués d'originalité et, partant, faire juger la société SEBDO irrecevable à agir sur le fondement des dispositions des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle,
- de condamner in solidum [E] [C] et la société The Web Family à lui verser la somme de 100 000 € au titre de la contrefaçon commise par atteinte aux droits patrimoniaux de cette dernière ainsi que celle de 50 000 € au titre de l'atteinte au droit moral,
' sur la contrefaçon de marque :
- de rejeter la fin de non recevoir soulevée par [E] [C] et la société The Web Family en raison de l'absence de production des certificats de propriété originaux dans la mesure où lesdits certificats sont régularisés,
- de condamner [E] [C] et la société The Web Family à payer à la société SEBDO la somme de 100 000 € au titre de la contrefaçon de marque Le Point,
' sur le dénigrement :
- de rejeter l'exception de prescription soulevée par les intimés, les dénigrements visés ne constituant pas des infractions de presse,
- de condamner [E] [C] et la société The Web Family à lui payer 150 000 € sur le fondement de l'article 1382 du code civil, du chef de concurrence déloyale et de dénigrement,
' sur les autres mesures :
- d'ordonner la suppression de tous les articles litigieux sur le site www.[05].com et de leurs adresses URL sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt,
- de faire interdiction aux défendeurs de reproduire tout ou partie des articles publiés par la société Sebdo ainsi que la marque LE POINT, sous astreinte définitive de 10 000 € par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt,
- d'ordonner la publication par extraits de l'arrêt à intervenir dans deux organes de presse papier ou en ligne au choix de la société Sebdo aux frais avancés des intimés sur simple présentation d'un devis,
- d'ordonner la publication sur la page d'accueil du site www.[05].com dans un délai de 8 jours compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte définitive de 1 000 € par jour de retard à compter de cette date du communiqué suivant :
'COMMUNIQUE JUDICIAIRE :
Par arrêt du ... le pôle 5 chambre 2 de la cour d'appel de Paris a condamné Monsieur [E] [C] et la société The Web Family à...€ de dommages et intérêts et à la présente publication judiciaire pour avoir commis, sur le site www.[05].com des actes de contrefaçon de droit d'auteur, contrefaçon de marque et concurrence déloyale eu préjudice de la société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point - Sebdo, société éditrice du site LE POINT.FR et du magazine Le Point',
- de dire que cette publication devra apparaître directement sur la page d'accueil du site www.[05].com pendant un mois, dans un encadré, en lettres rouges sur fond blanc de 0,5 cm de hauteur, hors tout commentaire ou publicité,
- de condamner in solidum les défendeurs à payer à la société Sebdo la somme de 15 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles formulées par M. [E] [C] et la société The Web Family et, en conséquence, rejeter l'appel incident formé par [E] [C] et la société The Web Family,
- de condamner les défendeurs en tous les dépens avec droit de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 25 septembre 2012, par lesquelles la société The Web Family et [E] [C] demandent à la cour :
- la confirmation du jugement déféré,
- la mise hors de cause de [E] [C],
' sur la contrefaçon de droits d'auteur,
- de déclarer recevable le moyen tiré du manque d'originalité des contenus argués de contrefaçon,
- de dire que la société Sebdo est irrecevable à agir sur le fondement des dispositions des L I et III du code de la propriété intellectuelle et donc ne saurait bénéficier de la protection par le droit d'auteur sur les sept articles et titres revendiqués, ces derniers étant dénués de toute originalité,
- de dire que la société Sebdo est mal fondée à agir en contrefaçon des titres des articles litigieux, ces derniers n'étant nullement ressemblants aux articles revendiqués,
- de dire que la société The Web Family et [E] [C] n'ont pas de manière générale, violé les droits de propriété intellectuelle de la société Sebdo pour avoir été autorisés, voire invités à publier des extraits des publications de la société Sebdo, par un envoi massif et régulier de communiqués de presse,
' en tout état de cause :
- de dire que la société The Web Family et [E] [C] bénéficient de l'exception de revue de presse en respectant et en reproduisant les sources,
- de dire que la société The Web Family et [E] [C] bénéficient dans leur activité de blog média, de la liberté d'expression, d'information et de communication qui prévaut en l'espèce sur les droits de la propriété intellectuelle,
- en conséquence, de débouter la société Sebdo de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
' sur la contrefaçon de la marque Le Point :
- de dire et juger que les demandes de la société Sebdo de ce chef doivent être déclarées irrecevables en l'absence de production des certificats de propriété originaux, pour chaque signe revendiqué,
' en tout état de cause :
- de dire que la société The Web Family et [E] [C] n'ont pas commis d'actes de contrefaçon du signe Le Point, celui-ci n'étant pas utilisé à titre de marque,
- en conséquence de débouter la société Sebdo
' sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
- de dire que la société The Web Family et [E] [C] n'ont pas commis de tels actes,
- en conséquence de débouter la société Sebdo,
' sur les actes de concurrence déloyale par dénigrement,
- de dire que l'action est prescrite en application des dispositions de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881,
- en conséquence, de déclarer l'action irrecevable,
' en tout état de cause :
- de dire que les intimés n'ont commis aucun acte de dénigrement à l'encontre de la société Sebdo pour avoir été formulés sur un ton badin et humoristique de nature à susciter la critique et l'émulation entre sites de presse et sans que ces actes ne constituent une diffamation,
- en conséquence, de débouter la société Sebdo à ce titre,
' sur les indemnités et mesures sollicitées :
- de dire que la société Sebdo ne justifie ni de la réalité, ni de l'étendue des dommages qu'elle prétend avoir subis,
- en conséquence, de la débouter,
- de dire n'y avoir lieu à publication du dispositif,
- de débouter la société Sebdo de ses demandes à ce titre,
' à titre reconventionnel :
- de condamner la société Sebdo à verser solidairement à la société The Web Family et à [E] [C] la somme de 100 000 € pour procédure abusive, agissements fautifs,
- de condamner la société Sebdo à verser à la société The Web Family et à [E] [C] la somme de 15 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, outre les frais engagés pour la réalisation des procès-verbaux de constat en date des 20 novembre 2009 et 14 juin 2012 pour un montant total de 1 350, 04 €.
CELA EXPOSE, LA COUR,
Sur la mise en cause de [E] [C] :
Il ressort des captures d'écran versées aux débats, que le portail du site www.[05].com porte l'en-tête : toute l'info médias en direct...et plus encore! et que le contenu du site contient, pour l'essentiel, des brèves ayant trait à l'univers des médias, TV, Radio, Presse, Cinéma, Internet, Peuple, Casting, le plus souvent assorties de la reproduction des titres de publications dont elles ont été extraites ou de captures d'écrans provenant des sites internet concernés ;
La société The Web Family et [E] [C] demandent la mise hors de cause de ce dernier au motif qu'il n'est que gérant de la société The Web Family, seule responsable éventuelle ;
La société Sebdo, invoque l'absence de référence à l'identité de l'éditeur sur le site www.[05].com pour attraire [E] [C] en personne, en la cause ;
Mais il ressort d'un procès-verbal de constat établi le 20 novembre 2009 sous la responsabilité de Me [J], huissier à [Localité 6] qu'à l'adresse du site www.[05].com, en bas de page, figure l'indication Copyright © 2009 The Web Family SARL - Tous droits réservés, lien ouvrant une fenêtre qui indique : Société éditrice : The Web Family SARL [Adresse 1] ;
Si la pièce n° 33 versée aux débats par la société Sebdo, qui n'apparaît pas être la capture du portail du site www.[05].com mais seulement la page de contact des visiteurs, ne porte pas mention du nom de la société éditrice, elle ne contredit cependant pas les constatations ci-dessus mentionnées, ni n'établissent la preuve d'une régularisation tardive des mentions légales contenues sur le site www.[05].com qui aurait été effectuée a posteriori ;
Au demeurant, il résulte des écritures mêmes de la société appelante que la société The Web Family avait été condamnée par le tribunal de commerce de Paris le 30 septembre 2009 en qualité de société éditrice du site www.[05].com, soit antérieurement à l'assignation du 3 novembre 2009 ;
Or, selon l'article L. 223-22 du code de commerce, les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion ;
Il en résulte que les griefs contenus dans l'assignation étant tous afférents à l'usage du site www.[05].com, diffusé par la société The Web Family et qu'aucun grief n'étant articulé contre [E] [C] à titre personnel ou en sa qualité de gérant en application de l'article susvisé, [E] [C] doit être mis hors de cause ;
Sur l'atteinte aux droits patrimoniaux de la société Sebdo :
Se fondant sur les articles L 122-4 et L 113-5 et L 121-1 du code de la propriété intellectuelle, la société Sebdo invoque l'atteinte portée à ses droits de propriété intellectuelle ;
Elle reproche aux intimés de formuler pour la première fois en appel une prétention nouvelle tenant à l'absence d'originalité des articles litigieux, contraire aux dispositions de l'article L 112-2, 9° du code de la propriété intellectuelle, et fait valoir, sur ce point, que les publications en cause, loin de constituer des narrations factuelles, portent tous la marque de leur auteur, leur personnalité et leur style propre ;
Sur l'exception de nouveauté :
Mais l'argument tiré du manque d'originalité des articles partiellement reproduits ou cités tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut de droit d'agir, en l'espèce, pour défaut de qualité à agir, faute de l'existence d'un droit d'auteur ;
En application des articles 122 et 123 du code de procédure civile, ce moyen constitue une fin de non recevoir recevable en tout état de cause et pour la première fois en appel ;
Sur l'éligibilité des 'uvres revendiquées à la protection du droit d'auteur :
Si, aux termes de l'article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite, ce texte ne dispense pas celui qui se prévaut de la contrefaçon de droits d'auteur d'établir l'originalité de l''uvre, résultat d'un véritable effort créatif ne relevant pas seulement de la mise en 'uvre d'un savoir faire, et caractérisée par l'empreinte de la personnalité de son auteur ;
En l'espèce, la société Sebdo, invoque huit articles ou brèves :
- une brève non signée publiée dans Le Point n° 1778 du 12 octobre 2006 et intitulée Ardisson et E.T.
- un article signé [X] [Y], paru le 21 décembre 2006 dans Le Point n° 1788 intitulé [D] contre [U] leurs projets pour la télé,
- une brève publiée le 8 février 2007 dans le Point n° 1795 intitulée Piaf contre Taxi4, non versée aux débats,
- une brève non signée diffusée le 20 février 2007 sur le site du Point intitulée Freemantle à prendre,
- une brève non signée, diffusée le 23 mars 2007 sur le site du Point intitulée [O] [A] ampute [W] [S],
- une brève non signée, diffusée le 24 mars 2007 sur le site du Point et intitulée [T] [M] exige la couverture de Paris Match,
- une brève non signée, diffusée sur le site du Point le 26 mars 2007 et intitulée M6 veut retenir ses cerveaux,
- un article signé [X] [Y], diffusé le 30 août 2007 et intitulé Endemol : [L] succéderait à [Z],
- un article signé [X] [Y], diffusé que le site du Point le 1er novembre 2007 et intitulé En Corse, [F] [D] rompt le pain avec [G] [I],
Parmi ces textes, l'un n'est pas versé aux débats (Piaf contre Taxi 4) et cinq sont des brèves de deux ou trois phrases dont la teneur sans prétention littéraire, ne permet pas à leur auteur, au demeurant inconnu, de manifester un véritable effort créatif lui permettant d'exprimer sa personnalité ;
Le premier article signé [X] [Y], de moins de trente lignes décrit, poste par poste, pour la redevance audiovisuelle, les chaînes France 24 et Arte, le CSA, le ministère de la culture et le dispositif anti concentration, les projets des deux principaux partis politiques du moment concernent les médias télévisuels, soit une moyenne de six lignes pour chaque poste, sans particularité stylistique et sans y ajouter d'éléments révélant sa personnalité ;
Le second article, d'un peu plus d'une demi page, prend, sous la rubrique Coulisses la forme d'une information brute ;
Il ressort de l'examen des brèves et articles publiés ou diffusés par la société Sebdo et soumis à l'appréciation de la cour que si le traitement de leur contenu est caractéristique d'un réel savoir faire, ces articles et brèves ne sauraient cependant témoigner d'un véritable effort créatif et être considérés comme porteurs de la personnalité de leur auteur ;
La protection de ces textes au regard du droit d'auteur sera donc rejetée et la demande de la société Sebdo à ce titre, déclarée irrecevable ;
Sur l'atteinte aux droits moraux de la société Sebdo :
Il résulte des développements ci-dessus que les droits moraux d'auteur de la société Sebdo sur ces publications ne sauraient davantage recevoir de protection légale ;
Sur l'exception de revue de presse et les autres moyens soulevés par les intimés :
De même, l'exception de revue de presse, soulevée par [E] [C] et la société The Web Family est devenue sans objet, faute de reconnaissance des droits d'auteur, tout comme le moyen fondé sur la liberté d'expression et d'information ;
Sur la contrefaçon de marque :
La société Sebdo reproche à [E] [C] et à la société The Web Family un usage systématique de la marque Le Point déposée à l'Institut national de la propriété industrielle sous le n° 1214774, le 6 octobre 1972 et renouvelée le 6 octobre 1982, n° 1349302 déposée le 4 avril 1986, n° 1521707 déposée le 3 mars 1989; n° 94513840 déposée la 1er avril 1994 pour les classes 9, 16, 41, n° 3334695 déposée la 13 janvier 2005 pour les classes 16 et 41 et n° 3663381 déposée le 9 juillet 2009 ;
[E] [C] et la société The Web Family lui opposent une fin de non recevoir fondée sur l'insuffisance des captures d'écran à établir les droits de propriété intellectuelle sur le signe revendiqué, lequel n'est d'ailleurs pas clairement individualisé ;
Mais la société Sebdo verse aux débats le certificat d'identité de marque délivré par l'Institut national de la propriété industrielle n° 09/3663381 déposé par elle le 9 juillet 2009 pour le modèle LE POINT, lequel établit la réalité de ses droits sur la marque ;
Cette fin de non recevoir sera donc rejetée ;
Au fond, l'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle interdit, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque ainsi que l'usage d'une marque reproduite pour des produits ou des services identiques à ceux visés dans l'enregistrement, cet usage , comme l'ont justement relevé les premiers juges, n'a été effectué par la société The Web Family que dans l'unique dessin de citer la source des publications et de respecter ainsi les dispositions de l'article L 122-5, 3° du code de la propriété intellectuelle qui l'exige pour tout article reproduit et qu'elle croyait devoir respecter, et non d'établir un lien économique avec des services ou produits identiques ;
Il en résulte que la demande de réparation fondée sur la contrefaçon de marque sera rejetée ;
Sur les actes de concurrence déloyale :
La société Sebdo fait grief au jugement déféré de n'avoir pas répondu à ce grief qu'elle considère comme central, alors que la concurrence déloyale est caractérisée par une reprise parasitaire de l'information et des actes de dénigrement ;
Elle soulève par ailleurs, l'irrecevabilité de l'appel incident formulé par [E] [C] et la société The Web Family fondé sur le dénigrement dont ils seraient les victimes dans les articles du Point, comme ne se rattachant pas aux prétentions originaires par un lien suffisant, à titre subsidiaire, comme artificielles ;
Mais ces griefs ne sont pas repris par la société The Web Family et [E] [C], lesquels ont finalement préféré invoquer la courte prescription ;
Sur ce point, c'est par de justes motifs que la cour adopte, que le tribunal a écarté le moyen de courte prescription en précisant que les propos dénigrants imputés à l'éditeur du site www.[05].com ne constituaient pas une diffamation ;
Ces deux moyens d'irrecevabilité seront donc rejetés ;
S'agissant des remarques critiques contenus dans le site www.[05].com telles que Le Point se prend les pieds dans les chiffres...info ou intox'...ou les informations contradictoires avec celles du Point, celles-ci apparaissent davantage comme une réplique aux attaques dont [E] [C] a fait l'objet dans les colonnes et sur le site de l'hebdomadaire, notamment sur la faible audience de son émission de milieu de matinée sur la chaîne Europe 1, et comme l'exercice d'une liberté de ton en usage sur internet, et ne sauraient avoir pour objet de jeter le discrédit sur un concurrent en répandant à son propos des informations malveillantes, alors que le site www.[05].com exploite le plus souvent les informations diffusées ou éditées par Le Point en les considérant comme véridiques ;
Sur le parasitisme, les reprises d'informations émanant du journal le Point et de son site internet www.lepoint.fr telle qu'elles résultent des nombreux extraits versés aux débats par la société Sebdo offrent au site www.[05].com une matière non négligeable sans laquelle les digressions personnelles de l'auteur des textes ne pourraient aussi bien prospérer ;
D'autre part, il ne suffit pas d'ouvrir une brève par la mention selon le journal Le Point... pour s'autoriser le pillage quasi systématique des informations de cet organe de presse sur les médias, lesquelles sont nécessairement le fruit d'un investissement humain et financier considérable ;
En se permettant cette facilité sur le site qu'elle publie, la société The Web Family s'épargne la charge de cet investissement et en tire un profit réel puisqu'elle bénéficie de nombreux encarts publicitaires dont il est permis d'affirmer que les informations puisées notamment auprès du journal Le Point et de son site www.lepoint.fr sont pour partie à l'origine des recettes induites ;
La société The Web Family adopte ainsi un comportement parasitaire lui permettant de tirer profit des efforts du journal Le Point et de son site internet, en imitant son produit avec suffisamment de différences pour éviter le plagiat, notamment en modifiant les titres des brèves et articles repris, tendant ainsi à s'approprier illégitimement une notoriété préexistante sans développer d'efforts intellectuels de recherches et d'études et sans les engagements financiers qui lui sont normalement liés ;
En détournant ainsi délibérément des recettes auxquelles la société Sebdo aurait pu légitimement prétendre, la société The Web Family a commis une faute génératrice pour cette société d'un préjudice économique certain ;
Les faits de concurrence déloyale sont donc établis ;
Sur le préjudice :
La société Sebdo se fonde sur les dispositions de l'article L 716-14 al 2 du code de la propriété intellectuelle pour demander une indemnisation forfaitaire ;
Mais cet article figurant au Livre septième du code de la propriété intellectuelle relatif à la marque est inapplicable à l'espèce, compte tenu du rejet par la cour des griefs relatifs à la contrefaçon de marque ;
Cependant, les faits de concurrence déloyale préjudiciables à l'image du Point étant établis, les observations aigre-douces qui ont été échangés entre l'hebdomadaire et le site www.[05].com, traduisent l'exaspération de l'hebdomadaire à cet égard, révélatrice de l'étendue de son préjudice ;
Ces éléments permettent à la cour de disposer d'éléments lui permettant de fixer à la somme de 50 000 €, les réparations qui seront mises à la charge de la société The Web Family ;
Sur la demande de publication et les autres mesures :
Les actes de concurrence déloyale, seuls retenus par la cour rendent obsolète la demande de publication de la société Sebdo qui contient des mentions non retenues par la cour, relatives à la contrefaçon des droits d'auteur ;
Cette demande sera donc rejetée ;
L'allocation de la somme ci-dessus, en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale est suffisante et il n'y a pas lieu d'ordonner en outre la suppression de tous les articles litigieux sur le site www.[05].com et de leurs adresses URL sous astreinte, ni de faire interdiction aux intimés de reproduire tout ou partie des articles publiés par la société Sebdo ainsi que la marque LE POINT sous astreinte ;
En effet, le caractère éphémère des informations diffusées sur le site www.[05].com fait perdre rapidement tout intérêt à leur contenu, de sorte que leur suppression n'est plus nécessaire pour faire disparaître le préjudice qui en est résulté ;
De même, une interdiction générale et absolue pour l'avenir excéderait les conséquences attachées à la seule concurrence déloyale retenue par la cour ;
Sur les demandes reconventionnelles :
La société The Web Family succombant sur le grief de concurrence déloyale, sa demande fondée sur la procédure abusive devient sans objet ;
Elle sera donc rejetée, tout comme sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la société The Web Family sera condamnée à ce titre pour les procédures de première instance et d'appel ;
P A R C E S M O T I F S,
Met hors de cause [E] [C],
Confirme le jugement rendu le 28 octobre 2011 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a :
- dit que la société The Web Family n'a pas commis d'actes de contrefaçon des marques Le Point,
- débouté la société The Web Family et [E] [C] de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts,
L'infirme pour le surplus,
Déclare la société Sebdo irrecevable à agir contre la société The Web Family en contrefaçon de ses droits d'auteur s'agissant de la reprise partielle ou totale par le site www.[05].com des articles :
- Piaf contre Taxi 4,
- Fremantle à prendre
- [O] [A] ampute [S]
- [T] [M] exige la couverture de Paris Match
- M6 veut retenir ses cerveaux
- Endemol : [L] succéderait à [Z]
- En Corse, [F] [D] rompt le pain avec [G] [I].
Dit que la société The Web Family a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société d'Exploitation de l'Hebdomadaire Le Point - SEBDO ,
Condamne la société The Web Family à payer à la société d'Exploitation de l'Hebdomadaire Le Point - SEBDO la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts,
Rejette le surplus des demandes
Condamne la société The Web Family à payer 6 000 € à la société d'Exploitation de l'Hebdomadaire Le Point - SEBDO en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de première instance et d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,Le Président,