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12/10/2012 | FRANCE | N°10/10133

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 12 octobre 2012, 10/10133


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRET DU 12 OCTOBRE 2012



(n° 230, 6 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 10/10133.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mars 2006 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 3ème Section - RG n° 05/01245.









APPELANTE :



SA LACOSTE anciennement dénommÃ

©e LA CHEMISE LACOSTE

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1],



représentée par la SCP FISSELIER & Associés en la personne de Maître Alain FISSELIER, avocat au ba...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 12 OCTOBRE 2012

(n° 230, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/10133.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mars 2006 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 3ème Section - RG n° 05/01245.

APPELANTE :

SA LACOSTE anciennement dénommée LA CHEMISE LACOSTE

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1],

représentée par la SCP FISSELIER & Associés en la personne de Maître Alain FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044,

assistée de Maître Anne LAKITS JOSSE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 17.

INTIMÉE :

Société de droit singapourien CROCODILE INTERNATIONAL PRIVATE LIMITED

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège Crocodile House [Adresse 6],

représentée par le Cabinet HOGAN LOVELLS (Paris) LLP en la personne de Maître Marie-Aimée DE DAMPIERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : J033,

assistée de Maître Marie-Aimée DE DAMPIERRE du Cabinet HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J033.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 6 septembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Dominique COUJARD, président de chambre,

Madame Sylvie NEROT, conseillère,

Madame Line TARDIF, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Dominique COUJARD, président de chambre, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

La société Lacoste SA, anciennement La Chemise Lacoste, est une société française fondée en 1933 qui a adopté comme emblème le crocodile. Elle a déposé ce signe comme marque figurative le 27 avril 1933 enregistrée sous le n°1 410 064 et régulièrement renouvelée. La tête du saurien y est tournée vers la droite. Elle fabrique et commercialise des vêtements sur lesquels elle appose sa marque.

La société Crocodile International private Limited est une société de droit singapourien dont l'activité principale est de fabriquer et de commercialiser des vêtements sur lesquels elle appose le dessin d'un crocodile. La marque enregistrée à Singapour en 1951 représente un saurien dont la tête est tournée vers la gauche, surmonté de la mention 'crocodile'.

Les sociétés Crocodile International private Limited et Lacoste SA ont conclu, le 17 juin 1983, un accord de coexistence visant certains pays du marché asiatique.

Le 19 octobre 1994, la société Lacoste SA a déposé en France une marque figurative, puis deux autres, représentant chacune un saurien la tête orientée vers la gauche sous les n° 94 541 290, 94 541 293, et 94 541 291. Sa demande d'extension internationale s'est heurtée pour la Chine à un refus des autorités de ce pays.

Constatant l'existence de ces trois dépôts, la société Crocodile International private Limited s'est adressée le 10 novembre 2004 à la société Lacoste SA qui, le 24 novembre suivant, radia les signes enregistrés sous les n° 94 541 290 et 94 541 293.

Par acte du 18 janvier 2005, la société Crocodile International private Limited a assigné la société Lacoste SA aux fins de voir annuler le dépôt des marques françaises n° 94 541 290, 94 541 293, et 94 541 291 et la condamner à lui payer la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire rendu le 29 mars 2006, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré irrecevables les demandes en nullité et en déchéance de deux marques, n° 94 541 290 et 94 541 293, qui n'étaient plus en vigueur.

- reçu les autres demandes de la société Crocodile International private Limited,

- dit que le dépôt par la société Lacoste SA des marques n° 94 541 290 et 94 541 293 reproduisant l'élément figuratif des marques de la société Crocodile International private Limited figurant dans l'annexe de la convention du 17 juin 1983 était frauduleux,

- condamné la société Lacoste SA à payer la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts

- autorisé la publication du dispositif de la décision,

- dit que le dépôt de la marque n° 94 541 291 n'était pas frauduleux,

- déclaré irrecevable la demande en déchéance de cette marque par la société Crocodile International private Limited.

La société Lacoste SA a relevé appel de cette décision.

La procédure a fait l'objet d'une ordonnance de retrait du rôle en date du 22 mai 2008 et été rétablie sur demande de la société Lacoste SA en date du 31 août 2010.

Elle a été suspendue du 24 décembre 2010 au 3 mars 2011, dans l'attente d'une décision d'arbitrage en cours à Singapour sur l'interprétation de l'accord du 17 juin 1983.

Vu les dernières écritures, signifiées le 4 septembre 2012, de la société Lacoste SA qui demande la cour :

- de déclarer irrecevable l'action de la société Crocodile International private Limited ,

- de constater que les marques litigieuses ont été radiées avant l'engagement de l'instance,

- de déclarer que la demande de Crocodile International private Limited est sans objet

subsidiairement

- de constater que preuve n'est pas rapportée par la société Crocodile International private Limited qu'elle a été victime d'une faute, et qu'elle a subi un préjudice,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré que la société Crocodile International private Limited est recevable et bien fondée à agir relativement aux marques n° 94 541 290 et 94 541 293,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable et rejeté partiellement les demandes de la société Crocodile International private Limited

- de constater que toute question relative à la portée de l'accord du 17 juin 1983 relève de la compétence exclusive du tribunal arbitral de Singapour et que ces questions ont été définitivement tranchées par la sentence du 15 août 2011

- de condamner la société Crocodile International private Limited à payer la somme de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Vu les dernières écritures, signifiées le 5 septembre 2012, par lesquelles la société Crocodile International private Limited, demande à la cour, aux visas des articles 1382 du code civil, L 712-6 et L 714-5 du code de la propriété intellectuelle :

- la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a déclaré recevables ses demandes, déclaré frauduleux les dépôts par la société Lacoste SA des marques n° 94 541 290 et 94 541 293 et l'a condamnée à payer 1 € de dommages et intérêts et a autorisé la publication du dispositif,

- l'infirmation du jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

- de dire que le la société Lacoste SA a commis des actes frauduleux et préjudiciables en déposant la marque française n° 94 541 291,

- d'en prononcer la nullité, à compter du 19 octobre 1994 pour les produits des classes 3, 9, 14, 16, 18, 24, 25, 26, 28, 35 et 41,

- de prononcer la déchéance à compter du 28 avril 2000 des droits de la société Lacoste SA sur la marque française n° 94 541 291,

- de dire que la décision sera transmise à l'INPI sur simple réquisition du greffier pour être inscrite au Registre National des Marques,

- d'autoriser la publication du dispositif de la décision dans trois journaux ou revues de son choix aux frais de la société LACOSTE dans la limite de 4 500 € par insertion,

- de condamner la société LACOSTE au règlement de ses frais et débours qu'elle fixe à la somme de 130 000 € à parfaire.

CECI EXPOSÉ, LA COUR,

Sur la recevabilité à agir de la société Crocodile International private Limited :

La société Lacoste SA soutient que l'action de la société intimée est irrecevable ou à tout le moins sans objet pour les deux enregistrements n° 94 541 290 et 94 541 293 qui ont été radiés et qu'elle ne justifie pas d'un intérêt légitime à agir pour la troisième marque pour un simple motif d'orientation du crocodile, alors que le dessin est le même que celui sur lequel la société appelante a déposé un brevet.

Mais comme l'ont justement précisé les premiers juges, la société Crocodile International private Limited justifie d'un intérêt légitime au sens de l'article 31 du code de procédure civile à agir à l'encontre de la société Lacoste SA à raison des dépôts n° 94 541 290, 94 541 293 et 94 541 291 qu'elle considère frauduleux. La fraude alléguée par elle lui permet en effet d'agir en responsabilité, les marques n° 94 541 290 et 94 541 293 n'ayant été radiées que le 23 novembre 2004, soit moins de 10 ans avant l'introduction de l'instance. Elle est également recevable à agir du fait du dépôt n° 94 541 291, dès lors qu'elle invoque les dispositions de l'accord de coexistence de marque de 1983 qui, selon elle, lui reconnaîtrait un droit sur la représentation d'un crocodile dirigé vers la gauche.

La société Crocodile International private Limited justifiant de sa qualité à agir, le moyen d'irrecevabilité sera donc rejeté.

Sur la radiation des marques n° 94 541 290 et 94 541 293 :

La radiation des marques n° 94 541 290 et 94 541 293 intervenue le 23 novembre 2004 est sans influence sur le caractère frauduleux des dépôts en raison de la connaissance par la société Lacoste SA des marques de la société Crocodile International private Limited et du contenu de l'accord de 1983 ;

Mais la demande de la société Crocodile International private Limited tendant à voir déclarer leur dépôt frauduleux est sans objet ;

Sur l'accord de coexistence de marque du 17 juin 1983 :

La société Lacoste SA soutient que l'accord du 17 juin 1983 ne s'applique pas à la France et ne concerne pas le présent litige ;

Effectivement, la sentence rendue à Singapour par un tribunal arbitral, le 12 décembre 2011 énonce que la signification de l'accord est claire et se limite aux cinq territoires suivants Taïwan, Singapour, Indonésie Malaisie et Brunei, à l'exception de l'obligation contractuelle de coopération technique visant à lutter contre les tiers contrefacteurs qui prend effet en dehors du territoire ;

Il en résulte que, sauf l'obligation contractuelle de coopération technique, l'accord du 17 juin 1983 ne s'applique pas en France, et qu'il est sans influence juridique sur le présent litige ;

Il n'y a donc pas lieu de se prononcer sur cet accord ;

Sur la fraude :

La société Lacoste SA reproche au jugement déféré d'avoir retenu contre elle la fraude sur le fondement des relations existant entre les deux parties, caractérisées par l'accord de 1983, alors que celui-ci est totalement étranger à la solution du litige français ;

Mais s'il est constant que l'accord de 1983, bien que dépourvu d'effet juridique sur le présent litige, comme il a été dit plus haut, n'en demeure pas moins un fait juridique dont les premiers juges se sont emparés avec discernement, caractérisant l'existence de négociations prolongées et abouties entre deux sociétés concurrentes désireuses de régler au mieux leurs différends et qui ne pouvaient pas ignorer les marques revendiquées par chacune d'elles à cette occasion.

Dès lors, c'est à juste titre que, sans pour autant faire application des dispositions de cet accord, le tribunal a considéré qu'en reconnaissant dans ses écritures avoir déposé en France les marques attaquées, constituées pour deux d'entre elles de l'élément figuratif des marques CROCODILE figurant dans l'accord de 1983, la société Lacoste SA avait commis une fraude pour se constituer en Chine des antériorités opposables à la société Crocodile International private Limited.

Au demeurant, le retrait par la société Lacoste SA, à première demande de la société Crocodile International private Limited et dans les deux semaines qui ont suivi de ces deux marques démontre que la société française avait bien conscience que son agressivité commerciale avait été excessive.

Cette faute caractérisée a causé un préjudice à la société Crocodile International private Limited qui pouvait attendre un autre comportement de la part d'un partenaire.

La société Crocodile International private Limited reproche, de son côté aux premiers juges d'avoir toléré le maintien par la société Lacoste SA de l'inscription de l'élément figuratif propre à la société française, mais orienté à gauche, motif pris que cette orientation lui serait réservée.

Mais en faisant de l'orientation du saurien à gauche une caractéristique qui lui est propre, la société Crocodile International private Limited se prévaut à tort de l'accord de 1983, inapplicable en France pour la solution du présent litige ;

Or, il est versé aux débats d'autres marques déposées tant par la société Lacoste SA que par une société qui lui est liée, représentant des sauriens orientés à gauche.

En retenant que l'élément figuratif du troisième dépôt était caractéristique de la société Lacoste SA , le tribunal a donc maintenu à propos les critères de la fraude qu'il avait lui-même dégagés ;

D'autre part, preuve n'est pas rapportée aux débats par la société Crocodile International private Limited qu'il n'y ait pas eu un usage sérieux et ininterrompu par la société Lacoste SA de la marque n°94 541 291 pendant cinq ans à compter de la demande en déchéance ;

Il sera constaté que la société Crocodile International private Limited ne reprend pas sa demande en nullité des deux dépôts qui ont été retirés ;

La décision déférée sera donc confirmée et la société Lacoste SA déboutée de ses demandes en irrecevabilité et en exonération de sa faute ;

Elle sera condamnée à payer à la société Crocodile International private Limited la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts et à supporter les frais de publication du dispositif de la présente décision dans trois revues ou organes de presse, à l'initiative et au choix de la société Crocodile International private Limited, et ce, dans la limite de 4 500 € HT par insertion.

Succombant au litige principal, la société Lacoste SA sera condamnée aux dépens de la présente instance avec droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, l'équité commandant qu'elle soit condamnée en outre à payer la somme de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

De même, la société Crocodile International private Limited sera déboutée de ses demandes en nullité d'inscription et en déchéance de la marque n° 94 541 291.

P A R C E S M O T I F S,

Déclare la société Crocodile International private Limited recevable à agir ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 mars 2006 par le tribunal de grande instance de Paris ;

Déboute la société Lacoste SA de ses demandes ;

Ordonne la publication du dispositif de la présente décision dans trois journaux ou revues au choix de la société Crocodile International private Limited et aux frais de la société Lacoste SA, dans la limite de 4 500 € HT par insertion ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société Lacoste SA à payer à la société Crocodile International private Limited la somme complémentaire de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la présente instance avec droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 10/10133
Date de la décision : 12/10/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°10/10133 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-12;10.10133 ?
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