RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 13 Septembre 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04970 - MAC
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Décembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/15148
APPELANTE
Madame [I] [R]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Marie-laure TIROUFLET-DE BUHREN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0021
INTIMES
Monsieur [P] [M] (SELARL)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Monsieur [K] [Z] (SELARL)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Monsieur [U] [E]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Madame [C] [T]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentés par Me Yves LACHAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : W06
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 22 mars 2012
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [R] est médecin anesthésiste réanimateur.
Alléguant avoir travaillé entre mars 2005 et décembre 2008, dans le cadre d'un lien de subordination d'abord à l'égard des docteurs [M], [Z], puis à compter de Janvier 2008 à l'égard de Mme [T], Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir prononcer la requalification des contrats de remplacement en exercice libéral en contrat de travail à durée indéterminée par employeurs conjoints, en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement d'indemnités diverses.
Par un jugement du 16 Décembre 2009, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Mme [R] de ses demandes.
Régulièrement appelante de ce jugement, Mme [R] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de requalifier les contrats de remplacement en exercice libéral en contrat de travail à durée indéterminée par employeurs conjoints, en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement d'indemnités diverses et, à titre subsidiaire, sollicite que la cour qualifie la rupture des relations contractuelles à l'initiative des médecins de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Elle demande, en conséquence, la condamnation solidaire des docteurs [M], [E], [Z] et [T] à lui verser les sommes suivantes:
- 38 978,80 € au titre du rappel pour les congés payés sur la période du 1er Janvier 2004 au 1er Janvier 2009,
- 21 928 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,
- 15 105,88 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 7 309,30 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,
- 175 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-5 du Code du travail,
- 20 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les docteurs [M], [E], [Z] et [T] concluent tous à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de Mme [R] à leur verser à chacun la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS :
Sur la demande de rejet des pièces 59 et 63 :
Les pièces dont il est demandé le rejet pour communication tardive sont :
- un article émanant d'un site internet intitulé «le remplacement médical, conseils, pratiques et astuces,
- une réponse faite sur un blog à la question 'un médecin collaborateur peut-il être salarié' '
- un arrêt de la cour d'appel de la chambre sociale de la cour d'appel de Montpellier en date du 5 juin 2001,
- un article écrit par Maître [Y] et paru dans la Gazette du Palais les 6 et 7 Mai 2009,
- le certificat de Professeur [F] [S] chef du département d'anesthésie du groupe hospitalier Pitié Salpétrière, en date du 19 Juin 2012 pour attester des qualités professionnelles de Mme [R] et pour soutenir sans réserve sa candidature au poste de praticien hospitalier temps plein.
Les quatre premières pièces citées étaient pour l'essentiel accessibles tant aux praticiens du droit qu'à un public plus large et notamment aux médecins concernés par la question de la nature des relations pouvant exister entre eux dès lors qu'il s'agit de documents trouvés sur Internet.
Le conseil des médecins intimés avait au surplus une parfaite connaissance de l'article paru dans la Gazette du Palais pour en être l'auteur.
Les éléments contenus dans ces documents pouvaient être connus des parties en présence et le respect du contradictoire n'est pas entravé par la production de ce documents ouverts à un large public.
La dernière pièce a pour intérêt d'actualiser la situation de Mme [R] et par suite de permettre d'apprécier, si besoin en est, l'étendue de son préjudice.
Le fait qu'elle ait pu retrouver une activité professionnelle est au surplus favorable aux deux parties et ne peut préjudicier aux intérêts des intimés.
La demande de rejet des pièces en cause ne sera pas accueillie favorablement.
Sur la demande de requalification des contrats de remplacement en exercice libéral en contrat de travail à durée indéterminée :
Il convient tout d'abord de relever que d'après les documents produits, Mme [R] a signé une seule fois des contrats de remplacement avec les SELARL Dr [M] et Dr [Z] et le Dr [E], courant mars 2005 à compter du 31 mars 2005 et ce pour une durée de trois mois.
Aux termes des articles 2 et 12 des dits contrats, il était expressément spécifié que « le renouvellement du contrat de remplacement sera authentifié par un document écrit par les deux praticiens, » [...] le contrat de renouvellement devant lui aussi être soumis préalablement à l'autorisation de l'Ordre des médecins de Paris».
Aucun contrat de renouvellement n'a été établi, ni aucune autorisation n'a été demandée à l'Ordre des médecins de Paris.
Pour autant, il est admis par les parties que le docteur [R] est intervenue, au cours de certaines demi- journées chaque semaine au sein de la clinique du Louvre aux lieu et place, des docteurs [M], [E] et [Z] à compter de 1998 et du docteur [T] à compter du mois de Janvier 2008 et ce jusqu'en décembre 2008.
L'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité litigieuse.
De façon plus générale, le contrat de travail se définit comme la convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération.
Outre l'exercice d'une activité professionnelle et la perception d'une rémunération, c'est le lien de subordination qui constitue l'élément déterminant du contrat de travail seul susceptible de le différencier d'autres contrats comportant l'exécution d'une prestation rémunérée.
Ce lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Les intimés contestent la réalité d'un contrat de travail, affirmant que Mme [R] est intervenue comme médecin anesthésiste remplaçant en libéral.
Ils précisent que Mme [R] prétend à tort avoir perçu une rémunération fixe et régulière dès lors qu' elle percevait en contrepartie de ces prestations outre un montant de rétrocession d'honoraires forfaitaire, une part variable égale à 10 % des dépassements d'honoraires facturés par elle lors de la consultation auprès des patients. Ils en concluent que cette facturation libre des dépassements d'honoraires est incompatible avec le statut de salarié; cette prérogative étant réservée aux seuls praticiens libéraux.
Ils font valoir par ailleurs que les anesthésistes ne disposent jamais d'une clientèle personnelle directe celle-ci étant en réalité générée par les autres spécialistes qui font appel, pour leurs patients à tel ou tel anesthésiste, que si les feuilles de soins utilisées étaient au nom du médecin remplacé, ces noms ont été rayés par Mme [R] qui inscrivait le sien ce qui établit qu'elle avait une identité professionnelle réelle vis-à-vis des patients.
Ils soutiennent que Mme [R] a assumé 4 à 5 vacations de remplacement par semaine ce qui lui laissait la possibilité d'exercer son activité ailleurs qu'à la clinique du Louvre et en relation avec d'autres praticiens.
S'agissant des modalités d'exercice de l'activité, ils relèvent que Mme [R] intervenait dans un service organisé par la clinique et non par eux, dès lors, d'une part, qu'ils fonctionnent en toute indépendance les uns par rapport aux autres, d'autre part, que toutes les contraintes s'imposant à Mme [R], comme à eux mêmes résultent de l'organisation nécessaire au sein de l'établissement sanitaire.
Ils contestent avoir jamais exercé un quelconque pouvoir de direction et de contrôle, en l'absence de toute structure commune des anesthésistes, la masse commune d'honoraires entre la SELARL [M], La SELARL Dr [Z] et le Dr [E] ne concernant pas l'organisation du travail, laquelle relève du seul ressort de la clinique.
En tout état de cause, ils font observer que Mme [R] a librement fixé les modalités de son activité dès lors qu'elle n'a jamais souhaité participer aux gardes du week-end, de nuit ou des jours fériés, qu'elle a exercé ses remplacements en fonction de ses disponibilités ou de ses choix de vacances, qu'enfin ils ont simplement été amenés à informer Mme [R] des erreurs et oublis de cotation de sa part préjudiciables pour la clinique et les clients.
Enfin, ils font observer que la rupture des relations professionnelles résulte du seul refus de Mme [R] de poursuivre ses remplacements à titre libéral en dépit des correspondances qui lui ont été adressées le 19 Décembre 2008 pour lui proposer la signature de contrats de remplacement.
D'après les éléments communiqués, il apparaît que les quatre intimés exercent leur activité en tant qu'anesthésistes du secteur « gastro » de la clinique du [4], qu'ils sont les interlocuteurs de la direction de la clinique s'agissant des modalités de leurs interventions.
Un document communiqué intitulé « communication à la CME du mardi 8 juillet 2008» montre que «des entretiens des réunions ont eu lieu entre la direction et les quatre médecins anesthésistes plein-temps du secteur gastro de la clinique afin de préciser les conditions et les objectifs qui présidaient courant 2007 à la décision conjointe de la clinique et des trois médecins plein-temps du recrutement d'un quatrième anesthésiste contractuel associé de plein droit »et « pour offrir aux patients une information préalable transparente quant à leurs honoraires conformément à l'évolution récente du code de la santé publique. » Ce document avait « pour finalité, en total accord avec la direction de définir les règles de fonctionnement des quatre médecins pour les consultations et les actes techniques».
Il était notamment spécifié que « la décision d'intégrer un quatrième plein-temps avait notamment pour objectif « d'accroître et de pérenniser le potentiel humain de l'équipe du service d'anesthésie[...]».
Il en résulte que bien qu'exerçant à titre libéral et de manière indépendante, les quatre médecins anesthésistes du secteur «gastro» de la clinique formaient une équipe et étaient amenés à organiser entre eux leurs interventions respectives ainsi que celles de ceux qui pouvaient être amenés à intervenir en leurs lieux et places en tenant compte des besoins des chirurgiens et des contraintes gérées par le chef de bloc.
Dans le cadre de leur organisation propre, et dans le respect de ces contraintes extérieures, ils avaient la maîtrise de l'élaboration de leurs plannings d'intervention et des actions des anesthésistes intervenant en leurs lieux et places.
L'examen des documents communiqués montre que Mme [R] est intervenue, au niveau des consultations, au niveau du bloc, aux lieu et place de l'un ou l'autre des quatre anesthésistes, et ce, à raison de plusieurs demi-journées chaque semaine, ses interventions pouvant avoir lieu indifféremment, au cours des jours de semaine en dehors du dimanche, des nuits et des jours fériés.
À titre d'exemples pour le mois de janvier 2008, elle est intervenue aux lieu et place
- du Dr [T] à raison de 13 demi-journées,
- du Dr [E], trois demi-journées ,
- du Dr [M], 1,5 demi-journées,
- du Dr [Z], deux demi-journées.
Au cours du mois de février 2008, elle a assuré aux lieu et place,
- du Dr [T], 1,95 demi-journéees,
- du Dr [M], 7 demi-journées
- du Dr [E] 7 demi-journées,
- du Dr [Z], 5 demi-journées.
Mme [A], secrétaire médicale en formation dans le service des consultations d'anesthésie de mars 2007 à mars 2008 atteste qu' « à l'arrivée du Dr [T], le planning du Dr [R] a été modifié par les docteurs [M], [Z] et [E]».
Ce témoin précise que « le docteur [R] passait la majorité de son temps en consultation, cela lui étant imposé par les docteurs [M], [Z], [E] [....] et par le Dr [T], qu'elle faisait de très nombreuses heures de consultation voire même des journées entières qui pouvaient durer tard le soir parfois jusqu'à 20h00 à raison d'un rendez-vous toutes les 10 minutes sans qu'aucun autre anesthésiste ne vienne la remplacer ou l'aider, qu'elle se retrouvait au bloc opératoire surtout le samedi car les autres anesthésistes ne souhaitaient pas faire les permanences du samedi».
Il résulte en conséquence de ces éléments que Mme [R] travaillait selon les plannings décidés par les anesthésistes titulaires, en fonction de leurs propres interventions au regard des sujétions résultant de l'exercice de leurs fonctions au sein de la clinique, qu'elle ne disposait d'aucune latitude d'organisation, qu'ils exerçaient ensemble le pouvoir d'organiser son emploi du temps en dehors des gardes de nuit, de dimanches et de jours fériés dès lors qu'il n'est pas contesté qu'elle n'interviendrait pas dans ce cadre.
Mme [R] n'est pas non plus utilement contredite quand elle fait écrire qu'elle disposait d'une latitude limitée pour les congés d'été puisqu'elle devait être présente dès la réouverture de la clinique, les anesthésistes titulaires ne prévoyant pas d'être présents à ce moment.
Il est également avéré que Mme [R] ne pouvait se constituer une clientèle propre.
Outre que les vacations pouvaient lui être confiées tous les jours de la semaine, à l'initiative des médecins titulaires sans lui permettre d'organiser la mise en place de consultations personnelles et par suite de se constituer une clientèle propre dans un autre cadre, force est de relever qu'elle exerçait son activité auprès des quatre médecins anesthésistes, pour leur compte, les patients rencontrés étant en réalité les patients adressés par les chirurgiens aux quatre médecins titulaires.
Il doit être observé que les médecins, qu'ils soient salariés ou non, conservent toutjours leur indépendance professionnelle au regard de l'acte médical qu'ils posent, que ce principe déontologique incontournable n'est pas exclusif d'un exercice salarié de la fonction si ce médecin est effectivement soumis à un lien de subordination en ce qui a trait à l'organisation de son travail, à la gestion administrative et financière de ses interventions.
S'agissant de la rémunération, force est de relever que Mme [R] percevait des revenus en fonction du nombre de vacations effectuées, celles -ci faisant l'objet d'une fixation forfaitaire décidée par les docteurs [E] et [T] et les SELARL [M] et [Z] à partir des recommandations du syndicat national des anesthésistes réanimateurs ainsi qu'ils l'admettent.
Ils font eux mêmes valoir qu'il existait une masse commune d'honoraires.
Elle percevait aussi une part complémentaire de revenus, variable, correspondant à un pourcentage (10 %) des dépassements d'honoraires facturés aux patients.
Pendant plusieurs années, elle est intervenue pour le compte des SELARL [M], [Z] et du Dr [E], tous en secteur 1.
A compter de Janvier 2008, elle est aussi intervenue pour le compte du Dr [T], exerçant en secteur 2.
Soutenir qu'elle facturait librement ses dépassements d'honoraires, prérogative normalement attachée au médecin exerçant en libéral est dans ce contexte pour le moins inapproprié dans la mesure où, intervenant aux lieu et place des anesthésistes titulaires exerçant soit en secteur 1, soit en secteur 2, et conservant 90 % des dépassements opérés, il lui revenait en effet dans le cadre de la collaboration de tenir compte des attentes du titulaire en fonction du secteur choisi par chacun pour fixer les dépassements d'honoraires en fonction des situations financières des patients.
Mme [O] [B]- [V], attachée de gestion expose qu'elle avait pour mission de recueillir auprès des médecins remplaçants le montant de leurs dépassements d'honoraires qui devaient leur être rétrocédés en sus du montant de leurs vacations de remplacement, que Mme [R] notait ses dépassements sur les feuilles de jour et lui en communiquaient le montant total, qu'elle la croyait sur parole sans vérifier la justesse de ses calculs ce qui était impossible car elle emportait ses feuilles de jour avec elle et qu'elle n'avait aucune copie.
Pour autant, les quatre intimés ont fait écrire que la part des dépassements d'honoraires revenant à Mme [R] était limitée à 10 %, qu'il n'est pas pertinent de soutenir par la voie de ce témoignage qu'aucun contrôle n'était exercé sur les dépassements réglés par les patients.
Enfin, les intimés ne peuvent soutenir utilement qu'ils se sont limités à « répercuter » à Mme [R] les erreurs commises par elle dans les cotations, alors que les dites erreurs n'ont pas été dénoncées directement par la Haute autorité ou les organismes concernés au docteur [R], mais aux titulaires, qu'ils l'ont interpelée après avoir opéré un contrôle des 15 dossiers remplis par elle et avoir relevé des erreurs dans un dossier sur deux.
Ils ont ainsi exercé un pouvoir de contrôle et de direction sur la gestion administrative des dossiers qui lui étaient confiés, légitimement d'ailleurs, dès lors qu'elle intervenait en leurs lieu et place et remplissait les documents à caractère administratif essentiellement pour leur compte.
Il s'ensuit que Mme [R] a exercé ses fonctions dans le cadre d'un lien de subordination dès lors qu'elle ne disposait pas de la liberté d'organiser ses interventions directement en fonction des sujétions résultant de l'organisation de la clinique, mais qu'elle recevait des consignes de la part des quatre médecins, imposant les plannings et en l' affectant à telle ou telle vacation, qu'elle ne disposait pas de la possibilité de se constituer une clientèle propre, qu'elle devait remplir les dossiers administratifs des clients pour le compte des intimés, que la prétendue liberté de fixer le dépassement d'honoraires était en lien avec le choix du secteur du titulaire pour le compte duquel elle intervenait et qui conservait une partie importante des dépassements.
Enfin, les intimés ne peuvent soutenir que le refus opposé par Mme [R] de signer des contrats de remplacement en Janvier 2009, après qu'elle avait été priée de quitter le cabinet par l'un des médecins titulaires, pendant ou juste après une consultation, ce qu'aucun ne conteste utilement, est à l'origine de la cessation de toute collaboration avec Mme [R] dès lors qu'ils ont postérieurement à ce renvoi de la clinique, tous subordonnés la poursuite des interventions de celle-ci à cette signature, et qu'ils ont unilatéralement cessé de fournir du travail à Mme [R].
Ils communiquent aussi le témoignage déjà évoqué de Mme [O] [B] [V] qui fait état des retards de Mme [R] tant pour la prise de ses fonctions qu'au cours des vacations. Ce témoin ajoute qu'à compter du mois de septembre 2008, le comportement de Mme [R] a changé prenant avec légèreté et détachement les conséquences de ses multiples retards et l'embarras dans lequel elle mettait les patients et les collègues.
En demandant d'abord à Mme [R] de quitter la clinique puis en subordonnant la fourniture de travail et la poursuite de la relation professionnelle à la signature de contrats de remplacement, dans ce contexte décrit par le témoin, les intimés ont en réalité exercé leur pouvoir de sanction disciplinaire, en tant qu'employeur.
La demande tendant à retenir la réalité d'un contrat de travail sera accueillie.
Le jugement déféré sera infirmé.
Sur les demandes subséquentes :
Sur la demande d'indemnité compensatrice de congés payés sur la période non prescrite :
Se fondant sur les sommes perçues au cours des années 2004 à 2008, Mme [R] est fondée à solliciter 10 % des rémunérations correspondantes à l'indemnité compensatrice de congés payés soit 38 978,80 €, étant précisé que les intimés ne formulent aucune objection particulière sur le montant des sommes réclamées à cet égard se limitant à soutenir qu'elle ne peut réclamer des congés payés à défaut d'avoir exercé ses missions dans le cadre d'un lien de subordination.
Les SELARL [M], [Z] et le Dr [E] seront solidairement condamnés au paiement de cette somme de 38 978,80 €.
Le Docteur [T] sera condamnée solidairement avec les trois autres intimés au paiement de la somme de 7 642,90 € au titre des congés payés pour l'année 2008.
Sur la demande au titre des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Aux termes de la lettre que chacun des intimés a adressée à la salariée le 19 décembre 2008, force est de relever qu'ils ont contesté toute revendication salariale de la part de Mme [R] sans formuler aucun grief précis la concernant. Tout au plus, ont-ils expliqué que les remarques faites au sujet des problèmes de cotation résultent de « l'exigence légitime de conformité des prestations aux exigences des CPAM », et exprimé le « souhait que les explications fournies permettraient de rétablir des relations conformes à la sérénité qui avait jusque-là caractérisé leurs rapports professionnels».
En conclusion,chacun des intimés explique être disposé à régulariser des contrats de remplacement si Mme [R] souhaitait continuer à le remplacer.
Cette lettre notifiant une rupture des relations professionnelles décidée unilatéralement par chacun des intimés dès lors que Mme [R] n' acceptait pas de signer des contrats de remplacement, ne comporte aucun grief.
La rupture est donc dépourvue de cause réelle et sérieuse.
Mme [R] est en conséquence fondée à réclamer les indemnités de rupture, c'est-à-dire une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et une indemnité de licenciement ainsi que des dommages et intérêts, en fonction du préjudice subi en application des dispositions de l'article L. 1235-5du code du travail.
La moyenne des trois derniers mois de salaire dont le montant n'est pas discuté s'est élevée à la somme de 7309,30 €.
L'indemnité compensatrice de préavis correspondant en conséquence la somme de 21 928 €.
Les intimés seront solidairement condamnés au paiement de cette somme ainsi qu'à celle de 2192,80 € au titre des congés payés afférents.
L'indemnité de licenciement correspond à un cinquième de mois par année d'ancienneté et à un quinzième de mois par année d'ancienneté au-delà de 10 ans.
Mme [R] a débuté son activité auprès de l'équipe des anesthésistes de la clinique à compter de mars 1998.
Elle avait une ancienneté de 10 ans et 9 mois lors de la rupture des relations contractuelles étant observé que la date de la rupture découle de la lettre valant lettre de licenciement.
L'indemnité de licenciement s'élève donc à la somme de 14 965 €, somme que les intimés seront condamnés solidairement à verser à Mme [R].
Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Compte tenu de l'ancienneté de Mme [R], de sa qualité de son expérience professionnelle, de sa rémunération, des circonstances de la rupture, de ce qu'elle n'a pu percevoir aucune allocation de la part du Pôle emploi, qu'elle a pu exercer de nouveau son activité professionnelle auprès de l'Assistance Publique des hôpitaux de [6] à compter du 1er mai 2009 mais avec une rémunération moindre, la cour est en mesure de fixer à la somme de 100 000 € le montant des dommages-intérêts à lui revenir en réparation du préjudice subi, ainsi que le prévoit l'article L.1235-5 du code du travail.
Sur les dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement :
Il résulte des circonstances propres à l'espèce que Mme [R] n'a effectivement pas été convoquée à un quelconque entretien préalable et n'a donc pu être assistée.
Le préjudice résultant nécessairement de l'absence d'entretien et surtout de l'assistance d'un conseiller justifie l'octroi d'une indemnité de 3 000 € à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct :
Mme [R] est fondée à se prévaloir d'un préjudice distinct de celui qui résulte de la rupture de la relation de travail en raison du caractère brutal et vexatoire de son renvoi même si elle n'établit pas la réalité de faits laissant présumer un harcèlement moral, charge qui lui incombe normalement en application des dispositions des articles 115261 et suivants du code du travail.
Ce préjudice sera justement réparé par la location d'une somme de 5000 €.
Sur la demande de remise de bulletins de salaire, d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail :
Cette demande de remise de documents sociaux est légitime. Il y sera fait droit. Aucune astreinte ne sera toutefois prononcée en l'absence de démonstration de circonstances particulières pertinentes la justifiant.
Sur la demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité commande d'accorder à Mme [R] une indemnité de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimés, qui succombent dans la présente instance seront déboutés de leur demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamnés aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
Statuant contradictoirement et publiquement,
Dit n'y avoir lieu à faire droit à la demande de rejet de pièces,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit que Mme [R] était engagée dans le cadre d'un contrat de travail à l'égard de la SELARL [M] , de la SELARL [Z] , du Dr [E] et du Dr [T],
Condamne solidairement la SELARL [M] , la SELARL [Z] , Dr [E] à verser à Mme [R] la somme de 38 978,80 € au titre du rappel de congés payés sur la période 2004 à 2008 inclus;
Condamne le docteur [T], solidairement avec la SELARL [M] , la SELARL [Z] , Dr [E] à régler à Mme [R] la somme de 7642,90 € au titre des congés payés pour l'année 2008,
Condamne solidairement la SELARL [M] , la SELARL [Z] , Dr [E] et le Dr [T] à verser à Mme [R] les sommes suivantes:
- 21 928 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 2192,80 € au titre des congés payés afférents,
- 14 965 € au titre de l'indemnité de licenciement
- 100 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L.1235-5 du Code du travail,
- 3000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure,
- 5000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct résultant des circonstances brutales et vexatoires de la rupture,
- 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme aux termes du présent arrêt depuis le 1er mars 1998, Une attestation Pôle emploi et un certificat de travail,
Déboute les intimés de leurs demandes d'indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la SELARL [M] , la SELARL [Z] , Dr [E] et le Dr [T] aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,