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06/07/2012 | FRANCE | N°11/14424

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 06 juillet 2012, 11/14424


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRET DU 06 JUILLET 2012



(n° 190, 10 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 11/14424.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2011 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 2ème Section - RG n° 10/12444.









APPELANT :



Monsieur [L] [P]

demeu

rant [Adresse 2],



représenté par la SCP KIEFFER JOLY - BELLICHACH en la personne de Maître Véronique KIEFFER JOLY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0028,

assisté de Maître Virginie LANGLET, avocat au barre...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 06 JUILLET 2012

(n° 190, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/14424.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2011 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 2ème Section - RG n° 10/12444.

APPELANT :

Monsieur [L] [P]

demeurant [Adresse 2],

représenté par la SCP KIEFFER JOLY - BELLICHACH en la personne de Maître Véronique KIEFFER JOLY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0028,

assisté de Maître Virginie LANGLET, avocat au barreau de PARIS, toque C 207.

INTIMÉES :

- SAS TF ET ASSOCIES nouvelle dénomination de la SAS TELFRANCE ET ASSOCIES

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège [Adresse 1],

- SAS RENDEZ-VOUS PRODUCTION SERIE

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège [Adresse 3],

représentées par Maître Thierry SERRA de l'AARPI SERRA ABOUZEID, avocat au barreau de PARIS, toque : E 280,

assistées de Maître Laurent LEGIER plaidant pour la SELAS GENET COLBOC GOUBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0122.

INTIMÉE :

SA FRANCE TELEVISIONS

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 4],

représentée par la SCP GARNIER en la personne de Maître Mireille GARNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J136,

assistée de Maître Bénédicte AMBLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0113.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 mai 2012, en audience publique, devant Monsieur Eugène LACHACINSKI, Président, et Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre, magistrat chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,

Monsieur Benjamin RAJBAUT, président de chambre,

Madame Sylvie NEROT, conseillère.

Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

E X P O S É D U L I T I G E

M. [L] [P], qui exerce la profession d'informaticien, se présente comme auteur amateur de romans et nouvelles et indique avoir publié sur Internet en novembre 2008 sous son nom d'auteur Wilburt Ginger Stone un roman intitulé 'L'héritage du lobotomisé'.

Il déclare avoir constaté en juin 2009 que le thème développé dans son roman aurait été repris par la série télévisée 'Plus belle la vie' diffusée sur la chaîne publique France 3 appartenant au groupe France Télévision, ainsi que les personnages principaux et les intrigues.

Par lettre recommandée du 06 juillet 2009, il a demandé à la société France Télévision de mentionner son nom au générique de fin de la série en qualité d'auteur et de l'indemniser du préjudice subi du fait de la violation de ses droits d'auteur.

Le 01 septembre 2009 il a assigné en référé pour contrefaçon les sociétés France Télévision, TELFRANCE et associés (ci-après TELFRANCE) et Rendez-vous Production Série (ci-après Rendez-vous).

Par ordonnance du 18 novembre 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris l'a débouté de ses demandes aux motifs qu'il ne justifiait pas de la diffusion de son roman et qu'il n'était pas établi que les auteurs de la série 'Plus belle la vie' aient eu connaissance de son 'uvre.

Estimant qu'à compter du 30 avril 2010, la société France Télévision diffusait des épisodes de la série 'Plus belle la vie' reprenant à nouveau des éléments de son roman et qu'apparaissait un personnage dont le nom de [F] constituerait un anagramme de son patronyme, il assignait les 29 et 30 juillet 2010 les sociétés France Télévision, TELFRANCE et Rendez-vous en contrefaçon de droits d'auteur et atteinte à son honneur.

Par jugement contradictoire du 01 juillet 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit n'y avoir lieu à mise hors de cause de la société TELFRANCE,

- déclaré M. [L] [P] irrecevable en ses demandes en contrefaçon,

- débouté M. [L] [P] de l'ensemble de ses autres demandes,

- rejeté les demandes formées au titre de la procédure abusive,

- condamné M. [L] [P] à payer à la société France Télévision la somme de 2.500 € et aux sociétés TELFRANCE et Rendez-vous la somme globale de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [L] [P] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

M. [L] [P] a interjeté appel de ce jugement le 29 juillet 2011.

Vu les dernières conclusions signifiées le 18 avril 2012 par lesquelles M. [L] [P] prie la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- l'accueillir en son action,

- dire qu'il est l'auteur du roman 'L'héritage du lobotomisé',

- dire que les similitudes entre son roman et les épisodes litigieux de la série télévisée 'Plus belle la vie' diffusés entre le 04 juin 2009 et le 27 août 2009 puis du 30 avril 2010 au 10 mai 2010 sont telles que la preuve est rapportée de la contrefaçon et du plagiat de son 'uvre par les producteurs de la série, les sociétés TELFRANCE et Rendez-vous,

- dire que les sociétés TELFRANCE et Rendez-vous ont contrefait son roman sans son consentement,

- dire que la société France Télévision a diffusé les épisodes litigieux de la série télévisée 'Plus belle la vie' sans son consentement,

- dire en conséquence que les sociétés TELFRANCE, Rendez-vous et France Télévision ont porté atteinte à son droit d'auteur ainsi qu'à son droit moral et à ses droits patrimoniaux,

- le déclarer en conséquence recevable en son action en contrefaçon et le dire bien fondé en ses demandes,

- condamner in solidum les sociétés France Télévision, TELFRANCE et Rendez-vous à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son droit moral en tant que titulaire du droit d'auteur sur son ouvrage,

- condamner in solidum les sociétés France Télévision, TELFRANCE et Rendez-vous à lui payer la somme de 80.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de ses droits patrimoniaux,

- condamner in solidum les sociétés France Télévision, TELFRANCE et Rendez-vous à lui verser 50 % des bénéfices de vente des produits dérivés portant sur les épisodes litigieux contrefaisant le roman,

- interdire aux producteurs d'utiliser dans les prochains épisodes les noms plagiés de [G] et [F] sous astreinte de 150 € par épisode,

- dire que les scénaristes de la série télévisée 'Plus belle la vie' utilisent par anagramme son patronyme à des fins calomnieuses et portent atteinte à son honneur,

- les condamner en conséquence à lui verser la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son honneur et à sa réputation,

- débouter les sociétés France Télévision, TELFRANCE et Rendez-vous de leur demande en dommages et intérêts à hauteur de 10.000 € pour procédure abusive,

- condamner in solidum les sociétés France Télévision, TELFRANCE et Rendez-vous à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions signifiées le 09 mai 2012 par lesquelles la société France Télévision prie la cour de

- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes sur le fondement de la procédure abusive,

- condamner M. [L] [P] au paiement de la somme de 5.000 € pour procédure abusive,

A titre très infiniment subsidiaire :

- ramener la demande d'indemnisation, dont le quantum n'est pas justifié, à de plus justes proportions,

- condamner in solidum les sociétés TELFRANCE et Rendez-vous à la garantir contre toute condamnation prononcée à son encontre,

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions signifiées le 10 mai 2012 par lesquelles la SAS TF et associés (nouvelle dénomination de la société TELFRANCE) et la SAS Rendez-vous Production Série prient la cour de :

- rejeter les demandes de M. [L] [P] à leur encontre et les mettre hors de cause,

- dire que M. [L] [P] est défaillant dans l'administration de la preuve de la contrefaçon,

- dire l'absence de similarités probantes rapportées par M. [L] [P] et donc l'absence de contrefaçon de son 'uvre par les auteurs de la série 'Plus belle la vie',

- dire que le nom et le prénom de M. [L] [P] n'ont pas été utilisés à des fins calomnieuses,

- dire irrecevables les nouvelles demandes d'appel formulées par M. [L] [P] et, à titre subsidiaire, juger l'absence de similarités probantes rapportées par M. [L] [P] et donc l'absence de contrefaçon de l''uvre 'cycle de vie' de M. [L] [P] par les auteurs de la série 'Plus belle la vie',

- débouter en conséquence M. [L] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [L] [P] au versement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner M. [L] [P] au paiement de la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 mai 2012.

M O T I F S D E L ' A R R Ê T

I : SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ACTION EN CONTREFAÇON DU ROMAN 'L'HÉRITAGE DU LOBOTOMISÉ' ENGAGÉE PAR M. [L] [P] :

Considérant que les premiers juges ont déclaré M. [L] [P] irrecevable en ses demandes en contrefaçon au motif qu'il ne rapportait pas la preuve qu'il était l'auteur du roman 'L'héritage du lobotomisé' publié sous le pseudonyme de Wilburt Ginger Stone.

Considérant que M. [L] [P] affirme rapporter la preuve qu'il est bien l'auteur de ce roman en produisant l'attestation de M. [C] [M] qui confirme que celui-ci a écrit ce roman sous son nom d'emprunt de Wilburt Ginger Stone ; qu'il affirme justifier de sa diffusion en mars 2009 par la production des courriels d'éditeurs accusant réception de l'envoi de son tapuscrit ; qu'il déclare également verser aux débats deux contrats de commercialisation de ce roman antérieurs à l'émission qu'il qualifie de plagiat et où il apparaît bien en qualité d'auteur avec la mention de son pseudonyme.

Considérant que la société France Télévision conclut sur ce point à la confirmation du jugement entrepris en faisant valoir que l'ouvrage a été divulgué sous le nom de Wilburt Ginger Stone sous la traduction de M. [L] [P], que l'attestation de M. [C] [M], outre qu'elle ne répond pas aux conditions de l'article 202 du code de procédure civile, est lacunaire et imprécise, que les courriels ne permettent pas de rapporter la preuve de la qualité d'auteur de M. [L] [P] et que les dernières pièces produites sont toutes postérieures aux faits de contrefaçon allégués.

Considérant que pour leur part la SAS TF et associés et la SAS Rendez-vous n'ont pas conclu sur la titularité des droits d'auteur de M. [L] [P].

Considérant, ceci exposé, que le roman 'L'héritage du lobotomisé' dont M. [L] [P] revendique la titularité des droits d'auteur, n'a pas été divulgué sous son nom mais sous celui de Wilburt Ginger Stone ; que dès lors il lui appartient de rapporter la preuve de sa qualité d'auteur de l''uvre revendiquée.

Considérant que si les premiers juges ont écarté, comme insuffisamment probants, les documents présentés en première instance par M. [L] [P], celui-ci produit devant la cour l'attestation rédigée le 18 janvier 2012 par M. [X] [K], directeur de la société d'édition EDILIVRE, selon laquelle M. [L] [P] a adressé à cette société le 25 mars 2009 le tapuscrit du roman litigieux sous le pseudonyme de Wilburt Ginger Stone et qu'en réponse il lui a été adressé le 27 avril 2009 un contrat de publication qui a été signé le 20 janvier 2010.

Considérant qu'il est également produit devant la cour ce contrat de publication conclu entre la société EDILIVRE et M. [L] [P], qui mentionne expressément que celui-ci est bien l'auteur de ce roman qui sera publié sous le pseudonyme de Wilburt Ginger Stone.

Considérant qu'il apparaît en conséquence que devant la cour M. [L] [P] justifie être l'auteur du roman 'L'héritage du lobotomisé' sous le pseudonyme de Wilburt Ginger Stone.

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L 113-6, premier alinéa du code de la propriété intellectuelle, les auteurs des 'uvres pseudonymes jouissent sur celles-ci des droits reconnus par l'article L 111-1.

Considérant dès lors que le jugement entrepris sera infirmé et que, statuant à nouveau, M. [L] [P] sera déclaré titulaire des droits d'auteurs sur le roman 'L'héritage du lobotomisé' et, par conséquent, recevable en son action en contrefaçon.

II : SUR LA CONTREFAÇON DU ROMAN 'L'HÉRITAGE DU LOBOTOMISÉ' :

Considérant que M. [L] [P] fait valoir que les intimés ont pu avoir connaissance de son roman 'L'héritage du lobotomisé' et avoir plagié celui-ci dans les épisodes litigieux de la série 'Plus belle la vie'.

Considérant qu'il indique être membre depuis le 01 avril 2009 de l'association des auteurs autoédités, date à laquelle il a mis en ligne et proposé à la vente sur le site de cette association son roman, soit à une date antérieure à celle de la diffusion du premier épisode comportant des éléments contrefaits le 04 juin 2009.

Considérant qu'il ajoute que les courriels d'éditeurs accusant réception de l'envoi de son tapuscrit constituent la preuve de la diffusion de celui-ci antérieurement à la diffusion, à partir du mois de juin 2009, des épisodes de la série 'Plus belle la vie' plagiant son roman.

Considérant enfin qu'il déclare verser aux débats deux contrats de commercialisation de son ouvrage, reçus avant le plagiat.

Considérant que pour sa part, la société France Télévision fait valoir que M. [L] [P] ne justifie pas de façon certaine et probante de la date de mise en ligne de son roman ni même de son contenu, les documents produits se bornant à faire référence au titre d'une 'uvre, sans attester valablement de son contenu à l'époque.

Considérant que la SAS TF et associés et la SAS Rendez-vous font valoir que M. [L] [P] n'a signé aucun contrat d'édition avant la diffusion des épisodes prétendument contrefaisants et qu'aucune des pièces produites ne démontre que le roman 'L'héritage du lobotomisé' a été diffusé sur Internet ou vendu avant la diffusion des épisodes litigieux et que les producteurs ont pu en avoir eu connaissance avant l'écriture de ces épisodes.

Considérant, ceci exposé, que les épisodes prétendument contrefaisants de la série 'Plus belle la vie' sont, selon M. [L] [P], les épisodes 1245 à 1289 diffusés à la télévision du 04 juin 2009 au 27 août 2009 et les épisodes 1455 à 1461 diffusés du 30 avril 2010 au 10 mai 2010, étant précisé que l'écriture des scénarios et le tournage des épisodes sont nécessairement antérieurs à ces dates. 

Considérant que le demandeur à la contrefaçon doit établir que l'auteur de l''uvre seconde a, suivant les circonstances propres à chaque espèce, été mis à même d'avoir eu connaissance de l''uvre première.

Considérant qu'il appartient dès lors à M. [L] [P] de rapporter la preuve de la date à laquelle son roman 'L'héritage du lobotomisé' a été porté à la connaissance du public.

Considérant que l'attestation en date du 28 juillet 2009 au nom de M. [C] [M], en sa qualité de président de l'association des auteurs autoédités est un document dactylographié comportant une signature illisible, qu'elle n'est accompagnée d'aucun document justifiant de l'identité de son auteur et de sa signature et ne répond pas aux conditions de l'article 202 du code de procédure civile.

Considérant qu'un tel document, établi sur une feuille sans en-tête, entièrement dactylographié, sans aucune justification de l'identité de son auteur supposé ne présente pas de garanties suffisantes pour emporter la conviction de la cour et ne peut donc être retenu comme un élément de preuve suffisant.

Considérant par ailleurs que l'impression d'écran de la page du site Internet de l'association des auteurs autoédités relative à la mise en vente du roman ne comporte aucune date et ne peut donc également pas constituer un élément probant.

Considérant que les courriels émanant d'éditeurs ne sont que des réponses à l'envoi, par M. [L] [P], de son tapuscrit sans qu'aucun d'eux ait entrepris d'en assurer la publication ; qu'une de ces maisons d'édition (représentée par Mme [S] [Y]) certifie même ne pas avoir donné suite à cet envoi et n'avoir jamais diffusé ce tapuscrit 'de quelque manière que ce soit par [ses] services'.

Considérant que le contrat de fabrication, diffusion et commercialisation du roman litigieux, passé entre M. [L] [P] et la société Editions Velours ne comporte aucune date et que si le contrat de publication passé avec la société EDILIVRE a été signé le 20 janvier 2010, il ressort de l'attestation susvisée de M. [X] [K] que ce roman n'a été disponible au format papier et électronique sur la librairie en ligne de cette maison d'édition qu'à partir de la fin du mois d'avril 2010.

Considérant enfin que l'impression d'écran d'une page d'un site Internet mentionnant le nombre de consultations en ligne du roman litigieux depuis sa publication n'établit pas davantage que celui-ci ait été diffusé sur Internet avant la diffusion en 2009 et en 2010 des épisodes en cause de la série 'Plus belle la vie' ; qu'en effet, bien au contraire, le graphique statistique du nombre total de consultations en ligne du roman depuis sa publication (473) ne commence qu'au mois de janvier 2011.

Considérant qu'il n'est donc pas rapporté la preuve par M. [L] [P] de ce que les producteurs et le diffuseur de la série 'Plus belle la vie' aient pu avoir connaissance du roman 'L'héritage du lobotomisé' avant l'écriture du scénario et le tournage des épisodes prétendument contrefaisants, ni même avant leur diffusion et qu'ils aient pu ainsi se rendre coupable d'actes de contrefaçon de ce roman.

Considérant par ailleurs que si, dans le corps de ses conclusions, M. [L] [P] fait, pour la première fois devant la cour, allusion au fait que son roman 'L'héritage du lobotomisé' ne serait pas le seul à avoir largement inspiré les auteurs de la série 'Plus belle la vie', se référant à un précédent roman, intitulé 'Cycle de vie' auto-édité en 1993, force est de constater qu'il ne présente aucune demande à ce titre dans le dispositif de ses conclusions d'appel.

Considérant en conséquence que M. [L] [P] sera débouté de l'ensemble de ses demandes en contrefaçon du roman 'L'héritage du lobotomisé'.

III : SUR L'ATTEINTE À L'HONNEUR DE M. [L] [P] :

Considérant que M. [L] [P] soutient que les producteurs et scénaristes de la série 'Plus belle la vie' ont utilisé son patronyme qu'ils ont adapté au moyen d'une anagramme pour devenir un personnage de la série dénommé [F], apparu dès le 17 juillet 2009, ce qui est la preuve de leur intention malicieuse à son encontre.

Considérant qu'il fait en effet valoir que la preuve de l'intention de nuire apparaît dans la personnalité même du personnage [F] qui est dépeint dans la série comme un être vil, suspecté de pratiquer des opérations de prélèvements illégaux d'organes sur des 'sans domicile fixe' et que le risque d'amalgame dans l'esprit du public est très important.

Considérant qu'il ajoute qu'en mars 2011 est apparu dans la série un personnage appelé [L] qui est un escroc et un truand, évadé de prison et que l'utilisation de ce patronyme pour la création d'un personnage aussi vil tend là aussi à porter atteinte à son honneur.

Considérant que la SAS TF et associés et la SAS Rendez-vous contestent toute intention de nuire en faisant valoir, pour leur part, que le nom du personnage de la série dénommé [F] est assez éloigné du patronyme [P] et ne peut en être considéré comme l'anagramme.

Considérant que la société France Télévision fait valoir qu'aucune demande n'est présentée contre elle par M. [L] [P] de ce chef au dispositif de ses conclusions.

Considérant que si, dans le corps de ses conclusions, M. [L] [P] demande la condamnation in solidum des sociétés intimées à lui verser la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à son honneur, force est de constater qu'au dispositif de ses conclusions il ne demande condamnation de ce chef qu'à l'encontre des 'scénaristes de la série télévisée Plus belle la vie'.

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 954, 2ème alinéa du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ; que dès lors la cour ne peut que déclarer irrecevables la demande en dommages et intérêts de M. [L] [P] pour atteinte à son honneur en ce qu'elle est présentée à l'encontre de personnes qui ne sont pas parties à l'instance et qui ne sont même pas identifiées.

IV : SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES EN DOMMAGES ET INTÉRÊTS POUR PROCÉDURE ABUSIVE :

Considérant que la société France Télévision fait valoir que M. [L] [P] persiste dans ses demandes sans apporter plus d'éléments sérieux en cause d'appel qui soient de nature à établir ses droits et leur violation alléguée et sans arguments sérieux, l'exposant à une longue procédure judiciaire ; qu'elle réclame la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Considérant que la SAS TF et associés et la SAS Rendez-vous estiment que M. [L] [P] persiste dans ses errements en faisant appel sans apporter de nouveaux éléments probants et en présentant des demandes fantaisistes ; qu'il n'a pu, après trois ans de procédure, se méprendre sur l'étendue de ses droits et a engagé une procédure manifestement abusive qui les oblige à répondre en détail à toutes ses demandes.

Considérant qu'ils précisent que M. [L] [P] cherche uniquement à profiter du succès de la série 'Plus belle la vie' pour en retirer des bénéfices pécuniaires et lui réclament la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Considérant que M. [L] [P] conclut au débouté de ces demandes en faisant valoir que sa démarche tend au respect de sa liberté créatrice et que les intimées ne rapportent pas la preuve d'une intention de nuire ou d'une légèreté blâmable de sa part.

Considérant, ceci exposé, que les intimés ne rapportent pas la preuve d'une faute de M. [L] [P] de nature à faire dégénérer en abus son droit d'ester en justice et d'user des voies de recours prévues par la loi, alors surtout qu'en cause d'appel sa qualité d'auteur de l''uvre reconnue a été reconnue par la cour.

Considérant en conséquence que la société France Télévision d'une part et les sociétés TF et associés et Rendez-vous Production Série d'autre part seront déboutées de leurs demandes respectives en dommages et intérêts contre M. [L] [P] pour procédure abusive.

V : SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant qu'il est équitable d'allouer à la société France Télévision la somme de 5.000 € et à la SAS TF et associés et la SAS Rendez-vous ensemble la somme de 5.000 € au titre des frais par elles exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles de première instance.

Considérant que M. [L] [P], partie perdante, ne pourra qu'être débouté de sa propre demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Considérant que, pour les mêmes motifs, M. [L] [P] sera condamné au paiement des dépens de la procédure d'appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur la charge des dépens de première instance.

P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement.

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens et, statuant à nouveau :

Dit que M. [L] [P] justifie de la qualité d'auteur du roman 'L'héritage du lobotomisé' sous le pseudonyme de Wilburt Ginger Stone et de la titularité de ses droits d'auteur.

Déclare en conséquence recevable l'action de M. [L] [P] en contrefaçon du dit roman mais le dit mal fondé.

Déboute M. [L] [P] de l'ensemble de ses demandes en contrefaçon.

Déclare M. [L] [P] irrecevable en sa demande en dommages et intérêts pour atteinte à son honneur.

Déboute la société France Télévision d'une part et les sociétés TF et associés et Rendez-vous Production Série d'autre part de leurs demandes respectives en dommages et intérêts à l'encontre de M. [L] [P] pour procédure abusive.

Condamne M. [L] [P] à payer à les sommes complémentaires suivantes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens :

- à la société France Télévision : CINQ MILLE EUROS (5.000 €),

- à la SAS TF et associés et la SAS Rendez-vous Production Série ensemble : CINQ MILLE EUROS (5.000 €),

Déboute M. [L] [P] de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [L] [P] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 11/14424
Date de la décision : 06/07/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°11/14424 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-07-06;11.14424 ?
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