RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 04 Octobre 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/10723 - CM
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Novembre 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG n° 03/01945
APPELANTES
SA SLOTA
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172
SARL TAXIS PARIS DAUPHINE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172
SARL LOIRE TAXIS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172
SA GYM
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172
INTIME
Monsieur [W] [R]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Alain JANCOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1006
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine MÉTADIEU, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
Mme Marie-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 14 février 2003, [W] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de requalification des contrats de location de véhicule équipés taxis en contrat de travail le liant aux S.A SLOTA, S.A GYM, S.A.R.L TAXIS PARIS DAUPHINE, S.A.R.L LOIRE TAXIS.
Le conseil de prud'hommes a, par jugement du 30 août 2005, rejeté l'exception d'incompétence soulevée par ces dernières qui ont alors formé un contredit.
Par arrêt du 5 avril 2007, la cour d'appel a rejeté le contredit et dit le conseil de prud'hommes compétent.
C'est dans ces conditions que le conseil de prud'hommes a, de nouveau, été saisi.
Par jugement rendu le 18 novembre 2010, le conseil de prud'hommes de PARIS, en sa formation de départage, a requalifié les contrats entre les parties en contrats de travail et condamné in solidum les S.A SLOTA, S.A GYM, S.A.R.L TAXIS PARIS DAUPHINE, S.A.R.L LOIRE TAXIS à payer à [W] [R] la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts toutes causes confondues ainsi que celle de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Régulièrement appelantes, les S.A SLOTA, S.A GYM, S.A.R.L TAXIS PARIS DAUPHINE, S.A.R.L LOIRE TAXIS demandent à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de :
- constater l'absence de contrat de travail et/ou de relation assimilable
- débouter [W] [R] de l'intégralité de ses demandes
Subsidiairement
- juger l'intégralité des prétentions de l'intimé dépourvues de fondement
En tout état de cause,
- dire les demandes d'[W] [R] atteintes par la prescription
- le déclarer irrecevable de ses demandes
- condamner [W] [R] au paiement d'une indemnité de 800 € au profit de chacune des appelantes ainsi qu'aux entiers dépens.
[W] [R] sollicite la confirmation du jugement et demande à la cour, y ajoutant, de condamner solidairement les intimées au paiement de la somme de 5 000 € ainsi qu'aux dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.
MOTIVATION
Sur la requalification
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination, lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du contrat de travail.
L'existence d'un contrat travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
L'existence d'un lien de subordination n'est pas incompatible avec une indépendance technique dans l'exécution de la prestation.
En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
En l'absence de pièces et moyens nouveaux, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a relevé que :
- il ressort des termes des contrats litigieux que sont mises à la charge du locataire des obligations excédant par leur nombre, leur variété et leur portée celle d'un locataire normalement indépendant de son bailleur dès lors qu'il paie le loyer prévu et utilise le bien loué en «en bon père de famille», ce qui a pour effet de placer le locataire dans une situation de dépendance juridique et économique,
- il en est ainsi de la courte durée des locations (trois mois avec tacite reconduction de mois en mois) avec résiliation, emportant reprise du véhicule, sans préavis en cas de non-paiement d'une redevance ou autre manquement, expression d'un pouvoir disciplinaire à juste titre qualifié d'exorbitant, de la périodicité du paiement de la redevance (avances hebdomadaires) et des contraintes qui en résultent sur les conditions de travail, du montant élevé de la redevance, de l'absence de négociation s'agissant de ce montant révisé unilatéralement par le loueur ce qui contribue à accroître la dépendance du chauffeur de taxi,
et jugé que la relation contractuelle entre les parties devait être qualifiée de contrat de travail, eu égard au lien de subordination dans lequel [W] [R] était placé à l'égard des S.A SLOTA, S.A GYM, S.A.R.L TAXIS PARIS DAUPHINE, S.A.R.L LOIRE TAXIS.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la prescription des demandes d'[W] [R]
Les S.A SLOTA, S.A GYM, S.A.R.L TAXIS PARIS DAUPHINE, S.A.R.L LOIRE TAXIS invoquent l'absence de fondement des prétentions de [W] [R], soulignant qu'en tant que travailleur indépendant, il encaissait la totalité de la recette découlant de son activité de chauffeur de taxi (déduction fiscale de ses charges, récupération de TVA, détaxe de carburant, utilisation à titre privatif de la voiture sans cotisation au titre des avantages en nature), et sollicitent par conséquent le rejet de ses demandes.
Elles font ensuite valoir qu'initialement [W] [R] a sollicité le remboursement des sommes indûment versées au titre des cotisations patronales, à laquelle il a substitué à compter du 20 septembre 2010, des demandes de dommages-intérêts pour perte de revenu du fait de la requalification et pour préjudice résultant de cette qualification erronée, que la perte de revenu est assimilable à une perte de salaire qui comme telle est prescrite en application des dispositions des articles L.3245-1 et 2224 du code civil.
La demande initialement présentée comme tendant au remboursement de sommes indûment versées au titre des cotisations patronales, doit s'analyser non pas comme une demande d'arriérés de salaires mais comme une demande tendant à obtenir l'indemnisation d'un préjudice, subi du fait du comportement fautif des appelantes et par conséquent non soumises à la prescription quinquennale.
Au vu des pièces produites, attestations de cotisations sociales, factures, déclaration 2031, le premier juge a procédé à une exacte évaluation du préjudice subi par [W] [R] du fait de la qualification impropre de la relation contractuelle.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à [W] [R] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une somme du même montant pour les sommes non comprises dans les dépens qu'il a exposées en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions
Y AJOUTANT,
CONDAMNE les S.A SLOTA, S.A GYM, S.A.R.L TAXIS PARIS DAUPHINE, S..A.R.L LOIRE TAXIS à payer à [W] [R] la somme de 2 000 € en application l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE les S.A SLOTA, S.A GYM, S.A.R.L TAXIS PARIS DAUPHINE, S..A.R.L LOIRE TAXIS aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,