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11/10/2012 | FRANCE | N°10/11022

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 11 octobre 2012, 10/11022


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 11 Octobre 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11022 - MEO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Octobre 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 09/00252



APPELANTE

Madame [B] [L]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Jean-charles BEDDOUK, avocat au barreau de PARIS, toque

: D0631



INTIMEE

Association ENTRAIDE DU CINEMA ET DES SPECTACLES

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Virginie SIZARET, avocat au barreau de RENNES



COMPOSIT...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 11 Octobre 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11022 - MEO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Octobre 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 09/00252

APPELANTE

Madame [B] [L]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Jean-charles BEDDOUK, avocat au barreau de PARIS, toque : D0631

INTIMEE

Association ENTRAIDE DU CINEMA ET DES SPECTACLES

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Virginie SIZARET, avocat au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [B] [L] a été engagée par contrat écrit en date du 26 juin 1991, remplacé par un nouveau contrat de travail daté du 1er décembre 1992, en qualité d'adjointe de direction à mi-temps, puis à temps complet, statut cadre, par l'Association l'Entraide du Cinéma et des Spectacles (ci-après l'Association), association dédiée à l'action sociale au bénéfice des personnes physiques ou morales exerçant une activité se rapportant au spectacle cinématographique ou vivant. Sa rémunération mensuelle brute s'est élevée à 6 153,53 €. Elle est devenue déléguée générale de l'Association pendant l'année 2001.

Mme [L] avait toute la confiance du président de l'association, M. [C], décédé le [Date décès 2] 2006.

Mme [L] a été hospitalisée le 22 février 2008 et n'a plus repris son travail. Elle est décédée le [Date décès 4] 2011.

Entre-temps cependant, l'arrêt de travail de Mme [L] a été prolongé jusqu'au 30 juin 2009. Convoquée le 19 juin à une visite médicale de reprise, elle a été déclarée inapte définitivement à tous les postes de l'entreprise en raison du danger immédiat que présentait sa situation.

Convoquée le 20 juillet suivant à un entretien préalable fixé le 29, Mme [L] a été licenciée pour inaptitude par courrier du 3 août 2009.

Estimant la relation contractuelle dégradée en raison du comportement de son employeur, Mme [L] a saisi le conseil des Prud'Hommes de Paris d'une demande tendant en dernier lieu à obtenir la résiliation de son contrat de travail, le paiement des indemnités de rupture, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour préjudice moral, de remboursement de frais, outre les intérêts au taux légal, une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'exécution provisoire. A titre reconventionnel, l'Association a réclamé le paiement de dommages et intérêts pour préjudice ainsi qu'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du 18 octobre 2010, le conseil des Prud'Hommes a débouté Mme [L] de toutes ses demandes, ainsi que l'Association. Il a condamné aux dépens la salariée.

Mme [L] a fait appel de cette décision. A son décès, l'instance a été reprise par sa fille [K], unique héritière. L'appelante sollicite de la cour qu'elle juge la demande de résiliation du contrat de travail bien fondée, et à titre subsidiaire, le licenciement de sa mère nul et plus subsidiairement encore mal fondé et qu'elle condamne l'Association à lui payer les sommes suivantes :

- 36 981,18 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 3 698,12 € au titre des congés payés afférents

- 18 448,86 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 39 981,18 € à titre d'indemnité contractuelle de rupture du contrat de travail, subsidiairement 21 157,56 €

- 108 212,04 € à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi

- 3 588,62 € à titre de remboursement de frais

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'Association devant le bureau de conciliation.

Elle réclame la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté l'Association de sa demande reconventionnelle.

l'Association conclut à la confirmation partielle du jugement déféré et au débouté de Mme [L] en toutes ses demandes. Sollicitant son infirmation partielle, elle demande à la cour de juger sa demande bien fondée et de condamner Mme [K] [L] à lui payer la somme de 65 000 € à titre de réparation du préjudice subi ainsi que la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 11 septembre 2012, reprises et complétées lors de l'audience.

MOTIVATION :

En présence d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et d'un licenciement prononcé postérieurement, il convient en premier lieu d'examiner le bien fondé des griefs invoqués au soutien de cette demande. Si ces griefs sont fondés, la rupture comporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire nul, et rend sans objet l'examen des griefs invoqués par l'employeur au soutien du licenciement qu'il a lui-même prononcé.

- Sur la demande de résiliation judiciaire

L'appelante formule sa demande de résiliation en faisant valoir que Mme [L] a été victime d'un harcèlement moral de la part d'une supérieure hiérarchique, Mme [X], que ses salaires et indemnités journalières lui ont été payés avec retard, qu'un refus a été opposé par son employeur de lui rembourser ses frais professionnels et que le retrait de ses fonctions a emporté la modification de son contrat de travail.

* sur le harcèlement moral

En application des articles L1152-1 et suivants du code du travail ' aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.' Le licenciement prononcé en méconnaissance de ces dispositions est nul.

En outre, l'article L.1152-4 du même code prescrit au chef d'entreprise de prendre toute dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements précités.

Enfin, en cas de litige, en application de l'article L 1154-1 du code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utile.

Rappelant que sa mère occupait les fonctions de conseillère auprès du comité directeur et les fonctions de déléguée générale, l'appelante fait valoir que celle-ci a été déclassée, la plupart de ses fonctions ayant été confiées à M.[I] recruté à cette fin . S'agissant des fonctions de conseillère, elle précise que sa mère a été évincée du comité directeur, organe distinct de l'Assemblée générale aux réunions de laquelle elle ne conteste pas que sa mère a continué à être convoquée. Elle ajoute que sa mère a, en outre, été l'objet d'un dénigrement systématique de la part de Mme [X].

L'intimée qui conteste les allégations de Mme [L], fait valoir que celle-ci n'en rapporte aucunement la preuve. Elle ajoute qu'en tout état de cause le harcèlement en cause doit s'apprécier sur la période antérieure au 24 février 2008, date du dernier jour travaillé par la salariée.

Il ressort des débats et en particulier de la décision de l'Assemblée générale du 22 juin 2004 produite par l'appelante que Mme [L] a été nommée conseillère auprès du comité directeur et qu'à ce titre 'aucune décision importante concernant plus particulièrement votre action au sein de [l'Association] ne sera prise sans votre avis : vous serez obligatoirement consultée'.

Aucun élément n'est produit aux débats établissant que Mme [L] a été évincée du comité directeur, grief que conteste l'Association et qui n'est, en conséquence, pas établi.

S'agissant de son déclassement prétendu de sa fonction de déléguée générale, caractérisé selon l'appelante par l'embauche de M.[I], il convient de constater, à la lecture de son contrat de travail, que celui-ci a bénéficié d'un contrat à durée déterminée du 3 septembre 2007 au 4 mars 2008 pour 'une tâche occasionnelle et non durable : réorganisation des procédures comptables et administratives'.

Par ailleurs, étaient confiées à Mme [L] les tâches suivantes : la gestion des employés et les embauches, l'organisation de la vente des chèques cinéma, l'organisation des colonies et l'organisation des plannings de mise à disposition du parc immobilier aux termes du contrat de travail signé en 1991, seule référence donnée à la cour, en l'absence de document plus précis produit aux débats concernant spécialement sa fonction de déléguée générale.

Hormis le courrier de plainte adressé par la salariée en date du 23 mai 2008, qui ne présente pas, à lui seul, une force probante suffisante, aucun élément n'est produit aux débats permettant à la cour de conclure que l'exécution de la mission de M.[I] n'a pas été conforme aux termes de sa lettre d'embauche et aurait empiété sur les attributions de Mme [L] lorsque celle-ci était encore en fonction.

Il résulte donc de ce qui précède que la tâche confiée à M.[I], de courte durée touchant à l'organisation des procédures internes de l'association, ne saurait être comparée avec celles pérennes et spécifiquement définies effectuées par Mme [L].

Enfin, en ce qui concerne le dénigrement systématique reproché à l'employeur à compter du mois de décembre 2006, Mme [L] produit aux débats :

- un courrier de Mme [X] en date du 3 décembre 2006 adressé en sa qualité de présidente de l'association, à Mme [L] écrit en ces termes : ' Madame, le comité directeur a été amené à constater, à plusieurs reprises, que des informations à caractère confidentiel avaient été divulguées. Nous tenons à vous rappeler qu'en votre qualité de salariée de [l'association] vous devez, en toute circonstance, oeuvrer dans l'intérêt de l'Association et que votre emploi vous impose un strict devoir de réserve. Au moment où l'Entraide se trouve confrontée à des difficultés qui la conduisent à modifier ses modes de fonctionnement, son comité directeur doit pouvoir compter sur votre complète loyauté. Veuillez agréer, Madame, l'expression de nos sentiments les meilleurs'.

- un courrier daté du 23 mai 2008, en réponse à celui du 5 mai 2008 également produit aux débats, par lequel Mme [L] se plaint à la présidente de l'association d'être l'objet de sa part de harcèlement, en relevant notamment l'insistance de celle-ci à lui réclamer la restitution du véhicule de fonction dont elle se dit bénéficiaire, ce alors que son employeur qui a connaissance de son hospitalisation ne peut ignorer son incapacité à se déplacer.

- un courrier en réponse de la présidente en date du 30 mai 2008 contestant les allégations de harcèlement émises par Mme [L], et aux termes duquel Mme [X] reconnaît uniquement avoir demandé à Mme [L] de prendre des notes lors de d'une assemblée générale estimant que cette attribution relevait de la déléguée générale, fonction occupée par Mme [L].

- l'attestation de Mme [R] selon laquelle, pour avoir 'pendant plus de 10ans assisté aux AG ..je n'ai jamais vu [U] [L] remplir la fonction de secrétaire car c'est moi qui le faisait après le départ de Mme [T]...Je fus donc très choquée lorsque M.[Z] lui a ordonné d'un ton sec de prendre des notes....Durant la réunion, ..Mme [D] a dit à [U] [L] j'exige votre contrat de travail sur mon bureau demain...A 18h00, Mme [D] annonce à [U] [L] qu'elle doit assister à la réunion concernant l'attribution des aides . [U] [L] lui rappelle qu'elle l'avait prévenue qu'elle avait un rendez-vous important qu'elle ne pouvait remettre..., que Mme [D] avait accepté ...elle lui a dit : 'c'est un ordre!' ..[U] [L] lui a dit 'arrêtez de me harceler' et devant tout le monde s'est mise à pleurer'.

Le courrier précité du 3 décembre 2006 traduit le doute de Mme [X] dans la loyauté de Mme [L], sans cependant faire valoir d'éléments objectifs qui en seraient la cause, tandis qu'il apparaît que le fait de confier la fonction de secrétaire de l'assemblée générale à Mme [L] a été ressenti par elle comme une humiliation.

S'il apparaît en revanche que le contentieux né entre ces deux femmes au sujet du véhicule semble relever de la vie normale de l'entreprise et en partie de l'ignorance initiale de Mme [X] dans le fait qu'il s'agissait d'un véhicule de fonction attribué à Mme [L] , les deux autres faits précités sont de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement.

Au regard de ce qui précède il n'existe donc pas d'éléments précis et objectifs permettant de mettre en doute la loyauté de Mme [L] s'agissant notamment de 'son devoir de réserve'. En outre, l'attestation de Mme [R] non sérieusement contestée, démontre que la fonction de secrétaire de l'assemblée générale ne ressortissait pas à Mme [L] que le ton acerbe dans lequel elle lui a été imposée caractérise l'humiliation infligée. Il en est de même de la réunion précitée qui lui a été imposée par la présidente, en pleine connaissance d'un rendez-vous rendant indisponible Mme [L].

Il résulte donc de ce qui précède que le harcèlement moral allégué est établi, lequel, dans ces conditions doit être mis en lien avec la dégradation de l'état de santé de Mme [L], attestée par les arrêts pour maladie successifs à compter du 24 février 2008, ainsi que par l'avis d'inaptitude définitive à tout poste existant dans l'entreprise délivré au terme d'une seule visite au motif d'un 'danger immédiat'.

Il s'ensuit que ce grief invoqué au soutien de la demande de résiliation du contrat de travail étant bien fondé, la rupture comporte les effets d'un licenciement nul, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs. Cette rupture rend également sans objet l'examen des griefs invoqués par l'employeur au soutien du licenciement qu'il a lui-même prononcé.

Cette situation donne droit à percevoir la somme de 36 981,18 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 3 698,12 € au titre des congés payés afférents.

Selon le contrat de travail de Mme [L] en date du 1er décembre 1992, est applicable dans l'entreprise la convention collective de l'Exploitation Cinématographique, ce que mentionnent encore les bulletins de salaire de Mme [L] produits aux débats.

Mme [L] qui expose qu'il existe trois conventions collectives relatives à 'l'exploitation cinématographique' revendique l'application de celle relative aux cadres et réclame le paiement d'un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement.

L'Association conteste cette allégation et fait valoir que les trois conventions collectives sus évoquées sont distinctes et que celle de l'exploitation cinématographique qui concerne également les cadres a été valablement et pleinement appliquée à Mme [L].

Il ressort des débats que la convention collective de l'exploitation cinématographique, datée du 19 juillet 1984, étendue, qui concerne également les cadres, est distinctes des deux autres invoquées par Mme [L], en particulier de celle revendiquée, datée de 1971 et qui s'intitule convention collective nationale des cadres et agents de maîtrise des services généraux et administratifs des théâtres cinématographiques.

En outre, compte-tenu de la référence faite dans son contrat de travail et dans ses bulletins de salaire, à la convention de l'exploitation cinématographique, dont l'appelante ne démontre pas en quoi elle ne serait pas applicable à Mme [L] ni n'établit en quoi, celle revendiquée le serait, il apparaît que la convention collective de l'Exploitation Cinématographique, a été à juste titre appliquée à Mme [L].

Il s'ensuit que Mme [L] ne peut qu'être déboutée de ses demandes fondées sur un texte inapplicable en l'espèce.

Mme [L] réclame en outre le paiement d'une indemnité contractuelle de licenciement égale à 6 mois de salaire en plus des indemnités déjà perçues, ce en application du contrat de travail.

L'Association s'y oppose en faisant valoir que les termes 'indemnité contractuelle' doivent s'interpréter comme étant une indemnité conventionnelle, laquelle a été réglée à Mme [L], en conséquence de quoi, sa demande rejetée.

Il ressort de la lecture du contrat de travail qu''en cas de rupture de contrat du fait de l'employeur, il serait prévu une indemnité contractuelle de 6 mois en plus des obligations légales'.

Compte-tenu des termes clairs employés par le contrat de travail, il en ressort que les parties ont entendu faire bénéficier à Mme [L] d'une indemnité contractuelle de rupture, qui se distingue et s'ajoute à l'indemnité légale ou conventionnelle, ce que corrobore encore le fait que celle-ci, versée à Mme [L] à hauteur de 55 473,50 € dépasse 6 mois de salaire et découle d'un calcul institué par la convention collective applicable.

Il convient en conséquence de faire application de la clause contractuelle litigieuse, de faire droit à la demande complémentaire de Mme [L] et de condamner l'Association à lui payer la somme de 36 981,18 €.

Cette situation donne également droit à Mme [L] à percevoir une indemnité pour licenciement nul, que la cour, compte-tenu des éléments produits aux débats et notamment de l'ancienneté de Mme [L], est en mesure d'évaluer à 40 000 € en application de l'article L1235-3 du code du travail.

- Sur le préjudice moral

Compte-tenu du harcèlement moral dont a été victime Mme [L], il s'en est ensuivi un préjudice moral distinct de celui réparé précédemment au titre de la perte de son emploi, que compte-tenu des éléments produits aux débats la cour est en mesure d'évaluer à la somme de 10 000 €.

- Sur la demande de remboursement de frais

Mme [L], qui réclame le remboursement de frais prétendus concernant le véhicule de fonction, sans toutefois produire aux débats aucun élément attestant de leur réalité ne peut qu'être déboutée de sa demande de ce chef.

- Sur la demande reconventionnelle

L'Association reproche à Mme [L] d'avoir accordé pendant de nombreuses années une prime d'ancienneté aux salariés de l'Association qui n'y avaient pas droit. Elle précise notamment qu'après le 1er juillet 1999, date d'entrée en vigueur de l'accord du 3 octobre 1997 au sein de l'Association, Mme [L] a maintenu sa propre prime, représentant un montant indu de 40 386,29 € ainsi que celle de sa fille, représentant un montant indu de 5 703,10 €. Elle ajoute que Mme [L] a perçu une indemnité de transport tout en ayant la jouissance par ailleurs d'un véhicule de fonction. Elle lui reproche d'avoir fait supporter à l'Association le versement de prime au titre de prestations exécutées pour le compte d'une autre entité, la société Cinaf, d'avoir fait travailler sa soeur, Mme [O] [L] sans que celle-ci n'apparaisse nulle part sur les registres du personnel, ni que sa rémunération n'apparaisse dans les comptes de l'association. Elle lui fait encore grief d'avoir effectué des retraits bancaires sans justificatifs, alors qu'elle disposait d'une carte bancaire de l'association depuis le mois de septembre 2005. L'association ajoute enfin qu'elle a subi des frais de location de véhicule du fait du refus de Mme [L] de restituer son véhicule de fonction, et que celle-ci a fait supporter des frais de péage à l'association alors qu'elle était en arrêt maladie.

Mme [L] conteste les griefs ainsi formulés à l'encontre de sa mère. Elle fait valoir, à juste titre, dans son principe, que sauf faute lourde établie, un salarié ne peut être tenu pour responsable à l'égard de l'employeur des conséquences pécuniaires de fautes commises dans l'exécution du contrat de travail.

Il résulte des débats que Mme [L] bénéficiait de la toute confiance de l'ancien président de l'Association auquel elle a du ses successives promotions et l'extension de ses prérogatives au sein de l'association, sans que les éléments d'un quelconque contrôle apparaisse avoir été mis en place. Il apparaît, certes, que certains faits dénoncés apparaissent contestables, tels que la double gratification d'un véhicule de fonction et d'une indemnité de transport. Il n'en demeure pas moins, qu'aucun élément produit aux débats ne permet de conclure que sont imputables à une faute lourde de Mme [L], les faits dénoncés par l'Association , dès lors que les avantages critiqués par l'Association relevaient de décisions du président, non de Mme [L].

Il s'ensuit qu'à défaut d'établir la réalité d'une faute lourde imputables à Mme [L], l'employeur n'est pas fondé en sa demande.

Le jugement déféré est, en conséquence, infirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que les faits de harcèlement moral sur la personne de Mme [B] [L] sont établis,

Dit que de tels faits auraient justifié le prononcé de la résiliation de son contrat de travail ,

Dit, en conséquence, que son licenciement s'analyse en un licenciement nul,

Condamne l'Association l'Entraide du Cinéma et des Spectacles à payer à Mme [K] [L] venant aux droits de sa mère, décédée, les sommes suivantes :

* 36 981,18 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 3 698,12 € au titre des congés payés afférents

* 36 981,18 € à titre d'indemnité contractuelle de licenciement,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'Association devant le bureau de conciliation du conseil des Prud'Hommes,

* 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral souffert,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Déboute Mme [L] pour le surplus,

Déboute l'Association en sa demande reconventionnelle,

Condamne l'Association aux dépens de première instance et d'appel,

Vu l'article 700du code de procédure civile,

Condamne l'Association à payer à Mme [K] [L] la somme de 3 500 €,

La déboute de sa demande de ce chef.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/11022
Date de la décision : 11/10/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/11022 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-11;10.11022 ?
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