La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/09/2012 | FRANCE | N°11/02677

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 13 septembre 2012, 11/02677


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 13 Septembre 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/02677 - CM



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mars 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG n° 06/04959



APPELANT

Monsieur [T] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Chantal LANGERON, avocat au barreau d'ORLE

ANS



INTIMEE

SARL PUB SUFFREN

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Thierry YGOUF, avocat au barreau de CAEN, toque : 16



COMPOSITION DE LA COUR :



En applic...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 13 Septembre 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/02677 - CM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mars 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG n° 06/04959

APPELANT

Monsieur [T] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Chantal LANGERON, avocat au barreau d'ORLEANS

INTIMEE

SARL PUB SUFFREN

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Thierry YGOUF, avocat au barreau de CAEN, toque : 16

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine METADIEU, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 22 mars 2012

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

[T] [V] a été engagé à compter du 1er janvier 2001, par la S.A.R.L PUB SUFFREN, qui exploite un bar restaurants sous l'enseigne VIN ET MARÉE, en qualité de poissonnier-fileteur, selon un contrat de travail verbal.

L'entreprise se trouve dans le champ d'application de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants.

A la fin de l'année 2004, la S.A.R.L PUB SUFFREN a demandé à [T] [V] de diversifier ses fonctions en effectuant des achats de compléments de poissons à [Localité 6], lorsqu'il récupérait les colis de poissons.

En novembre 2005, ce dernier a refusé de poursuivre cette tâche complémentaire.

Après plusieurs échanges écrits entre les parties, la S.A.R.L PUB SUFFREN, invoquant des difficultés économiques, lui a proposé une modification de son contrat de travail qu'[T] [V] a accepté sous réserve que soit régularisé un contrat de travail écrit et que lui soit accordée une augmentation de 500 € par mois.

C'est dans ces conditions que [T] [V] a été convoqué le 9 février 2006, pour le 21 février suivant à un entretien préalable à un éventuel licenciement au cours duquel lui a été présentée une convention de reclassement personnalisé.

Il a accepté cette convention le 6 mars 2003 et a reçu notification de son licenciement par lettre recommandée, datée du 7 mars 2006.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, [T] [V] a, le 19 avril 2006, saisi le conseil de prud'hommes de PARIS afin d'obtenir le paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif, de dommages-intérêts pour retenues injustifiées sur salaire, d'une indemnité relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 4 mars 2009, le conseil de prud'hommes a débouté [T] [V] de l'ensemble de ses demandes.

Régulièrement appelant de cette décision, [T] [V] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- condamner la S.A.R.L PUB SUFFREN à lui payer les sommes de :

' 30 000 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif

' 10 000 € de dommages-intérêts pour son préjudice résultant de retenues injustifiées sur ses salaires

' 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- débouter la S.A.R.L PUB SUFFREN de toutes ses demandes, fins et conclusions.

La S.A.R.L PUB SUFFREN sollicite, à titre principal la confirmation du jugement et le débouté de [T] [V] de l'intégralité de ses demandes.

Elle demande à la cour, à titre subsidiaire, de réduire le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à six mois de salaire et, en tout état de cause, de condamner [T] [V] au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

MOTIVATION

[T] [V] soutient qu'il a été sanctionné deux fois pour les mêmes faits dès lors qu'il ressort clairement des termes de la lettre du 23 novembre 2005 et de la lettre de licenciement que l'employeur lui a reproché à chaque fois d'avoir refusé d'exercer les fonctions d'aide acheteur et livreur en plus de celles de poissonnier fileteur pour lesquelles il avait été engagé, que tant en novembre qu'en décembre l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire, que c'est à la suite de ses contestations et compte tenu de ce que la voie disciplinaire était éteinte, qu'il a cru pouvoir se placer sur le terrain économique, qu'il convient donc de rechercher en présence de la coexistence entre deux motifs la cause première et déterminante du licenciement.

La S.A.R.L PUB SUFFREN quant à elle réplique que la lettre du 23 novembre 2005 n'est pas une sanction disciplinaire, mais une simple mise en demeure de remplir les tâches d'aide acheteur et de livreur que [T] [V] exerçait jusqu'alors, que sa bonne foi résulte du fait qu'elle a, dès la réception du courrier de ce dernier manifestant son désaccord, révisé sa position.

Il résulte des échanges entre les parties, que par courrier du 23 novembre 2005, la S.A.R.L PUB SUFFREN a reproché à [T] [V] son comportement 'inexplicable', selon elle, à savoir de refuser d'acheter ponctuellement du poisson et de livrer les poissons préparés aux trois restaurants du groupe, que toutefois si l'employeur a indiqué que ce courrier avait une nature disciplinaire, il a, à la suite du courrier en réponse du salarié, admis qu'effectivement, il effectuait ces nouvelles tâches, en sus de son activité de poissonnier fileteur pour lesquelles il avait été embauché initialement, renonçant alors à mettre en oeuvre une quelconque sanction disciplinaire, qu'elle a alors décidé de proposer une modification de son contrat de travail, invoquant alors des difficultés économiques.

C'est donc en vain au regard des courriers successifs échangés entre les parties, qu'[T] [V] allègue qu'il a été sanctionné le 23 novembre 2005, la S.A.R.L PUB SUFFREN n'en ayant tiré aucune conséquence au plan disciplinaire. Il ne peut donc se prévaloir de la règle «non bis in idem», l'employeur pouvant dès lors mettre en oeuvre une procédure de licenciement pour motif économique à son encontre.

En application de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou, dans certaines conditions, à une cessation d'activité.

La réorganisation d'une entreprise, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de sa compétitivité ou de celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, énonce :

'Notre société vous informe qu'elle prononce votre licenciement économique pour suppression de votre poste d'emploi et impossibilité totale de procéder à votre reclassement...'.

La S.A.R.L PUB SUFFREN invoque la baisse de chiffre d'affaires subi par l'ensemble des restaurants à enseigne Vin et Marée, et pour certains d'importantes difficultés financières qu'elle-même a rencontrées et précise :

' L'ensemble des restaurants à enseigne « vin et marée » ont subi des baisses de chiffre d'affaires et pour certains d'importantes difficultés financières.

Afin d'organiser le redressement de l'ensemble des restaurants, il a été fait appel à un nouvel associé en l'occurrence la société C. C. C. dont le gérant est Monsieur [L] [U].

Malgré l'apport de cet associé, il nous a été nécessaire de supprimer dans certaines des sociétés à enseigne « vin et marée » des postes d'emploi et à réorganiser quasiment toutes les unités de service.

Notre société a subi les mêmes difficultés économiques en matière de chiffre d'affaires.

Vous étiez engagé depuis le 1er janvier 2001 en qualité de poissonnier-fileteur niveau 3 échelon 2 non-cadre; depuis au moins une année vous avez accepter d'exercer les fonctions de poissonnier et d'aide acheteur livreur et dans le courant d'octobre 2005 et novembre 2005, vous avez décidé de cesser d'exercer la polyvalence de fonction acheteur et livreur tant qu'une solution satisfaisante pour vous n'était pas trouvée (en ce sens votre courrier du 2 décembre 2005).

Votre décision de ne plus accepter d'exercer les fonctions polyvalentes de poissonnier fileteur et d'acheteur livreur posait à notre société un énorme problème car comme nous vous l'avions dit nous n'avions plus l'utilité d'avoir un poste de poissonnier fileteur à temps complet ; vos occupations d'aide acheteur livreur représentaient au moins la moitié de votre temps de travail.

Nous vous avons en conséquence proposée la modification de votre contrat de travail dans le cadre de l'article L. 321-1-2 du code du travail en vous proposant d'accepter définitivement d'exercer les fonctions polyvalentes que vous assumiez jusqu'au mois d'octobre 2005. Cette proposition vous a été adressée en courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 décembre 2005.

Le 30 décembre 2005, vous répondez à cette proposition en disant que vous l'acceptez sous deux conditions impératives sans lesquelles vous vous verriez contraints de refuser notre proposition de modification de contrat.

Votre première condition est une augmentation de 500 € mensuels et votre seconde condition était qu'il vous soit rédigé un contrat écrit.

Le 19 janvier 2006 notre société vous répond qu'il n'est pas possible pour elle d'accéder à votre demande d'augmentation de salaire et vous laisse un délai supplémentaire pour votre prise de décision.

Le 24 janvier 2006 vous nous adressez un nouveau courrier dans lequel vous nous dites que vous acceptez la proposition de modification de votre contrat de travail mais toujours sous réserve d'obtenir une augmentation mensuelle de 500 €.

Du 24 janvier 2006 au 9 février 2006, vous n'avez toujours pas repris les fonctions polyvalentes proposées et notre société vous a convoqué à un entretien dans le cadre d'une procédure économique, nonobstant le jour, l'heure, le lieu de l'entretien et vos droits d'assistance, votre lettre de convocation vous précisait ce qui suit :

« Notre société a pris acte de votre refus d'accepter la modification de votre contrat de travail qui vous avait été proposée'

Nous nous voyons dans l'obligation en conséquence d'envisager la suppression totale de votre poste d'emploi de poissonnier fileteur et si aucun autre poste d'emploi ne pouvait vous être proposé à titre de reclassement, de procéder vraisemblablement à votre licenciement »...

La possibilité de votre reclassement par l'acceptation d'une polyvalence de fonction d'aide acheteur livreur s'avérant définitivement rejetée par vous, ces tâches seront confiées définitivement à un autre salarié de la société, et compte tenu des difficultés économiques de notre société et plus généralement de l'ensemble des sociétés à enseigne « vin et marée », notre société ne pouvant vous proposer d'autres postes de reclassement a décidé de supprimer les fonctions résiduelles de votre poste de poissonniers fileteur (nous vous rappelons que depuis un an au moins cette fonction ne représentait plus que la moitié de votre temps de travail) et de prononcer votre licenciement économique pour refus d'acceptation de la proposition de reclassement qui vous avait été soumise et suppression définitive de votre poste d'emploi avec impossibilité totale et définitive de vous proposer tout autre moyen de reclassement...'.

Outre que la baisse du chiffre d'affaires ne saurait constituer un motif économique au sens des dispositions ci-dessus rappelées, en l'espèce, le gérant de la S.A.R.L VIN et MAREE et de la holding VIN et MAREE, indique dans son rapport de gestion que l'exercice clos le 30 juin 2005 est globalement plus satisfaisant que l'exercice précédent, avec une augmentation du chiffre d'affaires, et prouve un redressement certain, malgré un résultat d'exploitation nettement déficitaire, et ajoute, concernant le restaurant géré par la S.A.R.L PUB SUFFREN, fermé en 2004 à la suite d'un incendie, qu'il est 'redevenu un bel établissement', avec le retour de son ancienne clientèle.

L'examen des comptes de l'exercice 2006 de la S.A.R.L PUB SUFFREN confirme ces affirmations en ce que le résultat d'exploitation est de 44 911 € alors qu'il était de 20 407 € lors de l'exercice précédent, la perte enregistrée de 54 743 € étant due à des charges exceptionnelles (en opérations de gestion), et d'une dotation de 32 000 € pour un litige prud'homal.

Il en résulte que la preuve des difficultés économiques dont se prévaut la S.A.R.L PUB SUFFREN pour justifier de la modification du contrat de travail d'[T] [V] n'est pas établie et que dès lors le refus de cette modification opposé par ce dernier ne peut fonder son licenciement lequel se trouve donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à [T] [V], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 29 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

[T] [V] fait valoir que depuis son entrée dans l'entreprise, il est mentionné sur ses bulletins de paie et effectivement déduit de son salaire une compensation en nature, à savoir un repas, dont il n'a jamais pu bénéficier puisqu'il travaillait de nuit et sollicite par conséquent une somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts.

Or ce dernier ne démontre pas en quoi il n'aurait pas été en mesure de bénéficier de cet avantage quand bien même il effectuait son travail de nuit.

Il sera donc débouté de cette demande.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur d'[T] [V] auquel il sera alloué la somme de 2 000 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement déféré,

DIT le licenciement d'[T] [V] sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la S.A.R.L PUB SUFFREN à payer à [T] [V] les sommes de :

- 29 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

DÉBOUTE [T] [V] de sa demande de dommages-intérêts pour retenues injustifiées sur son salaire

CONDAMNE la S.A.R.L PUB SUFFREN aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/02677
Date de la décision : 13/09/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°11/02677 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-13;11.02677 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award