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26/10/2012 | FRANCE | N°10/15834

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 26 octobre 2012, 10/15834


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2012



(n°2012- , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/15834



Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation en date du 28 janvier 2010 (numéro d'arrêt 114-F-P+B) emportant cassation d'un arrêt de la Cour d'Appel de VERSAILLES (3ème Chambre) en date du 12 juin 2008, RG n° 07/1537 sur appel d'un jugement d

u Tribunal de Grande Instance de Nanterre (2ème Chambre) en date du 24 novembre 2006, RG n°05/11201



DEMANDERESSE:



Madame [I] [A] épouse [H]

[Adresse...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2012

(n°2012- , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/15834

Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation en date du 28 janvier 2010 (numéro d'arrêt 114-F-P+B) emportant cassation d'un arrêt de la Cour d'Appel de VERSAILLES (3ème Chambre) en date du 12 juin 2008, RG n° 07/1537 sur appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre (2ème Chambre) en date du 24 novembre 2006, RG n°05/11201

DEMANDERESSE:

Madame [I] [A] épouse [H]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par la SELARL HANDS SOCIÉTÉ D'AVOCATS (Me Luc COUTURIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0061)

assistée de Maître Martine VERRIER et de Maître Jihane BENDJADOR, avocats au barreau d'ORLEANS, plaidant pour la SOCIETE VERDIER ET ASSOCIES

DÉFENDEURS :

S.A. UCB PHARMA

agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

assistée de Maître Carole SPORTES, avocat au barreau de PARIS, toque P 555

S.A.S NOVARTIS SANTÉ FAMILIALE

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, en la personne de Maître Alain FISSELIER, avocats au barreau de PARIS, toque : L0044

assistée de Maître Jean-Pierre GRANDJEAN de la PUK CLIFFORD CHANCE EUROPE LLP (avocat au barreau de PARIS, toque : K0112)

SOCIÉTÉ MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE-MGEN prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 15]

[Localité 5]

assignée et défaillante

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE STRASBOURG

[Adresse 3]

[Localité 5]

assignée et défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Jacques BICHARD, Président

Marguerite-Marie MARION, Conseiller

Anne-Marie BELLOT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Guénaëlle PRIGENT

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jacques BICHARD, Président et par Guénaëlle PRIGENT, Greffier.

***

Atteinte d'une stérilité qu'elle impute à la prise par sa mère, durant sa grossesse de l'hormone de synthèse dénommée dyéthylstibestrol ( DES ), Mme [I] [A], épouse [H], recherche, à titre principal, la responsabilité de la société UCB PHARMA SA, fabricante de la spécialité Distilbène et, à titre subsidiaire, celle de cette société et de la société NOVARTIS SANTE FAMILIALE qui distribue la molécule sous le nom de Stilbestrol Borne .

***

Vu le jugement rendu le 24 novembre 2006 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a:

- déclaré Mme [I] [A], épouse [H] recevable mais mal fondée en son action et l'en a débouté,

- débouté la société UCB PHARMA SA et la CPAM de Strasbourg de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [I] [A], épouse [H] aux dépens .

Vu l'arrêt rendu le 21 février 2008 par la cour d'appel de Versailles qui a enjoint à Mme [I] [A], épouse [H] de mettre en cause la CPAM de Strasbourg .

Vu l'arrêt rendu le 12 juin 2008 par la cour d'appel de Versailles qui a :

- confirmé en toutes ses dispositions le jugement qui lui était déféré,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné Mme [I] [A], épouse [H] aux dépens de première instance et d'appel.

Vu l'arrêt rendu le 28 janvier 2010 par la cour de Cassation qui, au visa de l'article 1382 du code Civil, ensemble l'article 1315 du même code, a cassé l'arrêt du 12 juin 2008 et renvoyé l'affaire et les parties devant cette cour en énonçant :

' Attendu que pour rejeter l'ensemble des demandes en expertise et en indemnisation de Mme [H], l'arrêt retient que le fait que les deux sociétés aient toutes deux mises sur le marché la molécule à l'origine du dommage, fait non contesté, ne pouvant fonder une action collective, ce fait n'étant pas en relation directe avec le dommage, il conviendrait que soit établi que les deux produits lui ont été administrés, preuve non rapportée en l'espèce ;

qu'en statuant ainsi, alors qu'en cas d'exposition de la victime à la molécule litigieuse, c'est à chacun des laboratoires qui a mis sur le marché un produit qui la contient qu'il incombe de prouver que celui-ci n'est pas à l'origine du dommage, la cour d'appel a violé les textes susvisé'.

Vu la saisine de cette cour le 8 juin 2010 .

Vu les dernières conclusions déposées le :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre,

- déclarer la société UCB PHARMA SA responsable du dommage par elle subi et tenue à le réparer,

- par impossible et avant-dire droit, ordonner une mesure d'expertise aux frais avancés de la société UCB PHARMA SA,

- condamner la société UCB PHARMA SA à lui payer une provision de 20 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices moral et corporel, outre une indemnité de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire :

* déclarer la société UCB PHARMA SA et la société NOVARTIS SANTE FAMILIALE, solidairement responsables et les condamner solidairement à lui payer une provision de 20 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices moral et corporel, outre une indemnité de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .

- à titre principal débouter Mme [I] [A], épouse [H] de ses demandes,

- à titre subsidiaire, ordonner une expertise médicale en présence de la MGEN et de la CPAM de Strasourg,

- à titre infiniment subsidiaire :

* dire et juger que la preuve de l'exposition in utero au Distilbène n'étant pas rapportée, les deux sociétés devront être condamnées in solidum en application de la présomption d'exposition in utero,

* débouter la société NOVARTIS SANTE FAMILIALE de toutes ses demandes dirigées à son encontre,

* dire et juger qu'il n'y a pas lieu d'appliquer une présomption de causalité entre l'exposition in utero au DES et les pathologies invoquées et évaluer le préjudice comme suit :

¿ sur la demande de la société NOVARTIS SANTE FAMILIALE à la contribution à la dette :

.dire et juger irrecevable comme étant nouvelle, déclaratoire et contraire au principe de la concentration des moyens, la demande tendant à limiter sa responsabilité à 2 %,

.subsidiairement dire et juger que la part de la société NOVARTIS SANTE FAMILIALE dans la contribution à la dette est de 50 % et la débouter de ses demandes dirigées à son encontre,

¿ sur les demandes de Mme [I] [A], épouse [H], dire et juger qu'elle ne formule aucune demande au titre d'éventuels préjudices et la débouter 'de toutes demandes qu'elle formulerait ultérieurement à ce titre' ,

¿ sur les demandes de la CPAM de Strasbourg et de la MGEN, ' dire et juger qu'elles ne formulent aucune demande' et les ' débouter de toutes demandes qu'elles formuleraient ultérieurement' .

- à titre principal :

* sur la preuve de la spécialité impliquée, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [I] [A], épouse [H] des demandes dirigées à son encontre,

* subsidiairement sur la solution posée par les arrêts '[P]' et ' [H]':

¿ à titre principal, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [I] [A], épouse [H] des demandes dirigées à son encontre,

¿ à titre subsidiaire, constater que Mme [I] [A], épouse [H] ne rapporte pas la preuve que le DES est la seule cause possible de ses pathologies et la débouter de ses demandes dirigées à son encontre,

* plus subsidiairement, sur l'absence de faute de sa part, débouter Mme [I] [A], épouse [H] des demandes dirigées à son encontre,

* en tout état de cause, sur les demandes d'expertise et de provision, lui donner acte de ses protestations et réserves et compléter la mission confiée à l'expert dans les termes indiqués dans ses écritures,

- à titre subsidiaire :

* dire et juger qu'elle n'est responsable des préjudices subis par Mme [I] [A], épouse [H] qu'à hauteur de 1, 88 %, plus subsidiairement de 9, 3 % et débouter la société UCB PHARMA SA de ses demandes,

* dire et juger que son obligation à réparation est divisible et indépendante de celle de la société UCB PHARMA SA,

* dire et juger qu'elle ne peut être tenu qu'à hauteur de 1, 88 % des sommes allouées ou des frais d'expertise et subsidiairement qu'à hauteur de 9, 3 % ,

- à titre très subsidiaire :

* retenir une responsabilité in solidum des deux sociétés, à hauteur pour elle de 1, 88 %, plus subsidiairement de 9, 3 % des sommes allouées à Mme [I] [A], épouse [H] ou des frais d'expertise, dire cette demande de sa part comme étant recevable et débouter Mme [I] [A], épouse [H] du surplus de ses prétentions,

- en définitive, condamner la société UCB PHARMA SA à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Vu l'absence de constitution de la CPAM de Strasbourg et de la MGEN, régulièrement assignées à personne habilitée, par actes du 1er décembre 2010 .

Vu l'ordonnance de clôture du 14 juin 2012 .

SUR QUOI LA COUR

Considérant qu'il appartient à Mme [I] [A], épouse [H] de faire la preuve de son exposition in utero au DES ;

que cette preuve peut être établie par tout moyen et, notamment peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes ;

Considérant que Mme [I] [A], épouse [H] verse à cette fin aux débats deux attestations émanant de sa mère, Mme [U] [A], la première en date du 5 juillet 2005, la seconde en date du 10 février 2007;

que Mme [U] [A] déclare avoir été traitée au Distilbène au cours de sa grossesse à l'hôpital [16] à [Localité 14], ce dont elle aurait avisé son médecin, le docteur [C] et précise n'avoir pris que ce produit et non pas du stilboestrol dont elle dit avoir auparavant ignoré l'existence ;

qu'il doit être cependant observer, qu'outre qu'elles émanent d'un très proche parent de Mme [I] [A], épouse [H], ces attestions ont été établies, la première moins de deux mois avant la délivrance de son assignation et la seconde en cours de procédure, circonstances qui tendent à en amoindrir fortement la valeur probante ;

que par ailleurs Mme [I] [A], épouse [H] produit également une attestation du docteur [C] ( son oncle ), en date du 9 février 2007, qui indique que 'lors de sa première consultation à ( son ) cabinet le 6 février 1979, Mme [A] ( lui ) a appris qu'elle avait été traitée durant sa grossesse en 1970 pour des métrorragies liées à une par des injections intramusculaires de progestérone associées à la prise de comprimés de distilbène' ;

que cette attestation, également établie en cours de procédure, ne rapporte pas les constations faites personnellement et directement par le docteur [C] mais les dires de sa patiente alors même que le dossier médical de celle-ci ( pièces 18 à 22 de l'appelante ) ne fait mention d'aucune prescription de distilbène ou de tout autre produit contenant la molécule DES, mais rapporte seulement 'une grossesse surveillée spécialement en raison d'une insuffisance hormonale';

que cette constatation est corroborée par la réponse donnée le 17 janvier 1997 par le docteur [W], chef du service hospitalier [16], au courrier du 16 décembre 1996 émanant du docteur [C] qui a tenté de vérifier les dires de sa patiente, démarche qui en elle même ne peut constituer un élément de preuve suffisamment convaincant de la véracité des affirmations de celle-ci ;

que tel est également le sens de la lettre du 25 novembre 2002 par laquelle le docteur [Z] écrit à Mme [U] [A] 'il n'y a pas trace de distilbène dans votre dossier';

que pas davantage ne peuvent être retenues comme élément de preuve suffisamment probant, les deux lettres en date des 16 et 30 janvier 1997 adressées par le docteur [C] au docteur [G] par lesquelles il sollicite la prise en charge de Mme [I] [A], épouse [H] pour son problème d'infertilité, ajoutant qu'elle présente un syndrome post DES, alors même que cette dernière affirmation n'est nullement corroborée par le dossier médical de la patiente ;

Considérant tout autant que l'exposition in utero de Mme [I] [A], épouse [H] à la molécule DES ne peut être sérieusement présumée en raison des anomalies cervicales et utérine qu'elle a présentées, ni de la fausse couche qu'elle a subie en 1996 et des cinq grosses extra utérines qu'elle a connues;

que les laboratoires font en effet valoir à juste titre que :

- l'hypoplasie utérine ( utérus de petite taille ) n'est pas une entité spécifique au DES mais peut se retrouver en dehors d'une exposition à cette molécule ( traité de gynécologie de [T] ), étant au demeurant observé que le compte-rendu fait par le docteur [C] dans sa lettre du 16 janvier 1997, mentionne que l' utérus était de petite taille tout en relevant que celui-ci et les annexes controlatérales avaient un aspect normal, que les règles étaient d'abondance normale et le toucher vaginal sans particularité,

- l'adénose cervical n'est pas objectivée dans le dossier par un examen anatomo-pathologique,

- les grossesses extra-utérines ont des origines multi-factorielles et ne caractérisent pas une exposition in utero au DES, l'observation identique pouvant être faite pour les fausses couches;

que ne peut être retenu le document ( pièce n° I 35 ) présenté comme étant l'avis technique donné le 12 juin 2012 par le docteur [R], censé établir l'exposition au DES, dès lors qu'il est émis sur une papier dépourvu d'en têtes, et qu'il ne porte aucune signature ;

Considérant qu'en l'état de ces constatations, et quant bien même Mme [I] [A], épouse [H] a présenté certaines malformations et anomalies décrites dans la littérature médicale comme étant les conséquences d'une exposition in utero au DES, il s'avère que l'ensemble des éléments d'appréciation soumis à la cour ne peuvent constituer des présomptions graves, précises et concordantes de son exposition effective à la molécule litigieuse ;

qu'il convient en conséquence de la débouter de ces prétentions et de confirmer le jugement rendu le 24 novembre 2006 ;

Considérant que l'équité ne commande pas d'accueillir les prétentions émises par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 24 novembre 2006 par le tribunal de grande instance de Nanterre.

Condamne Mme [I] [A], épouse [H] aux dépens qui seront recouvrés par les avocats qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 10/15834
Date de la décision : 26/10/2012

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°10/15834 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-26;10.15834 ?
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