RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 04 Octobre 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04097 et 11/07881 - CM
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Février 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 09/08129
APPELANTE
SAS MFG RETAIL COMPAGNIE venant aux droits de la sas M+FG AGENCY
[Adresse 9]
[Localité 5]
Me Gérard PHILIPPOT - Administrateur judiciaire de la SAS MFG RETAIL COMPAGNIE venant aux droits de la sas M+FG AGENCY
[Adresse 3]
[Localité 4]
Me LELOUP THOMAS SELAFA MJA - Représentant des créanciers de la SAS MFG RETAIL COMPAGNIE venant aux droits de la sas M+FG AGENCY
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentés par Me Nicolas CZERNICHOW, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305
INTIMEE
Madame [D] [J]
[Adresse 7]
[Localité 10]
représentée par Me Delphine MARECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : R 153
PARTIE INTERVENANTE :
UNEDIC AGS-CGEA IDF OUEST
[Adresse 2]
[Localité 8]
représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Vincent JACOB, avocat au barreau de PARIS, toque : T10
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Septembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine MÉTADIEU, Présidente
Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
[D] [J] a été engagée par la société M+FG RETAIL COMPAGNIE, en qualité d'attachée commerciale, au sein du show-room de la marque M+FG AGENCY, selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 13 novembre 2007 à effet au 1er novembre 2007, ce alors qu'elle avait travaillé auparavant au sein de ce même show-room pour le compte de la société LARA STEFANEL depuis le 20 janvier 2004, en vertu de plusieurs contrats de travail à durée déterminée.
L'entreprise se trouve dans le champ d'application de la convention collective du commerce de détail de l'habillement.
Par courrier recommandé en date du 27 mars 2009, la société M+FG AGENCY a informé la salariée de ce que la prime de mars ne lui serait pas versée.
Elle signe alors avec l'ensemble des salariés une lettre de réclamation adressée au président de la société, lequel confirme que cette prime ne sera pas payée.
Par un courrier en date du 10 juin 2009, la société M+FG AGENCY a informé les salariés de son intention de dénoncer 'l'usage d'entreprise concernant les modalités de versement de la prime de saison', ce à l'issue d'un délai de trois mois, puis elle a remis à chacun d'eux une annexe au contrat de travail relatif à l'attribution d'une prime indexée sur la réalisation d'objectifs fixés pour chaque saison de ventes à compter de la signature et a fixé des objectifs à atteindre précisant leurs modalités de calcul.
[D] [J] n'a pas signé cet avenant et a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS.
Par jugement en date du 11 février 2010, le conseil de prud'hommes a :
- condamné les sociétés M+FG AGENCY et MFG RETAIL COMPAGNIE à payer à [D] [J] les sommes de :
' 3 423 € à titre d'indemnité de qualification,
' 3 293 € à titre de prime de saison pour le mois de mars 2009
' 6 586 € à titre de prime de saison pour le mois de septembre 2009
' 987,90 € au titre des congés payés afférents
- s'est mis en partage de voix concernant les heures supplémentaires, l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, et l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés M+FG AGENCY et MFG RETAIL COMPAGNIE ont interjeté appel par déclaration du 7 mai 2010 et [D] [J] par déclaration du 12 juillet 2011, après avoir fait le 13 mai 2011 l'objet d'un licenciement pour motif économique.
Concomitamment, le 14 mars 2011, la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE a proposé à [D] [J] la modification de son contrat de travail pour motif économique, puis l'a convoquée le 18 avril 2011, pour le 3 mai suivant à un entretien préalable à un éventuel licenciement et a lui a enfin adressé la 'notification conditionnelle' de son licenciement par lettre recommandée datée du 23 mai 2011.
Le redressement judiciaire de la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE qui vient aux droits de la société M+FG AGENCY a été prononcé le 10 mai 2012.
La S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE, Maître [S] [O], la SELEFA MJA prise en la personne de Maître [M] en qualité de mandataire judiciaire demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :
- juger que l'usage concernant le versement d'une prime de saison a été régulièrement dénoncé par la société M+FG AGENCY
- constater que la dénonciation de l'usage a pris effet au mois de septembre 2009
- juger irrecevable la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
- juger que la rupture pour motif économique du contrat de travail est fondée
Par conséquent,
- réduire sa condamnation à la somme de 3 293 €
- infirmer les autres dispositions du jugement déféré
- débouter l'appelante de ses demandes à l'exception de celle concernant la prime de saison de mars 2009
- condamner cette dernière au remboursement de la somme qu'elle a versée au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré, déduction faite du montant de la prime de mars 2009
- condamner l'appelante au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
[D] [J] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de fixer au passif de la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE les sommes suivantes :
- 3 423 € d'indemnité de requalification
- 3 293 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de mars 2009
- 6 586 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de septembre 2009
- 987,90 € au titre des congés payés afférents,
Y ajoutant,
- 6 586 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de mars 2010
- 6 586 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de septembre 2010
- 6 586 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de mars 2011
- 1 975 € au titre des congés payés afférents
- 22 186 € d'indemnité pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,
- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE étant déboutée des ses demandes reconventionnelles.
L'UNEDIC délégation AGS-CGEA IDF OUEST sollicite l'infirmation du jugement, le débouté de [D] [J] de l'ensemble de ses demandes, et demande à la cour, s'il y a lieu à fixation, de dire qu'elle sera tenue dans les limites et conditions de sa garantie légale, de juger que sa garantie ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens de l'article L.3253-6, les astreintes, dommages-intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur et l'article 700 du code de procédure civile étant exclues de garanties, juger que sa garantie, toutes créances confondues ne pourra excéder 6 fois le plafond des cotisations maximales du régime d'assurance chômage en vertu des dispositions des articles L.3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.
MOTIVATION
Sur la jonction
Il est d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction entre les appels interjetés successivement par chacune des parties.
Sur la demande de requalification
Selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée indéterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
L'article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°), l'accroissement temporaire d'activité (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois(3°).
Selon l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa 1, L.1243-11 alinéa 1, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4 du même code.
[D] [J] verse aux débats les contrats de travail à durée déterminée par lesquels elle a été successivement liée à la société LARA STEFANEL, dont les dates et la durée sont les suivantes :
- 23 mars 2003, pour la période du 20 janvier au 8 mars 2004 (en qualité d'habilleuse)
- 9 juin 2004, pour la période du 28 juin au 13 septembre 2004 (en qualité d'habilleuse)
- 10 janvier 2005, pour la période du 17 janvier au 8 mars 2005 (en qualité d'habilleuse)
- 27 juin 2005, pour la période du 27 juin au 12 septembre 2005 (en qualité d'habilleuse)
- 17 janvier 2006, pour la période du 17 janvier au 13 mars 2006 (en qualité d'attachée commerciale)
- le 2 mai 2006, pour la période du 2 mai au 30 avril 2007 (en qualité d'attachée commerciale), ce dernier contrat faisant l'objet d'un avenant de prorogation jusqu'au 31 décembre 2007.
Force est de constater qu'il n'est pas justifié de la réalité du motif invoqué dans chacun des contrats, à savoir un surcroît d'activité ou pour les premiers d'entre eux, une activité saisonnière.
Il convient donc d'ordonner la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 17 janvier 2006 et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accordé à [D] [J] la somme de 3 423 € à titre d'indemnité de requalification, conformément aux dispositions de l'article L.1245-1 du code du travail.
Sur les primes de saison
[D] [J] expose qu'une prime lui était versée par l'employeur chaque année depuis 2007, qu'elle figurait sur ses bulletins de salaire, que cette prime est contractuelle du fait de sa fixité et de sa constance qui en font un élément de rémunération continue, que son montant était de 3 293 € par saison, n'ayant pas encore accompli six saisons, montant dû jusqu'en mars 2009, puis aurait dû être de 6 586 € à compter de septembre 2009, que la directrice des ressources humaines, elle-même, en a confirmé le principe dans un courrier adressé à une autre salariée de la société en décembre 2008, qu'il était tenu compte de son montant pour évaluer le montant de la rémunération annuelle perçue par un salarié.
Elle soutient que la dénonciation de cette prime par la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE le 10 juin 2009 est inefficace et ne pouvait entraîner sa suppression, eu égard au caractère contractuel de cette prime, qu'elle était fondée à refuser la proposition de modification du contrat de travail notifiée le 4 août 2010 et à solliciter le versement de cette prime au titre des années 2009 et 2010.
Subsidiairement, elle fait observer qu'en tout état de cause, compte tenu des termes de la dénonciation, les modalités de versement de la prime de saison, bi-annuelle, ne sauraient être remises en cause qu'au-delà du mois de septembre 2009.
La S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE réplique que le contrat de travail ne prévoyait pas le versement d'une prime de saison, que cette prime était versée en vertu d'un usage qui en aucun cas n'a été incorporé dans le contrat de travail et qu'elle a régulièrement dénoncé cet usage par courrier du 10 juin 2009, que seule la prime de mars 2009 n'est pas, compte tenu du délai de dénonciation, concernée, que s'agissant des primes suivantes, elles ne sont pas dues dès lors que les objectifs fixés n'ont pas été atteints.
La S.A.S RETAIL COMPANY a, le 10 juin 2009, adressé aux salariés la lettre suivante :
' Nous vous informons par la présente que la MFG RETAIL entend dénoncer l'usage d'entreprise concernant les modalités de versements de la prime de saison intitulée prime exceptionnelle sur votre bulletin de salaire, que vous percevez en mars et septembre de chaque année.
Nous vous informons que cette dénonciation prendra issue d'un préavis de trois mois, courant à compter de la réception du présent courrier.
Nous vous préciserons à brefs délais les modalités selon lesquelles vous sera désormais attribuée la part variable de votre rémunération'.
Il résulte des termes de cette lettre que l'employeur ne remet en cause ni le principe même du versement de la prime de saison versée jusqu'alors aux salariés, ni ses conditions d'octroi, objectifs et périodicité notamment, mais uniquement ses modalités de versement, sans autre précision.
La dénonciation effectuée par la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE est dès lors inopérante en ce qu'elle ne mentionne pas expressément que la prime de saison devra pour l'avenir être subordonnée à la fixation d'objectifs, mesure qui à l'évidence n'est pas constitutive d'une modalité de versement mais s'analyse comme une condition permettant le bénéfice même (ou non) de la prime.
La cour relève de plus qu'en tout état de cause, la décision de fixer des objectifs par l'employeur a indirectement pour effet de diminuer notablement et de manière déloyale la rémunération des salariés, eu égard au risque pour eux de ne pas atteindre des objectifs qui ne sont pas définis dans la dénonciation de l'usage et qui de surcroît, seront d'autant plus irréalisables que la société elle-même les justifie par une baisse de résultats liés au contexte économique.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à [D] [J] les sommes de 3 293 € à titre de prime de saison pour le mois de mars 2009, 6 586 € à titre de prime de saison pour le mois de septembre 2009, et 987,90 € au titre des congés payés afférents et y ajoutant d'accorder à cette dernière 6 586 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de mars 2010, la même somme au titre des rappels de prime de saison pour le mois de septembre 2010 et mars 2011, outre 1 975,60 € de congés payés afférents.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée en ces termes :
' Dans le cadre de la réorganisation de MARITHE+FRANÇOIS GIRBAUD, liée aux difficultés économiques et financières graves que rencontre le groupe, vous avez été convoquée à un entretien préalable de licenciement le 26 avril 2011.
Au cours de cet entretien, qui s'est tenu le 3 mai 2011, nous vous avons exposé les motifs qui nous ont conduits à envisager votre licenciement.
Fondée en mars 2008, la société M+FG AGENCY est une filiale de la société MFG RETAIL COMPAGNIE. Elle exerce l'activité d'agent commercial pour le compte des sociétés GIR + A&F et CRAVATATAKILLER, pour le territoire France et « grand export ».
En 2010, ces deux sociétés, qui développent, produisent et vendent les vêtements et accessoires de la marque MARITHE +FRANÇOIS GIRBAUD, ont représenté 85 % du revenu.
Or, le chiffre d'affaires respectives de ces deux sociétés a baissé de façon importante au cours des deux dernières années :
- CRAVATATAKILLER : 26,7 M€ en 2008,25,1 M€ en 2009, 21,9 M€ en 2010 (avec une prévision d'environ 20 M€ pour l'année 2011).
- GIR + A&F : 30,2 euros en 2008 (pour une seule saison), 36,2 euros en 2009, 32,5 euros en 2010 (avec une prévision d'environ 31 €pour 2011). Cette baisse du chiffre d'affaires se répercute mécaniquement sur M+FG AGENCY, qui reçoit des commissions calculées sur les ventes encaissées.
Ainsi, les commissions calculées représentaient 2,2 M€ pour l'année 2009 et 1,9 M€ pour l'année 2010. La prévision pour 2011 est d'environ 1,8 M€.
De surcroît, en raison du retard d'encaissement des ventes par les sociétés GIR + A&F et CRAVATATAKILLER (qui subissent elles-mêmes d'importantes difficultés économiques et de trésorerie), M+FG AGENCY n'a pu percevoir l'intégralité de ses commissions (en 2010 GIR+A&F s'est acquitté de moins de 50 % de ses commissions).
Parallèlement, les charges fixes de M+FG AGENCY se sont maintenues, voire alourdies, en particulier, ces charges de personnel, passant de 1,2 euros en 2009 à 1,6 euros en 2010, étant précisé que ces charges ont représenté plus de 80 % des commissions qui lui étaient dues en 2010.
En ce qui concerne l'activité propre de M+FG AGENCY, le volume des ventes générées par les prises d'ordres du showroom de [Localité 14] a baissé de façon significative entre 2009 et 2010 (de 21,5 M€ à 18,4 M€), aggravant ainsi la dégradation de la situation économique globale du groupe.
Dans ce contexte et en l'absence de perspectives de reprise à court terme, la société M+FG AGENCY doit faire face à des difficultés financières importantes, avec une perte consolidée de 900'000 € au terme de l'exercice 2010.
Un plan d'économies sur les frais de fonctionnement du showroom est en conséquence mis en oeuvre.
Une réorganisation de l'activité commerciale est également envisagée.
Ces mesures seront cependant insuffisantes et nous sommes de ce fait contraints aujourd'hui d'adopter une politique de réduction des charges de personnel, qui constituent l'essentiel des charges fixes de M+FG AGENCY.
Cette réorganisation nous a conduit à vous proposer la modification de votre contrat de travail en date du 14 mars 2011 que vous avez refusée.
Vous avez également refusé les offres de reclassement que nous vous avions adressées le 26 avril dernier.
C'est pourquoi, nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique'.
En application de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou, dans certaines conditions, à une cessation d'activité.
La réorganisation d'une entreprise, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de sa compétitivité ou de celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.
Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, ses difficultés économiques doivent être appréhendées dans le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.
Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans des entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Les offres de reclassement doivent être écrites et précises.
[D] [J] fait valoir que la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE ne justifie pas des difficultés économiques alléguées au moment du licenciement, que la société n'établit pas le lien entre ces difficultés et la modification du contrat de travail proposée, qu'elle n'a pas respecté son obligation de reclassement.
Le 18 avril 2011, la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE a proposé à [D] [J] :
un poste de commercial, moyennant un salaire de 1 950 €, poste correspondant à celui qu'elle a refusé dans le cadre de la proposition de modification de son contrat de travail ainsi qu'un poste de vendeuse moyennant un salaire de 2 000 € bruts.
Elle n'a pas accepté ces deux propositions.
Outre le fait qu'il résulte du rapport à destination du tribunal de commerce concernant la société CRAVATATAKILLER, holding française du groupe WURZBURG de droit luxembourgeois que les difficultés économiques rencontrées par les différentes sociétés du groupe, parmi lesquelles la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE, sont en réalité la conséquence de difficultés rencontrées par les sociétés de droit italien et du fait que le groupe, dans un contexte de crise en 2008, a entrepris une restructuration sur la base d'un chiffre d'affaires qu'il a surestimé, il y a lieu de constater qu'en limitant à deux propositions l'offre de reclassement, sans effort de recherche non seulement au sein des sociétés françaises de la holding CRAVATATAKILLER, constituée, selon ce même rapport, de cinq sociétés dont trois sont françaises et deux italiennes, mais du groupe entier, la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, observation étant faite de surcroît que ses effectifs ont augmenté de façon notable postérieurement au licenciement.
Le licenciement de [D] [J], dans ces conditions, est, non pas entaché de nullité, les éléments versés aux débats ne permettant pas de démontrer que l'employeur se soit rendu coupable d'une violation manifeste d'une liberté fondamentale de la salariée, au sens de l'article 6 de la CEDH, mais dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il convient par conséquent d'allouer à [D] [J] la somme de 22 186 € bruts, et non pas nets, ainsi qu'elle le sollicite, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Sur la garantie de l'AGS
Le présent arrêt sera opposable à l'AGS dans la limite des dispositions des articles L.3253-6 et suivants et D.3253-5 du code du travail, lesquelles excluent en particulier l'indemnité de procédure.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande d'allouer à [D] [J] la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (somme exclue de la garantie de l'UNEDIC délégation AGS-CGEA IDF OUEST).
PAR CES MOTIFS
ORDONNE la jonction entre les instances enrôlées sous les n° 10/01097 et 11/07881
CONFIRME le jugement du chef des condamnations au paiement d'une indemnité de requalification, des primes de saison des mois de mars et septembre 2009,
Y AJOUTANT
FIXE au passif de la S.A.S. MFG RETAIL COMPAGNIE les sommes suivantes :
- 6 586 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de mars 2010
- 6 586 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de septembre 2010
- 6 586 € à titre de rappel de prime de saison pour le mois de mars 2011
- 1 975,60 € au titre des congés payés afférents
- 22 186 € d'indemnité pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse
- 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
DIT que ces éléments de créances, à l'exception de la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sont opposables à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA IDF OUEST dans les limites et conditions de sa garantie légale
AFFECTE les dépens aux passif de la SAS MFG RETAIL COMPAGNIE.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,