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06/07/2012 | FRANCE | N°08/24092

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 06 juillet 2012, 08/24092


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 06 JUILLET 2012



(n° 2012- , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/24092



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2008 - Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 06/02694





APPELANTS:



Monsieur [F] [R]

[Adresse 5]

[Localité 1]



Monsieur

[N] [C]

[Adresse 4]

[Localité 2]





représentés par la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocats au barreau de PARIS, toque : L0050

assistés de Maître Michel MATHIEU, avocat au barreau de LAON, plaidant pour ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 06 JUILLET 2012

(n° 2012- , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/24092

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2008 - Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 06/02694

APPELANTS:

Monsieur [F] [R]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Monsieur [N] [C]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentés par la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocats au barreau de PARIS, toque : L0050

assistés de Maître Michel MATHIEU, avocat au barreau de LAON, plaidant pour la SCP MATHIEU-DEJAS-LOIZEAUX

INTIME:

Monsieur [Z] [U]

c/o AREDA SARL, [Adresse 3],

[Adresse 3] (SUISSE)

représenté par la SELARL KUCKENBURG BURETH ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : P0529

assisté de Maître Olivier BURETH de la SELARL KUCKENBURG BURETH ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0529

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Avril 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Jacques BICHARD, Président

Marguerite-Marie MARION, Conseiller

Guy POILÂNE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Guénaëlle PRIGENT

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jacques BICHARD, Président et par Claire VILAÇA, Greffier.

****

Considérant qu'il avait engagé sa responsabilité professionnelle dans la réalisation d'un acte vétérinaire pratiqué sur leur jument, Monsieur [F] [R] et Monsieur [N] [C] ont fait assigner le Docteur [Z] [U] devant le Tribunal de grande instance de CRETEIL ;

Par jugement contradictoire du 25 novembre 2008 le Tribunal de grande instance de CRETEIL a :

- débouté Messieurs [R] et [C] de l'ensemble de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum Messieurs [R] et [C] aux dépens en ce inclus les frais de l'expertise judiciaire ;

Par déclaration du 28 décembre 2008, Monsieur [F] [R] et Monsieur [N] [C] ont interjeté appel de ce jugement ;

Par arrêt rendu le 15 octobre 2010, avant dire droit sur la responsabilité du Docteur [Z] [U], la Cour a :

- ordonné une nouvelle expertise confiée au Docteur [K] [T] (l'Expert),

- sursis à statuer sur les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens ;

L'Expert a clôturé son rapport le 25 avril 2011 ;

Dans leurs dernières conclusions après expertise déposées le 16 mars 2012, Monsieur [F] [R] et Monsieur [N] [C] demandent à la Cour, au visa de divers constats et de l'article 1147 du Code civil, de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- condamner le Docteur [U] à verser à Monsieur [C] la somme de 250 000 € en réparation du préjudice subi du fait de la perte de la jument [O],

- débouter le Docteur [U] de toutes ses demandes fines et conclusions,

- condamner le Docteur [U] au paiement de la somme de 12 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise ;

Dans ses dernières conclusions après expertise déposées le 22 mars 2012 le Docteur [Z] [U] demande à la Cour, au visa de l'article 1147 du Code civil et 559 du Code de procédure civile, de :

A titre principal,

- confirmer la décision du Tribunal de grande instance de Créteil et débouter les appelants de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

A titre reconventionnel,

- condamner les appelants à verser à Monsieur [Z] [U] en tant que débiteurs solidaires, la somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive en application de l'article 559 du Code de procédure civile,

En tout état de cause,

- condamner les appelants à payer une amende civile d'un montant de 3 000 € au titre de l'article 559 du Code de procédure civile,

- condamner les appelant à verser à Monsieur [Z] [U], en tant que débiteurs solidaires, la somme de 64 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 mars 2012 ;

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,

Considérant qu'il y a lieu de se reporter à l'arrêt avant dire droit précédemment rendu par cette Chambre, pour l'exposé des faits ;

SUR QUOI,

Considérant que, dans leurs dernières conclusions auxquelles il convient de se référer pour le détail de leur argumentation, Monsieur [F] [R] et Monsieur [N] [C] (Messieurs [R] et [C]) estiment que la responsabilité du Docteur [Z] [U] (Docteur [U]) résulte de manquements successifs, à savoir, une absence de preuve de la légalité de l'exercice vétérinaire en France, ce qui constitue une infraction à la déontologie retenue par l'expert, un lien de causalité immédiat entre l'acte vétérinaire et la lacération ayant nécessité l'euthanasie de la pouliche, un défaut d'information et de recueil de consentement du propriétaire préalablement à la mise en oeuvre d'un acte risqué, alors qu'il procède habituellement à une mise en garde pour des actes moins dangereux et qu'un document permettant cette information était disponible à la clinique, une négligence dans la contention de ce cheval de course (absence de tord-nez), par hypothèse, pas habitué à ce type d'examen, enfin une négligence dans l'identification et la prise en charge de la lésion initiale, alors que la jument était en clinique où il disposait des meilleures conditions pour la soigner ; que, se fondant sur l'évaluation du premier expert et les performances européennes de [M], frère de [O], ils évaluent leur préjudice à la somme de 250 000 € compte tenu de la qualité génétique et la valeur sportive de cette dernière, notamment en comparaison des valeurs et gains des pouliches qu'elle a battu lors des coures auxquelles elle a participé ;

***

Considérant qu'il sera rappelé que se forme entre le vétérinaire et le propriétaire de l'animal un contrat comportant pour le praticien l'engagement de donner des soins attentifs et conformes aux données acquises de la science et que le vétérinaire n'est tenu que d'une obligation de moyen, sa responsabilité ne pouvant être retenue qu'en cas de faute prouvée ;

Considérant, en l'absence de démonstration de son incidence sur l'issue du litige, que le défaut d'inscription du Docteur [U] au tableau de l'Ordre des vétérinaires français dénoncé par Messieurs [R] et [C] n'est pas de nature à engager sa responsabilité dans le dommage subi ;

Considérant que si un lien de causalité peut être retenu entre l'acte vétérinaire pratiqué et la lésion litigieuse, celui-ci ne peut constituer à lui seul la démonstration d'une faute du Docteur [U] de nature à engager sa responsabilité professionnelle ;

Qu'en l'espèce, il résulte de l'expertise ordonnée par la Cour que :

-'[O] a été présentée au Docteur [U] pour second avis, afin de tenter de remédier à un trouble locomoteur sans doute subtil, mais affectant les performances d'un cheval de course au trot, qui en sont une qualité substantielle. Monsieur [Y], personnalité reconnue dans ce milieu, ayant indiqué à Monsieur [C], professionnel expérimenté tant en qualité d'entraîneur de trotteurs, que de jockey, que le Docteur [U] possédait des compétences spéciales dans ce domaine, et avait rendu à sa jument MILIA PIERJI la possibilité d'atteindre un niveau de performance très élevé.' (p. 6) ;

- 'il apparaît (donc) difficilement discutable que la palpation trans-rectale constitue bien une étape majeure dans la démarche diagnostique d'une affection orthopédique du cheval, a fortiori lorsque l'animal est soupçonné de lombalgie, d'après les constatations des utilisateurs, et au terme d'un examen clinique non invasif. Dans le cas d'un examen orthopédique demandé en second avis, à un praticien recherché pour sa compétence particulière dans le domaine'(en l'espèce, le Docteur [U]) 'nous considérons qu'il serait inconcevable que ce 'spécialiste' néglige la réalisation d'un acte essentiel pour établir et/ou infirmer ses conclusions.' (p. 9) ;

- la palpation trans-rectale désignée également 'fouille rectale' est un acte couramment mis en oeuvre, notamment dans le diagnostic des anomalies locomotrices ne relevant pas de manière indiscutable d'une affection périphérique et sa technique est bien codifiée (p. 10) ;

- l'expérience en ce domaine ne met aucun praticien à l'abri d'un accident de lacération rectale lors de cet examen, lorsqu'il est causé par un phénomène péristaltique (mécanisme réflexe du tube digestif nécessaire au transit des ingesta) ou spastique (mécanisme réflexe imprévisible et incontrôlable), (p. 13) ;

Qu'en ce qui concerne l'examen spécifique de [O], l'expert, relève que le Docteur [U] a interrompu la fouille rectale après avoir constaté la présence d'une discrète trace de sang sur son gant de fouille, s'est abstenu de prolonger l'examen tant du côté opposé que dans la recherche de la source de cette trace sanglante 'dans l'intention de ne pas aggraver par des manifestations intempestives une lésion qu'il supposait bénigne', que ces décisions, 'même si la supposition de bénignité peut être discutée', 'relèvent indiscutablement d'une pratique attentive de l'intérêt de son patient' (p. 13) ; que par ailleurs, il note que si la contention de l'animal est considérée par de nombreux acteurs comme une nécessité impérieuse, il est aussi admis qu'avec de la pratique et du savoir-faire, il est possible de réaliser cet examen avec un minimum de contention, c'est-à-dire sans tord nez ni pied levé (p. 10 et 11) et conclut que 's'il est probable que le Docteur [U] n'a pas ordonné la mise en place du tord-nez, et certain qu'il ne pouvait s'assurer, étant à la queue, des moyens effectivement mis en place par Monsieur [B]' (convoyeur de la jument délégué par Monsieur [C]) 'homme de tête, il n'est pas avéré qu'il a failli à ses obligations de contention appropriée, ni qu'un échec de la contention puisse être rendu en tout ou partie responsable de l'accident. La présente expertise n'a pas permis d'établir la preuve que le Docteur [U] ait commis une faute pouvant avoir causé ou facilité l'accident de lacération rectale survenu à la jument NAPOLINA. En l'état de l'information, nous concluons que l'accident survenu à [O] relève d'un aléa thérapeutique.' (p. 14), observation faite qu'aucune réaction de [O] n'a été rapportée par Monsieur [B] (qui témoignait à l'appui des appelants) ce qui tend à établir que la contention pratiquée était appropriée (p. 13 et 14) ;

Considérant en ce qui concerne l'appréciation de l'importance et des conséquences de la lésion par le Docteur [U], que celui-ci a mis en place des mesures hygiéniques et médicamenteuses purement conservatoires recommandées en cas de lésion de grade 1 alors que l'autopsie ultérieurement pratiquée laisse supposer une lésion de grade 3 s'étant dégradée en grade 4 avec péritonite aiguë fatale ;

Que cependant, l'Expert, qui indique que le diagnostic était purement présomptif et ne pouvait reposer sur aucun élément de confirmation objective en l'état des moyens mis en oeuvre, affirme néanmoins qu'en prescrivant à Monsieur [C] une attitude d'expectative conservatoire, le Docteur [U] 'a agit sans aucun doute dans l'intérêt de son patient et de son client, compte tenu du taux élevé de complications et d'échecs de la prise en charge agressive' (p. 39) ; Qu'il précise en effet qu'il s'agissait de gestes techniques particulièrement onéreux, lourds, aléatoires et susceptibles en outre d'aggraver la lésion ;

Qu'ainsi, à supposer qu'il ait évoqué avec Monsieur [C] la possibilité de vérifier par fibroscopie et/ou chirurgie, la nature, la localisation et le pronostic des lésions de [O], il n'est pas certain que Monsieur [C] aurait choisi d'investir une somme importante (10 000 à 15 000 €) pour, indique l'Expert, 'une intervention de pronostic médiocre aboutissant au meilleur des cas à récupérer un animal diminué' (p. 39) ;

Que dès lors, il ne peut être retenu à l'encontre du Docteur [U] une faute et, par voie de conséquence, une perte de chance de survie de la jument et que le jugement déféré doit être confirmé ;

***

Considérant que le droit de défendre en justice ses intérêts ne dégénère en abus de nature à justifier l'allocation de dommages-intérêts que dans l'hypothèse d'une attitude fautive génératrice d'un dommage ; que la preuve d'une telle faute de la part des appelants n'est pas rapportée qu'il n'y a donc lieu ni à amende civile ni à dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que l'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile dans les termes du dispositif à intervenir ;

Considérant que succombant en leur appel, Messieurs [R] et [C] devront supporter les dépens qui comprendront les frais de l'expertise ordonnée par la Cour ;

PAR CES MOTIFS,

VU l'arrêt du 15 octobre 2010,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Monsieur [F] [R] et Monsieur [N] [C] à verser à Monsieur [Z] [U] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

REJETTE toutes autres demandes des parties,

CONDAMNE Monsieur [F] [R] et Monsieur [N] [C] au paiement des entiers dépens qui comprendront les frais de l'expertise ordonnée par arrêt du 15 octobre 2010 avec admission de l'Avocat concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 08/24092
Date de la décision : 06/07/2012

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°08/24092 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-07-06;08.24092 ?
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